André GARIN1854 - 1885
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1374
- À savoir : Mort violente
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1878 - 1885 (Qui Nhon)
Biographie
[1374]. GARIN, Marie-André, massacré en Annam, vint au monde le 25 (é) ou le 28 (m) mai 1854 dans la paroisse de Chevron, commune de Mercury-Gemilly (Savoie). Après quelques années d'étude aux petits séminaires de Saint-Pierre d'Albigny et de Moutiers, il entra laïque au Séminaire des M.-E. le 19 août 1874. Prêtre le 16 mars 1878, il fut envoyé le 16 avril suivant dans la Cochinchine orientale. Il étudia la langue à Lang-song, et accomplit ses premiers travaux dans le Quang-ngai, où il secourut activement les victimes de la famine et de l'inondation. En 1880, il fonda une chrétienté à Van-bam et détermina de nombreuses conversions dans la région. Deux ans plus tard, il avait quarante stations, faisait élever ou restaurer plusieurs églises, installait un hôpital à Phu-hoa et deux établissements agricoles pour les orphelins. L'accroissement de son district fut tel qu'il fallut le diviser deux fois ; en dernier lieu, le missionnaire se fixa à Phuong-chuoi.
La persécution de 1885 brisa cette féconde carrière. Voyant l'orage se former, et ne se faisant aucune illusion, malgré les assurances de paix du mandarin qui lui offrait un asile auprès de sa personne, il crut devoir quitter la chrétienté où il était, pour porter ses consolations à la paroisse de Phuong-chuoi ; mais à peine s'y trouva-t-il, que les païens l'assaillirent. On a dit qu'ils lui firent subir le supplice des cent plaies ; c'est une erreur : il fut brûlé vif dans l'église avec un grand nombre de ses chrétiens le 18 juillet 1885. Il avait, en sept années, baptisé 1 200 adultes et près de 10 000 enfants de païens.
Nécrologie
M. GARIN
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE ORIENTALE
Né le 25 mai 1854.
Parti le 16 avril 1878.
Mort le … juillet 1885.
Sept années de travaux incessants, 1,200 baptêmes de païens adultes, près de 10,000 baptêmes d’enfants, une mort héroïque : telle fut, en quelques mots, la carrière apostolique du missionnaire que la Société des Missions-Étrangères a l’honneur d’enregistrer au nombre de ses martyrs.
« André-Marie Garin, fils de Claude Garin et de Claudine Vou¬tiers, est né à Chevron, diocèse de Tarentaise, le 25 mai 1854. Il était âgé de neuf ans lorsqu’il perdit son père et sa mère.
« Ses débuts au Petit Séminaire de Moutiers ne furent pas heureux, soit à cause de la précocité de son âge, soit surtout à cause de son caractère peu flexible au joug de la règle, et par suite d’une insou¬ciance naturelle qui le rendait aussi indifférent aux punitions qu’aux récompenses. « Je changerai plus tard, répondait-il à toutes les remontrances. » C’était un bois dur, difficile à façonner, mais apte à des œuvres solides et durables. »
C’est en ces termes que le vénérable oncle de notre martyr nous trace le tableau de la première partie d’une vie, où nous verrons briller les plus beaux exemples d’humilité, de foi et de dévouement.
Le changement si souvent demandé et si souvent promis, apparut enfin. « Envoyé au Petit Séminaire de Saint-Pierre d’Albigny et arrivé en classe de troisième, André travailla sérieusement à cultiver les vertus solides, et son application à l’étude ne se démentit plus. Le départ de quelques uns de ses condisciples pour les missions lointaines lui inspira dès lors le désir de les suivre plus tard dans cette carrière de dévouement généreux. Ce désir ne fit qu’augmenter pendant le cours des classes supérieures.
« Rentré au Petit Séminaire de Moutiers en 1863 pour faire son cours de philosophie, il étonna ses anciens condisciples par le changement total opéré dans ses allures et ses inclinations. Il était revenu studieux, dévoué, aimant à rendre service, plein de courage et de générosité dans les sacrifices. »
Ses supérieurs ne tardèrent pas à voir en lui les marques non équivoques d’une vocation apostolique. Une de ses tantes voulut un jour le détourner de son projet, en lui exposant les dangers qu’il aurait à courir dans les missions lointaines. « Qu’importe, répondit-il, moi je veux imiter saint André, mon patron. »
Au mois d’août 1874, M. Garin entrait au Séminaire des Missions-Étrangères. Ceux qui l’y ont connu se souviendront toujours de son ardeur à l’étude et de l’aimable douceur que de persévérants efforts lui avaient fait acquérir : « Je désire être doux comme saint François de Sales » , disait-il parfois.
