Claude MONTVUAGNARD1938 - 1986
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4177
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Cambodge
- Région missionnaire :
- 1966 - 1975
Biographie
Claude MONTVUAGNARD nait le 5 févier 1938 à Poissy (Yvelines), diocèse de Versailles. Dès sa naissance, ses parents partent en Haute- Savoie pour s'établir à Excenevex où il fait ses études primaires avant d'entrer au petit séminaire de Thonon pour y suivre ses études secondaires.
Admis aux MEP après sa première année de théologie, il effectue son service militaire au camp de Sathonay, à Fréjus, et à Djibouti où il enseigne le catéchisme aux enfants des militaires.
Après le décès de sa mère, il reste quelque temps auprès de son père et entrea au séminaire en 1963. Ordonné prêtre le 23 avril 1966, il part pour le Cambodge.
Cambodge (1966-1975)
A son arrivée à Pnompenh, il étudie la langue khmr. En mai 1968, il est nommé à Kampong Khor chez le P. Venet où il rédige un catéchisme en khmer. Chassé de son poste en 1970 par la guerre, il revient à Pnompenh ; de là il part comme vicaire du P. Ahadoberry à Battambang avant de s'installer à Montkolorey où il peut exercer son ministère. Dépressif, il revient en France, et en septembre 1972, avec le P. Ponchaud, il retourne au Cambodge.
Nommé vicaire du P. Couëron au village catholique de Preah Meada à Pnompenh, il doit rentrer en France en 1975, de nouveau dépressif afin d'être hospitalisé.
Evian, Hauteville (1976-1977)
En 1976, accepté dans le diocèse d'Annecy, il intègre l'équipe sacerdotale d'Evian, mais son état de santé l'oblige à être hospitalisé pour subir plusieurs interventions chirurgicales ; après sa convalescence, il reprend son poste à Evian. En 1977, après une nouvelle hospitalisation pour dépression, il devient aumônier à Hauteville à la maison Notre Dame de Mazières, communauté des soeurs Franciscaines de Marie.
Excenevex, Belley (1978-1986)
Quittant Hauteville, il revient à Excenevex où il reçoit l'accueil fraternel du P. Cassidou, curé de la paroisse ainsi que les meilleurs soins de la famille de son frère.
Mgr Dupanloup, évêque de Belley, lui confie un poste dans son diocèse en devenant vicaire du curé de la paroisse de cette ville. Malheureusement, son état de santé se détériore rapidement et le P. Montvuagnard s'éteint brusquement le 29 avril 1986.
Nécrologie
[4177] MONTVUAGNARD Claude (1938-1986)
Notice nécrologique
Le Père Claude MONTVUAGNARD
Missionnaire au CAMBODGE
1938 - 1986
MONTVUAGNARD Claude
Né le 6 février 1938 à Poissy, Yvelines, diocèse de Versailles
Entré aux Missions Étrangères le 15 septembre 1958
Prêtre le 23 avril 1966 - Destination pour le Cambodge
Parti le 25 août 1966
En mission : Cambodge : 1966-1975
En France : 1975-1986
Décédé à Belley, le 29 avril 1986
Obsèques à Belley le 2 mai 1986, et inhumation à Excenevex le même jour
Voir carte nº 9
Enfance et jeunesse
Claude Montvuagnard naquit à Poissy, le 6 février 1938. Mais ses parents regagnèrent la Haute-Savoie peu de temps après, pour s’établir à Excenevex, où Claude fut baptisé le 27 mars 1938.
Les souffrances commencèrent pour lui de bonne heure, car en 1939 il perdit son père, des suites de la guerre et aussi par un cancer des intestins.
Ses études primaires terminées à Excenevex, il entra en 7e au petit séminaire de Thonon, où il fit ses études secondaires jusqu’à la philosophie inclusivement.
