Pierre RIGOUIN1853 - 1904
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1408
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1879 - 1904 (Hanoi)
Biographie
[1408]. RIGOUIN, Pierre-Victor, né à Ceaucé (Orne) le 8 (m) ou le 9 (é) avril 1853, reçut les ordres mineurs au grand séminaire de Séez, et entra au Séminaire des M.-E. le 28 février 1877. Prêtre le 8 mars 1879, il fut envoyé le 16 avril suivant au Tonkin occidental. Après un séjour au Laos, dont sa santé ne lui permit pas de supporter longtemps le climat, il fut nommé professeur au collège de Hoang-nguyen. Il y resta onze ans et le dirigea pendant la dernière année.
Il fut ensuite envoyé dans le Thanh-hoa, où il reconstruisit l'église et le presbytère de sa résidence située au chef-lieu de la province. Il contracta le choléra en administrant les derniers sacrements à des chrétiens de Phuc-lang atteints de ce mal ; il y succomba à Thanh-hoa, le 27 mars 1904.
Nécrologie
M. RIGOUIN
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU TONKIN MARITIME
Né le 9 avril 1853
Parti le 16 avril 1879
Mort le 27 mars 1904
La mort, écrit-on, fauche sans relâche parmi les confrères, encore peu nombreux, du Tonkin maritime : en novembre dernier, c’était M. Thuet, missionnaire au Laos, qu’elle nous enlevait ; aujourd’hui, c’est M. Rigouin, l’un de nos aînés, qu’elle vient de coucher dans la tombe.
M. Rigouin naquit à Céaucé (Séez, Orne) le 9 avril 1853. Son enfance et son adolescence furent celles d’un enfant de la campagne, né de parents chrétiens et appelé par le bon Dieu à la vocation sacerdotale. Malheureusement, nous n’avons pu recueillir aucun renseignement sur cette période de sa vie, et, pour faire cette notice, nous sommes obligés d’en arriver de suite à son entrée au séminaire de la rue du Bac. Il entra minoré dans cette bénie maison le 28 février 1877. Il fut un aspirant appliqué au travail et pieux, d’un caractère gai, ouvert et franc, qui lui attirait toutes les sympathies. Ordonné prêtre le 8 mars 1879, il reçut sa destination pour le Tonkin occidental.
La traversée fut heureuse, mais non sans émotions, d’après ce que raconte un de ses compagnons de route. « Je me vois encore sur le bateau qui nous emportait loin de la douce « France. Nous étions très unis, mais comme M. Rigouin était Normard, et que moi j’étais « Comtois, nous nous livrions, au milieu du champ clos de notre petite troupe apostolique, à « de vraies joutes politico-religieuses, qui ne tuaient que le mal de mer. — Je vous vois venir, « disait-il, avec son accent de Séez — Eh bien, allons-y, lui répondais-je avec l’accent de « Saint-Claude. Et Rohrbacher aidant, fournissant les arguments, même celui de la servante de « Calvin qui était Normande, on revivait la guerre de Cent ans, la Ligue, Louis XIV et la « Révolution jusqu’à nos jours ! »
Dès son arrivée dans la mission du Tonkin, M. Rigouin s’adonna avec ardeur à l’étude de l’annamite. Grâce à une assez grande facilité et à un travail soutenu, il fit de rapides progrès dans la connaissance de la langue et des usages du pays. Un an et demi après, Mgr Puginier l’adjoignit aux vaillants missionnaires qui travaillaient dans la région du Laos tonkinois. Hélas ! la frêle santé de M. Rigouin ne pouvait résister aux fièvres et aux autres maladies de ce pays au climat si malsain. Mgr Puginier le fit revenir au Tonkin et l’envoya comme professeur au collège de Hoang-nguyen.
Dire qu’il y resta onze ans, c’est dire qu’il y réalisa un grand bien : son caractère gai et son abord facile eurent vite fait de lui gagner les cœurs de la gent écolière. Mais M. Rigouin ne pouvait pas se résigner à ne pas faire de ministère actif. Le temps libre que lui laissaient ses cours, il le consacrait à l’instruction des néophytes de Hoang-nguyen, sacrifiant son repos et ses ressources personnelles pour Dieu et le salut des âmes. Dans toute l’étendue de la paroisse, on connaissait le Co-doai, nom annamite du missionnaire, et plus d’une fois les païens eux-mêmes eurent recours à ses bons offices.
Sur ces entrefaites, M. Cosserat, supérieur du collège, épuisé par de longues années de travail, fut obligé d’aller en France demander de nouvelles forces au bon air du pays natal ; M. Rigouin prit alors la direction du collège et la garda pendant un an. Au retour de M. Cos-serat, il fut envoyé à Thanh-hoa comme auxiliaire de M. Bon.
La province de Thanh-hoa est une grande et belle province, vaste comme deux départements français. Sa population est d’environ 2.000.000 d’habitants ; malheureusement, les chrétiens y sont encore peu nombreux de18 à 20.000, perdus en quelque sorte au milieu des païens.
Tandis que M. Bon restait au chef-lieu pour traiter les affaires avec les autorités, M. Rigouin visitait les différentes paroisses et chrétien¬tés de la province. Les chrétiens de Thanh-hoa avaient été très éprou¬vés par le soulèvement qui suivit l’arrivée des troupes françaises au Tonkin ; pendant plusieurs mois, les persécuteurs de la religion avaient parcouru le pays, le fer et le feu à la main. Ramener les chrétiens dispersés, consoler les malheureux affligés, subvenir aux besoins de ceux qui avaient perdu tout leur avoir, soutenir les victimes des païens dans leurs revendications auprès des autorités, telle fut la tâche de M. Rigouin. Il s’en acquitta en missionnaire zélé et très entendu dans les affaires.
