Michel GIRAUD1860 - 1911
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1711
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1887 - 1911 (Mandalay)
Biographie
[1711]. GIRAUD, Michel, vit le jour le 17 novembre 1860 au hameau du Sapet, commune de Merle (Loire). Après avoir étudié au petit séminaire de Verrières et au séminaire de philosophie d'Alix, il entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 15 septembre 1883, et reçut le sacerdoce le 26 septembre 1886. Le 17 novembre suivant, il partait pour la Birmanie septentrionale, et en 1887, commençait l'étude de la langue à Chang-u. Mgr Simon l'envoya ensuite à Monlha, puis à Chantaywa dont il reconstruisit le presbytère.
Vers 1892, le missionnaire revint à Chang-u, et, grâce à sa persévérance ainsi qu'à son aménité, il régénéra complètement ce poste, peuplé par les descendants de la colonie européenne de Syriam emmenés captifs en Haute-Birmanie. En novembre 1906, Mgr Foulquier le rappela à Mandalay, où il s'occupa de la procure et des orphelines birmanes. Il mourut dans cette ville le 26 mars 1911. Son corps repose dans la chapelle du cimetière des missionnaires.
Nécrologie
M. GIRAUD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA BIRMANIE SEPTENTRIONALE
Né le 18 novembre 1860
Parti le 17 novembre 1886
Mort le 26 mars 1911
Michel Giraud était originaire du diocèse de Lyon. Il naquit, le 18 novembre 1860, au hameau du Sapet, paroisse de Merle, canton de Saint-Bonnet-le-Château, d’une famille d’honnêtes cultivateurs.
Ses parents étaient d’excellents chrétiens, estimés pour la sincérité de leur foi et leur amour de l’Eglise : neuf prêtres leur étaient unis, à des degrés divers, par les liens du sang.
Les premières études du petit Michel se firent à l’école du village. C’est dire que, par certains côtés, elles durent manquer d’ampleur, d’autant plus que les travaux des champs et la garde des troupeaux occupèrent ses moments libres, ses jours de congé et ses périodes de vacances.
Sa piété et son caractère sérieux attirèrent de bonne heure l’attention de son vénérable curé, qui l’orienta vers le sacerdoce en lui apprenant les premiers éléments du latin. Ses études littéraires se poursuivirent au Petit Séminaire de Verrières, où il trouva des maîtres dévoués et un milieu fait de cordiale simplicité et de franche gaieté : le jeune élève y puisa, avec la science, l’amour du sacrifice et le goût de l’apostolat en pays infidèles.
Entré au Grand Séminaire d’Alix après sa rhétorique, il y passa deux ans et reçut la tonsure le 14 juin 1883. Le 15 septembre suivant, il arrivait au Séminaire de la rue du Bac. Son départ fut une dure épreuve pour sa pauvre mère, veuve déjà depuis plusieurs années. Elle avait fondé sur son fils bien des espérances ; mais sa foi et sa piété lui montrèrent la beauté et le mérite du sacrifice et, de part et d’autre, la séparation fut généreusement acceptée.
Les condisciples de M. Giraud sont unanimes à rendre hommage à la douceur et à l’aménité de son caractère. D’une grande réserve, modeste, timide, sans prétention, craignant de se mettre en avant parce qu’il était sincèrement humble, il gagna vite les sympathies de ceux qui le connurent. La période de sa formation apostolique s’écoula dans le calme d’une vie très uniforme.
Prêtre le 26 septembre 1886, il reçut, le lendemain, sa destination pour la Mission de la Birmanie Septentrionale, où il arriva en janvier 1887, en compagnie d’un autre missionnaire, M. Boulanger.
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Le Nord de la Birmanie n’était pas encore, à cette époque, parfaitement soumis à la domination britannique. L’armée anglaise s’était bien avancée, sans coup férir, dans une marche presque triomphale, jusqu’au cœur du pays ; après un simulacre de combat à la frontière du Sud, à Minlha, où elle ne perdit pas un seul homme, elle était parvenue à Mandalay, s’était emparée de la ville, avait fait prisonnier le roi Thibaw et l’avait envoyé, détrôné, jouir d’une pension dans une province reculée de l’empire des Indes. Mais le territoire était encore couvert des bandes de ses partisans, dont le principal objectif était le vol et le pillage.
