Claude DEUX1843 - 1937
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0916
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1867 - 1901 (Hanoi)
- 1901 - 1932 (Phat Diêm)
- 1932 - 1937 (Thanh Hoa)
Biographie
Claude DEUX naquit le 19 mai 1843, à Saint-Just-en-Chevalet, département de la Loire, diocèse de Lyon. Sa mère était la soeur de M.Charrier Pierre, missionnaire au Tonkin Occidental de 1841 à 1846, où il avait confessé la foi,dans les prisons de Son-tây et de Hué où il était resté incarcéré pendant 17 mois, puis avait été reçu directeur au séminaire de Paris de 1846 à 1871. Grâce à l'aide de M.le Curé de Noirétable, Claude commença ses études de latin à Les Salles, où il passa deux ans, puis fut présenté au petit séminaire de Saint Jodard. Pendant sept ans, il s'y montra élève pieux, régulier, appliqué.
Le 15 septembre 1863, il entra laïque, au séminaire des Missions Etrangères. Il fut tonsuré le 21 mai 1864, minoré le 17 décembre 1864, sous-diacre le 1 juin 1865. Il reçut le diaconat le 23 septembre 1865, et la prêtrise le 26 mai 1866, des mains de Mgr.Theurel, alors en France pour des raisons de santé. Destiné au Vicariat Apostolique du Tonkin Occidental, il partit rejoindre sa mission, le 15 juillet 1866, en compagnie de MM.Schorung, Pineau et Tessier.
Embarqués à Marseille, ces jeunes partants prirent le bâteau pour Alexandrie, puis le chemin de fer les anema aux bords de la Mer Rouge où un paquebot attendait ses passagers pour l'Extrême Orient. A Singapore, M.Patriat, procureur, leur annonça le martyre de deux évêques et de neuf missionnaires, en Corée. Reçus à Hong-Kong par M.Osouf, ils retrouvèrent à la procure Mgr.Theurel et M. Beaujean partis de France un mois avant eux et qui attendaient une jonque pour rejoindre le Tonkin. Le 20 octobre 1866, veille du sacre de Mgr. Petitjean Bernard à Hong-Kong, apprenant qu'une jonque était en partance pour le Tonkin, via Macao, et sur les conseils du Supérieur des Dominicains à Hong-Kong, Mgr.Theurel et sa caravane missionnaire partirent immédiatement pour Macao, et quelques temps après pour le Tonkin. Ils accostèrent non loin d'une paroisse dominicaine espagnole où ils furent reçus avec grande joie. C'est là que Mgr. Theurel apprit le décès de Mgr. Jeantet, survenu le 24 Juillet 1866; Mgr et son groupe de missionnaires gagnèrent Nam-Dinh, et arrivèrent à Kê-Non, la résidence épiscopale, le 14 novembre 1866.
A cause des persécutions, M. Deux fut déplacé quatre fois au cours de sa première année de mission. Il étudia la langue viêtnamienne à Lang-Mat, à Trai-Chua, à Kê-Non et en août 1867, s'offrit pour aller remplacer M.Beaujean à Kê-Loi où il assura le service spirituel de l'Imprimerie et de la Sainte Enfance.
Le 26 janvier 1868, M.Puginier fut sacré évêque au petit séminaire de Hoang-Nguyên et devint Coadjuteur de Mgr. Theurel. Après le sacre, M.Deux fut nommé à la tête du district de Nam-Xang, à la place de M.Dumoulin. Mais en raison de sérieuses menaces de persécution contre les chrétiens de cette région, Mgr. demanda à M. Deux d'attendre à Hoàng-Nguyên, le retour du calme. La situation n'étant pas devenue meilleure, M. Deux fut déchargé du district de Nam-Xang, et envoyé à Phuc-Nhac pour y diriger l'orphelinat de la Ste Enfance qui comptait 200 enfants. Il prêta aussi son concours au petit séminaire, et à la paroisse.
En 1871, ayant demandé à Mgr. Puginier de lui attribuer une seule fonction bien déterminée,en raison de sa santé déficiente, il fut nommé professeur au petit séminaire de Phuc-Nhac. Sa vertu, sa régularité, sa prudence, son humilité, son obéissance lui gagnèrent la confiance des élèves qui dans leur grande majorité le choisirent comme père spirituel. En 1898, M.Deux ayant été victime de plusieurs syncopes, demanda à quitter le professorat pour ne garder que le direction spirituelle. Au début de 1899, en compagnie de M.Schlicklin, il partit refaire sa santé à Hong-Kong et rentra au Tonkin au commencement de Juin de la même année, en passant par Hanoï, ville qu'il n'avait jamais vue après 33 ans de séjour dans le pays.
