Jules PERRIN1903 - 1950
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3357
- À savoir : Mort violente
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1928 - 1950 (Yangon [Rangoun])
Biographie
[3357] Jules PERRIN est né le 5 juillet 1903 à Courcité, dans le diocèse de Laval (Mayenne). Il entre au grand séminaire de Laval, où il est tonsuré le 26 mai 1923. Le 15 mai 1925, il est admis au séminaire des MEP. Ilest ordonné prêtre le 29 juin 1928.
Birmanie (1928-1950)
Destiné à la Birmanie méridionale, Rangoon, il part pour sa Mission le 9 septembre 1928, où il arrive un mois plus tard.
Malheureusement, on ne possède presque rien sur la vie missionnaire du P. Perrin. Cependant, ce qui suit doit s'approcher de la réalité.
Peu après son arrivée en Mission, le P. Perrin est nommé à Bassein en remplacement de Mgr. Provost, devenu coadjuteur de Mgr. Perroy. Certainement, le Père a marché sur les traces de son prédécesseur. Bassein est alors un grand centre missionnaire, comprenant plus de soixante-dix villages disséminés dans la brousse avec une population de plus de trois mille catholiques. Le Père, voyageur infatigable parcourt tous ces villages, s'occupant des écoles, des jeunes et des chrétiens.
Il ne délaisse pas pour autant le centre de la Mission à Bassein même. Il dirige le noviciat des SoeursCarianes. Ces Soeurs rendent d’ immenses services à la Mission, que ce soit dans les écoles, dans les villages,dans les autres postes, ou dans les dispensaires établis petit à petit. Elles continuent toujours.
La guerre fait son apparition en Birmanie ; le Père ayant donné asile à de nombreux anglo-indiens est devenu suspect auprès des Japonais. Ceux-ci l'arrêtèrent ainsi que les principaux parmi les réfugiés. Le Père est battu et torturé. Mais les Japonais n'étant arrivés à rien, le transfèrent avec ses compagnons à Rangoon. Ils sont condamnés à six mois de prison. Les six mois écoulés, le Père revient aussitôt à Bassein et reprend sans tarder son apostolat. Il ne chôme pas et reste toujours fidèle à sa vocation.
En 1950, le 28 février, le P. Perrin se rend dans un village non loin de Bassein pour amorcer des pourparlers de paix et procéder au transport du riz recueilli pour les réfugiés. Il n’arriva jamais au village. Quelques jours après des bruits alarmants circulent. Le chef du village envoie en éclaireur trois soldats carians. Ceux-ci trouvent le corps assassiné du Père flottant dans la rivière.
La nouvelle se répand immédiatement. Les chrétiens viennent en foule rendre un dernier hommage à celui qui s'est tant dévoué pour eux. Le cercueil est ramené à Bassein, où la jetée sur le port est noire de monde. Le Cortège traverse la ville jusqu'à la Mission avec les Pères Bazein, Bonney, Sequièra (qui deviendra plus tard évêque de Bassein) et Louis, les Soeurs, et une foule de catholiques et de non catholiques.
Le P. Perrin repose au cimetière de Bassein.
Nécrologie
UN PAUVRE,
martyr de sa charité
Le P. Perrin, au moment de son départ en 1928.
Le P. Perrin repose au pied de la grande croix du cimetière de Bassein, la face tournée vers la ville, comme pour prêcher encore, évangéliser encore dans la mort ceux qu’il avait enseignés par toute sa vie. La foule qui suivait son cercueil se rendait compte qu’avec lui une lumière du Christ, chaude et vibrante s’était éteinte. Avant son départ pour la maison du Père, tous, Birmans et Carians, riches et pauvres, bouddhistes, protestants et catholiques, tous se sentaient un peu plus orphelins. Deux textes de l’Ecriture éclairent sa vie et sa mort : faire éclater la Bonne Nouvelle aux oreilles des pauvres, donner sa vie pour ses brebis.
