Jean GALLON1853 - 1886
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1372
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1878 - 1886 (Vinh)
Biographie
[1372]. GALLON, Jean-Auguste, vint au monde à Saint-Sauveur (Puy-de-Dôme) le 14 décembre 1853. Entré laïque au Séminaire des M.-E. le 6 octobre 1874, il reçut la prêtrise le 16 mars 1878, et partit pour le Tonkin méridional le 16 avril suivant. Après avoir étudié l'annamite à Van-loc, il alla, en juillet 1879, dans le Bo-chinh. Grâce à son zèle, les apostats de Kinh-tanh, de Phu-kinh et de plusieurs autres villages, revinrent aux pratiques du christianisme. En 1880, Mgr Croc lui confia le poste de Nghia-yen (Nghe-yen), province de Ha-tinh, où il redoubla d'efforts auprès des infidèles ; il détermina des conversions à Cho-thuong et à Can-ky, éleva à Nghia-yen une église dont la bénédiction fut faite le 21 novembre 1883 ; il réforma le couvent des religieuses de Tho-ki, et le transféra dans l'ancienne maison de la Sainte-Enfance ; il établit à Bai-mot, à ses frais, plusieurs familles chrétiennes.
Pendant la guerre franco-chinoise, il défendit, en novembre 1885, son poste avec beaucoup de vaillance. Sous son impulsion, ses chrétiens tinrent tête à cinq ou six mille rebelles, et quand Nghia-yen eut été débloqué par une colonne française, il mit tout en œuvre pour protéger ses autres paroisses. La paix revenue, il s'appliquait à rapatrier ceux de ses néophytes que les hostilités avaient forcés à la fuite, lorsque, le 22 août 1886, il fut mordu par un chien enragé, en défendant un jeune homme. Il absorba aussitôt un remède annamite, mais n'en ressentit pas l'effet espéré. Le 4 novembre suivant, il rendait le dernier soupir à Nghia-yen ; il fut enterré dans l'église de cette paroisse.
Nécrologie
M. GALLON
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU TONKIN MÉRIDIONAL
Né le 14 septembre 1853.
Parti le 16 avril 1878.
Mort le 4 novembre 1886.
« La vie du P. Gallon, nous écrit M. Frichot, provicaire du Ton¬kin méridional, peut se résumer en deux mots : Suaviter et fortiter. Sa physionomie respirait la paix et la tranquillité, et ses manières étaient pleines d’affabilité et de condescendance envers tous, con¬frères et chrétiens. Mais ceux qui ont vécu dans son intimité, ont pu se convaincre que cette douceur ne venait pas uniquement de son tempérament,, mais qu’elle était surtout l’effet de la grâce et des efforts énergiques qu’il avait faits, pour dompter un caractère natu-rellement ardent et irascible. Et de fait, dans les discussions sérieuses, il s’animait extrêmement et soutenait son opinion, pour ainsi dire, avec passion. Puis tout à coup, s’apercevant qu’il était peut-être allé trop loin, son âme émue s’apaisait comme par enchan-tement, ses traits reprenaient leur calme habituel, et ordinairement il terminait la polémique la plus ardente par un éclat de rire franc et cordial. Il lui arriva maintes fois d’avoir à sévir contre les catéchistes ou les chrétiens ; mais s’il châtiait d’une main, il relevait de l’autre, et il rendait bien vite ses bonnes grâces au véritable repentir.
« Jamais homme ne fut plus oublieux que lui, des soins et des commodités de la vie. A peine s’il consentait à faire quelques remèdes pour un mal qu’il avait au genou, et qu’il conserva toute sa vie. Son vestiaire était plus que modeste, et il semblait se faire une gloire des livrées de la pauvreté. Fidèle au précepte de l’Apôtre : manducate quœ apponuntur vobis, il ne se plaignait jamais de la nour¬riture, et prenait gaiement tout ce qu’on lui servait chez les chré¬tiens. Il avait su tellement se plier aux us et coutumes parfois gênants du pays, qu’on aurait cru qu’il était né et avait toujours vécu dans ce milieu. Excellente méthode, qui contribua à lui concilier l’esprit et le cœur des néophytes et des païens eux-mêmes, naturellement portés à s’attacher à quiconque adopte sans réserve leurs manières de vivre et d’agir. Les quelques détails que nous avons recueillis sur la vie de notre confrère nous le feront mieux connaître et apprécier.
