Florentin BOURELLE1847 - 1885
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1295
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Japon
- Région missionnaire :
- 1876 - 1885 (Nagasaki)
Biographie
[1295]. BOURELLE, Auguste-Florentin, mort en mer, victime de son zèle, telle est la note que donnent ceux qui ont parlé de lui. Né le 22 avril 1847 à Hermonville (Marne), il commença ses études près du curé de son village, et entra en troisième au petit séminaire de Reims. Prêtre le 30 mai 1874, il exerça le ministère à Cuchery pendant un an. Il arriva au Séminaire des M.-E. le 7 août 1875¬ ; le 2 novembre 1876, on l’envoya au Japon méridional. Il dirigea, dans les îles Gotos, un district comprenant environ 3 500 fidèles.
Le 16 avril 1885, des chrétiens vinrent le chercher à Schitsu près de Nagasaki, pour administrer les derniers sacrements à un malade¬ ; quoique le temps fût très mauvais, il partit immédiatement¬ ; le bateau, égaré dans le brouillard, se perdit dans les bas-fonds dangereux de la côte¬ ; le missionnaire et ses bateliers furent noyés, quelques heures à peine après leur départ.
Nécrologie
[1295] BOURELLE Auguste (1847-1885)
Notice nécrologique
Le P. Bourelle qui vient de mourir, était dans sa trente-hui¬tième année seulement. On le connaissait pour un des plus enthou¬siastes ouvriers dans la cause des missions. Rempli de désintéres¬sement, de bonté et de prudence, mais spécialement attaché aux pauvres brebis de son nombreux troupeau, on peut dire qu’il en était chéri ainsi que de ses frères les missionnaires, et sa perte laisse place à de nombreux regrets.
C’est en ces termes qu’un journal protestant de Nagasaki, le Rising-Sun ; annonçait la mort de notre regretté confrère. M. Bourelle méritait bien ces éloges.
Voici le portrait que nous trace de M. Bourelle, alors âgé de dix-huit ans, le vénérable prêtre qui lui donna les premières leçons de latin : Ce qui dominait en lui, c’était l’ardeur, l’entrain, le zèle : le respect humain n’eut jamais accès dans cette franche nature. Tous les jours, il assistait au saint sacrifice de la Messe, récitait son chapelet, faisait quelques lectures pieuses, visitait le Saint-Sacrement avec un recueillement qui frappait tous ceux qui en étaient les témoins. On l’entendait souvent dans l’église pousser de profonds soupirs que seul il ne remarquait pas. Son ardeur à l’étude fut extrême dès le début et ne se démentit point : il travail¬lait depuis cinq heures du matin jusqu’à neuf heures du soir. Ce fut à cette époque qu’il eut la première pensée de se vouer aux mis-sions. Un jour que j’avais reçu les Annales de la Propagation de la Foi, dit le prêtre dont nous aimons à citer les souvenirs, j’en pré¬sentai un cahier à M. Bourelle, en lui disant : Il me semble que vous feriez un bon missionnaire. Jusqu’alors il n’y avait pas songé. Plus tard, il me dit que cette parole que Dieu avait mise sur mes lèvres avait été le germe de sa vocation.
Au bout de dix-huit mois, il entra en troisième au Petit Séminaire Relme dis ; il s’y montra régulier et pieux. En dehors des Congrégations établies dans tous les séminaires, le Petit Séminaire de Reims en avait une qu’on appelait la Compagnie des Zouaves du Sacré-Cœur ; c’est de celle-là d’abord que fit partie M. Bourelle l’esprit de foi et de dévouement qui y régnait répondait bien à sa ferveur.
Le Grand Séminaire eut pour lui un attrait tout particulier ; sa nature franche s’accommodait mieux de cette part faite à l’initiative individuelle. À plusieurs reprises, il demanda l’autorisation de partir pour le Séminaire des Missions-Étrangères : Monseigneur, écrivait-il un jour à son Archevêque, je ne suppose pas que le besoin de prêtres soit la raison pour laquelle vous me retenez dans le dio¬cèse. Car je ne sache pas qu’il y ait un seul de vos diocésains qui meure, privé de sacrements, faute de prêtres, et il y a des millions de païens qui meurent dans les ténèbres de l’idolâtrie, faute de mis-sionnaires. Malgré ces instances, Mgr Landriot voulut éprouver la vocation du jeune séminariste.
