Henri PETITJEAN1919 - 2004
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3813
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Identité
Naissance
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Biographie
[3813] PETITJEAN Henri est né le 3 décembre 1919 à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Ordonné prêtre le 7 octobre 1947, il part le 3 avril 1948 pour la mission de Hué (Vietnam).
De 1948 à 1954, il est professeur au collège de la Providence à Hué, en 1954 et 1955, vicaire à Dông Ha, chez son confrère Louis Valour, de 1955 à 1968, professeur au collège de la Providence et de 1968 à 1975, professeur au petit séminaire de Hué.
Expulsé du Vietnam en 1975, il part alors pour l’Île Maurice, où il est nommé vicaire à Rose-Hill, de 1976 à 1980.
Il est ensuite nommé au Conseil permanent des MEP à Paris, de 1980 à 1986, puis il retourne à Rose-Hill.
À partir de 1993, il est vicaire à la paroisse de Quatre Bornes et se retire ensuite à la maison des MEP à Rose-Hill.
Il meurt le 28 septembre 2004.
Nécrologie
[ 3813 ] PETITJEAN Henri, Jean, René
Missionnaire
Hué – Maurice
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Henri, Jean, René PETITJEAN, fils de Jean-Marie et de Catherine, Léonie Guépratte, son épouse, naquit le 3 décembre 1919, à Nancy, département de la Meurthe-et-Moselle. Le 14 décembre 1919, il reçut le baptême en la paroisse Saint Joseph de la ville Nancy, diocèse du même nom. Son père était expert-comptable. Il avait été pilote d'avion pendant la Première Guerre Mondiale. Il participait activement à la vie de sa paroisse St. Joseph de Nancy, où il avait tenu le rôle du Christ au "Théâtre de la Passion". Cette famille chrétienne comptait trois enfants, trois garçons. Henri était l'aîné.
Henri parcourut le cycle des études primaires dans une école publique située rue Gebhart à Nancy. Celles-ci achevées, "il rêvait de devenir pâtissier", mais le vicaire de la paroisse N.D. de Lourdes de Nancy, Mr. l'abbé Raymond Simonin, l'orienta vers l'école presbytérale de Nancy où Henri commença ses études secondaires ; il y resta deux ans, en classe de sixième d'abord, puis en cinquième. En octobre 1932, il passa au petit séminaire à la Chartreuse de Bosserville , commune de Art-sur-Meurthe, pour y continuer et y terminer le cycle des études de l'enseignement secondaire couronnées par le Baccalauréat. Selon son témoignage, il trouva dans cette maison un corps professoral composé de prêtres, compétents, dévoués, suscitant admiration et sympathie chez leurs élèves.
En octobre 1938, M. Henri Petitjean se dirigea vers le Grand Séminaire diocésain de Nancy : "Notre-Dame de l'Asnée". Survint le commencement de la Seconde Guerre Mondiale. Appelé sous les drapeaux en 1940, il fut affecté à Annecy. En juin 1940, il se trouvait en Charente où il fut fait prisonnier, sans avoir combattu. Mais il sut profiter de l'incapacité de l'armée allemande à maîtriser la situation, pour reprendre sa liberté.
Arriva alors la défaite militaire française suivie de l'application des conventions de l'armistice du 22 juin 1940. Un des problèmes du moment : Que faire de ces jeunes gens récemment incorporés dans une armée démoralisée, battant en retraite ? On estimait leur nombre à 90.000. Jetés sans armes sur les routes de l'exode, en désordre, ils se transformaient parfois en bandes de pillards ou de délinquants. Voilà pourquoi, le 30 juillet 1940, le gouvernement de Vichy créa "les Camps de Jeunesse" devenus par la suite les "Chantiers de la Jeunesse". Le commandement en était confié au général de La Porte du Theil, nommé Commissaire Général. Il s'agissait d'arracher ces jeunes à l'oisiveté en les encadrant par des jeunes officiers, de leur rendre confiance en eux-mêmes, de les former à l'accomplissement d'un certain service civil, et de les préparer dans la discipline à une reprise possible des combats dans le futur. Les Chantiers n'étaient ni des camps militaires ni des camps scouts. Ils étaient nés dans l'improvisation avec des conditions de vie assez difficiles ; leur originalité consistait à concilier les avantages et parfois les défauts des uns et des autres. Ainsi, avec l'entrée en vigueur de l'armistice, M.Henri Petitjean quitta sa tenue militaire pour endosser celle des Chantiers, "le vert forestier" où il continua son "service national obligatoire" pendant environ six mois, à Rumilly, en Haute-Savoie. C'est là qu'il connut MM. Léon Dujon et Roger Bianchetti, aspirants des Missions Étrangères de Paris. Son stage terminé, démobilisé, il rentra à Nancy, ville située alors en "zone interdite".
En octobre 1941, M. Henri Petitjean, rendu à la vie civile, reprit le chemin du Grand Séminaire de Nancy. A l'ouverture de cette nouvelle année scolaire, l'autorité diocésaine lui confia la charge de surveillant au petit séminaire.
Le dimanche 12 juillet 1942, depuis Nancy, il présenta au Supérieur de la Société des Missions Étrangères, une demande d'admission au Séminaire de la Société. Il écrivait : .."Je viens solliciter de votre bienveillance mon admission au Séminaire des Missions Étrangères. Élève au Grand Séminaire de Nancy, j'ai terminé mes trois années de philosophie . Ces trois années ont été coupées, en juin 1940,par ma mobilisation, par un séjour de trois mois à l'armée, puis de 6 mois aux Chantiers de la Jeunesse. Depuis lors, j'ai achevé ma philosophie, et durant l'année scolaire qui vient de se terminer, j'ai été surveillant au petit séminaire diocésain.
Depuis cinq ou six ans, je ressens l'attrait des Missions. J'ai attendu jusque maintenant pour prendre une décision, afin que celle-ci soit plus réfléchie. Je me suis décidé en accord avec mon directeur et avec l'assentiment – un peu douloureux, bien sûr –de mes parents. J'ai fait part de mes intentions à Monseigneur l'Évêque de Nancy, qui m'a donné l'autorisation de quitter le diocèse, (j'ai reçu le 29 juin dernier, les 1ers Ordres Mineurs), pour suivre ma vocation.
En vous demandant de m'accepter dans votre séminaire, je crois n'agir que poussé par des motifs surnaturels : l'amour des pauvres âmes païennes et la gloire de Notre Seigneur Jésus.
Je ne connais la Société des Missions Étrangères que par ce que j'en ai lu : Monographie de Letouzey et Ané, livres de G.Goyau, du R.P. Flachère.
Si je l'ai choisie de préférence à une autre Congrégation Missionnaire, c'est qu'on n'y impose pas de vœux de religion spéciaux – je n'en sentais pas pour moi la nécessité ; c'est aussi que le champ d'apostolat qui lui est confié m'a attiré, en raison de la densité des païens qui y vivent, et du bien qui pourra s'accomplir là-bas après les bouleversements actuels…."
