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Il y a 400 ans, naissance la première congrégation romaine en charge de la mission : la Propagation de la Foi

Publié le 22/06/2022

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IRFA MEP

Léon Réni-Mel, « L’instruction de 1659 », huile sur toile, 1968, collection MEP

 

Le 22 juin 1622, par la bulle Inscrutabili divinae providentiae, le pape Grégoire XV établit solennellement la congrégation De Propaganda Fide, premier organe pontifical permanent dédié aux « affaires missionnaires », qui deviendra en 1967 la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, dont dépendent toujours les MEP.

C’est en réalité dès le 6 janvier 1622 que le pape annonce la création de cette assemblée permanente, en convoquant les treize cardinaux, deux prélats et le secrétaire qui allaient la constituer. Dès le mois de mars, les zones connues de la planète est divisée en treize zones dont chacune est confiée à la charge de l’un des cardinaux de ce nouveau dicastère. La bulle de juin vient donner son assise définitive à cette création dont le but énoncé est de « renforcer le caractère ecclésial de la mission ».

En quoi les missions catholiques avaient-elles alors besoin de voir leurs liens avec l’Eglise, et donc avec Rome, renforcés ? Si on prend le cas précis de l’Asie, des religieux catholiques européens s’y étaient pourtant implantés depuis le Moyen Age. Au début du XVIIe siècle, on trouve, des Philippines au Japon, une mosaïque d’ordres missionnaires en activité. Cette présence est régie par le cadre légal dit du Padroado depuis 1514, date à laquelle la papauté a négocié un transfert de la responsabilité de l’évangélisation et de l’organisation des églises au roi de Portugal.

Jouissant d’une série d’anciens privilèges et de facultés spirituelles larges, le clergé du Padroado est, sur le terrain, presque totalement indépendant du Saint-Siège. Ce système a sur la mission des conséquences très concrètes : nul missionnaire ne peut se rendre en Asie sans le consentement du roi de Portugal ; pour tout contrevenant, les représailles sont sévères. Il revient aussi aux oreilles de Rome que les missionnaires sont associés par les populations locales à des émissaires politiques ou à des commerçants, qu’ils ont peu de goût pour les cultures et langues locales puisqu’ils ne partent que pour des temps courts. De toute façon, la pénurie de missionnaires est générale. Quant au clergé dit « indigène », il n’est formé que de quelques prêtres autochtones agrégés aux congrégations européennes.

A cette situation, s’ajoute en 1614 la persécution générale qui éclate au Japon. Pour F. Buzelin, « ce drame révèle un défaut majeur de l’organisation missionnaire : les chrétiens locaux, soumis à des prêtres étrangers, sont considérés comme des complices des envahisseurs potentiels et des traîtres à leurs pays. Face à ce problème, une seule solution s’impose : former des prêtres originaires du pays et pleinement intégrés dans la population locale ». Rome s’estime donc en devoir de mettre sur pieds une administration centralisée des missions mais aussi d’élaborer des principes d’action missionnaire visant la création d’un clergé local. D’où, en 1622, l’initiative de Grégoire XV pour « créer des évêques qui soient tout à fait fidèles à son autorité, en vue de former un réseau de diocèses missionnaires », selon l’expression de G. Pizzorusso.

Pour mener à bien cette visée, la première action du nouveau secrétaire de la Propagande, Francesco Ingoli, est de lancer une vaste enquête sur la situation du catholicisme dans le monde. Cette enquête est publiée sous le titre de Rapport sur les quatre parties du monde, c’est-à-dire autant l’Afrique, l’Amérique, l’Asie que l’Europe. En effet, on a eu tendance a posteriori à ne voir dans cette congrégation qu’un outil destiné aux Nouveaux Mondes, aux missions ad extra. C’est oublier, outre celui du Padroado, le contexte de la contre-réforme et des tout débuts de la Guerre de Trente Ans avec l’urgence de s’adresser à toutes les populations « infidèles » et en particulier aux protestants de l’Europe du Nord et de l’Est.

Dans un deuxième temps, la nouvelle méthode missionnaire voulue par Rome pour renouveler l’évangélisation est mise par écrit par William Lesley, l’archiviste de la Propagande. En 1659, sous le titre d’Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin et de la Cochinchine, celui-ci liste les principes d’action attendus des premiers évêques missionnaires dépendant directement de Rome. S’agit-il vraiment de principes novateurs ? pas complétement, selon l’historien Y. Essertel, qui parle plutôt d’une harmonisation des méthodes : « Nous sortons de l’empirisme qui caractérisait l’évangélisation sous le régime du Patronat. (…) Les Instructions rédigées par Lesley sont le fruit d’un travail d’archiviste qui capitalise les diverses pratiques de pastorales missionnaires de l’apôtre Paul jusqu’aux jésuites ».

C’est aux vicaires apostoliques des MEP qu’il reviendra, les premiers, de mettre en œuvre ces instructions de la Propagande, dans leurs missions du Siam, de la Cochinchine, du Tonkin et de Chine, dans les années 1660. Le début d’une histoire de quatre siècles qui unit toujours les deux institutions dans le même élan missionnaire !

 

Article de Marie-Alpais Dumoulin, directrice de l’IRFA, dans la Revue MEP de juillet 2022. 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

BUZELIN, Françoise, Découvrir les Missions étrangères de Paris, Paris : Missions étrangères de Paris, 2014, 81 p.

COLZANI, Gianni, Church’s Mission. History, Theology and the Way Forward, Rome: Urbaniana University Press, 2019, 168 p.

ESSERTEL, Yannick, Évangélisation & Cultures, Paris : Editions du Cerf, 2021, 553 p.

ETCHARREN, Jean-Baptiste (MEP), « Les débuts de la Société des Missions étrangères », in LAUNAY Marcel & MOUSSAY Gérard (dir.), Les Missions Étrangères. Trois siècles et demi d’histoire et d’aventure en Asie, Paris, Perrin, 2008, p. 16-23

Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin et de la Cochinchine (1659), éd. Mgr Bernard JACQUELINE ; suivi par LANEAU Louis (Mgr), Instructions pour ceux qui iront fonder une mission dans les royaumes du Laos et d’autres pays (1682), éd. Jean GUENNOU et André MARILLIER, Paris : Archives des Missions étrangères de Paris, 2008, 118 p.

PIZZORUSSO, Giovanni, « Le Monde et/ou l’Europe : la Congrégation de Propaganda Fide et la politique missionnaire du Saint-Siècle (XVIIe siècle) », conférence à l’Università degli Studi G. D’Annunzio de Chieti, 24 mars 2014, en ligne : ICI

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