Louis PUNGIER1872 - 1962
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2178
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1895 - 1962 (Pondichéry)
Biographie
[2178] PUNGIER Louis, Jean, Marie naît le 15 juillet 1872 à Paramé dans la banlieue de Saint-Malo en Ille et Vilaine. En 1883, il poursuit ses études dans le grand collège libre de cette ville. Après son baccalauréat, obtenu en 1890, il entre au grand séminaire de Rennes. Admis au séminaire des Missions Étrangères le 27 septembre 1893, il est ordonné prêtre le 30 juin 1895 et part pour la mission de Pondichéry le 15 août suivant.
Professeur de séminaire
Il arrive à destination trois semaines plus tard. Il reçoit sa nomination comme professeur au Collège colonial, alors confié aux Missions Étrangères. Quand le collège est laïcisé en 1899, le P. Pungier espère pouvoir réaliser son grand rêve : aller faire de l'apostolat direct ‘‘dans la brousse’’ Mais on l'envoie au petit séminaire-collège de la mission, où il est de nouveau professeur pendant une année.
Pasteur dévoué que la solitude pousse à l’érudition
C'est alors que son archevêque l'envoie "dans les terres", comme on dit, c'est-à-dire dans un village de l'immense diocèse, bien loin de Pondichéry. En fait, sa destination est Attur, un gros village sur la route de Salem, qui y est aujourd'hui englobé. A l’époque, la paroisse comprend un village de Parias nouvellement convertis ainsi que quelques blanchisseurs, formant un noyau de vieux et bons Chrétiens : un vrai centre de mission. Mais, précisément au moment de l'arrivée du P. Pungier, une famine survient à nouveau. Nombreux sont alors les miséreux qui viennent au presbytère pour demander des secours, pour pouvoir survivre. Le pauvre Père se lamente de ne pouvoir subvenir aux besoins de tous ces gens.
Il aurait aimé recevoir la visite de ses confrères voisins, de Koneripatty ou d'Agraharam. Mais ceux-ci restent chez eux. Le Père Pungier, ainsi isolé, se met à faire de nombreuses lectures. Comme sa mémoire prodigieuse lui permet de se souvenir de tout ce qu'il lit, il élargit ses connaissances dans presque tous les domaines et devient véritablement érudit. Il profite de ses loisirs pour se perfectionner en tamoul et comme il arrive à lire et à comprendre le tamoul classique, il deviendra plus tard le "censeur" officiel des publications de la mission.
Cet amour de la lecture ne lui fait jamais négliger son travail pastoral. En l'espace de huit années, à un moment où les conversions se font rares, il arrive à baptiser pas moins de quarante-quatre adultes. Il agrandit le terrain de l'église et construit une bonne partie du mur de clôture.
En 1924, il prend son congé en France. A son retour en 1925, il est de nouveau envoyé en paroisse, cette fois en tant que curé de Kurumbagaram (1). Pendant cinq années, il s’investit dans sa paroisse, faisant le bien. En 1926, au cours d'une épidémie de choléra, il a le bonheur de convertir une famille hindoue de haute caste, Ramasamy Nadar prend le nom de Rayappan et sa femme Krishnammal celui d'Annamal. Il garde de son passage à Kurumbagaram un excellent souvenir.
Aumônier apprécié
La plus longue période de sa vie missionnaire, il la passe comme aumônier de Tindivanam (2), de 1908 à 1922 et de 1931 à 1933. Il est chargé d'enseigner le catéchisme aux garçons de l'orphelinat des Frères de Saint Gabriel ainsi qu'aux filles du couvent des Sœurs de Saint Joseph de Cluny. Les Frères ont non seulement un orphelinat et une école industrielle à Tindivanam, mais aussi un centre de formation de Frères indiens. Le Frère Éléazar, assistant du supérieur général et ancien provincial en Inde, caractérise en ces termes le travail du P. Pungier : "Il était le père spirituel de notre province indienne. Il aidait les Frères et jusqu'à ses derniers jours à Bangalore, il s'intéressait à eux et aux moindres détails de leurs œuvres. C'est peut-être là son œuvre la plus importante dans la mission de Pondichéry."