Nous n’avons pas de détails sur l’origine de sa vocation sacerdotale et missionnaire. L’une des motivations, pas la principale, bien sûr, de son entrée aux Missions Étrangères fut son désir de rejoindre un bon camarade déjà aspirant à Bièvres.
C’est le 17 juillet 1958 qu’il fit sa demande d’entrée aux Missions Étrangères. Le supérieur du petit séminaire de Thonon consulté répondit le 10 août 1958 : « Claude Montvuagnard est un excellent garçon que vous pouvez accueillir sans appréhension. Du point de vue intellectuel, il n’a que des moyens très modestes, mais il est travailleur et capable d’arriver à des résultats très honnêtes. Du point de vue caractère, plein de bon esprit, mais un peu dissipé. Peut-être aussi aurait-il besoin de surveiller sa tenue extérieure. » Quant au curé d’Excenevex, il donna également une appréciation très favorable.
Admis le 13 août 1958, il entra à Bièvres le 15 septembre pour commencer ses études ecclésiastiques et se préparer au sacerdoce. Les notes du supérieur du séminaire signalent un tempérament riche, mais qui a besoin de se discipliner, spécialement pour réprimer ses fous rires. Au moment de son agrégation temporaire, voici ce qu’en dit le supérieur : « C’est un aspirant assez peu doué pour les études, mais il fait certainement tout ce qu’il peut. Il a très bon esprit et contribue au bon esprit dans la maison. Il manque un peu de finesse dans son extérieur et ses paroles, mais il a un bon caractère et est très franc et confiant ».
Après sa première année de théologie, il accomplit son service militaire, d’abord au camp de Sathonay, près de Lyon, puis à Fréjus, en attendant de s’embarquer pour Djibouti. Ses diverses lettres montrent qu’il a le souci de l’apostolat auprès de ses camarades ; il fait aussi le catéchisme aux enfants de militaires qui sont à Djibouti avec leurs familles.
C’est vers la fin de son service militaire de 18 mois, en 1962, qu’il perd sa mère. À la suite de ce deuil, son frère Gérard est tout désemparé. C’est pourquoi Claude demande la permission de rester près de son frère pendant quelques mois. Pendant ce temps-là, il travaillera, conseillera son frère et l’aidera à surmonter l’épreuve. Il invoque aussi une autre raison : ce temps de travail passé en dehors du séminaire lui permettra de tester sa vocation, et ainsi de ne pas s’engager dans le sacerdoce à la légère. Cette permission lui fut accordée et c’est après les vacances de Pâques 1963 qu’il rentra au séminaire.
Avant son ordination au diaconat, au mois de juin 1965, il demanda à prolonger ses études d’un an, par souci d’une information plus complète et pour revoir certains traités de théologie. Cette demande fut présentée au Conseil permanent qui n’opposa pas de refus formel, tout en soulignant quelques inconvénients. En fait, Claude ne fit pas cette année supplémentaire.
Ordonné prêtre, le 23 avril 1966, il reçut sa destination pour la mission du Cambodge. Il en fut ravi, car cette destination lui permettait de rejoindre un de ses bons amis du petit séminaire arrivé au Cambodge en 1965.
En mission
Parti par avion le 25 août 1966, il arriva sans délai à Phnom Penh. Dès son arrivée, il se mit à l’étude de la langue khmère et pour ce faire, il fut envoyé dans la chrétienté de Chui Changvar, non loin de Phnom Penh. Il est bon de se rappeler quelle était la situation dans les trois pays que l’on appelait la « Fédération Indochinoise ». C’était la fameuse guerre d’Indochine. Cependant le Cambodge était en paix. Le Cambodge a connu la paix depuis son indépendance en 1953, et cela jusqu’au coup d’état qui a renversé le roi Sihanouk en 1970. On pouvait pratiquement circuler en paix et en sécurité dans tout le Cambodge sans risque, de jour comme de nuit, sauf dans certaines forêts.
