Julien GAYARD1931 - 2007
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4082
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Japon
- Région missionnaire :
- 1959 - ? (Fukuoka)
Biographie
[4082] GAYARD Julien est né le 17 novembre 1931 à Nantua (Ain).
Ordonné prêtre aux MEP le 2 février 1959, il part le 14 juillet suivant pour la mission de Fukuoka (Japon).
Il étudie le japonais à Tokyo, puis il est envoyé à Tobata (1961-1964), à Jugawa (1964-1965), puis de nouveau à Tobata (1966-1971), à Mojiko (1971-1972), à l'évêché de Fukuoka (1972-1983), à Daimyo Machi (Fukuoka) (1974-1975), et à Moji (Kita-Kyushu) (1983-1994). A partir de 1994, il est responsable de la maison de communauté des MEP à Mizumaki (KitaKyushu).
Il meurt le 30 août 2007.
Nécrologie
JULIEN GAYARD
(1931-2007)
Julien Gayard, fils de Léopold Gayard et de Maria Croisy, est né le 17 novembre 1931 à Nantua, dans le diocèse de Belley. Son père était chef de gare, employé de la SNCF. Comme ses deux frères et ses deux soeurs, qui étaient ses aînés, il a été baptisé quelques jours après sa naissance, le 1 décembre 1931, dans l’église de Nantua. Après ses études secondaires au petit séminaire de Meximieux, sanctionnées par l’obtention du baccalauréat de philosophie, il entra au grand séminaire de Belley-Ars, où il passa un an, en 1951-1952, avant de partir faire son service militaire comme parachutiste en Indochine de 1952 à 1954.
On sait par les témoignages des responsables de la formation à Belley que Julien Gayard a désiré très tôt devenir missionnaire en pays lointain. Ces derniers ont dit avoir d’abord cru que ce désir était dû à un tempérament aventureux et un peu immature, et avoir donné pour cette raison leur accord quand il s’est porté volontaire pour servir en Indochine, pensant que cette expérience permettrait de tester l’authenticité et le caractère surnaturel de sa vocation. Julien Gayard semble d’ailleurs avoir hésité un temps avant de se décider à s’engager. Et c’est apparemment pendant son séjour en Indochine qu’il parvint à la certitude que son désir venait bien de Dieu. Bien des années plus tard il aimait à raconter que des conversations avec un aumônier militaire l’avaient aidé à y voir plus clair et à choisir de demander son admission au séminaire des Missions Étrangères, alors qu’il avait envisagé d’entrer chez les Oblats de Marie pour partir au grand nord. Il prétendait même que cet aumônier, qui était lui-même missionnaire MEP, lui avait expliqué qu’en devenant membre de la Société il jouirait d’une liberté qu’il ne trouverait dans nul autre institut missionnaire. Sans doute exagérait-il quand il résumait les propos de l’aumônier en deux mots : tu feras ce que tu voudras. Il disait en tout cas de manière un peu provocante à qui voulait l’entendre que cette perspective l’avait séduit. En réalité l’avenir devait montrer qu’il avait le sens du devoir et savait renoncer à sa volonté propre.
Toujours est-il qu’à la fin de son service, il réintégra sans attendre le grand séminaire de Belley en avril 1954 pour un trimestre d’étude, au terme duquel il demanda son admission au séminaire des Missions Étrangères. En présentant sa demande il dit que cela a été une joie pour lui de connaître à Hué les Pères du collège de la Providence, et surtout le Père Richard dont il garde « un extraordinaire souvenir ». Le supérieur de Belley, quant à lui, le recommande alors à Paris comme « un garçon ayant une piété solide, et surtout une vraie générosité qui le pousse volontiers hors des chemins faciles, revenu du service militaire très mûri et bien équilibré », ajoutant que pour ce court laps de temps écoulé depuis son retour les professeurs ont été fort satisfaits de son travail.
Julien Gayard passera d’abord une année scolaire au séminaire de Bièvres à partir de septembre 1954, avant d’être admis au séminaire de la rue du Bac à l’automne 1955. Il devra encore une fois interrompre ses études parce que mobilisé pour servir en Algérie de juillet 1956 au 31 janvier 1957. Les témoignages reçus concernant cette période signalent qu’il a eu une excellente influence et un ascendant remarquable même sur ses officiers, notamment lors des fouilles ou des interrogatoires des prisonniers algériens. De retour au séminaire il pourra alors se préparer à l’ordination sacerdotale avec un sérieux et une générosité reconnues par tous les directeurs qui parlent de lui comme d’une forte personnalité « à assouplir » peut-être mais « doué de très belles qualités, d’un tempérament ardent mais sachant se contrôler ».