M. Giraud commença son ministère dans ces circonstances peu favorables à l’évangélisation.
Il fut d’abord envoyé à Chaung-U, pour étudier auprès de M. Duhand les éléments de la langue birmane. L’ardeur qu’il y mit fut récompensée par le succès. Il arriva à parler le birman avec une élégance et une facilité que beaucoup de missionnaires lui enviaient.
Six mois après, il fut transféré à Monlha, et, de là, à Chanthaywa où il remplaça un confrère malade.
Il resta deux ans dans ce village, se tenant presque continuellement sous les armes dans la crainte des attaques des pillards. Un soir, il y eut une alarme dont il aimait à s’entretenir dans la suite, pour montrer combien vaines sont parfois les appréhensions. C’était après une journée de pluie, pendant une nuit très noire. Du haut de sa véranda, le Père aperçut tout à coup dans les champs des lumières qui évoluaient d’une façon capricieuse et se rapprochaient de sa résidence. Le doute n’était pas possible : c’étaient bien les brigands qui venaient investir la place, la piller et la réduire en cendres. Il fait sonner les cloches et rassemble ses chrétiens ; chacun s’arme de lances de bambous ; tous les dahs (coutelas) disponibles sont sortis pour la défense. Le missionnaire lui-même se met à la tête du bataillon et de pied ferme attend les envahisseurs. Comme ils tardent à venir, il envoie une reconnaissance aux alentours. Les renseignements qu’il obtient le rassurent : les prétendus bandits ne sont que d’inoffensifs pêcheurs de grenouilles.
Le presbytère de Chanthaywa avait été brûlé par les dahmias. M. Giraud s’occupa de le reconstruire. Il le fit fort habilement avec les matériaux d’un vieux monastère birman abandonné.
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Vers 1892, Mgr Simon envoya de nouveau M. Giraud à Chaung-U ; c’est dans ce poste qu’il a, pour ainsi dire, passé sa vie de missionnaire.
Chaung-U est un vieux village chrétien, fondé, il y a quelques centaines d’années, par les descendants de la colonie européenne de Syriam, emmenés captifs dans la Haute-Birmanie par le roi birman, au temps où il faisait la guerre contre les Talaïns du Bas-pays et contre les Samois. Divisés en plusieurs groupes, afin qu’ils restassent plus sûrement assujettis au gouvernement du roi et moins en état de se révolter, les chrétiens formèrent plusieurs centres et conservèrent leur foi avec plus ou moins de fidélité, selon les circonstances dans lesquelles ils se trouvèrent, et, surtout, la facilité qu’ils eurent de recevoir la visite du missionnaire.
Loin de toute communication, cette chrétienté avait été un peu délaissée. Elle était installée au flanc d’un grand village de dix à quinze mille bouddhistes fanatiques. Les relations qui s’établirent nécessairement entre le quartier païen et le quartier chrétien, les fêtes païennes auxquelles les chrétiens furent plus ou moins forcés à prendre part, les unions matrimoniales entre les deux éléments, et, enfin, la rareté des visites du missionnaire, en avaient fait un milieu de relâchement spirituel, un centre fort difficile à gouverner.
Au moment où M. Giraud en prit charge, peu de familles étaient encore ferventes ; quelques-unes étaient indifférentes ; plusieurs avaient apostasié.
Il se mit à l’œuvre avec courage. En 1894, il établit la Ligue du Sacré-Cœur ; il obtint des plus fervents la communion mensuelle ; il rassembla les jeunes gens, chercha à les intéresser par des jeux et des discussions, leur donna des leçons de musique et de plain-chant, créa une fanfare qui eut un énorme succès auprès des indigènes. L’église fut ornée de belles statues ; la sacristie reçut de beaux ornements ; les solennités religieuses, rehaussées par un chant bien exécuté et des cérémonies bien faites, attirèrent les fidèles. Afin de les mieux grouper, il établit une procession solennelle du quinze août, qui, chaque année, fournissait l’occasion d’un épanouissement merveilleux de sentiment religieux et de dévotion à la très sainte Vierge.
L’esprit de la paroisse ne tarda pas à se modifier ; les brebis égarées rentrèrent au bercail ; les apostats eux-mêmes sentirent l’aiguillon du remords et demandèrent à se réconcilier avec la sainte Eglise. S’il est vrai que le travail de régénération est quelquefois plus difficile que celui de première organisation, Dieu a dû réserver à M. Giraud une belle couronne pour les dix-sept années de labeurs persévérants qu’il a passées à Chaung-U.
