François ROUDIÈRE1861 - 1922
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1594
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1884 - 1885 (Hong Kong)
- 1885 - 1922
Biographie
[1594] ROUDIÈRE François, Félix, Marie, est né le 13 septembre 1861 à Elne, au diocèse de Perpignan (Pyrénées Orientales). Il fait ses études secondaires au Collège Saint-Louis. Il entre laïque au Séminaire des Missions Étrangères le 10 septembre 1878. Du fait de son jeune âge, il fait un stage à la procure générale de Rome avant d'être ordonné prêtre le 16 mars 1884. Il part le 8 avril suivant pour la mission du Kouangtong.
Mais la menace de guerre fait que son évêque le dirige d'abord sur Hongkong, où le rejoignent bientôt tous ses confrères. Un an plus tard, après le traité de paix, il est nommé à l'île de Wai-Tchao (1885-1887). On le trouve ensuite à Tchong-Loc, poste nouveau où presque tout est à créer, mais il va y subir une attaque de brigands. Presque aveuglé, il lui faudra six mois de soins et de repos au Sanatorium de Béthanie, à Hongkong, pour retrouver calme et sommeil; mais son caractère s'en ressentira. Il va ensuite à Pakhoi, puis à ses premières amours à Wai-Tchao où il va rester jusqu'en 1895. On lui confie alors le gros district de Tchao-Tcheou où, lors de la révolte des Boxers, il jouera pendant deux ans le rôle de vice-consul.
Revenu en France pour soigner une entérite, il est de retour en 1912. Lors de la division de la mission, le nouvel évêque choisit le Père Roudière comme provicaire. Pendant les troubles qui suivront, l'expérience du Père sera souvent mise à contribution et il sera fait chevalier de la Légion d'Honneur. Mais sa vieille entérite le mine et malgré des soins à Hongkong, un cancer du foie et du pancréas va l'emporter le 28 juin 1922. Il repose au cimetière de Béthanie.
Nécrologie
M. ROUDIÈRE
PROVICAIRE DE SWATOW
M. ROUDIÈRE ( François, Félix, Marie), né à Elne ( Perpignan, Pyrénées-Orientales), le 13 septembre 1861. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères, le 10 septembre 1878. Prêtre, le 16 mars 1884. Parti pour le Kouang-tong, le 8 avril 1884. Mort au Sanatorium de Béthanie (HongKong), le 28 juin 1922.
François-Félix-Marie Roudière naquit à Elne, diocèse de Perpignan, le 13 septembre 1861. Il appartenait à une famille foncièrement chrétienne qui a donné trois prêtres à l’Eglise : Léon, mort curé de Banyuls-sur-Mer, François, notre missionnaire, et Auguste, actuellement curé d’un doyenné dans le diocèse de Versailles. Une sœur, Marie, restée célibataire, est mêlée à toutes les Œuvres de sa ville natale ; infirmière de la Croix-Rouge, son dévouement lui a valu une décoration durant la guerre.
François trouva donc autour de lui, dans sa famille, des exemples et des leçons qui furent le germe de sa vocation. Aussi, n’eut-il pas à chercher longtemps le chemin qu’il suivrait : il serait prêtre. Son goût pour les récits des missionnaires et des explorateurs lui firent ajouter qu’il serait prêtre missionnaire et après de brillantes études au collège Saint-Louis, il se dirigeait vers le Séminaire de la rue du Bac.
Il y arriva le 10 septembre 1878. Avec l’étude des sciences sacrées, il y cultiva avec soin les qualités naturelles dont il était doué et les vertus du prêtre qui devaient en mission rendre son ministère fécond. Il fut réglementaire ; sa jeunesse devant retarder son ordination et son départ ; il fut envoyé à Rome comme socius Procureur général, qui était alors le Vénéré M. Delpech.
