Pierre BRETAUDEAU1931 - 2021
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4038
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1957 - 2014 (Malacca)
Biographie
[4038] BRETAUDEAU Pierre est né le 25 janvier 1931 au Poiré-sur-Vie (Vendée). Ordonné prêtre le 2 avril 1956, il part le 1er octobre 1957 pour la mission de Kuala-Lumpur (Malaisie). Il étudie l'anglais à Kuala-Lumpur et le tamoul à Attur en Inde, puis il est nommé vicaire à Sen-tul (1960). Il est ensuite envoyé à la paroisse Notre-Dame-de-Fatima à Brickfields (1964), à la cathédrale de Kuala Lumpur (1966), à la paroisse indienne de Seremban (1967), à Tampin (1977), à la paroisse Saint-Antoine de Kuala-Lumpur (1988- et à Kawang, dans le Selangor (1998). Il rentre définitivement en France en 2014 et se retire dans un foyer pour prêtres à La-Roche-sur-Yon, avant de s'installer dans un foyer médicalisé pour prêtres aux Herbiers, où il meurt le 2 septembre 2021 à l’âge de 90 ans.
Nécrologie
Pierre Bretaudeau
(1931-2021)
Petit Pierre, oui, mais c’était un grand homme. Par son audace et sa créativité, par ses rêves et ses projets, par ses résultats surprenants, par la manière dont il savait se relever d’un échec et repartir avec un élan qu’on n’attendait pas, il était grand. Et s’il nous irritait, il fallait reconnaître qu’il savait contourner les obstacles et trouver de nouveaux chemins.
Toujours en mouvement, courant plus que marchant, pirouettant sur ses talons, il avait un magnifique sourire qui attirait et aussi demandait le pardon après erreur, oubli ou accident.
Oh ! Il avait un calendrier bien à jour et bien rempli, mais il oubliait de l’ouvrir, et au jour et à l’heure d’une réunion importante à Kuala Lumpur, il se trouvait en route pour Malacca. Mais il retombait sur ses pieds… Comment ? C’était son secret.
Curé de paroisse en ville, vingt ans et plus de pastorale dans les plantations d’hévéas, bâtisseur du centre diocésain et d’une école secondaire au cœur de la capitale, visiteur des boat people parqués dans quelques îles de la côte est, curé de la paroisse pèlerinage à saint Jude, et à l’occasion d’une messe de première communion pour les francophones, on pouvait compter sur lui …
Les restrictions de vitesse, il ne les voyait pas, et les tôles froissées de sa voiture racontaient des événements qu’il préférait éviter. Mais s’il y a eu des accrocs, et ce dès son séminaire, il n’y a jamais eu d’accident sérieux. Son père, garagiste, réparait la casse.
Avec tout cela et bien plus, il méritait la légion d’honneur qui lui fut décernée. Nouvelle qu’il apprit en lisant un vieux numéro de La Croix à Singapour, où il prenait un temps de repos. Il nous assura ne jamais en avoir entendu parler… Avait-il oublié ? Mais quelle remise de la médaille à l’ambassade de Kuala Lumpur ! Les invités se préparaient à quitter les lieux car le héros arriva avec une heure et demie de retard, ayant oublié les encombrements de la capitale en fin d’après-midi. Un sourire contrit, courbette à gauche, courbette à droite, en avant toutes : champagne et ambiance retrouvée… On s’en rappellera.
Et pendant 57 ans, petit Pierre fut au service du Seigneur dans le champ qu’on lui avait assigné : la Malaisie.
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Né le 25 janvier 1931 au Poiré-sur-vie en Vendée, bourgade proche de La-Roche-sur-Yon, Pierre est le troisième d’une fratrie de cinq. Son père est garagiste, son frère aîné prendra la suite, et un neveu actuellement continue la tradition.