De retour à Phuc-Nhac, il dût accepter de prendre la direction intérimaire du collège petit séminaire, la maladie obligeant son supérieur M.Ravier, à rentrer en France. Ce dernier mourut à Montbeton, le 29 novembre 1899, M.Deux donna alors sa démission de supérieur, mais continua son ministère de père spirituel pendant 20 ans encore. En juillet 1902, ce collège petit séminaire comptait 211 élèves. En 1901, M.Deux passa dans le Vicariat Apostolique du Tonkin Maritime (Phat-Diêm). et en 1932, dans celui de Thanh-Hoa, tout en résidant à Phuc-Nhac jusqu'à sa mort.
Au séminaire de Phuc-Nhac, le 30 mai 1916, il célébra ses noces d'or ,et le 26 mai 1926, ses noces de diamant en ce même lieu, entouré de trois évêques, de plusieurs missionnaires et d'une quarantaine de prêtres viêtnamiens, tous ses anciens élèves! A cette occasion, il fut fait chevalier de l'Ordre du Dragon d'Annam. Le lundi de Pentecôte 1923, on fêta ses 80 ans. En 1932, il devint le doyen d'âge et de départ de tous les missionnaires de la Société. Le 20 Mai 1936, le premier de tous les confrères depuis le début de la Société, il célébra à Phuc-Nhac, ses soixante dix ans de sacerdoce dont 69 ans et six mois au Tonkin, sans être jamais retourné en Europe.
Pendant sa longue vie, M.Deux reçut sept fois le sacrement des malades. A chaque fois, il y retrouva un regain de forces physiques. Homme de prière, il cultiva toute sa vie, une grande dévotion envers la Vierge Marie,et s'intéressa à la vie de l'Eglise. Enfin, il s'éteignit doucement dans la nuit du 17 au 18 janvier 1937, assisté par M. Réminiac. Ses funérailles, le lendemain, furent très solennelles. Il repose à présent au milieu des tombes des nombreux confrères, à l'ombre de la croix centrale, dans le cimetière du Petit Séminaire de Phuc-Nhac.
Février 1995
Nécrologie
M. DEUX
MISSIONNAIRE DE THANH-HOA
M. DEUX (Claude), né le 19 mai 1843, à Saint-Just-en-Chevalet (Loire), diocèse de Lyon. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 15 septem¬bre 1863. Prêtre le 26 mai 1866. Parti pour le Tonkin occidental le 15 juil¬let 1866. Mort à Phuc-Nhac dans le Vicariat apostolique indigène de Phat-¬Diêrn, le 18 janvier 1937.
M. Claude Deux est né le 19 mai 1843 à Saint-Just-en-Chevalet, dans le département de la Loire. Sa mère était la sœur du célèbre P. Charrier, qui confessa la Foi au Tonkin de 1841 à 1843 et devint plus tard Directeur du Séminaire de Paris, de 1846 à 1871. Claude avait 9 ans quand il entendit lire les Annales de la Propagation de la Foi relatant le martyre du Bienheureux Bonnard. Soudaine¬ment il dit à sa mère : « Moi aussi je serai missionnaire ! » Réflexion d’enfant ! mais la pieuse mère ne l’oublia jamais, elle le répéta à son fils plus d’une fois, lorsque vraiment il fut ques¬tion de son départ pour les Missions.
L’enfant manifestant des dispositions pour la piété et l’étude, ses parents l’envoyèrent aux Salles ; là, un excellent instituteur, en plus de ses fonctions ordinaires, s’occupait plus assidûment d’une quinzaine d’enfants qui se préparaient à l’étude du latin. Les parents fournissaient la pension réduite, et M. le Curé de Noi¬rétable devait ajouter une miche de pain tous les cinq ou six jours. Après deux ans d’études primaires aux Salles, Claude fut présenté au petit séminaire de Saint-Jodard. Il y passa sept ans et fut l’élève modeste et pieux qui se distingua toujours par son bon esprit et sa régularité.