Au témoignage d’un confrère, le P. Montvuagnard progressait favorablement dans l’étude de la langue ; cependant il se faisait des complexes malgré tous les soutiens et les encouragements qui lui étaient apportés. Il en arriva même à faire une dépression sévère. Grâce au P. Vuilliez – un Savoyard également – qui l’emmena faire le tour du Cambodge, il retrouva la forme physique et morale.
C’est alors, au mois de mai 1968, qu’il fut envoyé à Kompong Kor, chez le P. Venet, pour continuer l’étude du cambodgien et commencer à s’initier au ministère. Dans cette campagne, il était très heureux et se trouvait de plain-pied avec les paysans de la région. Avec son ami, ils s’attellent à la composition d’un catéchisme. Claude se charge des introductions et des explications : ce qui prouve qu’il avait acquis déjà une bonne Connaissance de la langue. À Kompong Kor et à Kompong Cham, la ville voisine, il forme un certain nombre de jeunes gens qui sont encore catéchistes au Cambodge. Malgré tout, il nourrit toujours un complexe d’infériorité intellectuelle.
En 1970, tout est à feu et à sang au Cambodge. La guerre chasse le P. Montvuagnard de Kompong Kor. Il revient à Phnom Penh et, peu après, est envoyé à Battambang, chez le P. Ahadoberry. Il faut rappeler ici que, depuis le mois de septembre 1968, le Cambodge est divisé en trois circonscriptions ecclésiastiques : Phnom Penh, Vicariat apostolique, Kompong Cham et Battambang, Préfectures apostoliques. La préfecture apostolique de Battambang est sous la direction de Mgr Tep Im. On peut dire que c’était le premier pas pour l’érection de la hiérarchie khmère au Cambodge. Hélas ! les événements tragiques de 1975 ont tout détruit.
Le P. Montvuagnard ne resta pas bien longtemps à Battambang, mais alla s’installer à Mongkolborey, à une soixantaine de kilomètres de Battambang, où il continua l’étude de la langue, s’adonna à la formation de catéchistes et s’occupa des jeunes comme à Kompong Kor. Tout semble aller assez bien, mais la situation ne lui est pas favorable. En fin 1971, il est de nouveau victime d’une dépression, et revient à Phnom Penh.
Comme le P. Ponchaud, son ami, part en France, il oblige pratiquement le P. Montvuagnard à partir avec lui. Au cours de ce séjour, du mois de mars au mois de septembre 1972, ils font ensemble une bonne retraite à la Flatière. Le P. Montvuagnard demeure chez le P. Ponchaud qui fait tout pour le sortir de cet état d’anxiété qui le mine. Peu à peu, il recouvre un équilibre satisfaisant et tous les deux rentrent au Cambodge, au début de septembre 1972.
À son retour à Phnom Penh, le P. Montvuagnard est nommé vicaire du P. Couëron, au village catholique de Préah Méada, à Phnom Penh. Il s’occupe surtout des jeunes et réussit bien. Le P. Couëron n’a qu’à se louer de son dynamisme. Hélas, le beau fixe ne dure pas longtemps ; il fait dépression sur dépression, passe par des moments d’abattement complet, ou au contraire de surexcitation. Il n’est plus maître de lui-même. Le climat de guerre à Phnom Penh ne lui convient pas du tout. Il n’y a plus qu’une solution, c’est de le rapatrier. C’est ce qui eut lieu au mois de février 1975. Il arriva en France, le 6 février.
En France
À son arrivée en France, le P. Montvuagnard était dans un état physique et psychique qui réclamait des soins particuliers. C’est pourquoi il fut hospitalisé à Saint-Mandé, dans une clinique spécialisée. Sans être guéri, il se sentit quand même suffisamment en forme pour aller en Savoie et participer au service funèbre à l’intention du P. Vuilliez : c’était le 26 avril 1975.