En 1932, alors qu'il est à Madras (3) pour consulter un oculiste, il a la joie d'assister à la réception du roi Alphonse XIII d'Espagne (4). Celui-ci autographie son bréviaire, ce dont le P. Pungier reste très fier. Mais ses horizons missionnaires sont tout autres. En plus du soin des Frères, il est aumônier des Sœurs de Saint Joseph de Cluny, qui tiennent un noviciat à Tindivanam. Il est toujours très ponctuel et assidu à procurer aux novices l'instruction religieuse et les directions spirituelles qu'elles attendent de lui.
A la fin de son apostolat à Tindivanam, l'expérience, la souffrance, la vertu ont fait de lui une âme plus près de Dieu que de la terre. En 1953, il doit aller chaque semaine à Pondichéry pour consulter un docteur. Un jour, Mgr A. Colas, son archevêque, lui dit : "Votre devoir est de vous retirer à l'hôpital Sainte Marthe de Bangalore." Il part donc pour Bangalore, avec son poste de radio, pour s'installer dans son antichambre du ciel. Le 15 juillet 1962, toute la communauté de Sainte Marthe fête joyeusement ses 90 ans. Mais chez tous les confrères, il y a de l’appréhension : il est visible qu'il décline. Devant partir pour Pondichéry, Mgr Colas lui administre l'Extrême Onction. Le P. Pungier survit encore une dizaine de jours. Sa fin est admirable. Quelques heures avant son dernier soupir, il se dresse sur son lit et dit à la Sœur qui l'assiste qu'il a vu Notre Seigneur et la Sainte Vierge et que ce n'est pas à eux de venir vers lui, mais à lui d'aller à eux. Peu après, il s'éteint doucement.
La vie missionnaire du Père Pungier est en vérité toute simple : il a su remplir avec une conscience très délicate toutes les fonctions dont on l’a chargé. "Bienheureux les humbles, les doux, les pacifiques !"
1 – Dans le comptoir français de Karikal.
2 – Au nord de Pondichéry.
3 – Chennai aujourd’hui.
4 – En 1932, Alphonse XIII est déjà en exil. Il a quitté l’Espagne l’année précédente après la victoire des partis républicains aux élections municipales.
Nécrologie
Janvier 1963 IN MEMORIAM
LE PÈRE LOUIS PUNGIER
missionnaire de Pondichéry (1872-1962)
Premières années
Louis PUNGIER est né le 15 juillet 1872, à Paramé (Ille-et-Vilaine), dans la banlieue de Saint-Malo. Ses parents, profondément chrétiens, tenaient un commerce dans la cité des corsaires. Et naturellement c’est au grand collège libre de cette ville qu’il entra, en 1883, pour faire ses études secondaires. C’était un élève d’une intelligence brillante qui n’eut pas grande difficulté à obtenir son baccalauréat Traditionnellement le collège de Saint-Malo fournit son contingent de jeunes pour le service du diocèse ; il n’y a donc aucune surprise à voir Louis PUNGIER entrer au grand séminaire de Rennes, en 1890. Il y restera trois ans et sera pendant une année l’élève du fameux Turmel qui ne s’était pas encore dévoilé puisque, sous son vrai nom, il réfutait les livres hérétiques qu’il avait publiés sous divers noms d’emprunt. Heureusement Louis n’eut guère le temps de subir l’influence de ce prêtre qui allait devenir l’un des chefs du modernisme ; en 1903 il quitta Rennes pour entrer au séminaire des Missions-Étrangères. Quand il fit part à son père de son désir d’aller porter 1’Evangile aux nations païennes, on peut croire qu’il ne rencontra aucune opposition : un malouin est né pour bourlinguer sur ou par delà les mers ; il n’y eut qu’une objection : « Avec ta petite santé, tu n’y tiendras pas plus de huit ou dix ans ! » Petite santé certes, mais qui saura durer, si bien Louis pourra fêter ses 90 ans, en pleine possession de toutes ses facultés.
Arrivé minoré à la rue du Bac le 27 septembre 1893, il fut ordonné sous-diacre le 12 septembre 1894 et prêtre le 30 juin 1895. Désigné pour la mission de Pondichéry, il partit le 15 août suivant et arriva à destination trois semaines plus tard.