Ordonné prêtre le 16 mars 1884, il recevait sa destination pour le Kouang-tong, et le 18 avril s’embarquait sur l’Oxus. IL arriva dans sa mission au milieu de mai, en plein guerre du Tonkin, à la veille de la guerre avec Chine. L’orage qui devait s’abattre sur la Mission du Kouang-tong s’amoncelait déjà à l’horizon, et l’évêque, Mgr Chausse, crût-il prudent d’envoyer le jeune missionnaire à la procure de Hongkong. Deux mois après, tous ses confrères devaient l’y rejoindre, expulsés de la province par un gouverneur hostile et malgré un édit impérial déclarant que, « les missionnaires ne s’occupant pas de politique, il fallait les laisser tranquilles, ainsi que les chrétiens. »
Ils devaient y rester un an, jusqu’à la signature de la paix. M. Roudière reçut alors sa destination pour l’île de Wai-tchao, où il fit ses premières armes, sous la direction de M. Houéry. Deux ans après, il était envoyé à Tchong Loc, poste nouveau, où tout ou presque tout était à créer. Il se livra à la besogne avec tout son cœur, et de nombreuses conversions allaient récompenser son zèle quand, sur ce champ d’action, une attaque de pirates vint mettre un terme à ses travaux. Réveillé en sursaut au milieu de la nuit par des coups de fusil tirés dans sa fenêtre, le Père prend son fusil et se défend, car ce sont les bandits. L’obscurité est complète, et plusieurs coups sont tirés de si près que la flamme et les gros grains de la poudre chinoise l’atteignent au visage. La fusillade dure plusieurs heures, et finalement, les brigands, n’osant pénétrer dans une chambre où « un diable d’étranger » se défend si bien, prennent le parti de se retirer.
Il était temps : M. Roudière était presque aveuglé et à bout de forces. Dès le lendemain, il se rendait à notre sanatorium de Béthanie pour soigner ses yeux, dans lesquels s’étaient incrustés les grains de poudre, et aussi pour donner un peu de calme à ses nerfs fortement secoués. Le sommeil avait complètement disparu et, s’il parvenait à s’assoupir, il s’éveillait bientôt, en proie à de terribles cauchemars : les pirates attaquaient. Six mois de repos ramenèrent le calme et le sommeil ; encore garda-t-il toujours des traces de la violente émotion qu’il avait éprouvée ; sa vue en resta affaiblie et son caractère en fut quelque peu changé. Selon l’expression d’un de ses condisciples, « d’affable et gai il devint raide et concentré ».
En quittant Béthanie, M. Roudière alla occuper le poste de Pakhoi et ensuite celui de Wai Tchao où il avait débuté. Il y resta jusqu’en 1895, année où Mgr Chausse lui confia l’important district de Tchao-Tcheou, à l’autre extrémité de la Mission ; c’est là qu’ il devait passer les 27 années qui lui restaient à vivre.
Tchao-Tcheou est une de nos plus anciennes chrétientés ; elle a vu bien des persécutions, et au moment où M. Roudière en prenait la direction, les fidèles gardaient encore les usages que la prudence exigeait jadis, mais qui n’avaient plus de raison d’être. Bien que la chrétienté fut nombreuse, la vie paroissiale était peu développée ; le culte se faisait dans la famille : c’était là que le missionnaire allait baptiser les nouveaux-nés, bénir les unions, réciter les dernières prières sur les morts. M. Roudière voulut faire sortir, pour ainsi dire, ses chrétiens des catacombes, et il y réussit. Ce ne fut pas sans peine, ni quelque heurt ; Dieu sait ce qu’il fallut au nouveau pasteur de patience, d’énergie, d’autorité, pour atteindre son but.
Nous arrivons à l’insurrection des Boxeurs, qui menace de mettre à feu et à sang toutes les Missions de Chine. M. Hardouin, Consul de France à Canton, craignant, en cas de troubles, de ne pouvoir agir à temps dans cette partie éloignée de la province, délègue M. Roudière comme son représentant auprès des autorités locales. C’est en fait le nommer Vice-Consul et c’est à lui que s’adressent les missionnaires et aussi les « protégés » de Siam ou d’Indo-Chine. Les services qu’il rendit durant les deux ans qu’il garda ses fonctions dépasseraient le cadre de cette notice. Il est juste de dire que les « protégés » qui eurent recours à lui ne se montrèrent pas ingrats et souscrivirent largement à l’église qu’il se proposait de construire ; c’est en grande partie à leur générosité que Tchao-Tcheou doit de posséder une église, qui ne déparerait pas une ville de France, la plus belle, et de beaucoup , de la Mission. Puisse Notre-Dame Auxiliatrice, à qui elle est dédié, les récompenser de leur générosité en leur accordant les lumières de la Foi. L’église fut inaugurée en 1908, et l’année d’après, M. Roudière célébrait ses noces d’argent, entouré de deux évêques, d’une vingtaine de confrères et de ses chrétiens.