Élevé à la dignité du sacerdoce, M. Bourelle fut envoyé dans la paroisse de Cuchery, dont un ancien curé, M. l’abbé Miroy, est devenu légendaire par l’héroïsme de sa mort.
M. Bourelle accepta avec joie cette paroisse, depuis trois ans et demi sans pasteur ; il apporta un zèle saintement industrieux à la sanctification de ses ouailles, et pendant un an, il fit un bien réel ; il profitait des visites que ses paroissiens venaient lui faire au presby¬tère, pour leur parler de Dieu, et le plus souvent ses paroles étaient bien accueillies ; il eut la joie de découvrir et de guider une vocation religieuse ; de ramener à la pratique des sacrements un certain nombre de personnes qui les avaient abandonnés ; il donnait secrè¬tement ses soins aux enfants, il les attirait chez lui le dimanche pour les détourner des récréations dangereuses et leur donner de bons conseils.
Au bout d’une année il demanda de nouveau et obtint la permission si ardemment désirée de partir pour les missions. J’étais en ce moment à Cuchery, nous a écrit un de ses amis, et je ne saurais redire la joie du bon M. Bourelle à la lecture de cette lettre ; il la lut, la relut, la baisa avec joie. Dès le lendemain, il régla au plus vite ses affaires, confia à son frère sa vénérable mère, et au mois de juillet, il entrait au Séminaire des Missions-Étrangères.
Envoyé au Japon, M. Bourelle fut chargé d’un district dans l’ar¬chipel des Gotos. Il déploya dans ce poste toutes les qualités aposto¬liques dont il avait fait preuve à Cuchery ; il s’occupa des chrétiens, des descendants des anciens chrétiens, et aussi des païens avec le plus grand dévouement. En 1881, il rend compte de ses travaux en ces termes : L’île de Noroudjina, située au milieu des Gotos, comp¬tant 300 descendants d’anciens chrétiens, est enfin entamée, grâce au zèle de deux catéchistes et aux prières des saintes âmes : dix familles d’un village sont revenues, et la plupart ont déjà reçu le baptême. Je suis allé un peu partout et j’ai été bien accueilli ; les païens semblent bien disposés, mais hélas ! je suis seul. J’ai 3,500 chrétiens, autant de séparés qu’il ne faut pas oublier, et de plus mes écoles dont il faut que je m’occupe par moi-même, faute de maîtres ou de maîtresses capables.
À la fin de cette même année 1881, M. Bourelle eut la douleur de voir son district éprouvé par un typhon, qui renversa deux églises et un certain nombre de maisons de chrétiens. Il ne craignit pas de tendre la main à ses amis de France. Ayez donc la charité de m’envoyer n’importe quoi, leur dit-il, car je manque de tout dans mes églises et je n’ai pas d’argent.
Cependant cette pauvreté ne lui pèse point, il la porte vaillamment, et lorsqu’il en parle, c’est pour mêler à son récit une parole d’hu¬milité. Quand il y a des distributions à Nagasaki, écrit-il, j’ai tou-jours la chance d’arriver le dernier et de trouver ce dont les autres ne veulent pas, c’est-à-dire, rien. Je n’en vis pas moins heureux de mon sort ; un peu de feu apostolique est bien ce qui me manque le plus.
La mort du très cher P. Bourelle nous montrera combien cette der¬nière parole était loin de la vérité. Nous empruntons à M. Marmand les seuls détails que nous connaissions sur le malheur qui a mis fin aux jours de notre confrère. Je puis bien vous dire, écrit-il à Mgr Cousin, qu’il n’y a eu ni imprudence de la part du Père, ni négligence de la part des chrétiens ; c’était la volonté de Dieu, et notre regretté confrère a donné comme le bon pasteur sa vie pour ses brebis. Voici le fait : Pendant la courte absence du P. Bourelle, il s’est trouvé un malade en danger de mort ; les chrétiens sont alors venus à la rencontre de leur Père jusqu’à Shits ; afin d’arriver plus vite, on prit un bateau trop petit pour une traversée de 25 lieues de mer, mais plus facile à manœuvrer, et plus rapide en cas de calme ou de vent contraire.