Il fut ordonné sous-diacre au mois de février 1877, et quelques jours plus tard, tout rempli de la ferveur de l’ordination, il écrivait : « Voici plus d’un mois que j’ai fait à Dieu l’offrande de tout moi-même ; il ne s’agit plus maintenant que de ne pas reprendre ce que j’ai donné. Oh ! si le bon Maître me conserve toujours dans les dis¬positions qui m’animent, il est certain que je lui serai fidèle. Mais puis-je répondre du succès à la vue de ma faiblesse ? J’ai grande confiance en celui qui m’a pris dans la boue pour me placer cum principibus populi sui. Et puis le saint office est là qui me console abondamment ; il y a de si belles choses dans ces prières que l’Église impose à ceux qui se sont mis pour jamais au service de notre unique Maître…. Dans un an, si le bon Dieu en dispose ainsi, je serai prêtre et aussi missionnaire. » Il fut en effet, ordonné prêtre l’année suivante, le 16 mars 1878, et destiné à la Cochinchine Orientale.
A peine était-il arrivé en mission que la maladie le visita. Il ne s’en effraya pas. « Je ne suis pas venu ici pour vivre longtemps, écrivait-il, mais pour travailler à l’œuvre de Dieu et y mourir quand il le voudra. »
Il devait avant d’arriver à ce moment suprême avoir la consolation d’étendre le royaume de Jésus-Christ.
Après quelques mois de séjour à Lang-Sông, résidence du Vicaire Apostolique de la Cochinchine Orientale, M. Garin fut envoyé dans la province du Quang-Ngai, située dans la partie septentrionale de la mission. Cette province est partagée en deux parties par la route mandarinale qui court du Sud au Nord. La partie occidentale s’é¬tend jusqu’aux frontières du pays des sauvages; elle était habitée par de nombreux néophytes et possédait environ une vingtaine de chrétientés ; la partie orientale qui va jusqu’à la mer, ne renfermait presque que des païens. Le district tout entier comptait environ 5,000 fidèles dispersés sur une étendue de 625 kilomètres carrés. Pour l’aider dans sa tâche, le missionnaire avait deux prêtres indi-gènes et quelques catéchistes.
Les débuts furent difficiles. La famine ravageait alors le pays, portant partout la désolation et la mort. A la famine se joignit la plus forte inondation qu’on eût vue depuis cinquante ans. Riches et pauvres furent réduits à la dernière extrémité. Le gouvernement annamite essaya de secourir les malheureux, mais au tout de quel¬ques jours les fonds manquèrent.
M. Garin ne perdait pas courage. « Mes maux, écrivait-il, mes tristesses ne sont rien ; je n’ai que ce que mon cœur a toujours désiré. » — Et plus loin, il ajoutait : « Je donnerais volontiers mon sang pour l’amour de mes pauvres enfants, afin d’obtenir la cessation du fléau ; volontiers, aussi, j’irais mendier de porte en porte, afin de leur trouver quelque secours. Mais mon devoir me retient près d’eux pour les aider à bien souffrir et à bien mourir. »
D’ailleurs, au milieu de toutes ces misères, le missionnaire avait une consolation, la seule qu’il demandait : il pouvait faire avec plus de succès l’œuvre de Dieu. « Au moment où j’arrivai au Tu-Ngai, lisons-nous dans une de ses lettres, je n’avais que 50 orphelins à nourrir ; aujourd’hui j’en ai 300, et si j’osais en aller chercher, j’en aurais certainement de 7 à 800. Mais le riz manque pour ceux que j’ai déjà reçus et chaque jour je compte par 20 et 30 ceux que l’on abandonne aux portes de l’orphelinat. » Dans cette seule année M. Garin baptisa plus de 4,000 enfants de païens à l’article de la mort.
