Yves OLIVIER1936 - 2009
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4157
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1965 - 1971 (Pondichéry)
- 1972 - 2009 (Pondichéry)
Biographie
[4157] OLIVIER Yves est né le 26 février 1936 à La Vraie-Croix (Morbihan).
Ordonné prêtre aux MEP le 20 décembre 1964, il part le 6 avril suivant pour la mission de Pondichéry (Inde).
Il commence l’étude du tamoul à Attur, puis il est nommé vicaire à Neyvelli (1968), curé de Neyvelli (1970), puis de Vriddhachalam, où il passe le reste de sa vie missionnaire (1972-2009).
En 1990, 1995 et 2000, il est aussi élu vice-régional des MEP pour l’Inde.
Il meurt le 5 octobre 2009.
Nécrologie
[4157] OLIVIER Yves (1936-2009)
Yves Olivier naquit le 26 février 1936 à La Vraie-Croix-Morbihan-au foyer d’Olivier Joseph et de son épouse, Hervio Marie, diocèse de Vannes. Ils sont trois garçons et pas de fille. Yves fut baptisé le surlendemain de sa naissance, le 28 février 1936 en l’église de La Vraie-Croix. Il reçut le sacrement de confirmation le 14 avril 1948 à Rochefort-en-terre, où probablement il finit ses études primaires. Il fit ses études secondaires au petit séminaire de Ploërmel où il obtient le baccalauréat sans trop de peine car Yves apprenait assez facilement. Il entra donc aux Missions étrangères le 2 novembre 1956.Il y étudia la philosophie scholastique au séminaire de Bièvres.
Les parents d’Yves étaient marchands de bière et de charbon. À une époque, ils quittèrent leur village de La Vraie-Croix pour s’installer à Quimperlé, diocèse de Quimper. Est-ce de Quimperlé qu’Yves est rentré au séminaire des Missions étrangères ? C’est possible. Yves avait fait le service militaire de septembre 1959 à décembre 1961, dont la plus grande partie en Algérie dans les transmissions dont il devint un expert indispensable à son unité ; ce dont il était assez fier.
Agrégé définitif à la Société MEP le 20 décembre 1963, il fut ordonné diacre le 28 juin 1964 et reçut la prêtrise le 20 décembre 1964 avec pour destination la mission de Pondichéry. Yves en était d’autant plus heureux qu’à cette époque-là il y avait un engouement certain pour l’Inde parmi les aspirants. Yves fit un court séjour en Angleterre pour améliorer ses connaissances de l’anglais et prit le bateau le 6 avril 1965 pour l’Inde.
Du mois d’avril 1965 à mai 1968, il est à Attur, diocèse de Salem, pour apprendre le tamoul et commencer de se mouler dans la culture du pays. Depuis le début des années 1960, Attur était devenue l’école de la langue tamoule sous l’égide du bon père Jacques Gravier, curé de la paroisse de Attur et champ des premières expériences de ministère en mission pour les nouveaux venus. Dans ces années-là, quelques pères MEP étaient envoyés de Malaisie pour parfaire leur tamoul nécessaire à ceux qui missionnaient en milieu tamoul de Malaisie.
Ses études de tamoul terminées, en mai 1968, il est nommé vicaire du père Jean Vérinaud à Neyveli, un grand centre minier [charbon] et industriel. C’est là, guidé et inspiré par le zèle du père J. Vérinaud qu’il se découvre un charisme pour les jeunes, et la pastorale assidue auprès des gens.
Pour des raisons de santé, le père J. Vérinaud devant rentrer en France, le père Y. Olivier s’est retrouvé curé de cette grande paroisse très étendue jusqu’au mois d’avril 1971. Déjà là, Yves put révéler le zèle qui l’animait et les talents d’organisateur qu’étaient les siens.