Il y avait un peu plus d’une année que M. Rigouin travaillait ainsi, quand M. Bon mourut, enlevé subitement à l’affection de ses confrères. Le vicaire recueillit l’héritage du curé et vint s’installer au chef-lieu de la province. A son arrivée, il n’y trouva que trois misérables han¬gars couverts en chaume : l’un servait d’église, les deux autres, d’habi¬tation pour le missionnaire et son personnel. Grâce à ses bonnes rela¬tions avec les païens de la ville, notre confrère put agrandir son petit domaine en achetant et démolissant une pagode ; puis, avec ses res¬sources personnelles et des secours qui lui vinrent d’un peu partout, il refit l’église et le presbytère. Dès lors, la résidence de Thanh-hoa fut convenable, et Mgr Gendreau put y envoyer un prêtre indigène pour aider le missionnaire.
C’est vers cette époque que M. Rigouin ressentit les premières atteintes de la goutte : les accès d’abord furent bénins, mais peu à peu, ils devinrent d’une violence telle qu’on craignit, à plusieurs reprises, un dénouement fatal. Un séjour de quelques mois à Hong-kong fit beaucoup de bien au cher malade, mais la guérison ne fut pas complète et le mal reparut l’année suivante. Mgr Gendreau crut devoir le déchar¬ger des trop nombreuses occupations qu’il avait au chef-lieu de la province et l’envoya dans la paroisse de Cua-bang, berceau du chris¬tianisme au Tonkin.
Cua-bang se trouve sur le bord de la mer ; c’est un site merveilleux, au climat très sain. Le désir du vicaire apostolique était que notre confrère y prit du repos et des soins ; mais il n’était pas homme à s’immobiliser et il ne tarda pas à visiter les chrétientés de son grand district. En allant ainsi à la recherche des brebis égarées, il découvrit, bien avant dans les montagnes, plusieurs familles chré¬tiennes disparues depuis de longues années. Il les ramena au bercail et, pour les garder plus sûrement, il demeura avec elles et s’établit dans un endroit bien situé, mais demeuré jusque-là inculte. Le premier, il défricha un coin, s’y installa tant bien que mal ; des mal¬heureux qui souffraient de la faim, et de pauvres familles, chré¬tiennes par le baptême mais redevenues à moitié païennes, encouragés par son exemple, se mirent aussitôt au travail et, en trois ans, plus de cent familles s’établirent dans cette région abandonnée aupara¬vant aux fauves de la forêt.
C’est dans ce village, à peine né d’hier que, le 25 février dernier, en la fête de saint Mathias, M. Rigouin célébrait ses noces d’argent au milieu des chrétiens qu’il avait sauvés, les uns de la faim, les autres de l’idolâtrie ; et je fus ému jusqu’aux larmes de la façon touchante avec laquelle tout ce monde lui témoigna ses sentiments de filiale affection. Je n’oublierai jamais notre cher confrère revêtu des orne¬ments sacerdotaux et se rendant processionnellement à l’église pour y célébrer le vingt-cinquième anniversaire de son ordination sacer¬dotale.
Hélas ! notre joie devait bientôt se changer en tristesse ! Un mois après, M. Rigouin faisait la visite annuelle à Phuc-lang : il adminis¬tra les derniers sacrements à des malades atteints du choléra, et c’est alors qu’il contracta lui-même cette terrible maladie. Sentant les pre¬mières atteintes du mal, il se rendit à Thanh-hoa et s’alita immédiate¬ment. Des soins lui furent prodigués avec un admirable dévouement par le docteur et les religieuses ; mais, malgré tous ces soins, le mal empirait. Le vendredi 25 mars, à midi, notre cher confrère se confessa et mit ordre à ses affaires spirituelles et temporelles. Le samedi soir, il se confessa de nouveau, reçut le saint viatique et l’extrême-onction, et insista pour qu’on lui donnât l’indulgence plénière, « car, disait-il, il n’y en a plus pour longtemps ». Puis, il m’invita à m’asseoir tout près de lui et me dit : « Vous direz bien à Monseigneur et aux confrères des deux missions que je leur « demande pardon, à tous et à chacun, des peines ou ennuis que j’ai pu leur causer ; de mon « côté, je pardonne de bon cœur et avec plaisir, si quelqu’un croyait m’avoir fait de la peine. » Lui-même approcha encore une fois le crucifix de ses lèvres ; puis, il parut perdre connaissance. Bientôt ses yeux devinrent vitreux et la respiration difficile ; enfin, le dimanche matin, 27 mars, à 6 heures, il expirait doucement, sans effort.
De très belles funérailles furent faites à notre cher confrère : tous les Européens y assistaient, et M. le Résident, un ancien ami du défunt, nous témoigna, dans cette occasion, une sympathie dont nous lui serons toujours reconnaissants.
M. Rigouin repose à l’ombre de l’église qu’il a construite, dans l’espérance de la résurrection future, au milieu de ceux qui furent ses enfants, en cette terre de Thanh-hoa qu’il aima de tout son cœur.
UN MISSIONNAIRE DU TONKIN MARITIME.
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Références
[1408] RIGOUIN Pierre (1853-1904)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1895, p. 189 ; 1902, p. 178. - Sem. rel. Séez, 1882, p. 694 ; 1886, p. 356 ; 1892, p. 343 ; 1908, Notice, p. 456.
Miss. orig. du dioc. Séez, Notice [même Notice que Sem. rel. Séez], p. 61.
Notice nécrologique. - C.-R., 1904, p. 381.