« C’est le 14 septembre 1853, que naquit à Saint-Sauveur (Puy-de¬-Dôme), de parents profondément religieux, Auguste Gallon, que Dieu destinait à l’œuvre des missions. Son frère aîné, prêtre dans le diocèse de Clermont, guida ses premiers pas dans la science et la vertu. Le sage mentor, nous a raconté plus tard avec enjouement le P. Gallon, n’épargnait à son frère ni réprimandes, ni corrections. Pressentait-il, le pieux frère, qu’il formait son cher Auguste aux
mâles vertus de l’apostolat ?
« L’heure venue, le P. Gallon entra au séminaire des Missions¬-Étrangères, où il se fit remarquer par un profond recueillement et, par-dessus tout, par une égalité d’âme à toute épreuve.
« Parti de Paris le 16 avril 1878, notre confrère arrivait dans sa patrie d’adoption, le Tonkin méridional, après un mois et demi d’heureuse navigation. Quand il eut acquis une connaissance suffi¬sante de la langue annamite à Van-loc, Mgr Croc, de regrettée mé¬moire, se hâta de mettre son zèle à profit, et vers le mois de juillet 1879, il le donna comme collaborateur au P. Tessier, chargé à cette époque des chrétientés du Binh-chinh. Le P. Gallon se mit résolu¬ment à l’œuvre, et se dévoua surtout au pénible ministère de la con-fession. Une fois, à l’occasion du jubilé, on le vit pendant huit jours consécutifs se tenir comme cloué au tribunal de la pénitence ; il quittait à peine les confessions, pour prendre ses repas et dire son office ; il se contentait de trois ou quatre heures de sommeil.
« Jamais l’ardeur de son zèle ne se refroidit. Le village de Kinh-¬thanh avait jadis apostasié. Rebelle jusqu’ici à l’appel de la grâce, il se rendit enfin à ses pressantes exhortations, et la pagode, démolie avec joie et entrain, fut remplacée par une église consacrée au vrai Dieu. A Phu-kinh et ailleurs, bon nombre d’apostats ou de chrétiens relâchés doivent aux prières du P. Gallon et à ses soins, leur retour sincère aux pratiques religieuses.
« Dur pour lui-même, son cœur compatissait à toutes les misères. En 1879, une affreuse famine ravageait le Binh-chinh. Un jour, il suppliait avec plus d’insistance que jamais son confrère, chef du district, de secourir promptement tant de malheureux. « Impossible de faire « davantage, répliqua ce dernier ; nos ressources sont épuisées. » Consterné par cette réponse, le P. Gallon ne répondit rien ; mais sa figure prit un air de tristesse indicible, et de grosses larmes inondèrent son visage.
« Le P. Gallon aimait, au-delà de toute expression, ses chères brebis du Binh-chinh, auxquelles il prodiguait ses sueurs et ses fatigues. Ce fut précisément ce qui devint la cause d’une des plus dures épreuves de sa vie de missionnaire, quand arriva le moment de la séparation. Vers le milieu de l’année 1880, notre confrère reçut l’ordre de quitter le Binh-chinh pour se rendre à Nghe-yen, centre de plusieurs paroisses importantes, et siège principal de la Sainte-Enfance.
« Dans ce nouveau poste, les soins multiples et embarrassants à donner à la Sainte-Enfance ne suffirent point à son zèle. Par suite de circonstances déplorables, le couvent de religieuses établi tout près de là, à Tho-ky, était déchu de sa ferveur primitive, et réclamait une réforme prompte et radicale. Notre confrère, pour réussir plus facilement dans cette œuvre ardue, transporta le couvent sur un vaste terrain, enclos dans la Sainte-Enfance. Par sa sage direction, qui était un mélange de fermeté et de douceur, il parvint, mais non sans peine, à déraciner les abus les plus graves, à faire respecter la règle et refleurir la piété.
« Il manquait à Nghe-yen une église convenable, pour y réunir le personnel de la Sainte-Enfance, les religieuses et les chrétiens de l’endroit. Dans un pays où il n’y a rien d’organisé pour faire de grands travaux, ce n’est pas petite affaire que de rassembler les divers matériaux pour une bâtisse, de diriger assidûment des ouvriers inexpérimentés, et de veiller par soi-même sur les moindres détails. Le P. Gallon sut faire face à tout. Le plan de son église fut la copie restreinte, mais exacte de l’église bâtie au Binh-chinh, à Huong-¬phuong, par Mgr Croc. Le cher confrère qui ne pouvait oublier le Binh-chinh, voulait au moins avoir l’image fidèle de l’église, témoin des prémices de son zèle, et où naguère il avait si souvent prié, dit la sainte Messe et administré les sacrements. Et puis, cette église serait assez décente pour permettre d’y conserver la sainte Réserve. Loin de la patrie, et abreuvé parfois d’amertumes, quel est le missionnaire qui n’a pas vivement ressenti la douleur de ne pouvoir épancher le trop plein de son cœur dans celui de Jésus au sacrement de son amour ? Mgr Croc, assisté du P. Gallon, au comble de la joie, et de six autres confrères, fit la bénédiction solennelle de l’église, le 21 novembre 1883, jour de la Présentation de la sainte Vierge.