Suite à cette demande, quelques renseignements furent pris auprès du Supérieur du Grand séminaire de Nancy. Celui-ci , dans sa lettre du 19 juillet 1942, écrivait : .." Vous me demandez ce que je pense de M. Henri Petitjean. Que puis-je vous en dire, sinon que je vous félicite de recevoir dans votre Société un sujet de cette valeur. C'est certainement un de nos meilleurs séminaristes. Non seulement, je n'ai pas de réserves à faire à son égard, mais je ne puis que formuler un jugement favorable à tous points de vue: santé, famille, intelligence,travail, jugement,piété, docilité, bon esprit…."
Le 30 septembre 1942, M. Henri Petitjean entrait, minoré, au séminaire des Missions Étrangères à Paris. Mais des évènements importants marquèrent les derniers mois de cette année là. Ils furent décisifs dans le déroulement des seconde guerre mondiale. Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquaient au Maroc, en Algérie, et marchaient sur la Tunisie, occupée par les troupes allemandes. Le 11 novembre 1942, l'armée allemande envahissait la zone sud appelée "libre" de la France ; c'était la fin de la fameuse "ligne de démarcation". L'armée italienne occupait Nice et la Corse. Le 27 novembre 1942, l'armée d'armistice était dissoute ; la flotte française de Toulon se sabordait pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. Sous la pression des Allemands, le 2 février 1943, le gouvernement de Vichy instituait le service du travail obligatoire (S.T.O.), afin de fournir de la main d'œuvre aux usines du Reich. Étaient concernés à des degrés divers, tous les jeunes français de 18 à 50 ans, mais y étaient astreints les jeunes nés entre le 1er octobre 1919 et le 31 décembre 1922.
Se sentant menacés par l'application de cette Loi, refusant de partir en Allemagne, un groupe d'aspirants missionnaires Mep, courageux décida de courir risques et périls afin de s'engager dans les forces de l’Armée française en Afrique du Nord. A cette fin, M. Henri Petitjean passa en Espagne, puis au Maroc via le Portugal. Il y retrouva quelques uns de ses confrères de la rue du bac, dont MM. Léon Dujon, Marius Bray .
Suite à un accident, M. Henri Petitjean se retrouva à l'hôpital , remis sur pied, il fut envoyé à l'École militaire de Cherchell, en Algérie. En novembre 1944, il fut affecté à la 1ère Division Française Libre (D.F.L.). En décembre 1944, début 1945, il participa à la campagne d'Alsace, et fut grièvement blessé au bras droit, par l'explosion d'une mine lors des opérations militaires autour du village de Rossfeld, au nord est de Sélestat, département du Bas-Rhin. Décoré de la croix de guerre, voici le texte de la citation qui l'accompagnait :.." Par Ordre général N° 322, en date du 1er février 1945, le Général de brigade Garbay, commandant la 1ère D.F.L. , cite à l'ordre de la Division :
" Petitjean Henri, aspirant : chef de section des mortiers, a inlassablement mis en œuvre ses pièces durant les combats de Rossfeld du 7 au 11 janvier 1945, allant d'un groupe à l'autre de jour comme de nuit sans se soucier des actions ennemies. Pris sous un tir ennemi, a poursuivi son action, donnant à toute sa section un bel exemple. Blessé le 8 janvier 1945 par une mine antipersonnelle, a refusé de se faire évacuer, assurant jusqu'à la relève le commandement qui lui avait été confié. "
Après la campagne d'Alsace, et la libération de Colmar, la 1ère D.F.L. fut affectée au front des Alpes sous le commandement du général Doyen. M. Henri Petitjean et son unité continuèrent le combat dans le nord du département des Alpes Maritimes dans le massif de l'Authion, bastion commandant l'arrière pays niçois. En avril 1945, il fut blessé par balle, et finit la guerre dans un hôpital de Cannes.
Rendu à la vie civile, M. Henri Petitjean regagna le séminaire des Missions Étrangères, à Paris, en octobre 1945. Le 29 juin 1946, il reçut les deux derniers ordres mineurs ; sous-diacre le 21 décembre 1946, diacre le 28 juin 1947, il fut ordonné prêtre le 7 octobre 1947, reçut sa destination pour le service du vicariat apostolique de Hué. Agrégé à la Société des Missions Étrangères le 1er avril 1948, ainsi que 14 autres confrères, il quitta Paris le 3 avril 1948, en compagnie de M. Louis Valour envoyé à la même mission. Tous deux s'embarquèrent à Marseille quelques jours plus tard.
Nos deux jeunes missionnaires arrivèrent à Hué, la capitale impériale, juste à temps pour assister, le 27 mai 1948, au sacre épiscopal de Mgr. Jean-Baptiste Urrutia, nouveau vicaire apostolique et leur évêque. Avec grande joie, ce dernier accueillit les jeunes arrivants qui furent envoyés à l'Institut de la Providence, pour l'initiation et l'apprentissage de la langue viêtnamienne. Cet Institut avait vu le jour, en 1933. C'était un collège catholique au service des jeunes gens viêtnamiens, indochinois, et européens sans distinction d'appartenance sociale ou religieuse. Cette maison jouissait d'une réputation bien établie pour le sérieux des études, ses succès aux examens, et pour la formation humaine et spirituelle qui y était dispensée, dans le respect des consciences. Son rayonnement était important tant auprès des familles françaises qu'indochinoises. M. François Lemasle, devenu vicaire apostolique de Hué le 4 février 1937, en avait été le premier supérieur.
Les évènements qui secouèrent l'Indochine en 1945 conduisirent à la fermeture provisoire de cet établissement. Sous l'occupation japonaise suivie de la prise du pouvoir par le "Viêtminh" le 2 septembre 1945, puis pendant le siège de Hué, de décembre 1946 à février 1947, la maison avait accueilli quelques 400 familles déplacées. Ensuite l'armée avait réquisitionné une partie des bâtiments.
En septembre 1947, à la demande des familles, M.Georges Lefas prit la responsabilité de rouvrir l'Institut de la Providence, en s'adaptant à la situation nouvelle dans laquelle se trouvait le Viêtnam. Il sut réunir autour de lui quelques professeurs laïques compétents et dévoués. Il fallut repenser les méthodes pédagogiques, les programmes d'enseignement. L'étude du latin fut sauvegardée, car les élèves du petit séminaire vivaient et suivaient des cours avec leurs camarades qui se préparaient à des carrières laïques. En septembre 1948, 250 élèves étaient inscrits, se répartissant entre les classes de huitième et celle de Philo-Maths.