De fin avril 1971 jusqu’en janvier 1972, il prit son premier congé en France. Il consacra deux mois au service Échange France-Asie. À son retour, fin janvier 1972, il est nommé à la paroisse de Vriddhachalam, avec le père Auguste Mahé. Mais, à ce moment-là le père Mahé, malade, est hospitalisé à Chetpet. Quand le père Mahé revient, le père Y. Olivier a déjà bien pris les choses en main : il reste donc comme curé de Vriddhachalam, tandis que le père Mahé est nommé curé de Veerareddikuppam, une sous-station de Vriddhachalam.
Et c’est dans cette paroisse qu’Yves va passer le reste de sa vie missionnaire, soit du 26 janvier 1972 jusqu’au Ier juin 2009, moment où il fut remplacé pour cause de maladie. Trente-huit années pendant lesquelles il s’est donné totalement passant par-dessus heurs et malheurs et faisant le bien.
J’ai rencontré, pour la première fois, Yves Olivier au séminaire de Bièvres quand j’y suis arrivé début septembre 1963. Yves commençait sa quatrième année alors que j’entamais la seconde année de théologie. Observant les aînés de dessous, le souvenir que je garde de Yves est celui d’un jeune homme toujours joyeux, aimant plaisanter sur tout et rien, pour le seul plaisir d’entretenir une bonne ambiance autour de lui. Sans être un intellectuel, il apprenait facilement et étudiait consciencieusement. Mais c’est durant les parties de football épiques que j’avais eu le plus souvent l’occasion de l’observer et de comprendre un peu, sa personnalité. Visiblement il aimait ce sport et à sa place d’attaquant, il harcelait sans cesse les buts adverses, souvent avec succès. Invitant le ballon, allant souvent le chercher, il montrait là des traits de caractères qui marqueront toute sa vie missionnaire.
Yves me précéda de quelque dix-huit mois en Inde. Lorsque je le rejoignais, en septembre 1966, il avait déjà fait sa place. Sous la douce et joyeuse férule du père Gravier, il avait acquis une bonne connaissance de la langue tamoule. Une bonne chose pour moi, car le père Gravier partit en congé en France au mois de mai 1967 et le père Yves Olivier le remplaça comme curé et devint mon professeur de langue. Je ne suis pas sûr d’avoir appris beaucoup de tamoul avec Yves. Mais c’est sûr, nous avons eu des bons moments de joie et de bonheur.
Pendant une année, il eut la charge de la paroisse de Attur. Il remplit au mieux cette charge visitant les familles et les sous-stations alors nombreuses. Pendant la mousson, octobre-novembre 1967, il y eut de fortes pluies et la rivière quittant son lit se répandit sur les quartiers avoisinants. En quelques heures beaucoup de gens perdirent maisons et le peu de bien qu’ils avaient. Yves s’est tout de suite retroussé les manches et a organisé de main de maître les secours, mobilisant le plus de bénévoles possible pour venir en aide aux plus nécessiteux. J’ai pu me rendre compte là des talents d’organisateur du père Y. Olivier. Par la suite, il fit appel à ses amis et bienfaiteurs de France pour obtenir de l’aide. Les gens purent reconstruire les maisons qui avaient été emportées par les eaux.
Un autre aspect de sa personnalité qui me frappa alors est qu’il était toujours entouré de jeunes. À toute heure de la journée il avait des jeunes gens chez lui. Yves apprenait beaucoup et avec eux se familiarisait avec la langue et les coutumes du pays. Et en même temps tous ces jeunes apprenaient beaucoup de lui, et s’attachaient à lui. Les jeunes aimaient en lui sa simplicité, la facilité avec laquelle il se faisait proche d’eux et n’hésitant pas à passer des heures à les écouter, à rire et bavarder avec eux. Tous ces jeunes se sentaient écoutés, estimés et valorisés par son attitude à leur égard. Ce trait de caractère sera permanent tout au long de sa vie missionnaire et jusqu'à sa mort il a toujours eu des jeunes, des disciples autour de lui.
