Henri MACÉ1844 - 1885
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1262
- À savoir : Mort violente
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1875 - 1885 (Qui Nhon)
Biographie
[1262]. MACE, Auguste-Henri-Constant, qui par dévotion ajouta à ces prénoms ceux de Marie-Joseph, naquit le 19 juin 1844 à Bazoges-en-Paillers (Vendée), fit ses études au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers et au grand séminaire de Luçon. Après son ordination qui eut lieu le 19 décembre 1868, il fut professeur de mathématiques, puis préfet de discipline au petit séminaire des Sables-d'Olonne, où il semblait, dit un de ses biographes, avoir pris pour devise de son commandement cette parole qu'il répétait souvent : Il faut marcher et lestement. " Il étudia plusieurs langues : anglais, allemand, italien, russe, espagnol. Le 27 septembre 1874 il entra au Séminaire des M.-E., ce qu'il désirait depuis longtemps.
Envoyé le 23 septembre 1875 en Cochinchine orientale, il accomplit ses premiers travaux dans la province du Phu-yen, et avec tant d'ardeur qu'il tomba malade. Quand ses forces revinrent, on le nomma professeur de rhétorique et économe au petit séminaire de Nuoc-nhi, province du Binh-dinh. Outre ses travaux ordinaires, il traduisit en annamite divers livres classiques, travail demeuré manuscrit, et s'occupa de deux paroisses voisines. En 1880, il contracta la variole au chevet d'un malade. En 1885, Mgr Van Camelbeke le nomma supérieur du séminaire de Nuoc-nhi.
Au commencement de la persécution causée par l'expédition française au Tonkin, il fut attaqué dans son établissement ; il se défendit avec ses chrétiens depuis quatre heures du matin jusqu'à une heure après-midi ; les munitions épuisées, il se retira dans la chapelle où les assaillants mirent aussitôt le feu ; il réussit à s'enfuir, fut poursuivi, et blessé par un païen qui lui coupa la tête. C'était le 2 août 1885.
Prévoyant sa mort, il avait écrit quelques jours avant à sa famille une lettre dont le post-scriptum était conçu en ces termes : " Mon Dieu, puisse ma mort assurer le salut de chacun de ceux que j'ai là-bas, et profiter aux chrétiens, aux païens de cette chère mission en particulier. Père, frères, sœurs, nièces, neveux, adieu ! Je vous envoie mon dernier baiser sur cette croix. "
Nécrologie
[1262] MACÉ Henri (1844-1885)
Notice nécrologique
M. MACÉ
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE ORIENTALE
Né le 19 juin 1844.
Parti le 23 septembre 1875.
Mort le 2 août 1885.
Esprit alerte, intelligence grande ouverte, inébranlable dans ses idées, pieux d’une piété ardente et raisonnée, M. Macé était le digne descendant de ces paysans Vendéens, généreux jusqu’au sacrifice, parfois francs jusqu’à la rudesse, gens de devoir qui plaçaient le devoir avant tout parce que le devoir est l’ordre de Dieu.
Il naquit à Bazoges-en-Paillers, le 19 juin 1844, et fit ses études au Petit-Séminaire de Chavagnes. C’est là que Dieu lui montra la vie à laquelle il l’appelait, et s’il est une chose frappante dans notre confrère, c’est assurément la persévérance qu’il déploya pour arriver au but si tôt montré, si lentement atteint.
« Depuis onze ou douze ans, dès le temps où j’étais à Chavagnes, la voix du Ciel m’appelait à cette noble vocation. Un jour, immédia¬tement après une communion, je vis intérieurement une lumière indéfinissable, et mon cœur étant alors subitement sollicité par la grâce, je mis la main sur ma poitrine, et mes lèvres prononcèrent ces mots : « Oui, mon Dieu, je serai missionnaire ! » Depuis lors, cher père, jamais je n’ai passé un seul jour sans avoir cette idée fixe, sans faire quelque chose à cette intention. Jusque-là, ma santé avait été un obstacle insurmontable. Tous ceux que j’ai consultés, médecins ou autres, ne croyaient pas que je pusse réussir. Et moi, appuyé sur le secours de Dieu, et plein de confiance en l’Immaculée Vierge Marie, je n’ai jamais hésité une minute. Je n’aurais pas désespéré quand j’aurais été seul contre l’univers entier. J’aurais retardé l’exécution de mon projet, mais y renoncer définitivement, jamais, tant il me paraît sentir qu’en agissant ainsi je plairais à Dieu et à la sainte Vierge, qui m’ont, à ce qu’il me semble, garanti leur concours. Confiance en eux et courage ! voilà quelle a toujours été ma devise. »
C’est en ces termes que M. Macé racontait à son père l’origine de sa vocation apostolique, en lui annonçant son entrée au Séminaire des Missions-Étrangères.