La forte constitution de notre Confrère fut ébranlée par les soucis d’un ministère très occupé et par les privations auxquelles il fut soumis pendant de nombreuses années. Le menu de ses repas était, d’ailleurs, le moindre de ses soucis. Son cuisinier, un orphelin adopté, ne connaissait guère la variété des procédés culinaires. Il préparait tout à la manière birmane, et encore il est juste d’ajouter que la table de M. Giraud se rapprochait plus de celle du pauvre que de celle du riche. Aussi, son estomac se délabra et il semble probable qu’il contracta, dès lors, le germe de la maladie qui l’a conduit au tombeau.
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En novembre 1906, Mgr Foulquier appela M. Giraud à Mandalay et lui confia la procure et la direction spirituelle des orphelines birmanes. Ce fut un pénible sacrifice pour le Missionnaire de Chaung-U quand il dut quitter des chrétiens qui lui étaient profondément attachés et auxquels il avait lui-même donné tout son âme, pour se faire à une vie et à des travaux tout différents. Mais comme il ne se dissimulait pas la gravité de l’état de sa santé, il considéra son changement comme une faveur divine, et sa situation comme une préparation au passage à l’éternité.
M. Giraud se consacra sans réserve au ministère dont le chargeait la confiance de son évêque ; il réussit à merveille et devint bientôt un habile directeur d’âmes pieuses. Sa bibliothèque se rem¬plit des livres des maîtres de la vie spirituelle : chaque jour, il puisait à cette source pour en distribuer ensuite les ondées bienfaisantes. L’influence qu’il exerça fut considérable. L’esprit de la com¬munauté en bénéficia ; l’humilité, l’obéissance, l’assiduité au travail se développèrent sensiblement.
Trois années s’écoulèrent dans le recueillement de ce labeur spirituel, années fécondes en fruits précieux pour lui-même et les âmes privilégiées confiées à sa direction.
Mais déjà les forces physiques trahissaient l’énergie morale. A la retraite de 1909, Mgr Foulquier, pensant qu’un changement serait favorable à M. Giraud, le mit en charge de la communauté de Payan, à quelques milles de Shwebo. L’amélioration désirée ne vint pas et le malade dut revenir à Mandalay.
Sa vie, dès lors, ne fut plus qu’une lente agonie, une suite ininterrompue de souffrances. L’estomac ne supportait plus de nourriture solide. Il ne se faisait d’ailleurs guère d’illusion sur son état ; à un Confrère qui l’invitait à se préparer aux solennités du Jubilé de son sacerdoce, dont il devait célébrer le 25e anniversaire en septembre 1911 : « Oh ! non, répondit-il ; j’irai les célébrer au ciel ! »
Il consentit à faire un séjour de quelques mois au Sanatorium de Maymyo. L’air de la montagne, la fraîcheur du climat lui procurèrent d’abord un soulagement appréciable, promptement suivi d’une nouvelle diminution de forces.
Sur l’ordre des médecins qui continuaient à lui laisser espérer le retour à la santé, il se décida à quitter sa chère Birmanie et à demander à l’air de la mer une guérison qu’aucun remède ne pouvait lui procurer. Accompagné d’un Confrère qui l’entoura de soins intelligents, il partit, le 16 septembre 1910, de Mandalay pour se rendre à Singapore. Mais il jugea opportun de poursuivre son voyage jusqu’à Hong-Kong.
La traversée fut pénible : à Saïgon, le malade dut faire un séjour à l’hôpital et il n’arriva au Sanatorium de Béthanie que le 10 octobre. Un moment, son cœur se reprit à espérer : illusion bien courte, car, dès la première visite du docteur, le diagnostic révéla un cancer de l’estomac déjà très avancé et absolument incurable. M. Giraud voulut connaître le résultat de l’examen, et lorsqu’il apprit la nouvelle : « Eh bien ! dit-il au Confrère qui l’accompagnait, sans témoigner la moindre émotion, je soupçonnais que c’était cela, nous n’avons qu’à rentrer le plus tôt possible à Mandalay ; je désire mourir dans ma Mission, au milieu des miens. »
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Le 27 octobre, il s’embarquait avec son compagnon sur l’Austria, en partance pour Pinang. Le capitaine était catholique, ainsi que la plus grande partie de l’équipage ; il donnait toute facilité de célébrer la sainte messe, soit au salon, soit sur le pont. Le jour de la Toussaint, M. Giraud voulut monter au saint autel : ce fut sa dernière messe. Entre le ciel et la mer il eut la joie de faire descendre la divine Victime et de l’offrir, avec le généreux sacrifice de sa vie, pour le salut des âmes qu’il était venu sauver.