Après son temps d’apprentissage et de formation à Attur, il fut vicaire du père Jean Vérinaud dans la grande paroisse, centre minier et industriel de Neyveli. Le père Jean Vérinaud était alors à l’apogée de sa vie missionnaire. C’est de lui qu’Yves apprit comment organiser systématiquement la pastorale dans une paroisse de ce calibre où les familles étaient dispersées sur différents secteurs. Le père Jean Vérinaud avait organisé ces familles en « blocks », un peu à la manière des communautés de base dont on ne parlait pas encore.
Yves succéda au père Jean Vérinaud comme curé de cet immense complexe. Il eut tout loisir d’approfondir ces méthodes, circulant du matin au soir tard sur sa moto bravant les dangers de la route. Un matin qu’il roulait sur sa moto, avec un jeune gars sur le siège arrière, il vit soudainement un gros buffle qui le chargea droit devant. Que pensez-vous qu’il arriva ? La moto partit en glissade d’un côté, Yves fit un vol plané dans l’autre direction et son jeune compagnon se retrouva assis sur l’herbe du talus sans une égratignure ni pour l’un, ni pour l’autre. Ils vinrent aussitôt voir le buffle couche sur le flanc : il était mort. En moins de temps qu’il en faut pour le dire, tous deux sautèrent sur la moto et déguerpirent avant que le propriétaire du buffle ne se fasse connaître.
Après deux années à Neyveli, Yves partit pour son premier congé en France de fin avril 1971 jusqu’au 20 janvier 1972. Il a pu ainsi partager avec un public nombreux ses expériences de ministère missionnaire en Inde et sans doute y faire participer un grand nombre d’amis et de bienfaiteurs. Car, à cette époque, l’Inde était encore un pays démuni de toute chose et l’Église encore plus qui dépendait en tout et pour tout de l’Église d’occident.
Le service France-Asie de la rue du Bac fit appel à lui pendant deux mois pour faire profiter de son expérience et, qui sait ? peut-être éveiller des vocations pour envoyer des ouvriers. Il faut se souvenir que dans ces années-là, il n’y avait quasiment plus de candidat au séminaire des MEP.
À son retour de congé, il lui fut demande de rejoindre la paroisse de Vriddhachalam où le zèle père Auguste Mahé était curé. Vriddhachalam était alors une grande paroisse, avec de nombreuses sous-stations. À Vriddhachalam même la communauté chrétienne catholique était très minoritaire comparée au reste de la population qui était alors déjà importante. L’église se trouvait à l’autre bout de la ville et n’était connue que des résidents voisins.
Le père A. Mahé tomba malade dans ces moments-là. Il resta hospitalisé quelque temps à l’hôpital de Chetpet – un grand centre chrétien jadis évangélisé par un MEP, le père Darras dont la réputation de zèle et sainteté perdure. Quand le père Mahé revint de l’hôpital, Yves avait déjà eu le temps de prendre bien les choses en main. Le père Mahé invita donc Yves à continuer comme curé et lui, se proposa de devenir curé de Veerareddikuppam, une sous-station de Vriddhachalam. Ainsi fut donné naissance à une nouvelle paroisse.
Il fallut peu de temps à Yves pour jauger cette paroisse, pour en pressentir les besoins et les leviers à mettre en place pour dynamiser la communauté chrétienne et faire avancer l’évangélisation. Comme dit plus haut, Yves prit si bien les choses en main qu’il y prit aussi pied pour les trente-huit années suivantes. Par son zèle et ses charismes, seule une personne de la trempe d’Yves pouvait se permettre, à la fois, de faire prospérer cette paroisse et de s’y accrocher pendant de si nombreuses années.
Qu’il ait envie ou pas. Qu’il soit en forme ou pas, il s’en tenait à sa méthode première : être près des gens et souvent les visiter. Ces visites étaient systématiques car, pour lui, essentielles à son apostolat. Ces visites fréquentes et régulières lui apprenaient beaucoup sur la vie des gens, leurs difficultés, les problèmes dans lesquels ils se débattaient, les familles bancales et en situations fâcheuses. Il prenait tout cela en compte et ne lésinait pas quand il fallait venir en aide à des situations fragiles.