Le Professeur
La Mission de Pondichéry avait repris, en 1887, la direction du Collège Colonial ; et il était de tradition que les jeunes missionnaires fissent leurs premières armes comme professeurs en cet établissement. Le Père PUNGIER suivit la règle commune. Il ne sentit pas trop la lourdeur de cette charge, car celle-ci était allégée par l’esprit de franche gaieté qui régnait parmi le personnel ; si les ruines de la maison de vacances du « Grand Etang » pouvaient parler, que d’histoires savoureuses ne nous raconteraient-elles pas !
En 1899, le Collège Colonial de Pondichéry fut jugé par le Gouvernement, en mal de laïcité, un luxe inutile pour la colonie ; et les prêtres des Missions Etrangères qui s’y trouvaient furent tout simplement congédiés. Ne croyez pas que cela fût considéré comme un malheur par les jeunes professeurs ; ils caressaient déjà l’espoir d’aller bientôt faire de l’apostolat direct « dans la brousse ». Mais la formation de la jeunesse pondichérienne ne pouvait être abandonnée, et le petit séminaire-collège de la Mission fut érigé en collège de plein exercice, ouvert à tous les enfants, sans distinction de caste ni de nationalité, ce qui n’alla pas tout seul... mais c’est là une autre histoire ! Le P. PUNGIER passa tranquillement du Collège Colonial au petit séminaire que dirigeait alors, d’une main énergique, le P. LEROY. Il y resta un an et, en septembre 1900, à sa grande joie, il fut enfin envoyé « dans les terres ».
Le broussard
Le P. PUNGIER devait faire l’expérience de la vie de brousse, d’abord à Attur pendant huit ans, puis à Kurumbagaram pendant six ans et demi.
Attur
Son premier poste fut le lointain Attur, qui appartient aujourd’hui à la Mission de Salem. Pour quelqu’un qui arrivait de Pondichéry, ce n’était pas séduisant. Au delà de l’hôtel des voyageurs et de l’église, « à une maison près, c’était la solitude vers Salem » ; à l’est, la paroisse ne comptait que trois ou quatre familles chrétiennes, amenées là d’Agraharam. Dans le village paria, il y avait des convertis de la famine 1876-1878, qui pensaient beaucoup plus à la bourse de leur curé qu’aux vertus évangéliques. Seuls quelques blanchisseurs formaient un noyau de vieux et bons chrétiens. Tous les autres étaient des convertis de fraîche date. En 1900, au moment de l’arrivée du P. PUNGIER, la famine était revenue et des recruteurs faisaient de véritables battues pour les plantations de Ceylan, emmenant les meilleurs éléments. Chaque jour voyait une procession de miséreux à l’assaut du presbytère pour obtenir quelque secours. Comme tout jeune missionnaire, le Père avait bon cœur et la main large ; mais en présence de tant de misères, il lui était impossible de contenter tout le monde. Aussi en était-il réduit à s’enfermer dans sa chambre ; par les trous des portes et des fenêtres il épiait les quémandeurs et n’ouvrait plus qu’à bon escient. Les annexes de la paroisse ne valaient guère mieux.
Il ne recevait guère de visites de ses confrères, car ses voisins ne sortaient pas de chez eux. A Koneripatty, le P. TEYSEDRE était surchargé de travail. A Agraharam, le P. PIERRE, le roi des originaux, ne pensait qu’à ses plans toujours nouveaux et toujours bizarres, jusqu’au jour où, le P. PUNGIER le conduisant, dans sa voiture à bœufs, consulter la faculté à Pondichéry, il lui prit une dernière fantaisie, celle de mourir en chemin. C’est probablement à Attur, pour meubler sa solitude, que le Père devint amateur de lectures. Liseur infatigable, il possédait une mémoire prodigieuse qui lui permettait de se souvenir de tout ce qu’il avait lu, ce qui fit de lui un grand érudit un peu dans tous les domaines. Il devint très fort en tamoul et pouvait même lire couramment le tamoul classique, ce qui lui valut de devenir plus tard le « censeur » officiel des publications de la Mission ; malheureusement une certaine timidité l’empêchait de prêcher, sauf aux enfants.