Pour renforcer le corps enseignant de la Providence, M. Joseph Grall avait reçu sa destination pour le vicariat apostolique de Hué, le 29 juin 1948. Embarqué à Marseille sur le "Cap Tourane" le 12 novembre 1948, il arriva à Saïgon le 28 décembre 1948. Le 12 janvier 1949, en vue de rejoindre sa mission,il prit le train à Tourane. Celui-ci tomba dans une embuscade viêtminh, au bord de la lagune de Lang-Cô. Emmené dans la montagne par ses ravisseurs, le jeune missionnaire ne donnera plus signe de vie .
En raison d'une situation d'urgence, le nombre des enseignants étant insuffisant, M. Henri Petitjean fut appelé à assurer des cours dans l'établissement, tout en menant de front l'étude de la langue viêtnamienne. Sur ce dernier point, il n'y avait rien de bien organisé à cette époque. On faisait souvent appel à des professeurs bénévoles; mais il était bien difficile de trouver le temps nécessaire pour être à la fois professeur et étudiant en langue, et, à la demande, rendre service à la paroisse Saint François-Xavier de Hué.
De 1948 à juillet 1953, M. Henri Petitjean fut un enseignant polyvalent. Première étape à l'Institut de la Providence : "…sans aucune préparation adéquate, écrit il, [il] y sera successivement professeur de Français, Histoire, Math, Philo, selon le bon vouloir du Supérieur.." Il prit conscience de l'importance de connaître la langue du pays et il ressentit combien son "étude du viêtnamien [était] tout à fait insuffisante avec des "professeurs de fortune". En 1975, appelé à présenter une proposition pour le choix d'une nouvelle mission, il fera allusion à la souffrance qui fut la sienne, en raison des conditions où il fut mis pour l'étude du viêtnamien.
Mais à la Providence, il fut aussi un professeur heureux. Il "a la chance, écrit-il, d'avoir des élèves travailleurs, intelligents, disciplinés, et des professeurs charmants: Lefas, Oxarango, Eynard, Pierron (quelques années), puis (en 53 ?), Duval et Kermarrec expulsés de Chine. " Le pays vivait toujours dans un climat de guerre avec son rythme de violence, de brutalité, de corruption, d'insécurité, de désordre, d'incertitude pour l'avenir. Les divisions, les pressions politiques ainsi que l'idéologie et la propagande viêtminh, tout cela avait une répercussion sur les élèves. Pour le corps enseignant, il était nécessaire de travailler en équipe, de s'encourager, de suivre le travail des élèves, et de rester en relation avec les familles. Selon le témoignage d'un ancien élève, en ces temps troublés et difficiles, il a fallu à ce corps professoral "beaucoup de délicatesse, de prudence, de sens de l'autre pour accomplir sans heurt leur travail de chaque jour."
Le témoignage de vie des prêtres professeurs portait du fruit. En 1951, la région de An-Ninh, où était implanté le petit séminaire, manquait de sécurité. Les études et la formation risquaient d'en souffrir. L'évêque jugea bon de ramener les 70 élèves et un professeur de cette maison, à l'Institut de la Providence. Cette même année, trois élèves reçurent le baptême, et quelques autres s'y préparaient. L'année scolaire se termina par l'ordination sacerdotale pour le service du vicariat apostolique de Kontum, de l'un des premiers anciens élèves de la Providence, le P. Alexis Lôc. Devant les élèves présents, il revenait rendre grâce au Seigneur, et exprimer sa reconnaissance à ses professeurs.
Le 11 juin 1953, se répandait l'heureuse nouvelle de la libération, par les autorités viêtminh, des missionnaires retenus prisonniers à Vinh depuis 1946. Craignant les attaques aériennes, ils avaient navigué en sampan pendant huit nuits sur la rivière Sông-Gianh. Un petit bâtiment de la marine française, amarré à Thanh-Khê, les avait recueillis. Ils avaient fait étape à Dong-Hoi, puis avaient été reçus à l'aérodrome de Phu-Bai par NN.SS. Urrutia, vicaire apostolique de Hué, et Ngô-Dinh-Thuc, vicaire apostolique de Vinh-Long, de passage dans sa ville natale. L'évènement remplit de joie tous les vicariats apostoliques mais d'abord les jeunes missionnaires arrivés après 1946. MM. Henri Petitjean et Louis Valour allaient faire connaissance avec ces "captifs rendus à la liberté". Huit d'entre eux appartenaient au vicariat apostolique de Vinh, un à celui de Thakhek, six à celui de Hué, (dont le P. Léopold Cadière), huit étaient décédés au cours de leur captivité à Vinh. Deux manquaient à l'appel encore retenus par les viêtminh.
En juillet 1953, par suite de désaccord avec les méthodes du Supérieur du Collège, M. Henri Petitjean fit part à son évêque de son désir de quitter l'Institut de la Providence, pour prendre un peu "l'air de la brousse". Celui-ci l'envoya comme vicaire à Dông-hà, auprès de M. Louis Valour "son bâteau", curé de cette paroisse lequel y avait déjà construit une église. Cette chrétienté vietnamienne de création relativement récente, était située à l'embranchement de la route N°9, en direction du Laos ; elle était constituée de familles ayant quitté divers villages sous contrôle viêtminh plus ou moins direct. Avec leurs notables, les "sages" de leur chrétienté, elles venaient chercher ici une meilleure sécurité et du travail. L'une des difficultés pour le curé, était de réaliser l'unité de cette nouvelle communauté sans blesser trop vivement les particularismes légitimes propres à chaque groupe qui la composait . Une base militaire française était installée dans les environs. Tout en continuant à se perfectionner dans la pratique de la langue viêtnamienne, M. Henri Petitjean aidait son confrère et ami, dans l'administration pastorale et temporelle de la paroisse. Tous deux ensemble construisirent une école, grâce au concours des militaires français et de leur aumônier militaire.
L'année 1954 était une année mariale. Elle fut aussi celle de la chute du camp retranché de Diên-Biên-Phu, le 7 mai 1954, suivie de la conclusion des "Accords de Genève" (20 juillet 1954). Le Viêtnam se trouvait divisé en deux "Républiques" chacune se réclamant d'un système politique différent. Une zone démilitarisée, à la hauteur du 17ème parallèle servait de nouvelle frontière entre les deux États . Cette ligne de démarcation qui passait à environ une trentaine de kms au nord de Dông-Hà, coupait en deux le vicariat apostolique de Hué. Ce partage déclencha un déplacement important de population du Nord vers le Sud. Bénéficiant des clauses des accords de Genève, de nombreux réfugiés, laissant tout derrière eux, quittaient le territoire de la "République Démocratique du Nord Viêtnam" . Ils arrivaient quotidiennement par terre et par mer, à la mission de Dông-Hà. Ils savaient que les Pères les accueilleraient selon leurs moyens, au moins temporairement, en attendant d'être dirigés vers d'autres centres d'implantation. Accueillir les réfugiés, c'était une priorité. Leur nombre fut tel à Dông-Hà, que MM. Louis Valour et Henri Petitjean durent agrandir leur église, tout en menant de front la charge délicate de l'organisation et de la distribution des secours.