Parmi les problèmes qui se révélèrent à lui, il y avait celui des nombreux enfants qui n’allaient pas à l’école et cela pour plusieurs raisons. Il y avait deux raisons principales. La première était de caractère économique ; beaucoup de parents n’avaient pas les moyens d’envoyer les enfants à l’école et, dans les campagnes, tous les bras étaient nécessaires, y compris ceux des enfants en bas âge. Dans l’esprit de beaucoup de gens de l’époque, on ne voyait pas encore la nécessité et le bien qui en découlait à faire étudier les enfants. Ce surtout pour les filles dont on ne voyait pas à quoi cela pouvait rimer, quand ce n’était pas tout simplement dangereux pour elles ! On pourrait ajouter une autre raison, non négligeable à l’époque, c’est que beaucoup de villages étaient dépourvus de toute école. Ceux qui voulaient étudier devaient marcher de longues distances ou bien se faire admettre dans quelque pensionnat.
Très rapidement Yves s’est convaincu qu’il fallait s’attaquer de front à ce problème d’analphabétisme car les temps changeaient rapidement et beaucoup risquaient de manquer le train. Il a été signalé déjà qu’Yves aimait être entouré de jeunes. Et très vite à Vriddhachalam, de beaucoup de jeunes il était entouré. Il commença de prendre des jeunes garçons inéduqués des villages. Ils logeaient avec lui partout où il y avait de la place dans le presbytère. Et ils mangeaient tous ensemble. Ces enfants étaient dirigés vers des écoles différentes pour les études.
Les années passant, Yves construit un pensionnat pour recevoir tous ces jeunes et leur donner un peu plus de confort que l’entassement dans le presbytère. Puis, avec l’aide généreuse de ses amis et bienfaiteurs, il mit en place diverses structures pour recevoir des filles. En peu de temps, ces étudiants revenant à intervalles réguliers dans leurs villages faisaient l’admiration des parents et des émules parmi les autres enfants. En peu d’années, tant les parents que les enfants non éduqués ont eu le désir d’être éduqués et d’être comme ceux qui ont fait des études. Tous les enfants de ces villages ne dépendaient évidemment pas du père Y. Olivier pour faire des études, mais à l’origine c’est bien grâce à son action et initiative que le pli fut pris et que tous les parents très vite se firent un devoir d’envoyer les enfants à l’école pour qu’eux aussi aient une chance de devenir instituteur, ingénieur, ouvrier qualifié, docteur etc.… Car très vite, beaucoup de ces enfants s’élevèrent vers les hautes études devenant pour beaucoup d’autres, des modèles à imiter.
On peut dire que pendant les vingt dernières années, Yves aidait une moyenne de 200 étudiants à tous les niveaux. Beaucoup de ces anciens étudiants sont aujourd’hui dans des positions enviables un peu partout en Inde et même à l’étranger. Yves n’aurait jamais pu réaliser une telle œuvre par lui-même. Comme dit plus haut, Yves, dès les débuts avaient su s’entourer de collaborateurs généreux et efficaces tant en France qu’ici en Inde. Aujourd’hui encore cette œuvre maîtresse continue sur sa propre lancée, grâce justement à tous ces collaborateurs qu’il a su mettre en place et former.
Yves avait aussi le souci d’inculquer à ces enfants les valeurs chrétiennes, leur répétant à temps et à contretemps que s’ils avaient aujourd’hui le privilège d’avoir pu étudier, c’était parce que le Christ l’avait mis sur leur chemin et qu’à leur tour ils devaient partager avec d’autres ces valeurs chrétiennes qui peu à peu transforment le monde et la famille humaine. Pour Yves, tous ces enfants n’étaient pas là seulement pour bénéficier d’un pensionnat et d’études. Dans la mesure du possible il les impliquait toutes et tous dans son ministère, les amenant pour visiter les familles et les indigents qu’il aidait. À l’occasion des fêtes, surtout Noël, des distributions d’habits, de nourriture, de fournitures scolaires étaient organisées pour venir en aide aux familles et personnes les plus indigentes : les enfants, petits et grands y participaient et se formaient ainsi à cette grande qualité qu’est la charité.