« Au milieu de tant d’occupations, le P. Gallon sut encore trouver du temps pour travailler à la conversion des idolâtres. Plus de 150 païens appartenant à différents villages, attirés par le bruit de sa charité, sollicitèrent de lui, et obtinrent la grâce du baptême. Outre ces épis glanés çà et là, notre fervent confrère fit une plus riche moisson d’âmes dans les localités de Cho-thuong et Can-ky. Dans la première, le petit noyau d’anciens chrétiens s’accrut considérablement en nombre et en ferveur. La seconde se convertit presque tout entière avec ses chefs ; elle persévère dans la bonne voie. Enfin, à Bai-mot, avec le fruit de ses économies, il acheta un terrain suffisant pour y établir quelques maisons chrétiennes, qui étaient sans refuge assuré, ou dont la foi était en péril chez les païens.
« Ces pacifiques conquêtes furent interrompues par la désastreuse guerre qui faillit anéantir notre mission. Le P. Gallon, réunissant en lui la bravoure du soldat à la prudence du capitaine, défendait ses néophytes, avec le désespoir d’une mère dont on veut égorger les enfants.
« Au mois de novembre 1885, cinq ou six mille rebelles enfermè¬rent le poste de Nghe-yen dans un cercle de fer. Vu la grande étendue de l’enceinte à défendre, et les attaques qui avaient lieu simultanément sur plusieurs points, le P. Gallon fut obligé de diviser sa petite troupe, pour faire face de tous côtés à l’ennemi. Jour et nuit, il fallait être sur pied pour tenir les assiégés en éveil et éviter les surprises. Les munitions de guerre s’épuisaient bien vite. On voulut lui en envoyer, mais les chemins étaient interceptés. Pour surcroît de malheur, l’encombrement engendra plusieurs maladies mortelles, et on eut encore la perspective de la famine à bref délai. Enfin, grâce à Dieu et à une colonne française, Nghe-yen fut débloqué. On profita de la trêve pour ravitailler le poste en muni¬tions et en vivres ; ce qui permit dans les combats suivants d’infliger de sérieuses pertes à l’ennemi. Le compte-rendu de 1886 a dit comment le P. Gallon, avec l’aide des PP. Arsac, Magat et Le Gall, pourvut à la défense des autres paroisses soumises à sa juri¬diction.
« Il faut renoncer à raconter en détail les soucis, dangers et fatigues de tout genre, que notre confrère eut à essuyer dans cette lutte à outrance pour la religion et la France.
« La tourmente parut enfin se calmer. Le P. Gallon en profita pour travailler au rapatriement de ses néophytes, qui abandonnant leurs villages où la résistance était impossible, s’étaient massés dans l’enceinte fortifiée de Nghe-yen. Mais cette affaire du rapatriement fut entravée dans le principe par un malheur, hélas ! irréparable. Le P. Arsac, qui avait été le condisdiple du P. Gallon au petit sémi¬naire de Verrières, avait été donné depuis quelques temps comme auxiliaire à ce dernier. Et certes, le P. Gallon ne lui ménageait pas son estime et son affection. C’est qu’en effet, le P. Arsac avait été son bras droit et son frère d’armes pendant cette guerre sanglante. »
« Ils étaient aimables l’un pour l’autre, dit Mgr Pineau, ils étaient aimables avec les chrétiens, voilà pourquoi ils ont fait tant de bien dans le champ qui leur était confié. Ils étaient beaux à voir, se pro¬diguant, se donnant sans réserve à leurs chers Annamites, s’encourageant l’un l’autre, poussant, entraînant dans la voie du bien toutes ces âmes qu’ils aimaient et dont ils étaient aimés. »
Le P. Arsac fut emporté le premier, il succomba à une courte maladie, dans la nuit du 16 au 17 août 1887. Le P. Gallon était alors absent de Nghe-yen. « A son arrivée, écrit le P. Tessier, il trouva le P. Magat qui avait assisté le P. Arsac à ses derniers moments. Les deux missionnaires se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, et sans pouvoir dire un mot, laissèrent couler leurs larmes. Trop rempli d’émotion, le P. Gallon n’osa pas aller voir le corps du défunt, qui n’était pas encore inhumé. Le jour de la sépulture du P. Arsac, l’affluence des chrétiens venus pour pleurer leur père était immense. Au moment où l’on descendait le corps dans la tombe, les sanglots éclatèrent si forts et si amers, que le P. Gallon, vaincu par la douleur, n’y tint plus et sortit de l’église. La secousse ressentie de la perte de son ami avait donc été très forte chez lui. C’est dans ces circonstances que le 22 août, dans la matinée, il fut mordu par un chien enragé.