Après s'être dévoué pendant plusieurs mois au service des réfugiés, M. Henri Petitjean, quitta Dông-Hà, au début de l'année 1955. Il était nommé curé de Thân-Phu, une petite chrétienté à une quinzaine de kms au sud de Hué. M. René Lamoureux du vicariat apostolique de Ubon en Thailande lui succédait comme vicaire à Dông-Hà. Il était envoyé par Mgr. Bayet, son évêque, pour apprendre la langue de Hué, parlée par une partie assez importante et remuante de ses ouailles.
Le séjour de M. Henri Petitjean à Thân-Phu fut relativement court. Mais il eut le temps d'apprécier l'habileté des dignitaires de la paroisse dans la gestion des biens temporels, et le dévouement apostolique et efficace des religieuses viêtnamiennes. A la rentrée d'octobre 1955, il était invité à reprendre son enseignement à l'Institut de la Providence. Rappelé au Collège de la Providence, Mr. Henri Petitjean y retrouva toute l'équipe des confrères professeurs : MM.Lefas, Oxarango, Duval, Kermarrec. Il écrit : ...."Lefas se tue à corriger les copies et à enseigner alternativement ou simultanément toutes les matières en Terminale. Oxarango, Licencié ès Lettres (Latin/Grec) enseigne la chimie… et fait du cinéma pour nous distraire. Duval introduit les Math modernes. Une équipe bien sympathique.." Des prêtres et des laïques viêtnamiens faisaient aussi partie du corps professoral.
Le 11 juin 1954, à l'occasion de la distribution solennelle des Prix l'Institut de la Providence fêtait son vingtième anniversaire. Si les nombreuses difficultés de tout ordre, n'avaient pas arrêté l'essor du Collège durant ces dix dernières années, chacun cependant avait conscience qu'une nouvelle étape venait de commencer. A la rentrée de septembre 1954, le nombre des élèves atteignit le chiffre de 480, un effectif des plus élevé depuis la fondation du Collège. Dans le cours de cette nouvelle année scolaire, les élèves se montrèrent sensibles aux évènements politiques et militaires que vivait le Viêtnam. Pour la première fois depuis l'ouverture de l'Institut, se manifesta chez quelques uns d'entre eux un certain mauvais esprit passager, suscité par des éléments du dehors. M.Jean-Marie Viry, supérieur de la maison, sut ramener le calme, et mena à terme l'année scolaire 1954-55.
Après dix ans de supériorat, il demanda et fut autorisé à prendre un congé en France, en juin 1955. Il remit alors la direction du Collège entre les mains du P. Simon-Hoà Nguyên-van-Hiên, du vicariat apostolique de Hué. Mais celui-ci n'exerça cette charge que durant quelques mois. Nommé par le Saint Siège, vicaire apostolique de Saïgon, la capitale du Sud Viêtnam, il reçut la consécration épiscopale, le 30 novembre 1955, des mains de son compatriote, Mgr. Pierre Ngô-Dinh-Thuc, en la cathédrale de Saïgon. Le P. Tran-Huu-Ton, provicaire de Hué, fut appelé à prendre la direction de l'Institut de la Providence.
L'année 1955 fut marquée par la destitution de l'empereur Bao Dai, le 23 octobre 1955, suite à un référendum organisé par son ex-premier ministre M. Ngô-dinh-Diêm, originaire de Hué, avec l'appui américain. Le 26 octobre 1955, ce dernier était proclamé Président de la République du Sud Viêtnam (Viêtnam Công-Hoà). C'était le début période nouvelle.
En 1957, on commença à orienter les élèves des petites classes vers les programmes de l'enseignement national viêtnamien. Mais il fut décidé de conduire jusqu'au terme de leurs études, les élèves qui avaient déjà commencé le cycle secondaire de l'enseignement français. Le passage d'un système à l'autre, étalé dans le temps, se fit progressivement. Durant une dizaine d'année encore, les missionnaires professeurs pouvaient envisager de continuer leur ministère d'enseignant à la Providence.
Cependant,en 1965, afin de maintenir la qualité de l'enseignement français dans les classes conduisant au B.E.P.C. en fin de troisième, et en raison du manque de professeurs qualifiés, on se trouva dans l'obligation d'interrompre l'enseignement du second cycle français dans les classes de seconde, première et terminale. Cette décision qu'on espérait temporaire, fut prise avec l'accord des familles. Pour remédier à cette fermeture, cette même année, MM. Henri Petitjean et J.B. Etcharren aménagèrent une salle d'accueil en ville . Des cours du soir en langue française y étaient donnés gratuitement ; les élèves étaient répartis en deux sections , l'une pour les élèves du second cycle secondaire français, l'autre pour les étudiants en université. L'entrée en vigueur des Programmes nationaux viêtnamiens, en ce Collège, débuta à la rentrée d'octobre 1968.
Durant cette période de 1955 à 1975, on ne peut que mentionner quelques évènements majeurs qui marquèrent la vie politique du Sud Viêtnam. Après quelques années d'un calme relatif, le pays replongea peu à peu dans la guerre contre les communistes du Nord, et "les Vietcong" c'est-à-dire les éléments qu'ils avaient infiltrés dans le Sud, et ceux qui y étaient restés après 1954. Dans cette lutte, l'armée nationale du Sud Viêtnam était assurée du soutien d'une armée américaine dont les effectifs et le matériel militaire allaient croître régulièrement. Des conseillers américains étaient présents auprès des responsables viêtnamiens tant sur le plan civil que militaire. Diverses œuvres caritatives s'implantaient dans le pays. Cette situation ne pouvait qu'influencer la vie de l'Église au Viêtnam, et celle des missionnaires qui y travaillaient. On rentrait dans un temps marqué par les contestations, la répression, l'insécurité, l'instabilité, la guérilla, les combats violents, les déplacements de population etc...
Mais s'il y eut un certain nombre d'évènements tragiques, quelques autres furent heureux. Ainsi, le 8 décembre 1960, le Saint Père établissait la Hiérarchie ecclésiastique dans l'Église du Viêtnam. Il créait trois archidiocèse : Hanoï, Hué et Saigon, et nommait quatre nouveaux évêques du pays. L'archidiocèse de Hué était confié à Mgr. Pierre Ngô-dinh-Thuc, vicaire apostolique de Vinh-Long, natif de Hué, un ancien professeur de la Providence et dont le frère M.Ngô-dinh-Diêm était Président de la République du Sud Viêtnam. Le 12 avril 1961, le nouvel archevêque de Hué prenait solennellement possession de son siège.