Cet amour de la lecture ne lui fit jamais négliger son travail de curé. Il avait à son service deux « rabatteurs », l’un pour le spirituel, surnommé « l’archiduc Fernand », l’autre… un Musulman qui devait lui amener les récalcitrants. En ce temps, il n’y avait pas en effet d’autre Cour de Justice que celle du Père : discussions interminables et bruyantes à la porte du presbytère et jugement sans appel. Dans son district, en l’espace de huit années, à un moment où les conversions se faisaient rares, il put tout de même baptiser 44 adultes. Il agrandit le terrain de l’église en achetant les propriétés avoisinantes et construisit une bonne partie du mur de clôture.
Au témoignage de Mgr CHAPUIS, des PP. TEYSSEDRE et PALLUEL, ces huit premières années de brousse furent vraiment crucifiantes pour le P. PUNGIER. Dans son zèle ardent des âmes, il souffrait de voir ses chrétientés se vicier peu à peu, ses chapelles désertées, de n’avoir que des « chrétiens de riz », des baptisés qui ne savaient pas pourquoi ils l’étaient ou qui se cachaient. Aussi est-ce d’assez bon cœur qu’il accueillit l’annonce de son changement pour Tindivanam, où il serait aumônier.
Kurumbagaram
Ce n’est qu’après son congé en France qu’en 1924 il fut envoyé à nouveau en paroisse. Au moment de son retour, le lointain poste de Mahé était vacant ; on lui demanda d’y aller pour quelque temps jusqu’à ce qu’un titulaire fût nommé. Et quelques mois après, en 1925, il fut nommé curé de Kurumbagaram. Il devait y rester cinq ans et demi. Il n’y fit pas beaucoup de bruit – ce qui n’était pas son genre – mais beaucoup de bien. Le P. AUFFRET, curé actuel de ce poste, rapporte que son prédécesseur convertit une famille hindoue dans des circonstances assez dramatiques, qui montrent son profond esprit de foi.
« En 1926, une épidémie de choléra éclata à Nallatur, annexe de sa paroisse. Une certaine Krishnammal, jeune femme de Ramasamy Nadar, était à toute extrémité. En désespoir de cause, écoutant les conseils des chrétiens, Ramasamy fit venir le Père dans sa maison pour bénir sa femme. Le Père y alla, parla de la sainte Vierge, salut des malades, patronne de Nallatur, et, malgré l’état désespéré de la mourante, lui remit une médaille, se portant garant qu’elle s’en tirerait. De son côté l’honnête Ramasamy priait comme il pouvait ; il fit même le vœu que si sa femme guérissait, il se mettrait sous la protection de la Vierge en se faisant chrétien. La partie semblait pourtant bien perdue, et, pendant plusieurs heures, Khrishnammal parut à tous morte. Seul Ramasamy refusait de l’admettre et continuait ses prières, bien persuadé que la Vierge ne pouvait l’abandonner. Et ce fut sa naïve prière qui l’emporta : Khrishnammal guérit. Il y eut alors un petit accrochage entre les époux : Ramasamy avait promis, mais pas Khrishnammal ; d’où des discussions épiques, d’une théologie rudimentaire peut-être, mais avec des arguments très « ad hominem ». Tenaces tous les deux, il fallut d’abord se contenter d’un match nul : Ramasamy devenait chrétien et prenait de nom de Rayappen (Pierre) ; Khrishnammal restait obstinément hindoue ; mais ne voulant plus rien à voir avec elle, son mari la renvoya chez ses parents (qui étaient bien pour quelque chose dans son opposition). La jeune femme réfléchit, se fit une raison et, par le baptême, devint Annammal ; elle put alors reprendre la vie commune avec son mari, et devint une chrétienne fervente. »
Le P. PUNGIER garda de son passage à Kurumbagaram un excellent souvenir. Jusqu’à la fin de sa vie, il garda une mémoire très précise des personnes et des lieux, ce qui montre combien il s’était intéressé à son travail.
L’aumônier
Mais la « vie » du P. PUNGIER, c’est l’aumônerie de Tindivanam qu’il occupa pendant plus de 35 ans en deux périodes, de 1908 à 1922 et de 1931 à 1953.