Cependant, sous le climat chaud et humide de Tchao-Tcheou, la santé de M. Roudière s’était altérée, et une entérite qui ne devait plus le quitter se déclara ; les médecins jugèrent un séjour en France, nécessaire. Il y resta deux ans et revint en 1912. Durant son absence, la Chine était devenue une République.
En 1914, la partie orientale du Kouang-tong est érigée en Vicariat Apostolique, et le nouvel évêque choisit M. Roudière comme provicaire.
Depuis la Révolution, la Chine est la proie de certains « Seigneurs de la guerre » qui se disputent les places et le pouvoir ; la guerre civile est devenue l’état normal. En 1917, deux de ces « seigneurs » se disputaient Tchao-Tcheou. La ville était assiégée depuis dix jours et menacée de pillage, quand les notables prièrent les résidents étrangers, prêtres catholiques et ministres protestants d’intervenir et de ménager un accommodement entre les belligérants. Un armistice fut conclu en attendant la décision du Général en chef des forces assiégeantes, auprès duquel devait se rendre une délégation dont faisait partie M. Roudière. La délégation partit et obtint, non sans peine, des conditions acceptables pour les assiégés ; mais à son retour, le lendemain, elle trouva la ville évacuée : les assiégés avaient profité de l’armistice et des ténèbres pour se défiler. La ville était sauvée et les habitants reconnaissants élevèrent une stèle à la mémoire des négociateurs. M. Eynard, consul de France à Swatow, à qui M. Roudière avait envoyé une relation des événements, demanda et obtint pour le missionnaire la croix de la Légion d’honneur, elle lui fut remise l’année suivante par le commandant du croiseur d’Estrées, entouré de son état-major et d’un piquet de marins.
Deux ans après, nouveau siège. De nouveau les notables font appel au dévouement du missionnaire et cette fois encore, il réussit. Après toujours de laborieuses négociations, un accord est signé : les assiégés déposeront les armes à l’église, à la disposition du gouvernement de Canton ; en échange, ils recevront une certaine somme et seront rapatriés dans leur pays natal, sous la protection du missionnaire. Cela est exécuté au grand contentement de tous, et le Gouverneur de la Province envoie à M. Roudière une inscription d’honneur, brodée sur soie et richement encadrée.
Ces grands services rendus, son long séjour avaient valu à M. Roudière auprès de la population de Tchao-Tcheou un prestige peu commun ; il lui survivra, et ne sera pas sans utilité pour son successeur : Defunctus adhuc loquitur.
Cependant, minée par sa vieille maladie, l’entérite, la santé du missionnaire déclinait de plus en plus. Il aurait dû prendre du repos ; mais il voyait la pénurie d’ouvriers, la difficulté pour son évêque de lui donner un aide ou un remplaçant ; il pratiqua la devise : « non recuso laborem » et il travailla jusqu’à l’extrême limite de ses forces.
Le moment vint cependant où il dut s’avouer vaincu. Après plusieurs mois d’un traitement sans résultat appréciable, les docteurs ordonnèrent un séjour à Hongkong. Il passa un mois à l’hôpital Saint-Paul, une légère amélioration fut bientôt suivie d’une nouvelle rechute, et le docteur prescrivit un voyage en France. M. Roudière revint à Tchao-Tcheou pour mettre ordre à des affaires et dire à ses chrétiens un au revoir qui ne devait, hélas, se réaliser qu’au ciel.