Le Supérieur Général de la Société des Missions Étrangères se trouvait à cette époque, en visite à Hué. Mgr. L'Archevêque lui exprima son désir de voir arriver d'autres jeunes missionnaires notamment pour renforcer le corps enseignant de l'Institut de la Providence dont l'effectif en 1962, atteignait le chiffre de 800 élèves, car les élèves du petit séminaire profitaient aussi de l'enseignement donné en cette maison. Il appréciait la formation intellectuelle ainsi que le témoignage de vie donné par ces missionnaires professeurs. Les résultats obtenus aux examens du Baccalauréat et au B.E.P.C. prouvaient qu'elle était la qualité et la valeur du corps enseignant.
Vers la mi-juillet 1963, des mouvements politiques sous influence bouddhiste organisèrent à Saïgon d'abord, puis au Centre Viêtnam des manifestations antigouvernementales, violemment réprimées. Des bonzes s'immolèrent par le feu. Il s'en suivit des troubles militaires et politiques. Puis, un peu plus tard, avec les encouragements des autorités américaines à Saïgon, dans la nuit du 1er au 2 novembre 1963, une junte militaire s'empara du pouvoir dans la capitale, mettant fin au régime du Président Diêm. Celui-ci et deux de ses frères perdirent la vie d'une manière violente. L'archevêque était à Rome où il prenait part au Concile Vatican II. Dès lors, il ne pouvait plus rentrer au Viêtnam. Le 1er juillet 1964, le Saint Père confiait à Mgr. Nguyên-kim-Diên, évêque de Cantho et membre de l'Institut des Petits Frères de Foucauld, l'administration de l'archidiocèse de Hué.
L'année 1966 dans la région de Hué fut marquée par de violents accrochages et des opérations militaires dites de "nettoyage", en particulier à l'ouest et au nord-ouest de Dông-hà. Le 20 février 1966, M. Louis Valour, supérieur local du groupe missionnaire, ancien professeur à la Providence, fondateur de la paroisse de Dông-Hà, où M.Henri Petitjean avait été vicaire, trouva une mort violente, alors qu'il allait célébrer une messe dans une paroisse de néophytes. Sa jeep sauta sur une mine ; lui-même et ses deux petits servants de messe furent tués sur le coup. Quelques années plus tard, le 31 mars 1972, un autre confrère, M. Guy Audigou, ancien professeur à la Providence, otage à Vinh de 1946 à 1953, directeur au grand séminaire de Saigon, supérieur régional du Sud Viêtnam , supérieur du séminaire de Bièvres, reparti à Hué et curé de Cam-lô depuis 1969, mourrait lui aussi de mort violente. Alors qu'il conduisait un blessé à l'hôpital, une grenade fut jetée dans sa voiture. C'était le Vendredi Saint.
Au début de mars 1966, et pendant trois mois, un mouvement contestataire éclata à Danang, gagna Hué, puis Saigon. Il s'en suivit une grève qui toucha le monde étudiant et qui se doubla bientôt d'une rébellion militaire. Cela favorisa les infiltrations des troupes nord-viêtnamiennes, la guerre prit alors un visage nouveau, avec engagements très violents, mettant le diocèse de Hué dans une situation critique. Malgré tout, cette même année, l'Institut de la Providence accueillait dans ses murs les élèves des classes de seconde et première du petit séminaire de Nhatrang, accompagnés par deux de leurs professeurs qui s'inséraient dans le corps professoral de la maison.
En février 1968, le second jour de l'année lunaire "Têt Mâu-Thân", à la surprise générale, les forces viêtcong lancèrent une attaque générale sur les grandes villes du Sud Viêtnam. La ville de Hué, sauf une partie de la citadelle tenue par les forces nationales du Sud Viêtnam, fut occupée pendant trois semaines. Les élèves étant en vacances, l'Institut de la Providence se transforma en poste de commandement et en infirmerie viêtcong. Les combats furent très violents. Les troupes communistes passèrent par les armes quelques 3.000 civils enterrés dans des fosses communes. Le 13 février 1968, nos deux confrères MM. Marie-Georges Cressonnier et Pierre Poncet, au faubourg de Phu-Cam, furent abattus par une rafale de mitraillette, tirée par derrière, alors qu'ils mettaient en lieu sûr les espèces eucharistiques.
Au jour des funérailles de M. Jean Oxarango, décédé le 20 août 2003, le célébrant , dans son homélie, évoquait ces moments tragiques de 1968 : .." Nos quatre confrères professeurs à la Providence…connurent aussi leur part d'émotion. Ils étaient déjà alignés contre un mur, pour y être fusillés, quand ils furent reconnus par un ancien élève, qui, pour une fois, se trouvait du bon côté…" M. Henri Petitjean était l'un des quatre.
Les troupes nord vietnamiennes ayant été repoussées après ces durs combats, M. Henri Petitjean quitta l'Institut de la Providence, en avril 1968, et logea à la maison locale des Missions Étrangères, rue Phan-Dinh-Phung, à Hué. Il prit la succession de M. Marie Georges Cressonnier qu'une rafale de mitraillette avait abattu le 13 février 1968. Il se mit au service des confrères, heureux de leur procurer un peu de repos et de détente dans cette période de guerre brutale. Dans cette tâche, il fut épaulé par "l'aide inestimable de Mai-thi-Lo, majordome et cuisinière ; une sainte paysanne qui a consacré toutes ses forces aux missionnaires ; et qui au risque de sa vie, a été récupérer sur le terrain les corps de Poncet et Cressonnier qui y gisaient depuis 13 jours, ainsi que le petit ciboire qui est exposé dans une vitrine de la Salle des Martyrs " [à Paris].
Mais, installé dans sa nouvelle résidence, M. Henri Petitjean eût à cœur de continuer à faire profiter les jeunes étudiants viêtnamiens de son savoir et de ses talents de missionnaire professeur. L'Institut de la Providence venait de passer au Programme viêtnamien ; lors de la rentrée scolaire d'octobre 1968, son évêque l'affecta, sans lui demander d'y résider, au Petit séminaire diocésain ; il s'y rendait pour enseigner le français aux débutants.
Dans le même temps, à la maison locale des Missions Étrangères, M. Henri Petitjean avait mis sur pied ce qu'il appelait "un Cercle de Français" ou encore "Cercle d'Etudiants"; en fait, il désirait s'adonner à un travail de pré-évangélisation en lien avec des explications et des commentaires de textes littéraires. Voilà pourquoi, tous les soirs, il assurait des cours gratuits de langue et de culture française pour les grands élèves et les étudiants viêtnamiens non chrétiens des Collèges de la ville et de l'Université. Dans une ambiance familiale, d'une manière plus libre et plus souple que dans une salle de classe de collège, on pouvait aborder plus aisément à partir des textes commentés, certaines questions philosophiques et religieuses. Pour lui, c'était aussi un moyen de rentrer dans la culture traditionnelle viêtnamienne et de l'approfondir. En 1974, ce "Cercle d'Etudiants" réunissait une soixantaine d'élèves et étudiants, dont trois ou quatre seulement étaient chrétiens. "Travail passionnant" déclarait-t-il ; travail d'échange qui donna naissance entre lui et ses anciens élèves, à des relations épistolaires suivies et continuées jusqu'au terme de sa vie.