Grâce à ses collaborateurs nombreux, Yves avait les yeux et les oreilles partout. Quand une famille ou une personne, hindoue, musulmane ou chrétienne, était dans le besoin, il en était informé et voyait tout de suite à ce que quelque chose soit fait : ne serait-ce qu’une visite impromptue. Il fallut peu de temps à Yves pour être connu de toute la population de Vriddhachalam et alentour.
Pour être connu, il faut être près des gens, des situations et le plus possible au cœur des événements. Et cela Yves savait le faire. En plus du pensionnat et de son souci d’éduquer le plus d’enfants possible, il avait aussi mis sur pied un service d’ambulance pour pouvoir conduire des malades ou accidentés en urgence dans les grands hôpitaux. Ainsi a-t-il pu rendre de nombreux services à des familles ou personnes indigentes et surement sauver bien des vies.
Saura-t-on jamais combien de personnes sont venues demander une aide ponctuelle pour payer des factures de pharmacies ou d’hôpitaux. Yves avait les moyens d’aider beaucoup de pauvres et de familles dans le besoin parce que lui-même savait se faire aider même localement. Il avait le souci d’éduquer les gens à être généreux envers leur prochain. Pour cela il osait approcher les nantis pour aider les pauvres. Son action auprès des pauvres était connue. Ce qui explique que beaucoup de personnes s’offraient pour participer à ses œuvres.
C’est en pensant aux besoins des pauvres et gens en détresse qu’il était devenu membre du Lion’s Club. Là il fréquentait docteurs, gens de loi, industriels, riches marchands et hommes d’affaires. C’était, parfois, pour ces derniers une plateforme pour se faire connaître, étaler leur réussite et encore mieux réussir professionnellement. Mais Yves ne s’arrêtait pas à cela ; positivement il voyait tout ce que ces gens pouvaient faire pour les pauvres et pour venir en aide aux étudiants sans ressource. Côtoyant la crème de la société de Vriddhachalam, il avait ses entrées auprès des hautes autorités politiques, civiles et de la police. Ce qui souvent lui fut une aide précieuse pour résoudre maints problèmes et niveler des situations épineuses.
Ce faisant, Yves s’est efforcé de mettre en pratique et de faire mettre en pratique le commandement suprême du Christ « Aimez-vous les uns les autres ». Pour lui, tout le monde, chrétiens, hindous, musulmans, était appelé à témoigner de respect, de compassion et d’amour pour le prochain, surtout quand il est pauvre et dans le besoin.
Yves visitait systématiquement toutes les familles des chrétiens. C’était l’occasion de rendre visite à leurs voisins qui sont hindous ou musulmans. Ainsi Yves se faisait tout à tous ; derrière cela il y avait le souci de dire aux gens que Dieu aime tout le monde de façon égale, sans discrimination. Il voulait aussi dire aux non-chrétiens qu’il n’était pas là pour les convertir à une autre religion, mais pour leur dire : « Dieu vous aime tels que vous êtes ».
Tout au long de ces années de service et de services rendus auprès et au large, Yves a donné à beaucoup de personnes l’occasion de se donner généreusement au service des nécessiteux et des malades. En France, dans sa chère Bretagne, il avait gardé et créé des contacts précieux. Deux associations de soutien à ses œuvres ont apporté et continuent d’apporter leur concours aux responsables et bénévoles locaux de Vriddhachalam. Ainsi donc l’œuvre mise en place par Yves à Vriddhachalam et alentour n'est pas l’œuvre d’Yves, mais inspirée par lui. Si ce n’était que son œuvre, cela se serait arrêté avec son départ. Mais cela continue parce que cela fut fait selon l’Esprit du Christ et qu’il a su semer dans les cœurs des semences pour aujourd’hui et pour demain.