Pendant onze ans en effet, dans les situations diverses qu’il avait occupées, notre cher confrère n’avait eu qu’un désir : être mission¬naire. La volonté de ses supérieurs d’abord, la maladie ensuite l’avaient retenu ; il n’avait eu ni inquiétude, ni tristesse, ni découra-gement ; le regard au ciel, sans récriminations sur le présent, sans craintes sur l’avenir, il avait vécu dans l’espoir, ou, pour dire mieux et plus vrai, dans la certitude du succès. Il avait étudié sa vocation sous toutes ses faces ; après avoir appris les principes par lesquels on la reconnaît, il les avait appliqués.
« Dans l’examen d’une vocation, écrivait-il dès 1865, il faut réfléchir avec une intention pure et droite, prier beaucoup, s’adresser à la sainte Vierge, se mettre dans la disposition de faire la volonté de Dieu, quelle qu’elle puisse être, consulter ses inclinations, ses moyens, ses forces, se mettre au point de vue de la gloire de Dieu, de la mort et de l’éternité, enfin avoir recours à un directeur expéri¬menté et suivre en tout point ses avis. Chaque état a ses avantages et ses peines ; partout on est bien quand on y est en suivant la volonté de Dieu. »
« Je veux être missionnaire. C’est là assurément un projet bien grave et qui ne saurait être trop longuement mûri. Ce n’est pas un jeu d’enfant de briser sa vie à son aurore, de rompre les mille liens de la famille et de la patrie, de renoncer à toute joie, à tout bonheur de la terre, de se condamner volontairement jusqu’à la mort à de continuelles privations, à de perpétuelles souffrances. Certes, pour moi, quoique ce soit là mon espérance, mon rêve d’avenir, je ne veux point me lancer dans la carrière sans être bien sûr de ma vocation. »
Il ne se contente pas d’ailleurs de sonder son cœur, il cherche dans les circonstances extérieures le signe de la volonté de Dieu, il ne précipite rien, il est patient parce qu’il est fort, et il est fort parce qu’il est éclairé et guidé par la foi.
Lorsqu’il est nommé professeur de mathématiques et ensuite Préfet de discipline au Petit-Séminaire des Sables, il ne s’en émeut point ; il écrit à sa sœur, la confidente de ses joies et de ses peines : « Et comme je me tiens bien assuré que ma nouvelle fonction m’a été confiée par une disposition évidente de la divine Providence, il s’ensuit que je prends le temps comme il vient, sans trop me tra¬casser de quoi que ce soit. Rien ne donne tant de confiance et de tranquillité que de se savoir là où le bon Dieu veut. Ce n’est pas que j’oublie les Missions-Étrangères, mais je ne les vois que dans un lointain indéterminé pour aujourd’hui, et j’attends avec calme qu’un moment favorable se présente, un peu plus tôt, un peu plus tard. Mes fonctions sont bien difficiles, je le sais, mais j’ai fait l’impossible pour les éviter, et maintenant je les remplis de mon mieux. Arrive que pourra. Quant à capituler avec ce que je crois un devoir, je me laisserais couper en quatre plutôt que de céder, et grands et petits, il faut marcher, et lestement. »
« Il faut marcher, et lestement » : il le disait et c’était vrai ; on n’a pas perdu aux Sables le souvenir de ce jeune Préfet de discipline, dont la main de fer n’était pas toujours revêtue d’un gant de velours ; c’est que, comme il le dit lui-même « avec son désir invariable et indomptable du bien pour le bien » , il abordait de front l’obstacle avec une vigueur qui peut-être manquait de souplesse ; on aurait voulu, dans cette âme d’élite, cette aimable condescendance qui donne à la fermeté d’harmonieux contours.