A ce sujet, l'une de ses anciennes élèves raconte : :.." Je m'appelle My-Ha-Phan, je suis viêtnamienne d'origine chinoise. Je me souviens très bien du jour où j'ai, pour le première fois, rencontré le Père Henri Petitjean. Ça s'est passé à Hué, au Viêtnam, en 1970. Un jour mes amies et moi-même, nous sommes allés chez le Père Henri Petitjean. Arrivées devant sa maison, nous avons sonné . Tout à coup, la porte s'est ouverte, un Français, très grand et habillé en noir est apparu devant nous.
Il nous a dit en souriant : "Que désirez vous, mes demoiselles ?
Nous étions très étonnées de l'entendre parler couramment en viêtnamien. Nous lui avons demandé, bien sûr, en viêtnamien, : "Est-ce que vous êtes le Père Petitjean ?". Il nous a répondu : "Oui, c'est bien moi. Veuillez entrer, s'il vous plait."
Nous lui avons dit que nous avions entendu parler de lui comme d'un Père, un très bon professeur, offrant des cours de français gratuits. Dès ce jour là, je suis devenue son élève. Je suis rentrée chez moi, heureuse comme un poisson dans l'eau. Nous avons pu admirer ses grandes qualités d'éducateur et de professeur, mais aussi de prêtre et de missionnaire. Par la qualité de son accueil, le témoignage de son dévouement, sa parole claire et directe, le Père Henri Petitjean a éclairé la route de beaucoup de ses élèves…"
Nous voici en mars 1972 ; les troupes du Nord Viêtnam attaquèrent en force la zone démilitarisée et la ligne de démarcation du 17ème parallèle fixée par les accords de Genève de 1954. Au cours de ces combats, la ville de Quang-Tri fut totalement détruite. Chacun gardait en mémoire les évènements des années passées ; quitter, fuir la zone de guerre devenait une priorité. A Cam-lô, M. Guy Audigou trouvait la mort. M. J.B. Etcharen curé de Dông-Hà et toute la population se virent contraints de se replier sur Danang. A son tour, la ville de Hué se vidait de ses habitants. L'avance communiste fut stoppée grâce à l'intervention des B.52 américains. Une certaine sécurité étant revenue, une partie de la population rentra chez elle. En 1973, du fait de la guerre violente et des déplacements de population qu'elle avait entraînée, la communauté missionnaire de Hué ne comptait plus que le groupe des quatre anciens professeurs de la Providence, dont M. Henri Petitjean. Ils travaillaient à Hué, qui à l'Université qui au Petit séminaire, qui à l'école Jeanne d'Arc. Mgr. J.B. Urrutia, en retraite, gardait la maison locale.
Au début du mois de mars 1975, à partir de la ville de Banméthuôt sur les Hauts-Plateaux commença la grande offensive communiste qui se termina par la prise de Saigon le 30 avril 1975. Les troupes sudistes ayant évacué la ville de Hué, et la quasi-totalité de la population ayant fui vers Danang, Hué tombait entre leurs mains, sans combats, le 25 mars 1975. Mgr. J.B. Urrutia et M. Lefas avaient déjà gagné Saïgon. Les missionnaires restés sur place, capturés, furent internés à la maison locale des Missions Étrangères, puis relâchés, mais interdiction leur fut faite de sortir de la ville. Très vite, ils furent invités à faire une demande de rapatriement. Ils refusèrent.
Les vainqueurs fouillèrent systématiquement les maisons, et le butin envoyé vers le Nord, par convoi. Sans tarder, commença l'embrigadement politique de toutes les couches de la population.
Dans une lettre à son père, en date du 15 avril 1975, M. Henri PetitJean écrit : …"Personnellement, je ne voyais aucune raison de quitter Hué. J'y suis donc resté, avec les PP. Duval et Oxarango, et je m'en félicite. L'Armée de Libération a occupé Hué dans la journée du 25 mars, pratiquement sans combat dans la ville. Les malheureux qui s'étaient lancés sur les routes ont eu bien à souffrir, mais un grand nombre sont maintenant rentrés chez eux. Ici, à la maison, pratiquement rien de changé : notre dévouée cuisinière t'envoie ses amitiés. Sauf pendant quelques heures, nous n'avons jamais manqué d'eau ni d'électricité. Avec le retour des gens, la vie reprend à peu près normalement et il semble que les écoles vont réouvrir dans peu…"
Pour rouvrir les écoles, il fallait trouver des enseignants. La plupart des professeurs viêtnamiens étaient partis ; voilà pourquoi, avec l'accord de Mgr.Nguyên-kim-Diên, archevêque de Hué, MM. Duval et Henri Petitjean furent invités et acceptèrent d'assurer des cours à l'Université de la ville, comme le faisaient déjà, depuis plusieurs années, MM. Lefas et Oxarango.
Invités une seconde fois à présenter une demande de visa en vue de leur rapatriement, et ayant refusé cette proposition, nos confrères et tous les étrangers se virent signifier leur "éloignement du Viêtnam". Voici dans son intégralité, le récit qui en est fait dans le N° 90 des "Echos de la Rue du Bac", novembre 1975…" Hué le 4 septembre 1975, les Pères Duval, Oxarango et Petitjean, ainsi qu'un Père jésuite espagnol et deux assistantes sociales, respectivement belge et libanaise, ont été convoqués par le maire de la ville pour être informés que "le gouvernement avait pris la décision de les faire partir". Ayant deux jours pour préparer leur départ, nos confrères en profitèrent pour distribuer leurs biens, régler quelques affaires,et passer la dernière soirée à l'évêché. Le lendemain matin de très bonne heure, ils se retrouvaient tous ensemble autour de leur évêque pour célébrer une dernière fois l'Eucharistie. A 5 heures 30 du matin, un car les attendait pour les conduire vers Saigon, escortés par quatre policiers. Au soir du premier jour, ils firent escale à Nhatrang. Ils arrivèrent le lendemain soir, vers 18 heures à Saigon. Ils furent logés à l'hôtel Majestic, avec interdiction -de principe- de contacter qui que ce soit à Saigon. C'est là que devait les rejoindre quelques heures plus tard un deuxième groupe de missionnaires…" Le 11 septembre 1975, M. Henri Petitjean et ses confrères arrivaient à Paris.