Après ses études primaires au Poiré, il fait son secondaire au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers de 1944 à 1949. Il continue sa formation pour deux ans au grand séminaire de Luçon. Service militaire en Algérie et un an de professorat au collège Amiral Merveilleux du Vignaux aux Sables d’Olonne avant de pouvoir rejoindre les Missions Étrangères le 21 Septembre 1953.
De 1954 à 1956, le voilà à Rome pour une licence en théologie à l’université grégorienne. Il est ordonné prêtre le lundi de Pâques 1956 dans l’église du Poiré par Monseigneur A. Derouineau. Il part pour Kuala Lumpur le 1er octobre 1957.
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Les premières années en mission
Pierre débarque à Singapour en octobre 1957, après un voyage au cours duquel son compagnon de cabine, le père E. Becheras, rentrant de congés, mourut des suites d’un coma diabétique. Après quelques jours, il est à Kuala Lumpur, logeant au presbytère de la cathédrale, auprès du père E. Limat, ancien de Chine, curé et jeune vicaire général et R. Laurent, un missionnaire d’avant la guerre qui bientôt va devenir le supérieur régional du groupe Missions Étrangères de Malaisie-Singapour. L’essentiel pour lui est l’étude de l’anglais, et tous les jours une religieuse irlandaise du couvent voisin l’aide à découvrir les secrets de la langue. Ce n’est qu’un début…
Après quelques mois, Pierre part pour l’Inde, le pays tamoul, dans le diocèse de Salem. Il y passe deux ans auprès du père J.M. Hourmant dans le petit village d’Attur. Il s’y trouve avec quelques autres confrères de Malaisie-Singapour, pour qui le curé est un maître de langue. Ainsi, G. Moreau, P. Gauthier, M. Ladougne, G. Griffon, c’est la formation de base, les conditions sont frustres, les paroissiens pauvres et pas éduqués. Le père Hourmant est à l’aise dans ce monde qu’il connaît bien et apprécie. Et c’est un bon pédagogue. Pierre revient avec un bon bagage.
Pour quelques années, le voilà à Sentul, paroisse tamoule des faubourgs de Kuala Lumpur. Il y rencontre un milieu frustre - les hommes travaillent au dépôt de chemins de fer -, des familles nombreuses et pauvres, et des problèmes de boisson. Sentul, c’est un peu l’épreuve du feu : les disputes entre voisins, les rivalités de castes. Heureusement, il y a la pastorale dans les plantations d’hévéas. Il y a de l’espace à parcourir. En compagnie de L. Le Guen, G. Griffon et un prêtre du pays, il fonce.
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L’État de Negri Sembilan
Une année dans une autre paroisse moins difficile, nouvellement ouverte : Notre Dame de Fatima, et petit Pierre part en congés. Un congé où il sera toujours en mouvement, grâce aux voitures que le papa garde et répare.
Retour en Malaisie en 1966, il passe quelques mois dans la région de Medan pour améliorer sa connaissance du malais. Puis, après un temps à Kuala Lumpur et à Kuantan sur la côte est, le voilà pour dix ans à Seremban (1967-1977). Prêtre en charge de la communauté de langue et tradition tamoule dans la ville et dans de nombreuses plantations d’hévéas. Le père E. Limat, curé de la paroisse, est un animateur zélé, qui vit le concile avec l'aide occasionnelle des pères G. Moreau et B. Blais, et de prêtres originaires de Chine.