Les angoisses et les travaux des débuts de son apostolat ne lui permirent point de s’occuper, selon ses désirs, de la conversion des infidèles. Ce fut en 1880 seulement qu’il tenta de fonder un poste dans la partie orientale de son district, restée jusque-là inabordable aux missionnaires, faute d’un pied à terre, et aussi faute de relations entre les chrétiens et les païens.
Il choisit le grand village de Van-Bân, situé à 7 heures de marche de sa résidence ordinaire, pour essayer d’établir une première sta¬tion. Lui-même a raconté dans les Missions Catholiques, le succès de sa tentative et les bonnes dispositions des païens, qui l’accueillirent avec une curiosité importune mais bienveillante. Avant de s’engager, il prit conseil de son évêque, Mgr Galibert, qui l’encouragea, mais en lui recommandant la prudence. Six mois plus tard, M. Garin écrivait : « J’ai baptisé 109 adultes, à Van-Bân, et les conversions ne cessent pas d’être nombreuses. »
Le district tout entier semblait prendre une vie nouvelle, sous l’influence du zèle ardent de son missionnaire. M. Garin baptisait 265 adultes et 3,000 enfants en 1880 ; 296 adultes et 2,700 enfants en 1881. Il multipliait les stations dont le nombre en 1882 s’élevait à 40 ; il faisait bâtir ou restaurer plusieurs églises et fondait un hôpital à Phu-Hoa ; il établissait deux fermes « qui, par leur position très bien choisie et par l’étendue du terrain qu’elles occupaient, fournissaient les moyens d’exercer au travail manuel les orphelins de la paroisse et étaient une précieuse ressource pour établir les nouveaux chrétiens. »
A deux reprises, Monseigneur divisa son immense district, il lui laissa les paroisses du Nord, qui comprenaient 2,800 à 3,000 chré¬tiens. Le travail ne laissait pas d’être encore considérable. « Malgré tous mes efforts, écrivait-il, la besogne me dépasse et je n’arrive pas à la faire tout entière. Je suis presque toujours en tournée d’admi¬nistration : du commencement à la fin, mon année se passe au saint Tribunal : confesser, c’est toute ma vie en mission. Puissé-je ne pas perdre les occasions de mériter un peu pour le ciel et faire toujours que le règne de Dieu s’étende sur les âmes qui me sont confiées. »
M. Garin se trompait : confesser pouvait être son travail prin¬cipal, ce n’était pas toute sa vie. Les œuvres qu’il avait fondées demandaient pour prospérer une vigilance soutenue ; les païens qui se convertissaient avaient un besoin pressant d’instruction. Le mission¬naire ne manquait à aucun de ses devoirs, et partout la Providence comblait ses désirs et réalisait ses espérances. « La gerbe de 1884, écrivait-il à son oncle, ne sera pas trop pauvre, malgré les bruits de persécution, qui ont arrêté nombre de païens. Les baptêmes d’adultes atteignent le chiffre d’environ 300. Je crois que l’année prochaine sera plus féconde encore en fruits de salut pour les âmes ; je veux de tout mon cœur étendre le règne de Dieu en ce pays d’Annam ; je consacrerai à cette œuvre toutes mes forces pendant l’année 1885, et j’espère en Dieu pour les résultats. »
Malgré cette confiance qu’il semblait montrer en l’avenir, M. Garin avait, dès le commencement des hostilités, envisagé les événements sous leur véritable aspect. Il écrivait : « Nous sommes sur un volcan que la présence de la France empêche d’éclater. Jusqu’à quand cette présence suffira-t-elle ? C’est le secret de Dieu, en qui nous devons nous confier. D’ailleurs la mort d’un homme n’est pas la mort de la religion. Des catacombes et des prisons, la religion est sortie vic¬torieuse, comme victorieux aussi notre divin Sauveur est sorti du sépulcre. »
Hélas ! on peut se demander maintenant quand la Cochinchine Orientale goûtera ces jours de triomphe que l’inébranlable foi de notre confrère croyait voir se lever au lendemain de la persécution.