De retour en France, M. Henri Petitjean se rendit dans sa famille. Du 28 septembre au 3 octobre 1975, les confrères "éloignés du Viêtnam" furent invités à se réunir à Bièvres, afin d'étudier avec le Supérieur Général, le problème de leur avenir. Un certain nombre ayant opté pour un retour en mission, celui-ci leur présenta plusieurs propositions en vue de leur donner une nouvelle destination. M. Henri Petitjean fixait son choix en premier lieu sur l'île Maurice, ensuite sur le Brésil ou enfin sur Madagascar. Mais il ajoutait les remarques suivantes : "Langue : Je fais ces options en fonction, avant tout, de la difficulté (supposée) de la langue à apprendre. Après mon expérience (plutôt malheureuse) de l'étude du viêtnamien, je considère comme condition sine qua non de mon redépart, d'avoir dès le départ, et (dans la mesure du possible), avant le départ la possibilité d'apprendre suffisamment la langue. Ministère envisagé : Je n'en écarte aucun à priori, mais je fais remarquer que j'ai été exclusivement professeur, pendant 27 ans…"
Le 6 décembre 1975, une lettre du Supérieur Général de la Société lui annonçait sa nouvelle destination : l'Île Maurice, pour le service du diocèse de Port Louis confié à Mgr. Margéot. Un groupe de confrères s'était constitué et était envoyé dans ce même diocèse. Le 9 janvier 1976, M. Henri Petitjean , Mgr. Lesouëf, MM. Couëron et Mauvais s'envolaient vers le pays de leur affectation.
Le groupe des nouveaux arrivants reçut un accueil fraternel et chaleureux tant de la part de l'évêque et des prêtres que des chrétiens. M.Henri Petitjean fut nommé vicaire coopérateur dans la paroisse N.D. de Lourdes, à Rose Hill. Il prenait ses repas à la résidence St. Ignace avec le curé de cette paroisse qui était un Père Jésuite, assisté d'un autre jésuite d'origine indienne. Entre eux, il y eut toujours bonne entente et parfaite collaboration apostolique. Mais il résidait à la maison de communauté attribuée au groupe Mep ; celle-ci se trouvait située sur sa paroisse, 3 rue Gordon, Rose-Hill ; il en avait la responsabilité et accueillait les confrères de passage. En août 1979, pendant un certain temps, il hébergea trois moines bénédictins de l'Abbaye de Saint André-lès-Bruges venus à Maurice pour y faire une fondation.
En plus de son travail pastoral ordinaire à Rose-Hill, M. Henri Petitjean s'occupait spécialement du quartier "Wellington", un quartier populaire où vivait une importante population créole. Avec le Centre de préparation au mariage, il organisait des sessions à l'intention des fiancés. Elles s'étalaient sur dix dimanches successifs, les unes en français, d'autres en créole. En 1979, deux sessions avaient été programmées : 35 couples suivirent la session en français, et 190 la session en créole. Les mariages mixtes étant assez fréquents, ce fut l'occasion pour lui de se pencher sur le problème de l'œcuménisme, et de rencontrer des ministres anglicans et presbytériens. La formation religieuse des enfants et adolescents prenait une partie de son temps, car cinq écoles primaires et six collèges secondaires relevaient de la paroisse. Il assurait des cours de religion au Collège Queen Elisabeth. Pour ces jeunes, une messe, préparée et animée par les parents, était célébrée le samedi soir. Mais la présence sur la paroisse de familles chinoises, de communautés hindoues et musulmanes tenait éveillé son esprit missionnaire.
Suite au Conseil plénier de Tokyo en octobre 1977, et en vue de la préparation de l'Assemblée Générale de 1980, fut formé un groupe de réflexion qui prit le nom de "Groupe Ad Exteros" (Gradex). Sa tâche était de réfléchir sur l'état présent de la Société et sur les perspectives missionnaires qui s'ouvraient devant elle. M. Henri Petitjean était l'un des membres de ce groupe. Cela l'amena à se rendre en Inde où, du 5 juillet au 12 août 1978, au sanatorium St. Théodore, Gradex traita les quelques 15.000 réponses reçues suite au questionnaire envoyé aux membres de la Société et aux rapports et comptes-rendus faits par des confrères "correspondants" ; une "Synthèse présentée par le groupe "ad Exteros" fut rédigée et imprimée ; elle avait pour titre "La Société M.E.P. et la Mission" et se présentait sous la forme d'un fascicule de 129 pages ; un questionnaire en 10 points l'accompagnait. L'année suivante, à Bangkok, du 6 au 26 février 1979, le groupe ad Exteros (Gradex) continuait son travail important de préparation de l'Assemblée Générale de 1980. M.Henri Petitjean prit part activement à ces travaux aboutissant à la rédaction de 25 propositons, suivies d'un rapport final sur le travail du groupe.
En 1979, le groupe missionnaire de l'Île Maurice fit choix de M Henri Petitjean pour être leur délégué et les représenter à la prochaine Assemblée Générale qui s'ouvrit à Bièvres, le 2 juin 1980, -une date coïncidant avec le pèlerinage du Pape Jean-Paul II, à Lisieux et où se rendirent les participants à l'Assemblée qui se clôtura le 16 juillet 1980. Au cours de cette Assemblée Générale, le vendredi 11 juillet 1980, sans difficulté, M. Henri Petitjean était élu 3ème Assistant. Au sein du Conseil Permanent de la Société, il fut chargé des relations avec le Service d'Information de la Société, et avec les régions de Taïwan, de l'Océan Indien, le petit groupe missionnaire de Nouvelle-Calédonie et les confrères isolés.
Le temps de son mandat au service de la Société terminé après l'Assemblée Générale de 1986, M. Henri Petitjean ayant exprimé le souhait de retourner en mission, repartit pour l'île Maurice, le 9 novembre 1986. A son retour, il retrouva Rose-Hill et la paroisse N.D. de Lourdes qui comptait alors environ 5.000 catholiques. En plus de son travail pastoral ordinaire, il s'intéressa plus spécialement à deux "Equipes Notre-Dame" et à quatre groupes bibliques qui se réunissaient bien régulièrement tous les quinze jours.
Le 4 mars 1991, Le Saint Siège donnait un coadjuteur à Mgr. Margéot, en la personne de Mgr Maurice Piat, spiritain. Celui-ci prit la direction du diocèse de Port Louis, le 15 mars 1993. En septembre 1993, le P De Saint Pern, curé de la paroisse N.D. de Lourdes à Rose-Hill, fut nommé à la tête de la paroisse Notre Dame du Rosaire à Quatre Bornes. Cette paroisse importante comptait trois lieux de culte. Ayant exprimé le désir de rester dans sa charge de vicaire, et avec l'autorisation de l'Évêque, aussi sec, M. Henri Petitjean suivit son curé en son nouveau poste. Tout en continuant son apostolat auprès du monde chinois, il animait deux Équipes N.D. et plusieurs groupes bibliques. Un de ses auditeurs assidu témoigne …" Il donnait des cours bibliques à la salle Michel Guérin….Les cours duraient en principe une heure….Il arrivait toujours munis de notes polycopiées qu'il distribuait à l'assistance, et il les commentait par la suite. A part ces notes, il présentait aussi des tableaux, expliquant en détail les sujets de sa conférence.." Pour mieux faire vivre et suivre spirituellement ces groupes, il les accompagnait en pèlerinage en Terre Sainte. Son évêque lui confia l'aumônerie de la Vie montante.