Après cette sortie, il revint à Saint-Mandé pour quelques mois encore. Au mois d’août 1975, d’accord avec le docteur de Saint-Mandé, il partit pour Douvaine, dans un foyer d’enfants plus ou moins handicapés dirigé par un prêtre. Mais il restait en relation avec le docteur de Saint-Mandé et le responsable de l’entraide sacerdotale dans la Société. Ce n’était somme toute qu’un ban d’essai, et non un ministère officiel dans le diocèse.
Au mois d’août 1976, il fut accepté dans le diocèse d’Annecy et prit place dans l’équipe sacerdotale d’Évian.
Mais le mal sourd qu’il portait en lui faisait des progrès, tant et si bien qu’il dut être hospitalisé à Lyon. Son état sanitaire se révéla beaucoup plus grave qu’on ne l’avait soupçonné au premier abord. Il fut hospitalisé à Lyon, du 17 février jusqu’au 4 avril 1977. Il subit l’ablation de tout le gros intestin et fut appareillé en conséquence. De plus, il dut recevoir des perfusions anticancéreuses pendant plusieurs mois. Après un temps de convalescence dans la région de Briançon, il reprit son service pastoral à Évian.
Hélas, au mois d’août 1977, les choses se gâtèrent. Il entra de nouveau dans une crise de dépression très grave avec des comportements qui manifestaient un déséquilibre total. L’hospitalisation fut alors indispensable. Il fut donc envoyé dans une clinique psychiatrique à Hauteville, dans l’Ain. Les soins dévoués du docteur lui redonnèrent un équilibre encore fragile. Après cela, il entra en post-cure, au centre Hélios, également à Hauteville, du 3 au 24 octobre 1977. Son comportement se stabilise ; il célèbre la messe chez les religieuses qui sont très satisfaites de ses services. Le temps de post-cure terminé, il passa une dizaine de jours à Excenevex, puis retourna à Hauteville, comme aumônier des Franciscaines Missionnaires de Marie, à la maison Notre-Dame des Mazières. Il était ainsi à proximité du docteur et pouvait recevoir ses perfusions au centre Hélios.
Le 26 décembre, il quitte définitivement Hauteville, car il s’y ennuie. Il n’a d’autre ministère que la célébration de la messe pour les religieuses. C’est à ce moment-là que le diocèse d’Annecy fait savoir qu’on ne peut le reprendre, ni lui confier un ministère quelconque, soit dans l’immédiat, soit plus tard. Ce fut pour lui une très grosse épreuve.
Il rentre donc à Excenevex, sa paroisse. Il faut noter qu’à chaque retour au pays, il fut reçu, logé, pris en pension par le P. Gassidou, curé de la paroisse. C’est à l’accueil très fraternel de ce prêtre, d’une part, de la famille de son frère Gérard dont les enfants l’aimaient beaucoup, d’autre part, que Claude doit, pour une bonne part, d’être parvenu à surmonter ses dépressions de manière à pouvoir exercer un ministère fructueux à Belley.
À Belley
Grâce aux démarches faites par le Père chargé de l’entraide sacerdotale dans la Société, Mgr Dupanloup, évêque de Belley, accepta d’accueillir le P. Montvuagnard et de lui confier un ministère dans son diocèse, malgré les risques de difficultés que pouvaient faire craindre des événements récents. C’est le 28 janvier 1978 que le P. Montvuagnard fut adjoint au curé de Belley, qui le soutint avec une charité et une compré¬hension admirables.