Le désir du martyre
C’était un fils de France, né en 1903, à Courcité, au diocèse de Laval dans la campagne de chez nous. Il fit ses études au collège de Mamers, dirigé alors par l’un de ses parents, le Chanoine Griffon. De cette époque nous n’avons connaissance que d’une phrase tombée de ses notes intimes : « J’ai un désir fou du martyre ! » Il avait treize ans quand il l’écrivit. Sans doute n’avait-il qu’une appréhension : celle de n’être pas exaucé et de mourir tout doucement dans un lit. Il avait d’ailleurs pris ses précautions pour qu’on ne diminuât en rien l’intensité de ses souffrances et le mérite de son agonie. Bien en évidence, dans sa cassette personnelle, son ami le P. Bazin découvrit après sa mort une enveloppe avec cette superscription : A ouvrir en cas de maladie grave. Il s’y trouvait une lettre écrite en anglais. On peut y lire ceci : « Dès que le médecin jugera mon état grave, qu’on m’en avertisse tout de suite. De plus, au cas où il songerait à me faire des injections de morphine ou autres, je m’y refuse absolument, car je veux partir vers mon Dieu en pleine connaissance. »
D’après le témoignage de son cadavre – le seul qui nous soit parvenu, le meurtre ayant été perpétré dans le secret et les assassins demeurant inconnus –, il reçut la mort en face. Une balle avait pénétré la région du cœur, une autre l’avait troué au-dessous du genou ; un coup de baïonnette lui avait transpercé l’estomac de part en part ; un coup de sabre birman lui avait ébréché le front, coupé le nez, décroché la mâchoire du côté gauche, la laissant pendante à droite. Des cordes lui liaient les pieds et le serraient à la poitrine : sans doute l’avait-on attaché à un long bambou pour le transporter jusqu’à la rivière, suivant la manière du pays. Tous ses vêtements, sauf sa chemise, avaient été volés ou emportés par le courant.
Pauvreté évangélique.
Ce dénûment dans la mort était d’ailleurs à l’image de celui qu’il avait pratiqué toute sa vie. Il couchait toujours sur la dure, étendu sur une natte, la tête appuyée sur un billot rectangulaire dont il avait oublié d’arrondir les angles. Les lits ne manquaient pas chez lui : il les réservait pour ses hôtes. Qu’il fît chaud ou froid il ne se servait que d’un misérable bout de couverture, en tout semblable à celui qu’il distribuait à ses orphelins. Il n’avait point d’armoire : qu’y aurait-il mis ? il donnait tout : plus d’une fois il s’était même dépouillé de sa chemise pour en couvrir un nécessiteux. En 1942, alors que la misère s’étendait comme une lèpre sur le pays, il distribua rideaux, nappes et jusqu’au dernier morceau d’étoffe du presbytère, du couvent et de l’église. Ni le violet épiscopal, ni le tapis du catafalque ne furent épargnés. Et c’est ainsi que pendant plus de vingt ans il avait rayonné la charité du Christ à Bassein.
De 5 heures à minuit...
C’est, en effet, en 1928 qu’il arriva en Birmanie. Il ne connaissait alors ni anglais, ni birman, mais il s’appliqua si bien à l’étude qu’il pouvait bientôt parler et prêcher couramment dans les deux langues. Bassein où il avait été nommé était administré par le P. Provost qui, promu peu après au siège de Rangoon, désigna son vicaire pour lui succéder comme curé de cette paroisse.
La région confiée aux prêtres de Bassein s’étend vers l’est à 30 milles, jusqu’au-delà de la frontière de Myaungmya, à 50 milles en remontant la rivière de Bassein, à 70 milles au sud vers son embouchure et va jusqu’à la mer sur la côte occidentale. Les catholiques sont dispersés sur toute cette étendue et à cette charge s’ajoute celle du centre catholique de la ville. Ce centre donnait lui-même l’impression d’une petite cité à l’intérieur de la ville. Outre l’église et le monastère il y avait les couvents anglais et birman (classes allant jusqu’à la 7e et la 10e, avec des cours d’école normale) dirigés par 10 Sœurs de Saint-Joseph et 25 religieuses indigènes, le noviciat de ces Sœurs, une école de garçons jusqu’à la 6e, une école primaire tamoule et un dispensaire pour les malades. Le soin de toutes ces institutions, en ville et à la campagne, incombait principalement au prêtre de l’endroit. Ajoutez à cela que de 1936 à 1948, le P. Perrin fut le Rédacteur en chef du Sower. Pour en assurer la publication il ne recula devant aucun sacrifice et si les catholiques de Birmanie ont aujourd’hui leur journal, c’est surtout à lui qu’ils le doivent.
Le P. Perrin commençait sa journée à 5 heures et travaillait jusqu’à minuit. Il faisait toujours des plans pour quelque chose de nouveau et d’utile, et, pour être bien sûr que ce fût bien fait il l’exécutait lui-même. Il organisa dans le District le bureau d’Action Catholique des coolies, l’Association des Maîtres catholiques, la Mutualité des Fermiers, etc. Il fut l’animateur de la Quinzaine Sociale diocésaine en avril 1941 et du Congrès d’Action Catholique en octobre 1948. Coordonner et unifier les efforts pour une plus grande efficacité : tel était son constant désir. La Mission progressa sous son impulsion intelligente. Le nombre des catholiques s’accrut et celui des écoles rurales doubla.
Ce fut cependant la guerre qui devait mettre en évidence son amour universel et désintéressé des hommes.