M. Henri Petitjean avait gardé des liens très forts avec son diocèse d'origine. Depuis l'île Maurice, à ses confrères prêtres qui , le 29 juin 1997, allaient célébrer leur jubilé d'or à Sion, un sanctuaire marial au sud de Nancy, il écrivait : …" Je suis touché par les efforts que déploie notre diocèse pour maintenir le contact avec les missionnaires qui en sont originaires….Je vais vous dire deux choses de ces cinquante années :
-la première, c'est que ces années n'auraient jamais été ce qu'elles ont été sans les prêtres du diocèse de Nancy ; c'est à l'un d'eux, l'abbé Raymond Simonin, alors vicaire à N.D. de Lourdes de Nancy que je dois ma vocation. J'avais 12 ans, et mon seul rêve était de devenir pâtissier. Je devrais ensuite égrener la litanie de tous les prêtres qui par leur dévouement,leur compétence, leur exemple m'ont donné l'envie de devenir ce qu'ils étaient sous mes yeux et m'en ont procuré les moyens intellectuels et spirituels.
-La deuxième chose que je voudrais dire : l'essentiel de ces cinquante années, a été pour moi les quelques 18.000 messes que j'ai célébrées jour après jour …A Maurice, sur un million d'habitants, 60 % sont d'origine indienne, 30 % sont des Créoles… les autres sont Chinois ou Blancs. Il n'y a que dans les églises que tout ce monde se trouve mélangé et essaye de vivre en harmonie. Cela ne se voit ni dans les temples hindous ni dans les mosquées, ni dans les pagodes…Cela donne un petit avant-goût des foules réunies dans le Royaume dont parle l'Apocalypse.
Voilà de quoi je rendrai grâces au Seigneur, le 26 juin 1997, en m'unissant aux prêtres qui ce jour là, célèbreront à Sion leur jubilé avec notre évêque. Ce lieu m'est cher et je n'ai jamais manqué d'y aller prier Notre Dame à chacun de mes rares retours en France. "
Quant à lui, il fêta ses cinquante ans de sacerdoce, à Maurice, le 7 octobre1997, entouré de Mgr. Piat, évêque de Port Louis, de ses confrères, de nombreux prêtres, sans compter ses amis et paroissiens.
En septembre 2001, M. Henri Petitjean quitta la paroisse Notre-Dame du Rosaire à Quatre-Bornes, son curé ayant été nommé vicaire épiscopal à Rodrigues. "..Pendant quatorze années consécutives, écrira-t-il, j'ai collaboré avec Hervé de St Pern, et je dois dire que j'en ai été très heureux, car c'est un type vraiment charmant et plein de qualités et de talents..." Il regagna la maison locale Mep à Rose-Hill, située sur le territoire de la paroisse N.D. de Lourdes, qu'il connaissait bien. .." Je me retrouve "vicaire dominical" ,confiera-t-il, …Ce qui veut dire que je donnerai un petit coup de main au curé de la paroisse surtout pendant les week-ends…" Retraite active : toujours disponible, il ne resta pas sans occupations. Il reprit contact avec ses anciens paroissiens, avec le monde chinois. Il continua l'animation de groupes bibliques. Il s'initia à l'Internet pour répondre au courrier de ses anciens élèves du Viêtnam qui ne l'oubliaient pas !.
En 2000, en effet, le président du Comité des anciens de la Providence lui offrait de financer son voyage, et l'invitait à venir à Saigon, afin de prendre part à leur réunion programmée pour juin 2001. Il s'excusa de ne pouvoir y répondre, en raison de son âge, des petits ennuis qui y étaient liés, sans toutefois l'immobiliser, et dont il faisait part, dans une lettre du 6 décembre 2000 : …"Malgré des yeux qui ne voient plus très clair, des oreilles que j'ai dû faire appareiller, un genou droit qui fraie, une hanche gauche qui se coince de temps en temps, je suis tout compte fait en bonne santé et j'en remercie le Seigneur.." MM. Georges Lefas et Joseph Laroque le représentèrent lors de cette rencontre à Saigon.
Cependant, vint le jour où son état de santé lui posant des problèmes sérieux, M. Henri Petitjean se résolut à rentrer en France, où il arriva le 5 septembre 2002 ; après un séjour à l'hôpital pour opération, suivi d'un temps de convalescence à la rue du bac et en famille, il regagna la maison locale Mep à Rose-Hill. Mais en mai 2004, il se vit contraint à rentrer en clinique à Maurice. C'est là, qu'après plusieurs mois de maladie et de souffrances éprouvantes, lui qui avait connu jusque là une santé robuste, rendit son âme à Dieu au matin du 28 septembre 2004.
Ses obsèques furent présidées par Mgr. Maurice E. Piat, évêque du diocèse de Port-Louis qui disait dans son homélie :…." Henri Petitjean nous a quittés après plusieurs mois de maladie et une longue agonie…Il a vécu sa dernière épreuve qui le conduisait au grand passage avec le courage et la sérénité dignes du grand témoin de la foi qu'il a toujours été….Une foi profonde illuminait la riche personnalité du P. Petitjean où cohabitaient avec bonheur une grande rigueur et un humour corrosif, ardeur au travail et accueil chaleureux, persévérance au long souffle et gaieté communicative. Homme de grande culture, il fut surtout un grand formateur qui n'écrasait personne par son savoir, mais donnait plutôt à ses élèves le goût d'apprendre et de se mettre en route…Il laisse derrière lui non pas simplement des admirateurs, mais des amis, de nombreux amis reconnaissants dont certains sont venus d'Amérique et d'Asie pour lui rendre un dernier hommage… C'est ce Christ qui lui a proposé d'être pour lui un chemin qu'il a suivi avec joie, avec un bon sens rude et un humour libérant, avec ténacité dans l'épreuve, et aussi avec beaucoup d'attention et de délicatesse pour les compagnons de route qu'il rencontrait sur ce chemin…"
M. Henri Petitjean nous a laissé, sur trois feuilles, quelques brèves notes rédigées rapidement et dans lesquelles il survole les étapes principales de sa vie. Il les a intitulées "Biographie- Nécrologie". Son texte s'ouvre par ces mots : "Mors et Vita duello" (Séquence du Jour de Pâques) et se termine ainsi : "Dieu est bon. La vie est belle."
Janvier 2007