Le travail allait de pair : en quelques années il avait appris cinq langues : l’Anglais, l’Allemand, l’Espagnol, l’Italien et le Russe. » Je ne sais où je serai envoyé et je me prépare à tout ». Travaux et rêves ne l’empêchaient pas de regarder comment marchait le monde ou plutôt l’Église catholique « cette sainte, grande et douce Mère, » comme il l’appelle. « La définition de l’Infaillibilité me tient tant au cœur, écrivait-il en 1870, que je garderais volontiers ma laryngite pendant dix ans, si cela était nécessaire pour l’amener. » A cette époque, ses souffrances devinrent plus vives, il n’en fut ni plus inquiet, ni plus alarmé.
Ce calme imperturbable, cette tranquillité et cette joie de l’âme, que M. Macé porte partout, lui-même va nous en dire la source.
« Est-on jamais dans l’isolement où dans la peine, quand on est attaché à Dieu seul ? Ne le trouve-t-on pas partout, toujours, aussi aimable et aussi aimant ? Les chagrins sont des jouissances quand on les verse dans son cœur et qu’on les supporte par amour pour lui. Rien de si triste que la tristesse. Ça ne mène jamais à rien de bon. Au contraire, une douce joie, une aimable gaieté avec tout le monde, dans tous les états de l’âme, fait un bien immense. Aimons le bon Dieu de notre mieux, et réjouissons-nous de faire en tout sa volonté. » Puis sa confiance en la Vierge Immaculée le soutient et, du fond de son cœur, il lui adresse cette prière : « O Marie ! où serais-je sans toi ? A chaque pas de ma vie, je te retrouve, ô amie, ô mère, ô doux ange gardien ! Ta main me pousse suavement et for¬tement vers un but miséricordieux. Si je bronche dans le sentier, tu me soutiens ; si je tombe, tu me relèves ; si je m’égare, tu me ramènes. O douce, ô suave, ô bénigne, ô Marie ! Tu es bonne pour tous, mais à l’égard de tes enfants, tu es un miracle d’amour ! »
Cette résignation vaillante est vraie, elle n’est point un masque dont il se couvre ; il reçoit tous les assauts debout et sans faiblir : Spes contra spem semble être sa devise. « Si je lutte avec plus d’opiniâtreté que jamais, c’est aussi avec moins d’espoir, écrit-il au lendemain d’un jour où les médecins lui déclarent que jamais il ne pourra être missionnaire, et où son Directeur confirme cette déci¬sion ; il me semble que c’est presque ma vocation et ma vie que j’ai jouées et perdues ce jour-là. Au reste, quoi qu’il arrive, je ne ren¬drai jamais les armes. Toujours mon but sera devant mes yeux et je ferai pour y arriver tous les efforts imaginables. » Il fait ces efforts, en effet, avec toute l’énergie dont il est capable ; mais la maladie semble vouloir ne point le quitter. En vain consulte-t-il plusieurs médecins ; en vain va-t-il demander, à Lourdes d’abord, aux eaux de Cauterets ensuite, une prompte guérison : le ciel est sourd à ses prières et la terre impuissante. « Le diable me tient à la gorge, et il me tient bien. » « En vain j’ai remué ciel et terre, je n’ai pu m’échapper des Sables, et dans l’état actuel de ma santé, c’eût été une imprudence. Je reconnais clairement la volonté de Dieu dans ce qui m’arrive, et sans abandonner d’une semelle mes résolutions premières, j’attends le moment propice marqué dans les conseils de la divine Providence. » Enfin ce moment arrive, et il écrit à sa sœur bien-aimée, qui semble être la nouvelle Mélanie d’un nouveau Théophane : « Tu l’as déjà compris, chère sœur, il s’agit de mon avenir. Le sort en est désor¬mais jeté irrévocablement ; rien au monde ne me fera reculer d’un pas. Les derniers restes du temps que je dois passer ici s’écoulent avec rapidité. Le ciel a enfin parlé, mes vœux sont comblés. Offre dès maintenant, aux Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, ce frère chéri qu’ils te demandent, et résigne-toi à leur volonté sainte. Que dis-je ? te résigner ! Ah ! plutôt, réjouis-toi de ce qu’ils ont bien voulu jeter les yeux sur moi pour me faire leur missionnaire et leur apôtre ! C’est une grande gloire pour moi, c’en est une aussi pour toi. La nature souffre, mais la foi élève les yeux vers le ciel. La peine est grande, mais les récompenses du ciel le sont bien davan¬tage. La terre n’est pas la patrie, et ce n’est pas être sage que d’y vouloir fixer son séjour. Le ciel, le ciel ! voilà le lieu de notre réunion, de notre repos. Ici-bas tout passe, tout vieillit, tout meurt. » Au mois de septembre 1874, M. Macé entrait au Séminaire des Missions-Étrangères, et une année plus tard, il partait pour la Cochinchine Orientale.