La rhétorique terminée, il était déjà admis au Séminaire des Missions-Étrangères. C’était en 1862 ; au cours des vacances, un revirement se produisit en lui : « Que vais-je faire en mission ? », se dit-il, et il écrivit à M. Charrier, son oncle, pour lui annoncer qu’il n’irait pas à Paris, mais qu’il entrerait plutôt à La Trappe de Sept-Fonds. Au reçu de la lettre, M. Charrier alla consulter le Supérieur, M. Albrand, puis M. Delpech. Leurs réponses furent identiques : « Soyez tranquille, il y a lieu de croire à une simple tentation passagère ; à l’heure actuelle elle est sans doute déjà passée ». C’était bien la vérité. Quelques jours plus tard, M. Char¬rier arrivait à Saint-Just. Il demanda à son neveu : « Eh bien, que deviens-tu ? » La réponse ne se fit pas attendre : « C’est fini, dès que j’eus remis ma lettre de l’autre jour à ma sœur pour qu’elle la déposât à la poste, le calme revint de suite. »
A la fin des vacances, M. Deux se rendit donc au Séminaire de la rue du Bac, accompagné du P. Charrier. fl fut le bienvenu assu¬rément, à cause d’un si distingué patronage. Toutefois, MM. les Di¬recteurs ne manquèrent pas l’occasion de manifester de façons diverses leurs sentiments à l’égard du nouveau venu : « Un vrai petit ange », dit le Supérieur en l’embrassant... Vous avez un petit nez insolent, fit M. Voisin.... Mais le plus caustique, ce fut M. Cordier, le futur Vicaire Apostolique du Cambodge, qui se trouvait de passage : « Ah ! vous êtes le neveu du P. Charrier, eh bien ! vous ne lui ressemblez ni au physique, ni au moral. » M. Deux, était content surtout de cette dernière boutade.
Le séjour de la nouvelle recrue à Paris fut celui d’un aspirant bien à son affaire, ne faisant pas de bruit ; aussi son appel aux Ordres ne fit jamais de difficulté. Il reçut le diaconat et la prêtrise des mains de Mgr Theurel, son futur Vicaire Apostolique, qui se trouvait en France pour raison de santé. D’après l’usage, il connut sa destination le lendemain de l’ordination. Le Tonkin occidental fut son partage ainsi que celui de M. Schorung. D’autre part. MM. Pineau et Tessier étaient envoyés au Tonkin méridional. Ordonnés le 26 mai, tous les quatre firent partie du groupe qui quitta Paris le 15 juillet 1866. Mgr Theurel était parti un mois plus tôt emmenant avec lui M. Beaujean, prêtre depuis 1857. Tous deux avaient pris les devants dans l’espoir de trouver à Hongkong une occasion favorable pour pénétrer au Tonkin sans trop de danger et préparer ensuite les voies aux nouveaux arrivants.
A cette époque, pour aller en Extrême-Orient, le Canal de Suez n’existait pas encore ; comme ses devanciers, le groupe apos¬tolique prit le bateau à Marseille pour Alexandrie ; de là, le che¬min de fer le transporta à travers le désert, et un paquebot des Messageries Maritimes attendait à la Mer Rouge pour recevoir les passagers et continuer le voyage.
A l’arrivée à Singapore, la première nouvelle donnée par le Procureur, M. Patriat, fut celle du martyre, en Corée, de deux évê¬ques et neuf missionnaires. M. Deux en avait connu plusieurs à la rue du Bac, particulièrement M. Just de Bretenières. La nouvelle ne fit que raviver le feu sacré au cœur des nouveaux mission¬naires. A Hongkong, c’est M. Osouf qui les reçut avec sa pater¬nelle et légendaire bonté. Mgr Theurel et M. Beaujean étaient encore à la Procure, guettant l’occasion d’une barque chinoise en partance pour le Tonkin. Ils furent heureux de retrouver sains et saufs ceux qui venaient travailler avec eux. Etait également présent Mgr Petitjean, Vicaire Apostolique du Japon, dont le sacre était fixé au 21 octobre. Mgr Guillemin de Canton, évêque consé¬crateur, arriva, et Mgr Theurel devait remplir les fonctions de Prélat Assistant. Tout était prêt et réglé pour la cérémonie lorsque subitement le Procureur fit savoir qu’une jonque allait partir pour Macao et le Tonkin. Mgr Theurel hésitant, alla consulter le Supé¬rieur des PP. Portugais à Hongkong pour savoir s’il était opportun d’attendre une autre occasion pour Macao. Par ailleurs, il était bien à prévoir que le patron de la jonque s’immobiliserait à Macao pour une raison quelconque ; mais les occasions pour le Tonkin étaient si rares... La réponse fut négative. « A votre place, Mon-seigneur, je partirais, dit le Supérieur, il est impossible de prévoir quand se présentera une autre occasion pour regagner votre Mis¬sion. » Mgr Theurel n’hésita plus ; il partit avec sa caravane, la veille du sacre ; c’était un sacrifice de plus à offrir à Dieu.