Mais les malheurs du Père ne sont pas pour autant terminés. Il s’en va à Lyon pour une visite de contrôle. Au point de vue cancer, son état s’est stabilisé. Mais on s’aperçoit qu’il a une phlébite. Il est donc de nouveau hospitalisé à Lyon, le 24 février 1978. Une fois remis sur pied, il rentre à Belley. Pendant l’été, à Vittel, il est de nouveau hospitalisé pour une para-phlébite et les docteurs découvrent chez lui des troubles de la thyroïde. On lui donne un traitement à l’iode pour quelques mois. En fait, le traitement ne produisit pas le résultat escompté et, le 20 novembre 1979, il fut opéré de la thyroïde à l’hôpital de Chambéry. Cette opération n’améliora pas son état général, bien au contraire. Cependant il continue son ministère à Belley avec beaucoup de courage. Il a notamment beaucoup de succès auprès des jeunes. Il s’occupe de catéchismes qu’il fait dans les écoles et pour un groupe de handicapés. Malgré son état physique, il fut même un temps entraîneur des jeunes au football. Et souvent le presbytère était envahi par ces jeunes entourant le P. Claude. Un peu plus tard lui furent confiées des paroisses rurales dépendant de Belley. Là il se dévoua de tout son cœur et se trouva très à l’aise avec les paroissiens qui se montrèrent très attachés à lui.
Malgré tout son zèle et tout son courage, son état physique se détériore de plus en plus et il meurt presque subitement, le 29 avril, au presbytère de Belley. Ses obsèques furent célébrées à Belley, le 2 mai 1986, et l’inhumation eut lieu le même jour à Excenevex, son pays natal.
Telle fut, en résumé, la vie sacerdotale et missionnaire du P. Claude Montvuagnard.
Au risque de quelques répétitions, il est utile de reproduire quelques documents qui feront mieux connaître ses activités au Cambodge, et surtout en France, et feront mieux ressortir son zèle et son dévouement.
Voici d’abord des passages d’un article paru dans le Journal de Belley et intitulé : « Le décès du P. Claude, vicaire de la cathédrale, a frappé Belley et le Bugey ».
« Émouvante cérémonie que celle qui réunissait en ce vendredi 2 mai, dans une cathédrale comble, tous ceux qui voulaient rendre un dernier hommage au P. Claude.
Car il en avait suscité des amitiés, à peine une décade parmi nous, ce Pasteur venu de Haute-Savoie, après un douloureux détour dans le Cambodge des Khmers rouges.
Tous ceux, jeunes et moins jeunes, de Belley, de Conzieu, d’Ambleon, de Saint-Germain-les-Paroisses, ou de Colomieu ou d’ailleurs encore, eurent vite fait de reconnaître en lui un des leurs.
Malgré la maladie et les souffrances qui l’accablaient, il trouva la force d’âme nécessaire pour toujours et simplement être disponible. Mais c’est surtout vers les jeunes qu’allait son inclination ; il sut être au plan football un entraîneur reconnu, mais aussi un maître aimé et respecté dans son action de catéchèse et de scoutisme.
Dans les paroisses de campagne, il savait toujours trouver les mots, créer les circonstances aux rapprochements de tous, même et y compris de ceux qui n’allaient pas à l’église.
Le cher P. Claude Montvuagnard nous a quittés ; il repose maintenant dans sa paroisse natale à Excenevex, en Haute-Savoie, mais gageons que les Bugistes sauront avoir de la mémoire et que son souvenir restera toujours dans leur cœur ».
L’Eucharistie des funérailles fut concélébrée par le P. de La Corbière, vicaire général, qui la présidait et une quarantaine de prêtres du diocèse et des Missions Étrangères. Mgr Dulanloup, empêché, fit lire le message que voici :
« Bien chers tous,
Puisque je ne puis participer aux funérailles du cher P. Claude, je tiens à vous assurer de toute mon union de prière. Alors qu’il était revenu du Cambodge en Haute-Savoie, c’est lui-même qui avait demandé si je pourrais l’accepter dans le diocèse de Belley. J’en avais parlé au P. Charbonnet qui, dès le lendemain et malgré la neige, partait à Excenevex pour proposer au P. Montvuagnard de venir travailler avec lui à Belley et dans les paroisses environnantes. Il y restera près de huit ans. Nous garderons tous du P. Claude le souvenir d’un prêtre courageux et zélé. Je voudrais dire à sa famille et à tous ceux qui l’ont connu et aimé ma profonde sympathie.
