Passionné par la culture de l’ethnie Jörai à laquelle il a consacré sa vie, le P. Jacques Dournes a exercé ses talents de dessinateur, de photographe, d’écrivain, à décrire cette culture. Ses carnets de mission constituent le témoignage du travail d’une vie.
Le P. Jacques Dournes s’est inscrit dans la longue tradition ethnographique pratiquée par ses prédécesseurs, mais l’a poussée beaucoup plus loin en développant de véritables études scientifiques.
Missionnaire MEP sur les Hauts-Plateaux vietnamiens de 1947 à 1968, il est le premier à analyser, traduire et transmettre les pratiques culturelles des Jörai et contribue au développement des connaissances des populations peuplant la région. Pour publier ses travaux, il profite de l’imprimerie installée dans le Centre Montagnard du Camly, créé par le P. Lefèvre en 1952. Son ouvrage Coordonnées (1972) brosse un tableau des coutumes et pratiques des Jöraï, tandis que son Ébauche de dictionnaire de la langue jörai (1964) contribue à en faciliter la compréhension linguistique.
Comme tous les missionnaires, le P. Dournes a cet avantage sur les ethnologues « universitaires » qu’il ne fait pas de courtes missions d’étude, mais qu’il vit avec une population pour une donnée indéterminée et en devient ainsi un membre à part entière, presque dépouillé de sa culture d’origine pour devenir Jörai parmi les Jörai. Dès 1949, il écrit d’ailleurs, après quelques jours passés avec des Français à Saïgon : « Je me sens entreposé et mal à l’aise chez mes frères de race où je suis un étranger plus que dans mon peuple là-haut ».
« Il fait nuit, le vent souffle avec rage et vaporise la pluie à travers la paroi usée de la case. Malgré l’exigüité presque tous les habitants du village sont entrés ici, chacun arrivant avec son tison et le joignant aux autres sur le foyer qui crépite. Il en entre encore et toujours et c’est au milieu de cette foire que nous soignons les malades ! […] »Jacques Dournes, carnet « Pistes »
« Dans la matinée, j’ai transposé en Moï le Regina Caeli et Filii et filiae, que nous voulons faire chanter à nos enfants pour la messe de Pâques. La langue Moï, mâle et sonore, rend au moins aussi bien les mélodies liturgiques que la latine, qui n’est pas morte pour rien, et dès ce soir les enfants commenceront à le chanter, comme toujours ce qu’ils saisissent le plus vite, c’est le rythme. […] »Jacques Dournes, carnet 1121, f. 20-21
« Pendant ce temps, les autres petits Moïs chantaient le Regina Caeli, en langue Koho. Le Seigneur et la Vierge ont dû être sensibles à cet hommage sincère et naïf de petits païens qui commencent seulement à apprendre à Les connaître et à Les aimer. […] »Jacques Dournes, carnet 1121, f. 28