Lorsque enfin il touche cette terre si ardemment désirée : « En ce jour, s’écrie-t-il, sur ce sol où je viens m’épuiser et mourir, comme du haut d’un bûcher ou d’une croix, je m’offre à vous, ô mon Dieu, par les douces mains de l’ Immaculée Conception, pour votre victime, pour le salut de ces pauvres âmes, et pour votre plus grande gloire. Je ne refuse pas de travailler longtemps, mais je suis prêt à mourir. D’avance, je vous consacre mes travaux, mes tristesses, mes souf¬frances, mes humiliations, mon dévouement, ma vie et mon dernier soupir. Tout à vous par Marie, avec Marie, en Marie, maintenant et toujours. »
« O Marie, traitez-moi comme une mère son enfant, mais aussi comme une reine son soldat. »
Après avoir étudié la langue dans une petite chrétienté voisine du collège de Lang-Sông, il fut envoyé dans la province du Phu-Yên, et chargé d’un district qui comptait treize chrétientés. La paroisse de Cay-Gia, où M. Châtelet a été martyrisé, était de ce nombre. Le jeune missionnaire se mit à l’œuvre. Au bout de cinq mois, il tomba sur la brêche à l’administration de la dixième chrétienté. « On dit que j’ai été trop vite, écrivait-il, et que j’en ai trop fait à la fois. Je n’ai qu’un regret, celui de n’en avoir pas fait davantage, et si jamais il m’est donné de reparaître en champ clos, je tâcherai bien de compenser les trop longs mois de repos qui m’ont été imposés. »
Lorsqu’il revint du Sanatorium de Hong-Kong, il fut nommé pro¬fesseur de rhétorique et économe au collège de Nuoc-Nhi.
Les professeurs de ce collège étaient aussi chargés du soin de deux paroisses voisines, et de la surveillance d’un orphelinat. M. Macé travailla de tout cœur et en 1879 il baptisa 53 adultes et 340 enfants de païens ; en même temps, il traduisit en annamite un certain nombre de livres classiques. « Comme il est difficile, dit-il, de faire un bon corrigé de Cicéron en langue annamite, la langue la moins cicéronienne qui soit au monde ; cependant avec la grâce du bon Dieu, on fera quelque chose sur la rhétorique, la géographie, l’histoire, etc.