A Macao, il arriva ce qui avait été prévu : la jonque y séjourna longtemps. Enfin, on se décida à partir pour le Tonkin. Le 4 no¬vembre, fête patronymique de Mgr Jeantet, Vicaire Apostolique, de Hanoï, Mgr Theurel parla beaucoup à ses compagnons de voyage du vieil évêque qu’il comptait revoir bientôt et leur demanda de prier pour lui. Quelques semaines s’écoulèrent et nos voyageurs accostèrent non loin d’une paroisse de la Mission dominicaine espagnole. Prêtres, catéchistes, fidèles furent à la joie de recevoir de si nobles visiteurs, si peu après les persécutions ; ils manifes¬tèrent leur joie un peu trop bruyamment, si bien que, par crainte des païens, Mgr Theurel dut les modérer. Le lendemain, il remit une lettre au curé de la paroisse, le priant de la faire porter au plus vite à Mgr Jeantet, pour lui annoncer le retour de son Coadju¬teur et l’arrivée de renfort si appréciable. « Comment, dit le prê¬tre, Votre Grandeur n’est donc pas avertie ? Mgr Jeantet est mort depuis quatre mois. » Ainsi, depuis le 24 juillet jusqu’à la fin d’octobre, la triste nouvelle n’était pas encore parvenue à Hongkong. Raison de plus pour Mgr Theurel de hâter son retour. Vite il partit pour Nam-Dinh et arriva à la Résidence épiscopale de Kê-Non, le 14 novembre. De France au Tonkin le, voyage avait duré quatre mois. C’était relativement rapide, en comparaison des voyages faits par les devanciers.
Au temps des persécutions, les missionnaires ne pouvaient pas séjourner longtemps au même endroit sans qu’il y eût danger pour eux. C’est par prudence que M. Deux fut déplacé quatre fois au cours de sa première année de mission. Il étudia la langue à Lan-¬Mat, à Trai-Chua et à Kê-Non. Au mois d’août 1867, M. Beaujean, qui remplaçait M. Puginier à Kê-Loi depuis quelques mois, trou¬vant l’absence de son confrère trop prolongée, écrivit une lettre à Mgr Theurel demandant instamment à son Supérieur de renvoyer M. Puginier à son ancien poste dès que possible afin d’éviter de graves incidents... M. Deux, ayant eu connaissance de cette lettre, comprit l’embarras de l’évêque. N’ayant pas encore, par ailleurs, de destination fixe, il s’offrit pour aller remplacer M. Beaujean. « Soit, répliqua Monseigneur, vous n’avez que votre bréviaire avec vous, c’est le principal. Cela suffira pour quelque temps. » Et. M. Deux partit à la façon de Saint François-Xavier ; il fut d’ailleurs bien inspiré, car quelques heures après, il rencontra la barquette de M. Beaujean qui revenait à la Communauté. Notre héros resta à Kê-Loi au service spirituel de l’imprimerie et de la maison de la Sainte-Enfance, que M. Puginier allait incessamment transférer à Phuc-Nhac.
Le 26 janvier 1868, M. Puginier était sacré au petit séminaire de Hoang-Nguyên et devenait le Coadjuteur de Mgr Theurel. M. Deux assista à la cérémonie : ce fut une fête comme le Tonkin n’en avait jamais vu à cause des persécutions. On y fut même gai comme en fait foi le trait suivant, raconté souvent par notre témoin. A la récréation qui suivit le repas, un jeune P. Dominicain espagnol s’approchant de M. Lesserteur, qui s’était surpassé ce jour-là dans l’exécution des cérémonies du sacre, et dont on con¬naissait les opinions arrêtées sur la question de la grâce touchant la liberté humaine, osa demander à M. Lesserteur s’il n’était pas Jésuite... L’interpellé en fut, certes, tout ébahi, mais le rire homé-rique de l’assemblée le mit de suite à l’aise. Il comprit que c’était une taquinerie de la jeunesse française à l’endroit du champion du molinisme au Tonkin. Bien entendu, personne ne se fâcha.