C’était le jeudi, 16 avril. Nous avions prévenu nos bateliers dès la veille que selon le temps, nous monterions en bateau vers 2 ou 3 heures du matin. Le temps incertain nous fit attendre jusqu’au lever du soleil, puis le baromètre baissant toujours, nous hésitions à partir, lorsque vers les 8 heures, une brise de terre se leva et le ciel parut s’éclaircir. À 9 heures, je me décidai à mettre à la voile. Le P. Bourelle que le P. de Rotz et le P. Salmon voulaient à toute force retenir, car peu après mon départ, le temps tournait à la pluie, voulut cependant partir. Toutes ses réponses aux objections des bons PP. de Rotz et Salmon étaient : qu’un malade l’attendait ; s’il pleut, je serai mouillé, or, ce n’est pas la première fois.
Tout en discutant les chances d’arriver aux Gotos, 11 heures arrivent et mes bateliers qui avaient les yeux fixés sur Shits purent distinguer la voile du bateau du Nord à peu près au moment où notre cher confrère s’embarqua, disant pour toujours adieu aux confrères de Sotome.
Comme on avait pu le prévoir, une pluie de brouillard nous arriva vers le midi ; le vent qui jusque-là soufflait très faible du Sud-Est, tourna peu à peu au Sud, puis, toujours augmentant de force, arriva au Sud-Ouest.
À plusieurs reprises, je m’informai du bateau du P. Bourelle, mais on me répondit que depuis longtemps on ne voyait rien à cause du brouillard. D’ailleurs, ajoutait-on, ce n’est pas possible que le bateau du Père des Gotos essaie la traversée ; il a dû ou rebrousser chemin, ou piquer droit sur le Nord pour se mettre à l’abri. J’eus cet espoir jusqu’au moment où je débarquai à Tamooura, village du centre de Nacadoridjima. Malheureusement, il n’en fut pas ainsi. D’après des renseignements donnés par les païens, le bateau du P. Bourelle aurait été aperçu en péril imminent vers les côtes de Hirachima, côtes à bas-fonds produisant des vagues plus grandes et plus dangereuses qu’en haute mer. C’est donc là qu’a péri notre confrère avec les douze chrétiens qui l’accompagnaient. Je suppose que la catastrophe a dû arriver entre quatre et cinq heures. On ne peut que conjecturer sur les derniers moments de nos malheureux naufragés. D’après les dires des chrétiens qui connaissent à peu près comment sombrent les bateaux en pareil cas, on voit venir la mort, et je ne doute pas que notre regretté confrère qui, si souvent, avait parlé à ses chrétiens de Kokouai (acte de contrition), et de Saigono Cacougo (préparation à la mort), n’ait à ce moment recueilli le reste de ses forces pour dire une dernière fois le mot Kokouai, puis les paroles de l’absolution in extremis. Connaissant depuis sept ans les secrets de la conscience et les dispositions habituelles de l’âme de ce missionnaire modèle, je me console de sa perte en pensant que le bon Dieu l’a trouvé prêt à subir le redoutable jugement. Je pourrais en dire bien long, si seulement je rapportais les paroles et les faits gravés dans la mémoire de ses chrétiens, qui n’ont cessé de m’en entretenir depuis l’effroyable catastrophe. Mais vraiment je n’ai pas la force de prolonger cette lettre ; et je me sens incapable de faire connaître ce qu’était réellement le missionnaire qui vient de nous quitter. Je perds en lui un guide sûr pour le ministère des âmes, un ami et un conseiller sérieux pour moi-même.
Références
[1295] BOURELLE Auguste (1847-1885)
Notes bio-bibliographiques
C.R., 1887, p. 38.
M. C., xvii, 1885, p. 324.
— Bull. rel. Reims, 1885, Sa mort, pp. 277, 306.