Il s’était confié à moi d’une façon étonnante en me demandant, dès le départ, de le tutoyer comme autrefois en Haute-Savoie. Il m’avait à plusieurs reprises parlé de sa santé déficiente. Je tiens à dire publiquement aujourd’hui l’amitié qui nous liait.
Je participe à la peine de tous les membres de sa famille, des Missions Étrangères, et de tous les paroissiens de Belley. Comme l’Église nous le demande, nous continuerons à prier pour lui. Nous sommes encore dans le temps pascal : le Christ ressuscité est notre lumière et notre espérance. Qu’Il daigne combler de sa paix et de sa joie celui qui l’a servi fidèlement au milieu de ses frères et qui, depuis longtemps, avait tout quitté pour le suivre ».
Après l’Évangile des Béatitudes, lu à la messe concélébrée, le P. Charbonnet, ancien curé de Belley, celui qui avait tant aidé le P. Montvuagnard, prononça l’homélie :
« Chers confrères, chers amis,
Cet Évangile des Béatitudes que nous venons de lire nous présente des attitudes d’âme que, dans notre pauvre humanité, nous ne trouvons jamais réalisées de façon parfaite.
Mais tout de même, il y a certains de nos frères qui nous paraissent vivre spécialement telle ou telle d’entre elles. Notre cher P. Claude qui nous a été enlevé si soudainement était, me semble-t-il, de ceux-là.
« Heureux ceux qui ont une âme de pauvre ». Avoir une âme de pauvre, n’est-ce pas comme lui, être simple, ne pas essayer de camoufler ses limites de santé ou autres, se savoir petit devant Dieu et mettre sa confiance en Lui. Que de fois nous avons admiré cela chez notre ami !
S’il y avait un homme qui, comme on dit, ne faisait pas le malin, c’était bien lui ! Quand il lui fallait, par exemple, célébrer la messe avec ce tremblement qu’il avait souvent et qui l’empêchait d’élever le calice, il voyait bien que certains le regardaient avec étonnement et même inquiétude, mais il ne se troublait pas ; il faisait ce qu’il avait à faire, de son mieux, simplement, se contentant de dire à la fin de la messe, avec humour : « Je pense qu’au ciel on ne tremblera plus », parole d’actualité aujourd’hui.
Mais dans le souvenir du P. Claude, nous aimerons relire une autre béatitude qui nous dit : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront conso¬lés ». « Ceux qui pleurent... » Non, à vrai dire, le P. Claude ne pleurait pas, pas en public en tout cas. Il ne se plaignait pas, mais il souffrait, oui, il peinait, et cela n’en finissait pas. Déjà au Cambodge où il est resté de 1966, année de son ordination, jusqu’à 1975, il avait été très fatigué. Et depuis son retour, à travers diverses opérations et traitements, il traînait son corps malade et pesant, avec de bons moments parfois, mais plus souvent avec lassitude et souffrance. Cela le rendait, en privé, un peu taciturne, fuyant les palabres ecclésiastiques ; mais tous ceux qui le connaissaient ont remarqué que, lorsqu’il venait ouvrir la porte du presbytère, ou lorsqu’on avait besoin de lui, il était toujours accueillant et aimable, maîtrisant ce qu’il pouvait ressentir. À longueur de semaines, de mois et d’années, ce n’est pas rien ! Il mérite bien, comme ceux qui pleurent d’être consolé !
Et il y a encore ceci : « Heureux les artisans de paix ! » Là je pense au caractère profondément humain du P. Claude qui le mettait de plain-pied avec tous. Je me rappelle, quand nous recevions des fiancés, chacun de notre côté, pour la préparation de leur mariage, avec moi, au bout d’une demi-heure, c’était fini ; on avait dit ce que l’on avait à dire. Avec lui, facilement au bout d’une heure ce n’était pas terminé, et personne ne s’ennuyait. Il était fraternellement proche des uns et des autres.