Parlant de semences, la paroisse de Vriddhachalam est fière d’avoir parmi ses enfants des prêtres et des religieuses dont la vocation est facilement traçable à l’exemple du prêtre que fut Yves au milieu des siens.
Arrivé à Vriddhachalam au début de l’année 1972, Yves a œuvré, labouré et sillonné en tous sens le territoire qui lui avait été confié. En trente-huit années de labeur intense il a beaucoup semé. Il a eu des joies ; celles de voir lever des moissons. Il n’a pas toujours pu récolter. Peu importe, il a jeté généreusement des semences de vie éternelle ; vie dont il jouit maintenant. Yves a passé faisant le bien et donnant la joie autour de lui. Car il faut bien le dire ; Yves était un homme, un prêtre joyeux, même dans l’adversité. Il ne se répartissait pas de sa bonne humeur et avait l’art, par un bon mot, une plaisanterie de semer la joie et l’entrain autour de lui. Néanmoins, lorsque cela était nécessaire, il savait gronder, refuser, corriger et morigéner, selon le principe de « qui aime bien, châtie bien ».
Vriddhachalam est située dans la plaine. Le climat y est éternellement chaud, et torride une grande partie de l’année. Yves a supporté courageusement les affres de ce climat. Mais il ne fait pas de doute qu’au fils des années ce climat extrême a usé et fatigué précocement son organisme. On a souvent remarqué sa volonté de fer dans les moments et situations difficiles. Il fonçait et ne regardait pas à la fatigue. Seul le devoir du moment comptait. Yves fut vice-régional de nombreuses années et ce jusqu'à son dernier jour. On avait parfois l’occasion de se réunir et de passer un moment agréable ensemble. Yves avait presque toujours quelque urgence ou réunion importante : à peine la réunion terminée, il repartait vers les siens ne se préoccupant que peu de se reposer et de se détendre.
Yves était notre tout dernier missionnaire MEP au diocèse de Pondichéry. Nous espérions dans les dernières années qu’il y resterait assez longtemps pour voir arriver une relève. Et à vrai dire la relève n’était pas loin puisque on venait de nous annoncer l’arrivée prochaine – pour 2010 et 2012 – de deux jeunes missionnaires. Yves le sut, mais le temps de voir la relève ne lui fut pas donné.
C’est surtout à partir de l‘année 2007 qu’on a pu voir la santé de Yves s’affaiblir. Lui qui avait une enjambée longue et agile, marchait plus lentement et péniblement à pas réduits. Lacer et délacer ses chaussures prenait du temps et lui était visiblement pénible, mais jamais il ne se plaignait. Il savait faire face à toute pénibilité avec une rare détermination.
Depuis ses débuts à Vriddhachalam, il vivait dans le même presbytère vétuste. Dans les dernières années le plafond menaçait à tout moment de lui tomber sur la tête. Maintes fois l’archevêque lui conseilla de bâtir un nouveau presbytère. Yves fit la sourde oreille, jusqu'à ce que l’archevêque ordonne qu’un presbytère soit bâti, jouxtant l’ancien. Après l’inauguration de ce magnifique presbytère, que pensez-vous qu’il arriva ? Yves refusa de l'habiter prétextant qu’il n’avait jamais, ni demandé, ni voulu un nouveau presbytère pour lui-même. Yves tenait à vivre sa vie dans la simplicité : c’était sûrement le cas. Mais n’y avait-il pas aussi un peu de cet entêtement si largement cultivé en sa chère Bretagne ? Après s’être prononcé, Yves ne faisait pas facilement marche arrière.