Lorsqu’il arriva à Tindivanam en août 1908, il fut chargé d’enseigner le catéchisme aux garçons de l’orphelinat des Frères de Saint-Gabriel, et aux filles du couvent des sœurs de Saint-Joseph de Cluny.
A leur orphelinat et à leur école industrielle, les Frères, dans le but de donner des bases solides à leurs établissements en Inde, ajoutèrent un noviciat pour la formation de frères indiens. Le P. PUNGIER en devint aussitôt l’aumônier ; mais pour les Frères il fut bien plus qu’un aumônier ; ce fut un ami, un conseiller très consulté et très écouté. Voici le témoignage que lui décerne le T. C. F. ELEAZAR, assistant du Supérieur général et ancien Provincial en Inde : « Le P. PUNGIER a été, après le P. COMBES, dans les toutes premières années, le confident de nos supérieurs, le père spirituel de notre province indienne, notre protecteur et, au besoin, notre défenseur à l’évêché et auprès du P. GAVAN DUFFY qui l’avait en grande estime, car le P. PUNGIER savait apprécier son travail et ses énergies apostoliques, sans pour cela approuver tout ce qu’il faisait. Il aimait les Frères, et, jusqu’à ses derniers jours à Bangalore, s’intéressait à eux et aux moindres détails de leurs œuvres. On pourrait presque dire, sans exagération, qu’il fut durant une quarantaine d’années le conseiller spirituel des Frères de Saint-Gabriel dans l’Inde, et c’est peut-être là son œuvre la plus importante dans la Mission de Pondichéry. Sa grande charité, sa discrétion, son zèle, son jugement absolument sûr, sa culture, sa grande piété sacerdotale ont marqué notre province depuis ses débuts. Il était vraiment l’un d’entre nous et ne semblait vivre que pour nous. Retiré, effacé, mais toujours à notre disposition, il appartenait à cette catégorie des grands hommes de Dieu dont on n’apprécie la vraie valeur que quand ils viennent à disparaître.
En 1931 ou 1932, alors qu’il était allé consulter un oculiste à Madras, il eut la joie d’assister à la réception d’Alphonse XIII d’Espagne qui autographia son bréviaire, ce dont il fut très fier. Il le fut beaucoup moins quelques jours plus tard, lorsqu’il reçut le baptême de l’air à bord d’un petit « zinc » assez fragile, à l’aéroclub de Meenampakam ; il n’en revint pas passionné de l’aviation ; il s’intéressait davantage à la radio, ce qui le poussa à se procurer un Poste Philips à ondes courtes auquel il resta fidèle toute sa vie ». Comme il n’y avait pas d’électricité à Tindivanam, il l’alimentait avec des piles de lampe de poche qu’il arrangeait en série ou en parallèle ; à certains moments sa chambre était un méli-mélo de fils se dirigeant dans tous les azimuts.
Le soin des Frères n’accaparait pas tout son temps ; il était aussi aumônier des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, qui, en plus de leurs écoles, avaient encore à cette époque leur noviciat à Tindivanam. « Là encore tant que ses forces le lui ont permis, il s’est toujours montré très ponctuel pour ses catéchismes tant aux novices et postulantes qu’aux filles de l’orphelinat et de la paroisse. Sa piété se révélait à l’autel et au confessionnal. Là il ne comptait ni avec ses infirmités ni avec son temps, donnant ses avis très pertinents à tous ceux qui avaient recours à son assistance. Son trait caractéristique fut sa délicate charité, ne critiquant personne, toujours disponible pour l’exercice de son ministère. A la fin de son apostolat à Tindivanam l’expérience, la souffrance, la vertu avaient fait de lui une âme plus près de Dieu que de la terre. Dans sa retraite, il continua de s’intéresser à toutes nos œuvres, demandant des nouvelles de tous ceux qui avaient été ses amis et collaborateurs dans l’apostolat. »
Les dernières années
Cette longue vie d’aumônier fut interrompue momentanément en 1922, la maladie l’obligeant alors à prendre son congé en France. Il souffrait de l’estomac et dut subir une opération assez sérieuse. Il revit sa Bretagne natale ; après 27 ans de séparation, il eut la joie de revoir sa maman. Lorsqu’il fut complètement rétabli, en 1924, il remit le cap sur Pondichéry, et après quelques années en paroisse retrouva son aumônerie de Tindivanam.
