Un document inédit sur les premières relations entre la France et Taïwan, au XVIIe siècle
« Grand et magnanime prince de l’isle Formose, les bruits qui ont couru par le monde des grands avantages que Votre Altesse a remporté sur ses ennemis, et l’accueil favorable que les marchands étrangers reçoivent dans les ports de Votre Altesse, nous firent former le dessein […] d’envoyer de nos navires aux isles de la Chine qui sont sous la domination de Votre Altesse, pour y faire commerce ».
Ainsi commence cette lettre peu connue, adressée depuis Pondichéry par les directeurs de la Compagnie royale des Indes orientales, créée 16 ans auparavant par Louis XIV dans une visée commerciale et coloniale. Nous sommes en effet en 1680, en pleine période d’expansion de l’influence française en Asie du Sud-Est.
Pourquoi cet intérêt de la France pour Formose (aujourd’hui Taïwan), la « belle île » ainsi nommée par les Portugais au XVIe siècle ? En fait, l’intérêt français pour les océans Indien et Pacifique est provoquée par une rivalité avec la puissance maritime hollandaise, à son apogée au milieu du XVIIe siècle. Des années 1620 aux années 1660, les Hollandais colonisent même une partie de l’île de Taiwan pour s’y garantir une base sûre entre la Chine et le Japon, deux puissances visées par leurs ambitions coloniales. Ils en sont chassés en 1661 par les forces armées de Koxinga, chef de guerre chinois qui devient, par sa victoire, roi de l’île.
Les auteurs de cette lettre s’adressent au fils de Koxinga, Zheng Jing, devenu roi de Formose à son tour. Ils profitent des revers hollandais dans la zone, ainsi que du traité de Nimègue, signé deux ans auparavant, à la suite de la victoire de Louis XIV sur les armées hollandaises dans le Nord de l’Europe. Forts de ce contexte favorable, ils annoncent au roi de Formose la venue de deux ambassadeurs français qui « offriront à Votre Altesse un fusil, une paire de pistolets et une pièce de brocard », tout en précisant que « une fois que nous serons assurés que nos navires pourront aller en toute sûreté aux ports de Votre Altesse, nous prendrons la liberté d’envoyer alors à Votre Altesse des présents plus considérables » !
L’intention de ce courrier ne semble pas avoir été suivie d’effets, les Français ne prenant pied à Taiwan que bien plus tard, à la fin du XIXe siècle. Il est toutefois intéressant de constater qu’une copie s’en trouve aux archives des MEP, témoin des relations étroites qui lient les premiers missionnaires de la Société avec les acteurs de la Compagnie des Indes, dans cette période fondatrice des relations franco-asiatiques.