Début septembre 2008, Yves souffrait de douleurs dorsales, mais refusait toute hospitalisation. Finalement, convaincu par les arguments un peu musclés de son entourage et aussi par les douleurs devenues insupportables, il fut conduit à l’hôpital PIMS de Pondichéry le 29 septembre 2008. Le 9 octobre les examens médicaux révèlent un cancer avancé de la prostate. Le cancer a métastasé alentour. Les poumons, le foie et les os mêmes sont atteints. Yves passe par différentes phases d’agressivité ou de dépression.
Le 27 octobre, il est transféré à l’hôpital des sœurs de Cluny, Pondichéry. Il ne peut pas se lever seul. Il a trop de visites : cela l’agace et le fatigue. Sœur Thérèse, une française, qui gère un atelier de broderie dans une ancienne maison bourgeoise, l’accueille chez elle. Elle filtre les visites efficacement et lui obtient de meilleures nourritures, surtout avec l’aide de Mme Striby, épouse du consul adjoint de Pondichéry. Sœur Thérèse l’obligeait à se lever, mais trop souvent ses aides le mettaient dans un fauteuil pour le promener à l’extérieur de la chambre. Souvent il refusait de répondre au téléphone. Sans doute à cause de sa faiblesse. Le 7 novembre des examens supplémentaires révèlent que les os sont atteints et risquent, dans un mauvais mouvement ou chute, de se briser. Les docteurs recommandent une radiothérapie des os. Pour cela il est amené à l’hôpital Apollo de Chennai le 14 novembre. Il y subit quelques examens et est ramené à Pondichéry en attendant qu’une chambre se libère. Il y revient le 19 novembre. Il y subit une IRM le 21 novembre. Le traitement radiothérapie divisé en dix sessions, commença le 24 novembre. À partir de là, son état général s’améliore rapidement. Il revint chez sœur Thérèse à Pondichéry le 8 décembre 2008.
La prise en charge d’Yves par sœur Thérèse devenait trop lourde pour elle. Il y avait toujours autant de visites et ce n'était pas facile à gérer. Il fut donc décidé qu’Yves irait s’installer à l’qrchevêché, où une belle chambre climatisée lui fut attribuée. Il s’y installa le 11 juin. Entretemps, lorsqu’il se sentait assez fort, il allait volontiers passer un jour ou deux ou plus à Vriddachalam, où il était heureux de voir ses gens et enfants.
Nous avions fortement conseillé à Yves d’aller se reposer en France, quand il a commencé d’être fatigué. Yves retardait toujours le moment de partir, jusqu’au moment où son état de santé ne le lui permit plus. Lorsque Yves commença son traitement chimio à l’hôpital Apollo de Chennai à partir du mois de novembre 2009, et qu’il semblait aller mieux, il aurait, peut-être pu voyager et rentrer en France. Mais il ne le désirait pas. Après consultation, les médecins ne lui conseillèrent pas vraiment de tenter le voyage. Cela conforta Yves dans son idée de ne pas aller en France. Le temps passa. D’autres examens médicaux s’imposent car il a de plus en plus mal au dos. Cela ne rend pas sa position couchée agréable. Le cancer atteint la moelle épinière. En fait, après quelque six ou huit mois de mieux, il a recommencé de s’affaiblir. À partir du début du mois de septembre il téléphone plusieurs fois au supérieur régional, père C. Cornu, « Ça ne va pas, j’ai mal. Il faut que je retourne à l’hôpital à Chennai, mais on me dit qu’il n’y a pas de chambre de libre. »
Finalement Yves repart à Chennai car les douleurs l’empêchent de dormir et il n’a pas d’appétit. Le 22 septembre, Leo, le fils de Michael Anbalagan – son homme de confiance depuis plus de vingt-cinq ans – téléphone au père C. Cornu pour lui dire qu’Yves ne peut plus se lever seul, ni même se tourner seul sur le lit. Le taux d’hémoglobine est tombe à 8. On lui fait une transfusion sanguine dans la nuit puis la radiothérapie de la colonne vertébrale. Cela fait, les docteurs le renvoyèrent lui demandant de revenir dans quinze jours. Il rentra donc à l’archevêché de Pondichéry. Son état ne s’améliora pas.