Dans sa jeunesse, il avait fait partie d’une équipe de football de Thonon où il était, paraît-il, un butteur imbattable. Hélas, Ces dernières années, ses infirmités l’empêchaient de faire du sport, mais il s’intéressait aux joueurs et il était reconnu comme compétent : il avait toujours sa place au stade de Belley. Mais surtout, depuis 1981, il avait recueilli la charge de deux paroisses du P. Cornaton : Colomieu et Conzieu, plus Ambleon et Saint-Germain-des-Paroisses, et là il était l’homme du pays : en dehors de son ministère très assidu – dont la succession ne sera pas facile – il partageait les soucis et les loisirs de tous. Ainsi grâce à lui, des préjugés disparaissaient, des rapprochements se faisaient : il était l’artisan de la paix ! Il sera durement regretté de bien des gens, y compris de gens qui ne fréquentent pas l’église.
Enfin, ne pouvant tout dire, je voudrais relever une dernière Béatitude que je vois s’appliquer au P. Claude : « Heureux les miséricordieux ! ». Et je pense notamment à deux choses : tout ce qu’il a su faire pour les Cambodgiens réfugiés en 1979-1980. Il était le seul à Belley à connaître la langue. Que de temps passé, que de démarches, que de patience, et tout cela sans en parler, en agissant simplement comme il faisait toutes choses. Et surtout, je pense à ce groupe d’abstinents d’alcool qu’il soutenait de son appui fraternel et à cause desquels il s’était condamné lui-même à ne prendre aucune boisson alcoolisée, et je vous prie de croire que dans les villages bugistes, si l’on voit beaucoup de monde, ce n’est pas chose facile de tenir pareille résolution ! Mais il disait simplement, sans se vanter : « Pour le tabac, j’ai essayé plusieurs fois, je n’ai pas réussi à m’abstenir, mais pour l’alcool, grâce à Dieu, ça va ! » N’oublions pas qu’il faisait cela pour les autres !
Oui, heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde !
Cher P. Claude, vous nous avez quittés trop vite. Notre peine est grande ! Bien sûr, nous prions pour vous, en premier lieu dans cette Eucharistie, célébrée en commun, par tous, mais notamment par vos frères Prêtres des Missions étrangères de Paris et des diocèses de Belley et d’Annecy. Nous le ferons aussi par l’intercession de la Vierge Marie que, comme les humbles chrétiens, vous aviez coutume de prier, votre chapelet à la main. Mais partez en paix, cher Père : vos huit années à Belley n’auront pas été perdues ! Dieu seul sait tous ceux que vous avez personnellement aidés, éclairés, réconciliés. Mais à nous tous, vous laissez le rayonnement de lumière de votre âme simple, droite et donnée. Merci ! ».
Après la messe concélébrée, l’absoute fut donnée par Mgr Lesouëf, Préfet apostolique de Kompong Cham, au Cambodge. Avant de procéder à cette cérémonie, Mgr Lesouëf adressa un dernier adieu à celui qu’il avait bien connu au Cambodge.
« Le moment est venu de dire un dernier adieu à notre frère et ami, le P. Claude, en évoquant ce que nous avons vécu avec lui. Cet « adieu » est un « au revoir » dans l’espérance. Je le dis au nom de ses confrères des Missions Étrangères de Paris et aussi au nom des prêtres et des chrétiens du Cambodge parmi lesquels s’est déroulée sa trop courte vie mis¬sionnaire.
