Le fonds photographique japonais conservé à l’iconothèque de l’IRFA
Présentation du fonds
Le fonds japonais de l’iconothèque est constitué de 61 boîtes dont les photos ont été prises de la fin du XIXe jusqu’aux années 2000. Environ 12 000 photos, organisées sous forme d’album ou isolément, illustrent les activités missionnaires qui se sont déroulées dans le cadre du développement de l’Église catholique au Japon. Les photos nous sont parvenues par des versements successifs des pères missionnaires au fil des ans et dont le plus récent nous est arrivé de Tokyo en début d’année 2024. Un inventaire détaillé de chaque boîte est disponible à la consultation. La mise à disposition numérique de ce fonds nécessite encore beaucoup de travail car moins de la moitié des photos a été numérisée à ce jour.
Ces photos sont une importante contribution à la connaissance de la mission car elles offrent une documentation suivie sur les bâtiments d’Église et sur ce qu’ils ont vécu à travers le temps (catastrophes naturelles, travaux, démolitions) sur l’ensemble du territoire japonais. Par ailleurs, la plupart des « activités missionnaires », qu’elles soient liturgiques, pastorales, caritatives ou culturelles, sont immortalisées dans des albums constitués et annotés par les missionnaires eux-mêmes (boîte 10, Léproserie de Kōyama, boîte 18 Histoire du Séminaire de Nagasaki), des photos isolées (boîte 18, église, école et hôpital des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul), ou quelques fois par des livrets imprimés offerts aux Pères.
D’un point de vue historique, les albums permettent de documenter des périodes clés du catholicisme japonais aux XIXe et XXe siècles, telles que les dégâts du tremblement de terre à Tokyo en 1923 (boîte 23), la politique anti-chrétienne mené jusqu’à la loi de 1873 sur la liberté religieuse (boîte 9) ou encore l’œuvre mémorielle dédiée aux Martyrs japonais des XVIIe au XIXe siècles. En effet, depuis 1831, les MEP effectuent de nombreuses tentatives de pénétration du pays du soleil levant, en passant par la base intermédiaire des îles Ryūkyū. La création de la mission du Japon en 1842 marque le début de l’action des Missions étrangères de Paris dans l’archipel nippon. Les missionnaires se munissent assez rapidement d’appareils photos puisque les plus lointaines photos répertoriées dateraient de 1860.
Dans la boîte 28, le début de la photographie en mission s’illustre par des scènes de vie de la population nippone et de sa culture. Sur des cartes postales colorisées et des tirages noir et blanc datés d’environ 1860 à 1913, les photographes d’alors ont saisi les minka (maisons traditionnelles), les temples et bâtiments impériaux. Par ailleurs, des portraits et photos de groupe de familles chrétiennes japonaises, des paysans au labeur et des techniques artisanales des Aïnous (ethnie du Nord du Japon) donnent à ce fonds une dimension anthropologique. La plupart de ces photos sont des images commercialisées à cette époque, prises par des photographes professionnels.
Le début du XXe siècle a été richement documentée dans la boîte 4 (1916-1936) où figurent la croissance des activités missionnaires liées à l’éducation avec des photos des promotions de séminaristes au Séminaire de Tokyo (1918-1936) ou l’école de Meisei et de l’étoile brillante à Osaka (1918-1920). Des clichés immortalisant les grands moments de l’Église japonaise, tels que le concile national du Japon en 1922 et le concile de Tokyo en 1924, y sont aussi présentés.
La boîte 14 (1928-1988) offre une vue des collaborations que pouvaient entreprendre les missionnaires pour le bon déroulement de leurs activités. Des photos de groupe avec les Sœurs de Nevers et les Sœurs Trappiste dévoilent l’implication de ces congrégations au sein des missions notamment à l’orphelinat de Bethléem et à l’hôpital de Béthanie.
Les églises qui ont été construites durant ce siècle de mission sont magnifiquement répertoriées en boîte 1 ([1890]-1972) et boîte 2 (1907-1938, 1994-2000). Plus d’une trentaine d’églises et de chapelles, dans toutes les régions du Japon, vivent à travers les photographies des Pères missionnaires. Pour n’en citer qu’un échantillon, ces albums conservent des vues de l’ancienne église de Nara, de l’église Oura à Nagasaki, de la chapelle de Notre-Dame de Otome-Toge à Tsuwano et de la chapelle d’Atami.
Zoom sur un document
Le Père Lucien Delahaye (1884-1957) fait ses débuts de missions en 1909 à Hachioji. Très vite, il est nommé au poste de Maebashi et y fait construire une chapelle dédiée à Notre-Dame-du-Mont-Carmel. En 1914, il reçoit une nouvelle nomination qui le fait curé de l’importante paroisse de Shizuoka. Il parcoure tout le district à la recherche de chrétiens et fonde de nombreuses églises.
Sur cette photographie, le P. Delahaye figure à côté de l’église secondaire qu’il fait construire à Yatsu :
Cet impressionnant deuxième cliché montre le P. Delahaye avec trois ouvriers ou maîtres de chantiers en premier plan, puis les ouvriers en action sur la tour de l’église au deuxième plan. L’église n’est pas formellement identifiée, mais elle se trouve probablement dans le district de Shizuoka où il y a fait construire un gros nombre d’église de sa nomination en 1914 jusqu’à son congé en France en 1948. Son investissement pour le développement de la paroisse de Shizuoka résulte à l’ordination sacerdotale d’un prêtre japonais à l’Eglise du Japon : le Père Uchino. On lui doit également la fondation d’une école de filles à Shizuoka même, qui fut reprise par les Sœurs Salésiennes après la Deuxième Guerre mondiale. Il part en congé en France en 1948 et revient aussi vite en 1950 à la nouvelle paroisse de Ito. A nouveau, il fait construire église et résidence. Il se retire en 1955 à la maison commune de la Société à Shizuoka, ayant compris qu’il avait besoin de repos. Il s’éteint le 8 décembre 1957. Il est inhumé dans le cimetière chrétien de Yatsu.