Dans le mois d’avril, M. Poirier fut maltraité par les notables du village de Van-Bân. A peine M. Garin l’eût-il su qu’il prit avec lui M. Guégan et se rendit chez le gouverneur de la province : « Là, dit-il, je réclamai une escorte qui nous protégerait et nous conduirait jusqu’à notre confrère, ou telle autre mesure que le gou¬verneur jugerait suffisante. » — Celui-ci promit tout et ne fit rien. Le lendemain à midi les deux missionnaires partaient pour Van-Bân, mais ce ne fut qu’au milieu de la nuit, et à la faveur d’un déguisement que M. Garin. put pénétrer près de M. Poirier, lui donner des soins, le confesser, et quelques minutes plus tard lui apporter la sainte Communion. « Dès le grand matin, continue-t-il, j’envoyai des chrétiens près du mandarin pour lui demander la mise en liberté de mon confrère et réclamer l’arrestation de 28 chefs de la révolte, car c’en était une. Le mandarin s’exécuta sans trop se faire prier. Le lendemain je pus partir et conduire le cher confesseur de la Foi dans une chrétienté plus populeuse. C’était le 24 mai 1885, fête de la Pentecôte. » En ce même jour, sept ans auparavant, M. Garin avait été reçu à son arrivée en Annam par M. Poirier, résidant à Qui-Nhon.
Le 29 juillet, M. Garin écrivait ces lignes, les dernières que nous ayons reçues de lui : « L’orage menace toujours, mais le bon Dieu nous garde. Les Français viennent de s’emparer de Hué, mais la surexcitation n’en est que plus grande. Malgré tout, confiance en Dieu ! »
Un mois à peine s’était écoulé et le généreux apôtre donnait son sang pour Jésus-Christ, dans cette même province du Quang-Ngai qu’il avait évangélisée avec tant de zèle et de succès.
Voici les seuls détails que nous ayons sur sa mort glorieuse. Nous les empruntons à une lettre de M. Dépierre, missionnaire de la Cochinchine Occidentale, qui les a recueillis de la bouche des chrétiens réfugiés à Saïgon.
« Aussitôt après la prise de la citadelle de Hué, par le général de Courcy, la province du Quang-Ngai se souleva la première. Deux missionnaires, les PP. Poirier et Guégan, avec un grand nombre de chrétiens, furent d’abord massacrés par les lettrés. Le P. Garin, sur les instances de ses chrétiens, s’était retiré du côté des montagnes, pensant qu’on épargnerait son district. Mais c’était une guerre d’extermination qu’on voulait faire. Le grand mandarin de la pro¬vince fit dire au P. Garin qu’il n’avait plus rien à craindre, qu’il pouvait rentrer à sa résidence, lui, grand mandarin, répondant de la paix. D’ailleurs les lettrés, et tous les ennemis des chrétiens et des Français s’étaient retirés. Le Père, trop confiant, rentra chez lui et fut aussitôt cerné. Il ne tarda pas à tomber entre les mains de ses bourreaux. Après lui avoir fait subir toutes sortes d’injures et d’avanies, on le condamna au supplice des cent plaies. Il fut soli¬dement attaché à un poteau, et, à chaque instant de la journée, on venait, armé de crocs et de tenailles, lui arracher des lambeaux de chair palpitante. Rien ne manquait à ce nouveau prétoire : même rage dans les bourreaux, même résignation dans la victime. C’est à la fin du troisième jour de ce supplice atroce que l’âme du martyr s’envola vers les cieux. »
M. Garin avait tenu parole. Il avait imité son grand et saint patron, et comme l’Apôtre de l’Achaïe, le missionnaire de la Cochinchine Orientale dut s’écrier : O bona Crux diu desiderata !
Références
[1374] GARIN André (1854-1885)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1879, p. 48 ; 1882, p. 68 ; 1884, p. 104 ; 1903, p. 181. - A. P. F., lvii, 1875, p. 352. - M. C., xii, 1880, p. 50 ; xiv, 1882, Mission du Quang-ngai, p. 337 ; xvii, 1885, p. 385 ; xxi, 1889, Son martyre, p. 534. - Miss. Quinhon. Mém., 1907, pp. [24] [32].
Les miss. de Tarent., p. 30. - Nos miss., Notice, p. 245. - Hist. gén. Soc. M.-E., Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1885, p. 219.
Portrait. - A. P. F., lvii, 1885, p. 327.