Agrégé définitif à la Société le 1 février 1958, Julien Gayard sera ordonné diacre le 29 juin de la même année après avoir reçu sa destination pour le diocèse de Fukuoka, puis enfin ordonné prêtre le 2 février 1959 dans la chapelle des Missions Étrangères.
Arrivé au Japon, Julien Gayard passera d’abord deux ans à Tôkyô, de septembre 1959 à juin 1961, résidant à la maison régionale des Missions Étrangères mais se rendant cinq jours par semaine à l’école de langue de Roppongi tenue par les Pères franciscains. C’est là qu’il commença sous la conduite de professeurs qualifiés l’apprentissage du japonais, apprentissage qui pour les Occidentaux dure en réalité toute la vie.
À l’automne 1961 il pourra rejoindre sa destination, le diocèse de Fukuoka, et sera nommé vicaire du Père Bastid à la paroisse de Tobata, dans ce qui deviendra peu après, en 1963, la ville de Kitakyûshû. On est là au coeur de la deuxième agglomération la plus importante du diocèse, d’environ un million d’habitants, qui est alors en cours de réorganisation administrative, les cinq communes de Wakamatsu, Moji, Kokura, Yahata et Tobata en voie d’être regroupées en une seule. C’est un centre industriel, alors très prospère, où plusieurs grandes entreprises japonaises, notamment les aciéries de la Seitetsu qui exportent leur production dans le monde entier, font travailler des milliers d’ouvriers. Un port aussi, d’où partent de nombreuses liaisons maritimes avec les autres îles de l’archipel.
La paroisse de Tobata est composée pour partie de chrétiens descendants de ceux qui ont survécu aux persécutions mais aussi de nouveaux venus récemment convertis. Elle profite du dynamisme de l’activité économique de la ville et des mouvements de population qu’il entraîne. Beaucoup de gens cherchent un sens à leur vie et les personnes déplacées sont souvent plus libres pour frapper à la porte d’une église que dans leur milieu d’origine. Quand Julien Gayard arrive à Tobata ce n’est déjà plus la période de l’immédiat après-guerre durant laquelle les catéchumènes se pressaient souvent par dizaines dans les paroisses, traumatisés par la défaite et par l’effondrement des valeurs qui les avaient fait vivre. Mais, du fait de la liberté de religion enfin pleinement reconnue et garantie, grâce aussi à l’influence des écoles chrétiennes en particulier, le christianisme exerce toujours un certain attrait. La paroisse de Tobata, comme beaucoup d’autres à l’époque au Japon, a un jardin d’enfants, qui a été fondé d’abord pour répondre à un besoin et à une demande des familles, mais qui est aussi un lieu idéal pour faire connaître l’évangile à des personnes n’ayant pas eu ailleurs l’occasion d’en entendre parler. Le curé, le Père Bastid, a su tirer parti de l’existence du jardin d’enfants en proposant aux mères de famille, mais aussi aux pères qui le souhaitent, des causeries sur l’éducation et sur l’enseignement de Jésus.
Le Père Bastid, à côté de quelques travers dont auront parfois à souffrir ses vicaires successifs, a aussi une qualité que tous lui reconnaissent : c’est un missionnaire toujours à la recherche d’hommes et de femmes à qui il puisse parler de l’évangile. Il a aussi semble-t-il de réels talents d‘enseignant et de pédagogue puisque chaque année, en grande partie grâce au jardin d’enfants, il amène beaucoup de parents à demander la grâce du baptême. Julien Gayard va donc être à bonne école en voyant comment se développe la paroisse sous l’impulsion du curé. À Tobata il a constaté qu’un jardin d’enfants peut devenir un terrain d’action missionnaire autant qu’un atout dans le jeu de la pastorale. Plus tard dans les différents postes où il sera envoyé il aura lui-même à s’occuper de jardins d’enfants. Il le fera à sa manière, toujours très consciencieusement, et ce faisant il en viendra à s’intéresser plus largement à tous les problèmes d’éducation de la jeunesse. Il rédigera plusieurs articles très bien documentés sur le système scolaire du Japon.