En 1880, il contracta la petite vérole au chevet d’un malade ; il crut qu’il allait mourir. La Providence le sauva, elle le réservait pour un trépas plus glorieux. » J’ai pensé que j’en mourrais, écri¬vait-il plus tard à sa sœur, Dieu en a décidé autrement, qu’il soit béni. Vivre et mourir, cela m’est bien à peu près égal. Mon sacrifice est fait depuis longtemps, et d’ailleurs ma peau n’est pas chère. Tout seul, à quatre mille lieues de ma famille, comme je pensais à vous tous et à chacun de vous, parents et amis ! Quand je me suis senti pris, je me suis traîné auprès de ma table pour vous écrire un dernier mot d’adieu, une promesse d’éternel souvenir. Je me suis souvenu de ces derniers mots de ma mère expirante : « Il n’est pas si difficile de mourir. » Maintenant me voilà ressuscité. Mais je suis heureux d’avoir souffert : la souffrance jointe à l’amour est la mon¬naie avec laquelle on achète le ciel. »
Lorsque les hostilités commencèrent et que la haine annamite sembla vouloir se donner libre carrière, M. Macé, récemment nommé Supérieur du Séminaire de Nuoc-Nhi, songea immédiatement au martyre. « S’il y avait par là, disait-il, quelque vieille lame pour me couper le cou, je crois que je retrousserais mes manches pour aider à l’aiguiser. » Lorsque sa famille et ses amis s’effraient des dangers qu’il court, il leur envoie cette réponse : « Mais ne vous inquiétez donc pas : je suis venu ici précisément pour avoir une chance de plus qu’en France d’être assommé pour le bon Dieu. » Et quand vient la dernière heure, quand il voit au loin 1a lueur des torches incendiaires, qu’il entend les hurlements des assassins, il ne pâlit ni ne tremble. Fort dans la mort comme il l’avait été dans la vie, il écrit d’une main assurée ses derniers adieux à sa famille bien-aimée :
« Depuis quelques jours tout est à feu et à sang dans la province voisine, une multitude de chrétiens et peut-être plusieurs Pères massacrés, tout pillé et brûlé. Cela se passe à une journée et demie d’ici. Il pourrait bien se faire que les Français ne pussent pas com¬primer la révolte à temps, et que nous ayons des malheurs jusqu’ici, sinon plus loin. La position est donc fort grave et je ne sais ce que le bon Dieu nous réserve. Moi comme les autres nous sommes dans sa main ; que sa volonté soit faite.
« J’ai toujours désiré être mis à mort pour lui, et c’est pour avoir une chance de ce genre que je suis venu en Annam, donc si cela arrive, mon dernier vœu sera rempli.
« C’est de toutes les grâces que j’aie jamais demandées à la sainte Vierge, la seule qu’elle ne m’ait pas accordée : donc mille actions de grâces si cela arrive.
« Avant de mourir, mon cœur s’envole vers vous pour vous dire qu’il vous a toujours aimés et vous aimera toujours.
« J’espère que le bon Dieu, ayant égard à son infinie miséricorde, et la sainte Vierge que j’ai toujours aimée, voudront bien m’admettre dans leur saint paradis. C’est là que je vous donne rendez-vous. Que personne ne manque à l’appel ; vous savez le chemin qui y mène, suivez-le toujours, ou revenez-y bien vite pour ne plus l’aban¬donner. De là-haut, le prierai pour vous tous et pour chacun.
« Allons ! du courage ! et ne vous désolez pus. Je suis tranquille au fond du cœur et je me jette corps et âme dans les bras de Jésus et de Marie qui feront de moi ce qu’ils voudront.
« Adieu tous, parents et amis. Je prie chacun de me pardonner mes manquements respectifs, comme je pardonne cordialement à tous ceux qui auraient pu me faire de la peine.
« Adieu ! cher père, Jean-Baptiste, Marie, Joséphine ! Adieu !
« Votre toujours aimant,
« HENRI MACÉ,
prêtre, missionnaire apostolique. »
« P.-S. — Mon Dieu, puisse ma mort assurer le salut de chacun de ceux que j’ai là-bas, et profiter aux chrétiens, aux païens de cette chère mission en particulier. Père, frère, sœurs, nièces, neveux, adieu ! Je vous envoie mon dernier baiser sur cette croix. »
M. Hamon nous a transmis quelques détails sur les derniers moments de notre confrère et sur la ruine du Séminaire et de la paroisse de Nuoc-Nhi ; nous les résumons ici. Après avoir reçu de Mgr Van Camelbeke l’ordre de se réfugier à Qui-Nhon avec tous ses chrétiens, M. Macé disposa tout pour fuir. Il fit partir les fidèles par petites bandes, afin de tromper plus facilement les païens. Mais à peine le départ fut-il commencé, que les païens s’en aperçurent et cernèrent aussitôt la chrétienté et le Séminaire. Le P. Macé appela aussitôt les chefs du village et leur annonça qu’il partirait vers quatre heures du matin et que si les païens tentaient de s’y opposer, il s’ouvrirait un passage les armes à la main : enfin il les rendit responsables de tout dégât qui serait fait au Séminaire. Les chefs du village protestèrent de leurs intentions pacifiques et se retirèrent. Pendant la nuit un ancien chef de canton envoya des émissaires soulever les païens, les réunir afin d’entourer le Séminaire et de pouvoir combattre avec succès dans le cas où les chrétiens résis¬teraient.