« Tous nos regrets : erreur ! »
Quand les Anglais se retirèrent en 1942 laissant un peuple aux abois à la merci des envahisseurs et des brigands, le P. Perrin accueillit cinquante familles dans ses bâtiments d’école. L’exemple de son audace rendit cœur à ses voisins. Avec le concours des Sœurs il sauva les remèdes de l’hôpital civil et reçut à la Mission les malades abandonnés. Quand l’hôpital fut réorganisé deux mois plus tard, il maintint encore dans son enclos un poste d’urgence.
Avec les religieuses aussi, il forma une escouade de secours pour se porter à l’aide des victimes des bombardements aériens. La hardiesse de ses réalisations sociales attirèrent sur lui l’attention des Japonais. Comprenant qu’il ne mettrait jamais son influence à leur service, ils l’accusèrent de collaborer avec les Alliés et, en octobre 1943, il fut emmené par les Kempetai. Deux mois ils le soumirent à la torture, puis le condamnèrent à trois mois de réclusion dans la prison d’Insein. A sa mise en liberté on lui dit : « Tous nos regrets : erreur ! » De ces mauvais traitements il ne conserva aucune amertume et continua de déployer son activité sociale avec intrépidité.
Il se donnait beaucoup de mal pour aider ceux qui souffraient. Quand le sel était introuvable, il en obtint des autorités et prit une peine incroyable pour en assurer lui-même la distribution équitable aux villageois. Après la libération, il sacrifia son tour de ravitaillement et celui des religieuses pour donner les rations de vivres aux pauvres du district, sans distinction de religion ou de race. Sa nourriture était simple comme celle des coolies : « Un plat de patates écrasées, sèches au point qu’il fallait pas mal d’eau pour les avaler et un carry insipide, tel était son ordinaire », nous écrit un de ses amis. Ses hôtes ne s’y habituaient guère, mais lui le trouvait si naturel qu’il n’y faisait aucune attention. Donnant tout et vivant pauvrement, il n’est pas surprenant qu’il fût vénéré et aimé partout comme le Père des déshérités.
La Birmanie... ma seconde patrie...
Le travail, la prison, les tortures, les préoccupations et les angoisses l’avaient épuisé. Au lieu de rentrer en France prendre un congé bien mérité, il choisit, par mortification, de se rendre aux Indes où un repos de quelques mois le remit sur pied. A propos de ce retour en France, que sa famille désirait tant, il avait écrit aux siens : « Je suis parti pour la Birmanie, faisant le sacrifice de tous, patrie, famille ; la Birmanie est devenue ma seconde patrie, je ne la quitterai plus : comme moi, faites le sacrifice de ne plus nous revoir. »
Lors des troubles récents qui commencèrent à Bassein, en janvier 1949, la mission était sans doute en danger. Mais outre la protection manifeste de la Providence – les non-catholiques disaient qu’ils voyaient une dame marcher sur le toit du couvent –, l’impartialité bien connue du P. Perrin était la sauvegarde de la Mission. Il ne croyait pas à la force, mais se confiait en Dieu et avait foi en la bonne volonté des hommes. Il accueillit donc des réfugiés de partout : chaque coin d’habitation fut rempli. Une personne en faisait la remarque : « Le cœur du P. Perrin est plus grand que les pièces disponibles. » Les Birmans de Kangyidaung recevaient un accueil aussi chaleureux que les Carians de Bassein-est. Dans ce coin du pays, Carians et Birmans vivaient en amitié et collaboration sous l’autorité d’un père également aimé de tous. Il leur donnait tout ce qu’il avait et il n’épargnait aucun effort pour leur procurer le nécessaire. Ce fut dans ce but qu’il entreprit son dernier et fatal voyage. Le grenier s’était vite épuisé et il était nécessaire de le remplir. Il se mit donc en route pour quêter au nom de ses enfants et de ses réfugiés.
Les villages qui entourent Bassein sont aux mains de bandes d’obédience différente, soit nationaliste, soit communiste. La figure du P. Perrin était cependant bien connue de tous. Jusqu’à ce jour il n’avait eu aucune difficulté à se déplacer pour ses missions de charité. Quand un avion De Havilland-Dove s’écrasa au sol, près de Ywegon, en avril 1949, le P. Perrin seul, osa traverser à bicyclette les zones des insurgés pour obtenir des nouvelles du capitaine Fenton et de l’équipage en détresse. Sa bicyclette était son compagnon favori : il circulait le long des pistes de charrettes et des lignes de chemin de fer, sur de bonnes routes parfois, mais la plupart du temps à travers jungle et champs . Arrivé à une rivière qu’il fallait traverser, il la portait à bout de bras pendant le passage, avec de l’eau jusqu’aux épaules très souvent.
Sa dévotion : l’Eglise catholique.