Après trois années passées à Tobata, en 1964 Julien Gayard est envoyé à Yugawa, dans la banlieue, où il remplacera pendant un an le Père Grosjean parti en congé. Il se trouve là dans un milieu plus simple qu’à Tobata, une bonne partie des paroissiens étant des « chrétiens de Nagasaki » c’est à dire des familles ayant dû émigrer pour fuir la persécution ou plus tard tout simplement pour trouver du travail. Sachant n’être envoyé là que provisoirement il se contentera d’accompagner les quelques groupes existant, en particulier un petit groupe de Jocistes. Puis il sera de nouveau à Tobata de 1965 à 1967, toujours avec le Père Bastid, et à l’automne 1967 il ira prendre un congé en France..
Ses premières expériences de ministère en paroisse, et particulièrement sans doute ce qu’il a pu observer en voyant évoluer les catéchumènes rencontrés à Tobata, l’ont amené à mieux prendre conscience des obstacles que ces derniers doivent surmonter pour parvenir à la foi, et à réfléchir aux exigences de la catéchèse. Il en est venu à éprouver le besoin de compléter sa formation en ce domaine. Il va donc prendre une année sabbatique à Paris, pour suivre des cours à l’Institut supérieur de pastorale catéchétique, au terme de laquelle il défend avec succès un Mémoire de maîtrise, en juin 1969.
Ensuite c’est le retour au Japon, toujours à Tobata, jusqu’en 1971. Puis il sera chargé pendant un temps de la petite paroisse de Mojikô, de Pâques 1971 à Pâques 1972. C’est alors que, peut-être parce qu’il a senti les limites du cadre paroissial pour annoncer l’évangile, il obtient un poste d’enseignant de français parlé à l’université de Fukuoka, espérant que cela lui permettra de nouer des contacts avec des étudiants qui ne fréquentent pas les églises et n’ont que peu de chances de rencontrer des chrétiens. Dès lors il va se consacrer à plein temps, et avec constance, pendant onze ans, à ce qu’il considère comme un nouveau ministère. Cela ne l’empêchera pas de rester durant toute cette période animateur des responsables de la catéchèse des enfants, mettant ainsi à profit les connaissances qu’il avait acquises à Paris. Un travail auquel il attachait beaucoup d’importance : la catéchèse, pour lui, devait être la source de tout renouveau ecclésial.
Fukuoka, la ville épiscopale, est à quelque distance du secteur où travaillent la plupart des confrères MEP. Julien Gayard va s’y trouver au milieu des prêtres japonais qui sont là relativement nombreux. Il résidera d’abord à l’évêché, de 1972 à 1974, puis à la cure de la cathédrale, à Daimyômachi, pendant un an de 1974 à 1975, et enfin de nouveau à l’évêché jusqu’en avril 1983. L’évêque, Mgr Hirata connaît bien la France et les défauts des Français. Il a fréquenté dans sa jeunesse des missionnaires MEP. Plus tard, devenu Sulpicien, il a fait une partie de ses études de théologie à Paris avant 1940, et pendant toute la durée de la guerre il a été retenu en France où il a exercé un ministère en province. C’est un parfait francophone, mais à la table de l’évêché où Julien Gayard prend ses repas, évidemment, on parle japonais. Pour trouver des interlocuteurs dans la langue de Molière il devra le plus souvent chercher parmi les étudiants à qui il donne des cours de conversation. Sauf exception, les étudiants en question n’étaient, semble-t-il, pas toujours suffisamment motivés pour faire de rapides progrès. Pour la plupart d’entre eux le français n’était qu’une seconde langue étrangère, dont l’étude était rendue obligatoire par le programme de la Faculté mais d’intérêt secondaire à leurs yeux. Il est probable que le niveau des échanges avec eux n’était pas très élevé et ce devait être frustrant pour le professeur. Mais ce dernier n’était pas homme à se décourager pour si peu. Il avait déjà montré à Tobata qu’il était capable de patience et de persévérance en supportant pendant des années les railleries que dispensait généreusement à ses vicaires le curé avec qui il cohabitait.
Au printemps 1983, regagnant le district de Kitakyûshû, il est nommé curé de Moji, une paroisse de la ville. Il y restera onze ans, jusqu’en 1994. Ensuite il sera curé de Mizumaki, un peu plus loin dans les environs de la ville, jusqu’en 2002. Pendant toute cette période il se dépense sans compter au service de ses paroissiens et des quelques catéchumènes qu’il peut conduire au baptême chaque année à Pâques. Il poursuit les efforts qu’il a entrepris de longue date pour former des catéchistes. Il veille aussi avec un soin particulier sur les jardins d’enfants dont il est nommé directeur. A partir de 1991 il a été nommé responsable du groupe des confrères MEP qui travaillent dans les environs et son mandat sera renouvelé en 1994. Il est très occupé mais cela ne l’empêche pas de savoir se détendre. C’est un grand amateur de la marche en montagne. Régulièrement, seul ou avec des amis japonais, il parcourt les sommets des montagnes voisines, le Tonoesan près de Moji, le Sarakurayama, près de Yahata, le Konpirasan. Tout va bien jusqu’au jour où il est victime d’un petit accident cardiaque. Les médecins lui conseillent alors de réduire ses activités et il doit s’astreindre à des visites régulières à l’hôpital.