Arrivé au Cambodge en 1966, il a d’abord consacré trois années selon la règle, à étudier la langue et aussi à connaître le cœur, et l’âme des Khmers, leurs coutumes, leur sens artistique, leurs traditions, leur histoire, leur religion, leur culture. Il put alors se donner à l’apostolat qui lui était confié dans des villages de campagne d’abord, puis dans la ville de Phnom Penh. Il avait une influence particulière près des jeunes qu’il entraînait à jouer (surtout au football), et aussi à réfléchir, à prier, à connaître Jésus-Christ.
Mais bientôt, en mars 1970, le Cambodge fut entraîné dans la guerre, une guerre impitoyable qui ravagea tout le pays, amenant près de deux millions de personnes à se réfugier à la capitale. Le P. Claude s’est alors dévoué de toutes ses forces à soulager leur misère. La souffrance ressentie devant tant de misères, de détresse, l’inquiétude lancinante, le danger fréquent des obus, des roquettes qui tombaient sur la ville, l’angoisse pour l’avenir, tout cela finit par avoir raison de ses forces et de ses nerfs. Au début de 1975 il dut revenir en France pour se soigner. Deux ou trois mois plus tard, les Khmers rouges s’emparaient de Phnom Penh et le calvaire du peuple cambodgien allait prendre une forme cent fois plus cruelle et il n’est pas terminé !
Pendant ces dix dernières années, le P. Claude s’est dévoué en divers ministères en France. Vous en avez été les témoins : à Douvaine, à Évian, à Hauteville et à Belley. En même temps, il vivait en communion avec le peuple du Cambodge et sa souffrance. Il y a seulement quelques jours, il proposait d’apporter sa collaboration au Service institué par le Saint-Siège pour l’apostolat auprès des Cambodgiens, en reprenant contact avec les réfugiés khmers de la région. Le Seigneur en a décidé autrement. Sa prière se joindra désormais à celle de Jésus, toujours vivant afin d’intercéder pour ses frères.
Car notre adieu est plein de l’espérance que le P. Claude, dès maintenant, retrouve près du Seigneur ceux qui l’ont précédé : ceux de sa famille humaine d’abord, et aussi ses frères et sœurs du Cambodge : les prêtres tués dans les années 1970-71 : les PP. Claudel et Rollin, Grannec, Cadour, Tân, Dung, Rapin ; et puis les disparus du grand massacre cambodgien : Mgr Salas et Mgr Tep Im, les Pères Badré, Salem, Chamroeun et Dany, tous les religieux et religieuses restés au Cambodge, les chrétiens des villages de Chui Changvar et de Kompong Kor où il a vécu et la foule de ceux qui sont morts de misère et de faim sur les « champs de la mort » du régime Khmer rouge. Je pense qu’à eux aussi s’appliquent les paroles de l’Apocalypse : « Ils viennent de la grande épreuve... C’est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux.
Que le Seigneur daigne admettre notre frère, notre ami, Claude Montvuagnard en sa présence et en leur compagnie et qu’il daigne le combler, lui aussi, de sa joie !
Et qu’il nous accorde à tous de vivre, dès maintenant, dans la fidélité à son amour !
Beaucoup de zèle, beaucoup de courage pour supporter les multiples épreuves tout au long de sa vie, telle est la leçon que nous laisse le P. Claude Montvuagnard.
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Références
[4177] MONTVUAGNARD Claude (1938-1986)
Réf. biographiques. - CR 1967 p. 78, 80. - EC1 n° 106 p. 114, 109 p. 216, 114 p. 28, 115 p. 61, 137 p. 55, 207/C2, 646, 753-62-63-67. - EC2 10 p. 305, 26 p. 25, 32 p. 187, 33 p. 199, 34 p. 241, 37 p. 217, 42 p. 174, 52C2, 56C2, 58 p. 335, 64 p. 178, 65 p. 215, 68 p. 307, 71 p. 47, 73 p. 117, 84C2 p. 102, 86 p. 175. - MEP 1966 n° 145 p. 14 PH . - HIR n° 138/2, 146/2, 186/5-6.