Son voisin et ami le P. Bazin, de qui nous tenons ces détails, ajoute : « J’ai fait de nombreuses tournées avec lui quand j’étais nouveau : il ne me disait pas deux mots en route : tout le temps il pensait, ruminait quelque plan, préparait ses sermons... Il s’intéressait à tout ce qui avait rapport à l’Eglise, où que ce fut. Il était catholique, cent pour cent. Pour le bien de l’Eglise, il était prêt à tout « encaisser », et je vous prie de croire qu’il en a « encaissé », cela je le sais, et avec le sourire. Dans sa bouche jamais un mot amer contre qui que ce soit. Il ne connaissait pas la haine, lui qui était venu dans les missions d’Asie, alors que jeune, tout l’attirait vers l’Afrique, uniquement parce qu’en Asie il croyait l’étranger en butte à la haine. Ceci il me l’a dit l’an dernier. Et voilà le revirement des choses : à sa mort tout le monde le pleurait : catholiques et bouddhistes, en pleine rue de Bassein, en plein bazar...
« Il n’avait peur de rien. Il souhaitait le martyre. Plusieurs fois, l’an dernier il me dit : « Vous souvenez-vous avoir lu quelque part cette parole du Pape que les missionnaires qui « meurent maintenant en Chine, en raison des circonstances présentes (communisme), sont de « vrais martyrs? » Et je sentais, chaque fois, qu’il enviait cette mort... Personne ne doute ici, qu’il est mort de la mort qu’il désirait. Très probablement, il la pressentait aussi. Lorsqu’il est parti le 28 février, il a laissé, pour la première fois, son bureau dans un ordre parfait : tout était rangé, étiqueté. Ses comptes étaient tous à jour, jusqu’au 1er mars inclus. Il devait y avoir, quelques jours après, un concert pour ses œuvres. Il l’avait dit : « Quoi qu’il arrive ayez ce « concert ! » Pourquoi ?... Ce jour-là, il n’avait pas emporté son bréviaire, pensant rentrer dans la matinée. Il était à Prime du jour. Il partit, comme d’habitude, avec sa croix et son gros chapelet pendus au cou. Où qu’il allât, il en était ainsi... La croix était usée par la sueur, il y avait si longtemps qu’il la portait... »
Oui, il y avait si longtemps qu’il la portait, la Croix. Mais tout portement de croix a une fin. O Mort, où est ta victoire ? « Il a plu à Yawweh de le briser par la souffrance ; mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours... Je lui donnerai sa part parmi les grands ; il partagera le butin avec les forts… et il intercédera pour les pécheurs... » (IS. LIII, 10, 11, 12).
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L’Eglise qui n’a pas un vif sentiment de ses responsabilités missionnaires, mais qui se résigne à rester sur ses positions, l’Eglise qui n’assume pas sa part de l’évangélisation du monde mais qui se contente de se renfermer dans ses frontières, l’Eglise qui n’alimente pas chez ses enfants la flamme des conquêtes, leur rappelant que le désir d’apostolat par la prière, l’aumône, le don des vocations qui est l’expression même de leur être chrétien, cette Eglise-là, quand sonne le moment de l’épreuve et que fond sur elle la persécution, cherche en vain dans les profondeurs de son peuple des forces de résistance, des réserves de courage, des grâces de martyre. Dans les affres du combat, trop craintive pour affronter, trop épuisée pour tenir, trop faible pour rendre le témoignage du sang, elle sombre hélas ! dans la confusion de l’hérésie ou cède à la fascination des promesses d’une église nationale.
S. E. Mgr ILDEBRANTO ANTONIUTTI,
Délégué apostolique du Canada.
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Références
[3357] PERRIN Jules (1903-1950)
Références biographiques
AME 1926-27 p. 493. 1928 p. 169. CR 1928 p. 171. 1931 p. 222. 1932 p. 247. 248. 1933 p. 210. 211. 1934 p. 185. 187. 1935 p. 194. 1938 p. 188. 194. 1939 p. 174. 1947 p. 98. 1948 p. 118. 121. 122. 1949 p. 123. 1950 p. 103. 104. 106. 186. BME 1925 p. 444. 1928 p. 575. 1933 p. 559. 1935 p. 608. 677. 1936 p. 677. 1941 p. 424. 697. 772. 1948 p. 118. 1949 p. 318. 657. 1950 p. 66. 206. 282. 346. 348. 1956 p. 911. 1958 p. 272. 874. 1959 p. 739. La Croix du 17 mars 1950. Miss. d'Asie. 1950 p. 109-115. 206. 207. 346-348. EPI. 1969 p. 600. EC1 N° 84. 111. 157. 160. 480. 481. EC2 20P185. - 45P271.