En ce bas monde tout à une fin. Le P. PUNGIER avait dépassé de beaucoup les sombres prophéties de son père. Cependant il fut toujours délicat de santé, ce qui le rendit même un peu douillet, son imagination le portant souvent à croire qu’il souffrait de la maladie dont venait de mourir tel ou tel confrère.
En 1953, il devait aller chaque semaine à Pondichéry pour consulter un docteur. Un jour Mgr COLAS lui dit : « Votre devoir est de vous retirer à Sainte-Marthe ». Personne n’est enchanté d’aller habiter le pavillon que l’archevêque de Pondichéry a fait construire à l’hôpital de Bangalore pour les missionnaires âgés. Le P. PUNGIER hésita un moment, mais, comme il était très obéissant, le soir même il donna sa réponse : « C’est entendu, j’y vais ». Et quelques semaines plus tard, il partit, avec son poste de radio, s’installer dans son « antichambre du ciel ».
Il devait y demeurer neuf ans, en retraite sans doute, mais non pas inactif. Par sa radio, ses livres, ses conversations il cherchait à satisfaire sa curiosité insatiable, à étendre ses connaissances littéraires, scientifiques, historiques… qui étaient très grandes. Rien ne lui était étranger, pas même l’art du sourcier ; c’est sur ses indications précises qu’un jour le P. PEYROUTET, en quête d’eau pour de nouveaux chrétiens, creusa un puits et trouva le précieux liquide à l’endroit et à la profondeur prévus.
En 1960, sa vue ne lui permit plus de lire ; ce fut un gros sacrifice et une pénible souffrance. Il se rattrapait en accablant de questions ses confrères et ses visiteurs, étant toujours à l’affût de la moindre nouvelle. Son esprit restait vif jusqu’à la fin. Le 15 juillet 1962, toute la communauté de Sainte-Marthe fêta joyeusement ses 90 ans. Mais chez tous les confrères, il y avait quelque appréhension : il était visible qu’il « baissait ». Lui-même se rendait compte de son état et se faisait examiner par le médecin plusieurs fois par semaine. Devant partir pour Pondichéry, Mgr COLAS lui administra l’Extrême-Onction avant son départ ; la cérémonie terminée, le bon Père PUNGIER alluma un bon cigare. Il devait encore tenir une dizaine de jours. Sa fin fut admirable. Quelques heures avant son dernier soupir, il se dressa sur son lit et dit à la sœur qui l’assistait qu’il avait vu Notre Seigneur et la Sainte Vierge ; ce n’était pas à eux de venir vers lui, mais à lui d’aller à eux. Peu après il s’éteignit doucement, édifiante fin d’un digne prêtre !
Devant cette vie toute simple d’un homme aimable, enjoué, serviable, devant ce long chemin d’une âme éminemment sacerdotale, qui sut remplir, avec une conscience très délicate, toutes les fonctions dont il fut chargé, devant ce confrère si pieux, si effacé malgré sa brillante intelligence et sa profonde science, on se rappelle naturellement ces mots qui étincèlent toujours au travers des siècles : « Bienheureux les humbles, bienheureux les doux, bienheureux les pacifiques ! »
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Références
[2178] PUNGIER Louis (1872-1962)
Références biographiques
AME 1895 p. 388. 1911 p. 111. CR 1895 p. 332. 1903 p. 260. 1911 p. 242. 1912 p. 284. 1918 p. 115. 1920 p. 76. 1956 p. 76. 1959 p. 100. 1960 p. 80. 1961 p. 87. 1962 p. 100. BME 1933 p. 560. 1934 p. 288. 1935 p. 905. 1941 p. 740. 1951 p. 149. 150. 1953 p. 407. 1954 p. 764. 1955 p. 68. 810. 1957 p. 657. 1958 p. 87. 1959 p. 279. 744. 888. 1961 p. 689. EPI 1962 p. 938. 947. 1963 p. 143. R. MEP. 124P44. EC1 N° 17. 19. 27. 37. 64. 73. 582. 653. 678. 720.