« Le rassemblement des païens, continue M. Hamon, se fit dans un si grand silence, qu’au Séminaire on ne s’en aperçut pas. Comme les chrétiens après avoir assisté à la messe et avoir communié en grand nombre se disposaient à partir, ils virent tout à coup le feu qui s’allumait à la toiture d’un des bâtiments et aussitôt une immense clameur retentit tout autour de l’enceinte de bambou. Le Père répondit par un coup de canon, et, avec ses quatre ou cinq fusils et son petit canon, il put contenir les attaques de milliers d’ennemis, depuis, nous dit-on, quatre heures du matin jusqu’à une heure de l’après-midi. » Alors, à bout de munitions, voyant ses chrétiens affolés se sauver de tous côtés, le P. Macé se réfugia dans la chapelle pendant que les ennemis pénétraient au couvent des reli¬gieuses et massacraient les cinq cents personnes qui s’y étaient réfugiées. Pendant quelques minutes le Père resta agenouillé au pied de l’autel, faisant à Dieu le sacrifice de sa vie, lorsque soudain il entend les égorgeurs qui amoncèlent autour des murs de la chapelle fascines, paille, bois et broussailles ; peines inutiles, les murs en terre ne donnent aucune prise à la flamme ; mais la fumée pénétrant par d’énormes crevasses menaçait d’asphyxier le P. Macé et son servant ; le missionnaire ordonne alors à l’enfant d’essayer de fuir : pour lui, il continue de prier.
« Un chrétien avait, dès le commencement, grimpé dans un cocotier un peu retiré du théâtre des massacres et des incendies, et s’était blotti dans le feuillage. Ce cocotier échappa à la hache des vandales qui coupèrent tous les arbres et dévastèrent le jardin et les belles plantations du Père Macé, riches en essences de toutes espèces et de tous pays. C’est du haut de son observatoire oublié, que ce chrétien assista à toutes les scènes d’horreur dont le Séminaire et le couvent furent le théâtre ; il fut témoin de la mort du Père. Soit que le Père n’ait pu résister à son affreux supplice volontaire, soit, je crois plutôt d’après sa grande délicatesse de conscience, que n’ayant rien entendu d’extraordinaire dans l’évasion de son ser¬vant et en concluant qu’il avait pu se sauver, il avait jugé de son devoir de chercher lui aussi son salut dans la fuite, il franchit le brasier par une fenêtre, et ne rencontrant personne, il prit sa course du côté des bois voisins. Mais il avait été vu, et on lui fit aussitôt la chasse. Un des égorgeurs l’atteignit bientôt et d’un coup de serpe emmanchée d’un long bambou, il le frappa sur une épaule et l’abattit. L’ex-chef de canton accourait aussi, il cria de loin au bourreau : Coupe-lui la tête ! coupe-lui la tête ! Et c’est ainsi que le cher Père Henri Macé, après avoir subi le supplice du feu, répandit aussi son sang pour la gloire de Dieu et le salut de ses frères, ayant refusé de se sauver avant que le dernier des chrétiens fût parti, ainsi qu’il m’avait affirmé qu’il le ferait. C’était le dimanche, 2 août, en la fête de saint Alphonse Marie de Liguori, probablement entre deux et quatre heures du soir. »
Références
[1262] MACÉ Henri (1844-1885)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1884, p. 102. - A. P. F., lvii, 1885, p. 352. - M. C., xvii, 1885, p. 385 ; xxix, 1897, p. 276. - Sem. rel. Luçon, 1885-86, Sa mort, pp. 40, 170 ; Ib., p. 200 ; 1886, Sa mort, p. 282.
Hist. gén. Soc. M.-E., Tab. alph. - Nos miss., Notice, p. 225.
Notice nécrologique. - C.-R., 1885, p. 230.
Biographie. - Un apôtre vendéen en Annam. Le Père Henri Macé (avec portrait), de la Société des M.-E., par l'abbé Baraud, auteur de Chrétiens et hommes célèbres du XIXe siècle. - Librairie religieuse H. Oudin, 10, rue de Mézières, Paris, et 4, rue de l'Eperon, Poitiers, 1894, in-8, pp. viii-232.
Portrait. - A. P. F., lvii, 1885, p. 327. - Voir Biographie.