Après le sacre, M. Deux reçut une destination : il devait pren¬dre en main la direction du district de Nam-Xang à la place de M. Dumoulin. Toutefois, comme les Lettrés, dont certains exer¬çaient des fonctions publiques, menaçaient les chrétiens de la région, Monseigneur pria le jeune missionnaire d’attendre quelque temps à Hoang-Nguyên dans l’espoir que le calme ne tarderait pas à revenir. La situation ne devenant pas meilleure, il fut déchargé de Nam-Xang et envoyé à Phuc-Nhac pour y diriger l’orphelinat central de la Sainte-Enfance. Il resta là deux ans, s’acquittant de son ministère auprès de 200 enfants, et prêtant son concours, soit au petit séminaire, soit à la paroisse. Enfin en 1871 il demanda à Mgr Puginier de lui attribuer une seule fonction bien déterminée, sa santé ne lui permettant pas de remplir plusieurs tâches de front. Il fut alors nommé définitivement professeur au petit séminaire de Phuc-Nhac. C’est là où Dieu le voulait.
M. Deux n’avait pas une très brillante santé. Dès ses débuts dans l’enseignement, il reçut deux fois le sacrement d’Extrême-Onction : en 1871, une hernie étranglée avait mis ses jours en danger ; en 1875, ce fut une attaque de dysenterie. A la surprise¬ de tous, il revint très rapidement à la santé. Malgré ces deux aler¬tes, il enseigna pendant vingt-sept ans consécutifs, tantôt la classe de troisième, tantôt celle de seconde. L’ascendant qu’il sut prendre sur les séminaristes par sa vertu, sa prudence, son bon esprit, lui attira à un tel point la confiance de tous qu’il devint le confesseur presque unique de la communauté.
La vie régulière convenait bien à son tempérament délicat. Cependant en 1898 il eut plusieurs syncopes qui firent craindre une issue fatale. C’est alors qu’il demanda à quitter la professorat et à conserver la direction des âmes qui s’adressaient à lui. Mgr Gendreau, successeur de Mgr Theurel, sachant le bien qu’il faisait aux séminaristes comme Père spirituel, acquiesça volontiers à sa demande. Malgré cette diminution du travail, la faiblesse augmenta encore, si bien qu’au début de l’année 1899, son vicaire apostolique chargea M. Schlicklin, dont la compétence médicale était connue, d’aller voir son confrère. Le résultat de la visite fut que consulteur et consulté partirent subitement à Hongkong. M. Deux n’était pas gravement malade, il lui fallait seulement chan¬ger d’air et de régime ; tout seul il ne serait pas parti. On sourira peut-être, mais c’est à cette occasion, après trente-trois ans de mis¬sion, que M. Deux acheta, à Hai-Phong, son premier casque colonial ; jusque-là, la barrette lui avait toujours suffi ; il sortait si peu. A Hongkong, le médecin confirma le diagnostic de M. Schlicklin : « Bon régime », c’est tout ce qui fut prescrit. Pour plus de sûreté, on lui donna une fois seulement un cachet de quinine ; il ne prit pas d’autre médicament à la pharmacie de MM. Gaztelu et Lecomte. Le régime de Hongkong comprenait du pain, du vin, du laitage, autant de bonnes choses dont il n’avait pas fait usage au Tonkin. Cela suffit pour le remettre sur pied. Au commencement de juin de la même année, il rentra au Tonkin, via Hanoï, ville qu’il n’avait jamais vue après trente-trois ans de séjour dans le pays ! Du coup, Mgr Gendreau l’emmena en chaloupe jusqu’à Hung-Hoa pour y faire visite à un vieil ami, Mgr Ramond. Quelques jours plus tard, il rentrait à Phuc-Nhac, à la grande joie des élèves du petit séminaire.