En 2002, son état de santé s’étant sensiblement aggravé, il se voit obligé de renoncer à la charge de curé et il va s’installer à la maison locale des Missions Étrangères à Yahata, maison où se retrouvent régulièrement les confrères et les prêtres japonais du secteur. Nommé responsable de cette maison, Julien Gayard se comportera comme un hôte toujours disponible pour accueillir les visiteurs. Malgré la fatigue qu’on peut lire sur son visage, il ne ménage pas sa peine pour rendre service aux uns et aux autres quand il le peut. C’est un bon vivant au fond, sachant apprécier les plaisirs de la table et savourer la joie de les partager avec d’autres. Tous gardent de lui l’image d’un homme très cordial, chaleureux, toujours à l’écoute et respectueux des autres alors même qu’il savait affirmer et défendre vigoureusement ses propres opinions. C’était un esprit curieux, s’intéressant à tout, si bien qu’on ne s’ennuyait jamais avec lui. Il avait beaucoup lu, et étudié en particulier l’histoire de la mission au Japon durant l’ère Meiji, soit la fin du XIX° siècle, qu’il connaissait presque autant qu’un spécialiste. Et il parlait souvent avec admiration des missionnaires de cette époque, qu’on appelait les « ambulants », marcheurs infatigables qui allaient de ville en ville pour prêcher l’évangile. Il avait une prédilection pour ces missionnaires, et il disait que quand l’Église était tentée de s’arrêter, de renoncer à marcher, elle ne pouvait plus ni vivre de l’évangile ni l’annoncer. Selon lui le drame de l’Église d’aujourd’hui c’était qu’elle était trop préoccupée de mise en ordre et de planification, victime de la bureaucratie.
Julien Gayard était un excellent confrère. Il lui arrivait parfois de s’impatienter, de se montrer sévère envers tel ou tel, mais il savait aussi reconnaître ses erreurs et personne ne pouvait lui tenir rigueur de ses écarts de langage, au demeurant très rares, parce qu’on le savait foncièrement bienveillant.
Les examens qu’il subit au cours de ses visites régulières à l’hôpital sont alarmants. Certains jours il est manifestement épuisé et ceux qui le rencontrent s’en inquiètent. Il va falloir se résoudre à subir une opération du coeur, qui risque d’être particulièrement délicate. Les comptes rendus de l’époque signalent qu’il a accepté de servir de cobaye au chirurgien qui souhaite expérimenter une nouvelle technique : une première au Japon, les autres cas à travers le monde se comptant sur les doigts de la main. Technique consistant à transplanter dans le muscle cardiaque du patient des cellules-souches préalablement extraites de son organisme et ensuite réactivées. L’opération a lieu en 2003, qui permet au malade de reprendre des forces. Il est en meilleure forme pour assurer son service à la maison de Yahata et pourra le faire encore quelque temps tout en restant sous contrôle médical, mais cela n’empêche pas l’entourage de s’inquiéter pour lui.
En 2007 Julien Gayard rentre en France pour un congé, au cours duquel il rend visite aux membres de sa famille et aux confrères en retraite dans les maisons de Société et c’est en allant de Montbeton à Lauris que, tout près d’arriver au but, non loin de la maison de Lauris, victime d’une crise cardiaque il trouve la mort au volant de sa voiture, le 30 août 2007. Ses obsèques ont été célébrées à Lauris le mardi 4 septembre suivant, au cours desquelles le Père Chegaray, supérieur régional du Japon, rappela dans son homélie que si Julien Gayard avait beaucoup de qualités humaines le rendant sympathique à tous, il a été d’abord et avant tout un homme de foi, une foi engagée à la suite du Christ, qui l’a aidé à faire face courageusement à l’épreuve. Un homme pour qui la messe quotidienne, bien loin d’être une dévotion facultative, était le centre de tout, le mémorial de l’Alliance, le lieu par excellence où il rencontrait son Seigneur, sa famille et ses amis, et tous ceux qui étaient confiés à son ministère.