Le père Limat encourage et soutient petit Pierre qui s’engage avec enthousiasme au service des ouvriers des plantations, catholiques et non-catholiques, et de leurs familles. Pierre commence par des classes de couture pour les femmes qui en général sont libres l’après-midi. Avec des laïcs qu’il forme, il étudie les diverses situations dans les nombreuses plantations et les besoins concernant l’éducation des jeunes, les conditions de travail, de logement, les salaires, les problèmes des ouvriers étrangers… Il a bientôt une soixantaine de leaders qui prennent part à une formation de base. Décision est prise d’établir un mouvement social, et c’est en juin 1968 que va commencer sous forme de syndicat le PKR30 qui, en union avec le syndicat local, va améliorer les conditions de vie des travailleurs. Certains pensent que ça ne tiendra pas, mais non, c’est du solide. Et bien qu’aujourd’hui il n’y ait plus beaucoup de monde dans les plantations, les orientations prises alors portent toujours des fruits. En même temps, dans la ligne encouragée par son archevêque, il fonde des communautés de base - Bible, partage, service du voisin. C’est de jour et de nuit qu’il est sur les routes, mais le père Limat veille sur l’intendance et prend soin de lui : les prêtres travaillent vraiment en équipe.
Après dix ans à Seremban, coquette ville à 50km au sud de Kuala Lumpur, Pierre est nommé dans la bourgade de Tampin, 35km plus au sud. Là encore, si la communauté de la ville reste modeste, les plantations sont nombreuses, l’apôtre est sur les routes jusqu’à tard dans la nuit, et son mode de vie est spartiate. À ses visiteurs, il ne peut offrir que de l’eau. Aussi envoie-t-il vite un gamin acheter quelques boites de bière, et heureux et détendu, il invitera dans le restaurant chinois le plus renommé. Ça reste encore bien modeste. Il a des projets : un terrain derrière l’église pour y produire des melons, et on pourrait y creuser un vivier pour élever des carpes… Peut-être y faire du maïs. Mais quand on vient le voir deux ans plus tard, il parle d’en faire un centre pour la formation des laïcs…
Petit Pierre, 20 ans de service dans les plantations, il fallait le faire. Et il parlera de ces années glorieuses en Negri Sembilan.
Entre-temps, avec le père G. Griffon et P. Gauthier, il s’est mis au service des boat people, réfugiés du Vietnam et visite régulièrement l’île de Pulau Bidong où ils sont gardés.
En même temps, il veille à sa formation personnelle. En 1976, il prend part à une session de pastorale de trois mois à l’East Asian Pastoral Institute à Manille, en compagnie du père Soter Fernandez qui sera son futur archevêque et cardinal, de plusieurs religieux et laïcs. C’est là que va germer l’idée d’un aggiornamento qui prendra place en août 1976, rassemblant au collège de Penang tous les prêtres des trois diocèses de la Malaisie de l’ouest pendant un mois. Seuls, les laïcs restent en responsabilité dans les paroisses. Du jamais-vu, mais qui permettra avec l’aide d’experts, théologiens, biblistes, sociologues, catéchistes de prendre des orientations communes et en particulier d’établir des communautés de base dans les paroisses. Pierre est un des moteurs de cet aggiornamento.
Mais il est temps pour le rat des champs de devenir le rat des villes.
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Saint Antoine - Kuala Lumpur 1987-1997
Curé et bâtisseur
Le voilà pasteur de la vieille paroisse tamoule de Saint Antoine, au cœur même de la cité, et on lui demande de se lancer dans le bâtiment, ce qui est nouveau pour lui. Il s’agit d’abord de remettre en bon état le centre audiovisuel qui était installé dans un bâtiment vétuste avec un équipement dépassé. Avec un laïc bien formé et expérimenté, petit Pierre va faire des merveilles. Le centre sera connu sous le nom de CAHAYASOARA.
Mais ce n’est qu’un début. Il va se lancer dans la construction d’une école privée, maintenant que les écoles dites de mission sont entièrement sous le contrôle du ministère de l’éducation. En outre, Kuala Lumpur a besoin d’un centre pastoral pour le diocèse : salle de réunion, chambres et dortoirs pour sessions et retraites, accueil des visiteurs. Et petit Pierre fait quelque chose de pratique et de soigné. Et l’école Stella Maris est un projet commun du diocèse, des frères de la Salle, et des dames de Saint Maur. Ça n'a pas toujours été facile, et il y a eu des critiques : les éclats de verre pour les vitraux de la chapelle sont bien arrivés dans la capitale, mais ils ont disparu entre les mains des artisans qui avaient accepté de les monter. Jusqu’à présent, mystère. Pierre, avec un sourire, fait face, mais quand on le connaît, on sait combien il souffre, d’autant que certains le trouvent naïf et rêveur, ce qui n’est pas le cas. Les bâtiments sont là, dans les délais, mais il a sa manière et nous surprend. Bref, Pierre à Saint Antoine a été un bon maître d'œuvre.