Le bon Père comptait travailler encore uniquement au bien spirituel des élèves, mais les circonstances changèrent. M. Ravier, Supérieur du séminaire, avait une plaie maligne à l’intestin ; un retour en France était nécessaire. M. Deux dut, bien malgré lui, accepter de le remplacer à la tête de l’établissement. Son intérim ne fut que de courte durée ; car dès que M. Ravier arriva en France, les médecins jugèrent qu’une opération seule pouvait le sauver, et encore était-elle bien dangereuse. Pour essayer l’unique chance de guérison, M. Ravier consentit à l’opération, mais il mourut quelques jours après, le 29 novembre 1899. Aussitôt que la nouvelle de sa mort arriva au Tonkin, M. Deux rappela à son Vicaire Apostolique qu’il n’avait accepté le supériorat que pour un temps vraisemblablement court ; il donna donc sa démission de manière définitive et fut remplacé dès le mois de décembre. Depuis lors, il resta à la retraite toute sa vie, au moins apparem¬ment ; car il continua le ministère des âmes au séminaire pendant vingt ans encore. Plus tard, affligé de surdité, il dut renoncer à confesser beaucoup. Malgré cette infirmité, il continua à s’occuper de quelques habitués.
La vie de M. Deux, au Tonkin, fut des plus modestes ; cela ne l’a pas empêché de faire beaucoup de bien en confessant de nom¬breux missionnaires, prêtres indigènes, catéchistes, séminaristes, et cela toujours avec le plus grand soin, en homme de Dieu. Il fit du bien aussi par ses conseils et ses exemples. Sa vie était très régulière ; il édifiait tout le monde par sa fidélité à la méditation, à la visite au Saint-Sacrement, au Chemin de la Croix, à l’étude de l’Ecriture Sainte, de la vie des Saints et des auteurs spirituels. Que de fois n’a-t-on pas dit que M. Deux était le paratonnerre de la Mission et qu’il suffisait de le regarder pour se sentir poussé à aimer Dieu. Jamais il ne céda à la curiosité d’aller visiter la pro¬vince de Thanh-Hoa, qui, pourtant n’est pas loin de Phuc-Nhac et qui fait partie de sa Mission. Même à Phuc-Nhac il ne connaissait rien, sauf le chemin qui allait de sa chambre à la chapclle.
Depuis son enfance, il eut une grande dévotion envers la Sainte Vierge. C’est la seule pensée qu’il tint à dire à Mgr Marcou et aux confrères lorsque, en 1916, on fêta son cinquantenaire de sacerdoce : « Je suis l’enfant de la Sainte Vierge, déclara-t-il, Elle est ma Mère, Elle m’a même puni quelquefois. » Ses signatures sont souvent accompagnées des lettres S.M. serviteur de Marie. Aussi longtemps que ses yeux et ses jambes le permirent, il célébra la messe à l’autel de la Sainte Vierge ; personne ne songea jamais à lui disputer ce privilège. Durant toute l’année, après avoir célé¬bré la messe, il rentrait dans sa chambre, non sans être passé par son jardin pour y cueillir des fleurs, que de longue date il avait cultivées et destinées à la Sainte Vierge. Ce n’est même que dans ce seul but qu’il eut toujours un petit jardin et qu’il devint un fleu¬riste distingué. Tous les matins donc, après sa messe, le petit bouquet de fleurs à la Sainte Vierge était renouvelé ; il avouait un jour « ne l’avoir jamais omis ». Cela dura ainsi pendant les soixante et quelques années qu’il passa au séminaire. Nul doute que la bonne Mère du ciel l’aura récompensé de cette persévérante fidélité et aussi des nombreux chapelets qu’il récita tous les jours en se promenant dans sa chambre ou sous la véranda.
Depuis quelques années il ne pouvait plus aller à la chapelle le matin, il célébrait la messe dans une petite pièce voisine de sa chambre et souvent il devait s’en tenir à la messe votive de la Sainte Vierge ou à celle des défunts, mais il a toujours continué à réciter son bréviaire jusqu’à la fin de sa vie.
Esprit catholique, M. Deux s’est toujours beaucoup intéressé au mouvement religieux en France et dans le monde. C’est pour¬quoi il attendait régulièrement l’arrivée du courrier, qui devait lui apporter les petites Revues de Lyon et de Toulouse. Quand un évêché était vacant, en France ou dans nos Missions, il cher¬chait à connaître le plus vite possible les nouvelles nominations. Aussitôt que le nouvel Ordo arrivait il l’étudiait et notait les noms qui avaient disparu afin de prier pour les Confrères défunts.