Il voulut faire une visite aux Confrères qui l’avaient reçu à son premier voyage : le 15 novembre, il arrivait à Rangoon, et le lendemain à Mandalay. Les souffrances de la traversée avaient été bien dures. Mais il se réjouissait de se retrouver dans sa patrie d’adoption. Il exprima le désir de passer les derniers jours de sa vie à l’orphelinat chinois, où les Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie pourraient lui donner leurs soins et où il jouirait d’une plus grande tranquillité. Ses vœux furent exaucés.
Il mit ordre à ses affaires temporelles. Puis il ne pensa plus qu’à se préparer à la mort. Sa patience et sa résignation étaient admirables. Malgré des douleurs continuelles, jamais il ne laissa sortir de sa bouche un murmure ou une plainte. Son visage conservait son paisible sourire et ses lèvres avaient toujours des paroles charman¬tes à l’adresse de ses nombreux visiteurs.
De sa chambre, il pouvait suivre les cérémonies de la sainte messe, et presque chaque jour il recevait la communion. Le cancer provoquait, il est vrai, des vomissements quotidiens ; mais, par une providence spéciale, ils ne se produisaient que le soir ou pendant la nuit : il eut ainsi l’inappréciable bonheur de pouvoir recevoir son Dieu dans l’Eucharistie.
Le 6 janvier, Mgr Foulquier jugea prudent de lui administrer l’Extrême-Onction. Le cher malade s’associa à toutes les prières et manifesta des sentiments de vive reconnaissance et de profonde piété.
Quelques jours plus tard, à la suite d’une violente crise qui faisait craindre un dénouement prochain, il reçut le saint Viatique en présence de la communauté des Religieuses et des enfants de l’orphelinat.
Les forces ne cessaient de baisser visiblement, quoique l’esprit conservât toute sa lucidité. Le corps émacié et décharné laissait voir que la résistance au mal qui le rongeait ne durerait plus longtemps. La délivrance approchait en effet.
Le matin du 25 mars, M. Giraud put encore recevoir la sainte communion : c’était la fête de sa Mère du Ciel, pour laquelle il avait toujours eu une dévotion filiale et très particulière. « Je crois qu’aujourd’hui est mon dernier jour, dit-il ; j’irai finir la fête de l’Annonciation au Ciel ; pouvez-vous rester près de moi ? » A midi, l’agonie commençait : le malade ne pouvait ni se mouvoir, ni parler. Seuls, son regard et un léger mouvement des lèvres montraient qu’il s’unissait aux prières récitées pour lui et aux invocations qui lui étaient suggérées.
Il expira doucement, sans souffrance, le dimanche 26 mars à deux heures du matin. Son corps fut exposé dans une des salles de l’école chinoise. Les chrétiens vinrent en foule prier auprès de son cercueil.
Les funérailles de notre regretté Confrère furent une belle manifestation de sympathie de la part de la population de Mandalay : la cathédrale pouvait à peine contenir la nombreuse assistance qui s’y pressait pour rendre un dernier hommage au prêtre zélé qui avait consacré sa vie à lui faire du bien. Elles furent présidées par Mgr Foulquier, entouré de tous les missionnaires de la ville et de plu¬sieurs missionnaires des districts voisins.
M. Giraud repose dans la chapelle de notre cimetière, à Man¬dalay.
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Références
[1711] GIRAUD Michel (1860-1911)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1888, p. 170 ; 1889, p. 204 ; 1894, p. 261 ; 1895, p. 286 ; 1896, p. 281 ; 1898, p. 225 ; 1900, p. 202 ; 1901, p. 212 ; 1906, p. 216 ; 1907, p. 253 ; 1909, p. 218.
Notice nécrologique. - C.-R., 1911, p. 337.