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Rawang 1997-2001
Église du Christ Ressuscité 2003-2007
Dix ans à Saint Antoine ! L’archevêque répond à son désir de transfert dans une paroisse moins exigeante. Le voilà curé de Rawang, une bourgade à 30km au nord de Kuala Lumpur. Les communautés tamoules diminuent en nombre dans les plantations, mais la ville devient en partie banlieue industrielle de la capitale. Avec l’aide d’un vicaire, il se lance dans des projets inédits, et il soigne tout particulièrement le pèlerinage à Saint Jude, patron de la paroisse. Ah ! S’il pouvait trouver un terrain bien placé pour y bâtir une basilique ! Mais l’âge est là, la fatigue suit les excès de vitesse. Il lui faut se reposer, et, ô surprise, il va passer deux semaines à la maison régionale de Singapour. Il vient de passer le cap des 70 ans.
Un an à la paroisse chinoise du Rosaire à Kuala Lumpur, et le voilà en charge d’une petite communauté dans la banlieue, l’église du Christ Ressuscité. Il y passera 4 ans. C’est une demi retraite.
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Sentul 2007-2011 et Kajang 2011-2014
Pendant quatre ans, le voilà à Sentul, paroisse à forte connotation indienne, où il avait fait ses premières armes en 1960. Il y a autour de 5 000 paroissiens, dont beaucoup ont bien du mal à vivre. Il y seconde un jeune curé tamoul, qui l’invite à se concentrer sur la visite des familles. C’est à cela qu’il passe des soirées entières, entre 19h et 22h. Très convivial de nature, les gens aiment le recevoir, et se sentent à l’aise pour causer en anglais, en tamoul, et même en malais. Il dit oublier très vite qui il a visité, mais il ajoute avec un éclat de rire : “eux se rappellent que je les ai visités, et c’est l’essentiel”.
En 2011, on lui demande de prendre résidence dans la paroisse de Kajang, 20km au sud de la capitale, dont la population augmente très vite. Il est chargé de visiter les familles : c’est son forté. C’est un champion du volant, il n’a pas besoin de carte routière : il voyage au flair, et se trompe de route assez fréquemment. Mais il y a pire : se trouver avec un réservoir vide. Il dit simplement : “c’est la deuxième fois que ça m’arrive cette semaine”. Les gens le connaissent, et il y a toujours quelqu’un pour le dépanner avec un bidon d’essence. Ses passagers sont habitués, on repart en chantant.
Mais Pierre avait décidé de terminer sa vie dans sa Vendée natale, auprès de sa famille, et des prêtres qu’il avait connus au séminaire. Il quitte donc la Malaisie le 12 juin 2014, accompagné du vicaire général, car on tient à ce qu’il arrive à bon port. Il va résider dans un foyer pour prêtres à La-Roche-sur-Yon, dont le responsable est Mgr H. Barbier, archevêque émérite de Bourges, qui a été son condisciple pendant les années d’étude. De plus, c’est très près du Poiré. Mais il n’y restera que pour un temps, car sa santé se dégrade, et on doit l’installer dans un foyer médicalisé pour prêtres aux Herbiers. C’est là qu’il passera plusieurs années, fort bien soigné, en paix dans un monde bien à lui.
Il y décédera le 2 septembre 2021 à l’âge de 90 ans, et sera inhumé au Poiré-sur-vie, la paroisse où il avait été baptisé et ordonné.
Un parcours 100% vendéen.
Père Michel Arro