Depuis longtemps également il connaissait le numéro d’ordre d’ancienneté qu’il occupait dans la Société. En 1926, il fut con¬tent de voir que M. Gourdon, au Sutchuen, et M. Villion, au Japon, étaient arrivés le même jour que lui à leurs noces de diamant sacerdotales. Il appréciait particulièrement le fait que ces deux partenaires étaient plus vaillants que lui et travaillaient encore pour le Bon Dieu. Sans se faire illusion sur ses forces, et tout en étant prêt à chaque instant à paraître devant Dieu, il aimait pour¬tant à raconter un songe qu’il avait eu et auquel il n’ajoutait d’ailleurs qu’une créance très limitée : le P. Charrier, son oncle, lui était apparu dans son sommeil et lui avait dit : « Tu devien¬dras le doyen de la Société, mais ce ne sera pas pour longtemps. » Voilà pourquoi après la mort de M. Gourdon d’abord, puis après celle de M. Villion, en 1932, M. Deux se prépara à mourir bientôt.
Au commencement du mois de mai, cette année-là, il se sentit très fatigué. Son médecin annamite perdit tout espoir et lui donna encore pour une semaine de vie. M. Deux pensa, comme les con¬frères de son entourage, qu’il devait mourir au cours du mois de Marie, sa Bonne Mère. Vers le 12 du mois, il abandonna tout usage de médicaments. A partir de ce moment, il retrouva les forces suffisantes pour reprendre ses visites au Saint-Sacrement qu’il avait dû cesser les semaines précédentes. Il demeura ensuite Doyen de la Société pendant quatre ans et demi encore, conti¬nuant à prier, à donner le bon exemple et souvent de très bons conseils.
Pendant sa longue vie, M. Deux reçut sept fois l’Extrême-¬Onction. A chaque fois le sacrement lui donna un regain de forces physiques. Enfin, il s’éteignit doucement, dans la nuit du 17 au 18 janvier 1937, à l’âge de quatre-vingt-treize ans et huit mois. Ses funérailles furent très solennelles : trois évêques y assistèrent, ainsi que plusieurs provicaires, de nombreux missionnaires de Hanoï, tous les missionnaires disponibles de Thanh-Hoa et un grand nombre de prêtres indigènes du Vicariat de Phat-Diem et des envi¬rons, sans parler de la foule des fidèles. Son Exc. Mgr Tong et M. Cresson, Administrateur-Résident de France à Ninh-Binh, firent l’éloge du défunt sur le bord de sa tombe. Un piquet de la garde indigène avec un Inspecteur rendit les honneurs ; honneurs voulus par le Résident de France, en souvenir de la Croix de la Légion d’honneur qu’il avait demandée pour notre vénéré Doyen et qui, malheureusement, avait trop tardé à arriver.
Sans presque changer de poste, notre regretté confrère a tra¬vaillé pendant trente-six ans dans le Vicariat du Tonkin occi¬dental, pendant trente et un ans dans celui de Phat-Diem et pen¬dant quatre ans dans celui de Thanh-Hoa. Il n’a jamais vu cette der¬nière Mission ; quoiqu’il lui en eût coûté, il était cependant bien décidé à s’y rendre bientôt et à se séparer de son cher séminaire de Phuc-Nhac, pour obéir au Saint-Père, qui a cédé Phat-Diem et ses établissements au clergé indigène. Dieu lui a épargné cet ultime sacrifice, en lui permettant de dormir son dernier sommeil là où il avait si longtemps, si bien et si modestement travaillé au salut des âmes. Nul doute que ce saint missionnaire prie au Ciel pour les Missions qu’il a très fidèlement servies.
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Références
[0916] DEUX Claude (1843-1937)
Références biographiques
AME 1915-16 p. 176. 1932 p. 192. 1936 p. 104. 229. 236. 1937 p. 95. 136. CR 1899 p. 387. 1902 p. 186. 396. 1916 p. 122. 1929 p. 317. 1930 p. 293. 1937 p. 234. 262. BME 1923 p. 195. 518. 804. 1924 p. 185. 1926 p. 263. 430. 518. 1929 p. 439. 1932 p. 361. 864. 1933 p. 543. 624. 1935 p. 372. 495. 549. 747. 750. 895. 1936 p. 495. 549. 527. 828. 1937 p. 206. 349. MC 1916 p. 433. 1926 p. 232. 233. 1936 p. 389. 390. 1937 p. 149. EC1 N° 102. 351.