En attendant un bateau pour la France, il se rendit au Sanatorium de Béthanie. L’entérite, l’engorgement du foie avaient amené l’hydropisie des membres inférieurs ; une ponction devint nécessaire, et elle révéla un mal plus terrible : un cancer, déjà très développé, dans la région du foie de pancréas. Mgr Rayssac, qui se trouvait à Hongkong, avertit le missionnaire de son état ; voici un extrait d’une lettre que M. Roudière écrivait ce jour-là même à un de ses amis : « Inutile de vous cacher la vérité : je ne suis pas transportable en France, et mes jours sur cette terre sont comptés. Le docteur a diagnostiqué un cancer, et cette affection peut m’enlever en quelques heures, quelques mois peut-être. C’est un au revoir au ciel que je vous adresse, et je le fais courageusement, généreusement et joyeusement, en vrai soldat du Christ pour lequel j’ai vécu et combattu avec tant d’ardeur. Je vais me préparer à recevoir en pleines facultés le sacrement d’Extrême-Onction, et puis, je serai plus dégagé de toute attache terrestre. A Dieu et au Ciel notre rendez-vous. »
Voici ce qu’écrivait M. Marie, Supérieur du Sanatorium de Béthanie, à Mgr Rayssac, sur la maladie et les derniers moments de son provicaire : « Le cher M. Roudière a rendu son âme à Dieu le 28 juin, à 10h. 23 du matin, très doucement. Le docteur était venu lui faire une dernière ponction, le 26. Il subit la petite opération sans trop souffrir, et sans la syncope redoutée ; il s’ensuivit l’habituel soulagement, mais sans rendre l’appétit au pauvre malade, qui depuis quelques jours ne prenait presque rien pour se sustenter. Le 27 dans l’après-midi, les jambes, pour la première fois, refusèrent tout service ; le soir, jusqu’à 11 heures, grande difficulté pour expectorer ; on le mit sur son fauteuil , ce qui le calma ; il y resta jusqu’à une heure du matin ; on le remit au lit pour la dernière fois. A 5h. ½ je le trouvai si faible que je récitait les prières des agonisants ; à 1h. ½., je fis venir M. Papinot, son confesseur pour une dernière exhortation et lui renouveler l’absolution : il reconnut le Père et se rendit compte de ce qui se passait. Cependant, depuis 6h. ½ , il n’avait que des intervalles de lucidité. C’est dans un de ces intervalles que deux de ses chrétiens, venus de Hongkong pour le voir, purent lui faire leurs adieux, au nom de toute la communauté. A 1h. 20, je vis que la fin était proche et lui donnai une dernière absolution. Trois minutes plus tard, il s’éteignait très doucement. Pendant toute sa maladie, il a montré une patience admirable, ne faisant jamais entendre la moindre plainte. Il a pu communier presque tous les jours. »
A cause de la fête de saint Pierre et saint Paul, le corps fut exposé dans la petite chapelle de l’infirmerie ; le 29, il fut transporté dans la grande chapelle, et à 10 heures, Mgr Gauthier donna d’absoute et présida aux funérailles. Le lendemain eut lieu un service solennel chanté par M. Zimmerman, provicaire de Fort-Bayard. Le corps de notre confrère repose dans le petit cimetière de Béthanie, non loin de son premier évêque, Mgr Chausse, à côté de ses frères dans l’apostolat, face à cette terre de Chine, pour laquelle il a tant travaillé.
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Références
[1594] ROUDIÈRE François (1861-1922)
Références biographiques
AME 1900 p. 205. 1913 p. 316. 1914 p. 126. 1915-16 p. 63. 64. 1919-20 p. 71 (art.). 1922 p. 85. 159. CR 1884 p. 157. 1887 p. 119. 1888 p. 104sq. 1889 p. 109. 114. 1890 p. 95. 1892 p. 137. 144. 1894 p. 164. 165. 1895 p. 396. 1897 p. 115. 1900 p. 126. 1901 p. 123. 124. 1902 p. 142. 1903 p. 129. 1904 p. 136-138. 1905 p. 110. 1906 p. 126. 375. 1907 p. 149. 1908 p. 121. 1909 p. 130. 131. 1910 p. 132. 1913 p. 159. 164. 1918 p. 53. 1919 p. 57. 58. 1920 p. 41. 1921 p. 63. 1922 p. 75. 159. 185-189 (notice nécro). 1923 p. 91. 1939 p. 224. BME 1922 p. 175. 386. 439. 450. 1923 p. 115. 1928 p. 681. 1957 p. 571. 574. 1958 p. 890. EC1 N° 17.