« Voici comment ce malheur arriva. Le P. Gallon, voyant un de ses chiens se jeter sur un jeune homme et le mordre cruellement, se précipita sur le chien et le saisit de la main. C’est à ce moment qu’il fut mordu à l’annulaire de la main droite. Il vit alors que son chien était enragé, mais il n’était plus temps. Quelques jours après, le P. Gallon, ainsi que le jeune homme mordu avant lui, prit la méde¬cine annamite contre la rage. Le jeune homme éprouva l’accès de rage causé par le médicament ; il fut sauvé. Malheureusement, le P. Gallon n’eut point cet accès ; il ressentit seulement une extrême fatigue. Les Annamites disaient que cela ne mettait pas le Père à couvert de la terrible maladie. Pour lui, il ne paraissait pas craindre beaucoup le mal. On avait presque oublié l’accident, quand le 24 oc¬tobre, jour du sacre de Mgr Pineau, le P. Gallon ne put ni dîner ni souper. Il avait ressenti déjà un peu de fatigue, les jours précédents. Le lundi 25, le cher confrère se sentit plus mal ; on crut d’abord à la rage, mais comme il n’y avait ni constrictions à la gorge ni hydro¬phobie, nos gens pensèrent qu’il n’en était rien. »
Bientôt le mal fit des progrès désespérants. Notre confrère était pris de fréquents vertiges, et le délire durait parfois une demi-heure et plus. Il ressentait aussi des douleurs dans le doigt qui avait été mordu et dans tout le bras. Pressentant sa fin prochaine, comme il le déclara alors à son confesseur, le cher malade, dans toute la pléni¬tude de ses facultés, voulut recevoir le sacrement de Pénitence comme si c’était pour la dernière fois. Deux jours après, le P. Magat, conservant encore une lueur d’espérance, conduisit son confrère à Vinh où résidait un médecin français. Le Père Provicaire se rendit également à Vinh pour porter, au nom de tous les missionnaires, quelques conso¬lations au cher malade. Le docteur consulté donna à entendre qu’il n’y avait pas espoir de guérison. Le P. Gallon demanda alors à être reconduit à Nghe-yen : il y arriva le 3 novembre au matin. Quelques heures après, on lui fit prendre un médicament qui ne fit qu’irriter le mal. Il perdit connaissance, et suivant toute apparence il ne la re¬couvra plus. Le dénouement fatal ne pouvait tarder. Après une dernière absolution, le P. Frichot lui administra l’Extrême-Onction, suivie de l’indulgence apostolique. Le mal continua à faire des progrès jusqu’à 8 heures du soir où le cher confrère entra en agonie. Une demi-heure après, il avait rendu son âme à son Créateur.
« Autour de son lit, continue le P. Frichot. étaient réunis en prières les religieuses du couvent et tout le personnel de la Sainte-Enfance. Jusque-là, ils avaient pu contenir leur douleur. Mais quand la mort fut une fois constatée, ce fut une explosion de sanglots et de cris déchirants. Le 6, je fis les funérailles, et déposai la dépouille mortelle de notre cher Confrère dans l’église de Nghe-yen, en face et tout près de la table de communion. C’est l’emplacement qu’il s’était choisi lui-même de son vivant.
« Puisse le Seigneur susciter de pareils ouvriers apostoliques pour sa plus grande gloire et le salut des âmes ! »
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Références
[1372] GALLON Jean (1853-1886)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1884, p. 93 ; 1885, p. 78 ; 1886, p. 93 ; 1887, p. 137. - Sem. rel. Clermont, 1879, p. 210 ; 1884, Les chrétiens du Tonkin, p. 908 ; 1886, p. 76 ; Ib., La persécution en Annam, p. 288 ; 1887, Notice, p. 24.
Notice nécrologique. - C.-R., 1887, p. 225.