Le père C. Cornu, supérieur régional était parti une semaine plutôt pour Taiwan ou avait lieu le conseil plénier. Le père Henri Bonal qui était en congé en France et sur le retour, apprit des supérieurs qu’Yves n’allait pas bien du tout. Il est arrivé à Bangalore le 2 octobre au matin. Là, le père Henri Bonal retrouva le père Lucien Legrand qui lui fit part des toutes dernières nouvelles : Yves allait mal. Tous deux décidèrent donc d’aller rendre visite à Yves le plus vite possible. Ils s’y rendirent le lundi 4 octobre. Et trouvèrent Yves allongé sur le dos, le visage marqué par la fatigue et la souffrance. Ils parlèrent avec lui pendant 30 minutes environ. Yves ne parla pas beaucoup. Il respirait péniblement comme s’il allait chercher loin à l’intérieur l’air dont ses poumons avaient besoin. Il demanda des nouvelles des confrères et semblait heureux de revoir deux de ses confrères. Voyant qu’Yves fatiguait et souhaitait même être laissé seul, les pères Lucien Legrand et Henri Bonal le laissèrent se reposer, lui ayant promis de revenir le voir le soir et célébrer l’Eucharistie avec lui dans la chambre le lendemain matin. Le soir venu, ils revinrent lui faire une visite : Yves semblait sommeiller. Les deux pères restèrent un moment à ses côtés et puis sortirent. Il faut dire qu’à ces moments-là il y avait un flot presque incessant de gens, de religieuses et de prêtres venant le voir. Visiblement Yves avait du mal à supporter cela.
Le lendemain matin vers 5h30 les pères Lucien Legrand et Henri Bonal furent réveillés et informés qu’Yves allait au plus mal. Quand les deux pères arrivèrent à sa chambre, il y avait là un docteur et une ou deux infirmières. « Il vient de s’éteindre », leur dirent-ils. Yves est décédé le lundi 5 octobre à 6h13 du matin.
Il ne fallut que quelques minutes pour que la nouvelle se répande. Tous les supérieurs qui se trouvaient à Hualien, Taiwan, pour le Conseil Plénier furent aussitôt informés. Dans l’heure qui suivit le décès de Yves, l’archevêque Mgr Anandarayar, réunit le vicaire général, les conseillers et les pères Legrand et Bonal. L’archevêque proposa que, selon la tradition, le père Olivier soit inhumé dans le cimetière de l’archevêché. Mais la majorité des pères présents firent remarquer que toute la population de Vriddhachalam allait affluer demandant que le père Y. Olivier soit enterré à Vriddhachalam.
Précisément, pour prévenir qu’une trop grande foule se déplace à Pondichéry, le curé et quelques responsables de Vriddhachalam furent informés par téléphone de dire aux gens que le corps du père Olivier serait transporté au plus vite à Vriddhachalam et que seulement une délégation soit députée pour venir chercher le corps. Le corps du père Olivier resta exposé dans l’Archevêché jusqu'à 14h. Jusqu’à cette heure-là il y eut une procession incessante de gens venus saluer notre confrère.
Le père Yves Olivier est enterré dans la terre qu’il a nourrie de sa sueur, de ses soucis et de son amour pour les gens de Vriddhachalam. La cérémonie eut lieu le lendemain, mardi 6 octobre dans l’église de Vriddhachalam. La grande foule, chrétiens, musulmans, hindous, qui est accourue pour dire son respect et affection suffit à elle seule pour dire et proclamer combien l’apostolat, le sens du service, la proximité du père avec toutes et tous, ont marqué cette population. Générations anciennes et les plus jeunes ne l’oublieront pas de sitôt. Et encore moins, nous ses confrères qui ont vécu en sa compagnie d’inoubliables moments de joie et de vraie fraternité MEP.
À Dieu, notre frère Yves, nous ne tarderons pas. Garde-nous une place à tes côtés, car on ne s’y ennuie jamais.