Émile DUHAMEL1867 - 1912
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1931
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1890 - 1912 (Hanoi)
Biographie
DUHAMEL, Emile-Charles-Joseph, né à Laventie (Pas-de-Calais) le 1er novembre 1867, élève du petit, puis du grand séminaire d'Arras, entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 3 mai 1888. Prêtre le 28 septembre 1890, il quitta Paris le 26 novembre suivant, avec sa destination pour la mission du Tonkin occidental, dont il devait faire partie jusqu'en 1895, date de la création du vicariat apostolique du Haut-Tonkin ; cette année-là il appartint à cette nouvelle circonscription.
Il étudia l'annamite à Bai-vang, d'où il passa dans le district de Son-mieng, et en 1893 il prit la direction du district de Vinh-loc où il convertit de nombreux infidèles, principalement dans la région de Son-lo, Hoang-xa et Cau-xa, malgré les oppositions qu'il eut à vaincre. Dans la station de Tuan-nhué, en particulier, il dut subir bien des avanies. Des femmes païennes, qui avaient juré de le faire fuir, vinrent entourer la maison qu'il occupait, ce fut un véritable charivari avec des cris et des injures, des menaces et des hurlements, rappelant la tentation de saint Antoine. M. Duhamel ne se laissa pas émouvoir, et, toute la nuit, il égrena son chapelet pour la conversion de ces pauvres ignorantes. Il resta maître de la place et put fonder à Tuan-nhué un catéchuménat. " Il construisit plusieurs oratoires et l'église de Vinh-loc. C'est dans cette dernière chrétienté qu'il mourut, le 20 mars 1912.
Nécrologie
M. DUHAMEL
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU HAUT-TONKIN
Né le 1er novembre 1867
Par le 26 novembre 1890
Mort le 20 mars 1912
Emile-Charles-Joseph Duhamel était né à Laventie (Arras, Pas-de-Calais), le 1er novembre 1867. Son père, Charles Duhamel, exerçait la profession de sellier. Sa digne mère était fille du Dr Dusart, médecin très estimé dans la région. Bons et fervents, M. et Mme Duhamel élevèrent dans la crainte du Seigneur les trois enfants que le Ciel leur donna. Emile était l’aîné. Dès son enfance, sa vive intelligence et sa simplicité attirèrent les regards et l’affection du regretté M. Adam, curé doyen, et de l’abbé Barras, vicaire de Laventie. Ces deux bons prêtres s’occupaient alors de grouper enfants et jeunes gens en un petit patronage, qui, grâce à leur zèle éclairé, devint pour le diocèse une pépinière de vocations. Emile Duhamel trouva là bonne direction et bons exemples ; aussi, à l’imitation de plusieurs de ses camarades, aujourd’hui prêtres en Artois, demanda-t-il bientôt à faire partie de l’école presbytérale. Après y avoir étudié les premiers éléments du latin, il fut admis au petit séminaire d’Arras.
Au petit séminaire, son intelligence éveillée lui fit conquérir les premières places dans ses classes, et il s’y maintint jusqu’à la fin. Toujours gai, parfois espiègle, il faisait la joie de ses professeurs et de ses condisciples. Durant toute sa vie de missionnaire, il garda le meilleur souvenir de la colline de Baudimont, sur laquelle se dressait le petit séminaire. Chaque année, il envoyait des lettres émues, des poésies latines, à l’association des anciens élèves, et quand, par le malheur des temps, ce sanctuaire fut enlevé aux jeunes lévites du Seigneur, il en conçut une peine bien vive.
Notre confrère avait une âme aimante, et ceux qui l’ont connu, savent quel prix il attachait à toutes les marques d’affection qu’on lui donnait. Le nom de ses amis et bienfaiteurs de Laventie et de Richebourg ne s’effaça jamais de sa mémoire ; la nombreuse correspondance qu’il entretenait, en est la preuve. M. Duhamel aimait, car il avait souffert. Vers l’âge de seize ans, il perdit son père. Ce décès fit péricliter les affaires de la famille ; mais, avec un désintéressement admirable et un dévouement vraiment maternel, Mme Duhamel ne voulut pas que l’éducation de ses enfants eût à en souffrir, et elle ne songea même pas à disputer son aîné au Seigneur. A cette époque, en effet, le jeune Emile, qui venait de terminer brillamment ses études secondaires par l’obtention du baccalauréat, s’était déjà ouvert à sa mère de son intention d’être missionnaire : « Va où le bon Dieu t’appelle, lui dit-elle, nous sommes tous entre ses mains ; il n’oublie pas la fleur des champs, il ne nous laissera pas manquer du nécessaire. » Et M. Duhamel, encouragé par ses directeurs, vint frapper à la porte des Missions-Étrangères. Il y fut admis, et y passa trois ans, se faisant remarquer par son application à l’étude, sa gaieté communicative et sa bonhomie accueillante.
M. Duhamel s’embarqua en décembre 1890 pour la mission du Tonkin Occidental. Après quelques semaines passées à Hanoï, il fut envoyé, pour étudier l’annamite, chez le prêtre indigène qui occupait la cure de Bai-Vang. C’est le bon temps que ce séjour en paroisse, quand on est nouveau. Pas de tracas matériels, pas de responsabilités ; et on a la satisfaction de voir qu’on progresse peu à peu dans l’étude de la langue du pays, et qu’on pourra bientôt se rendre utile.
De Bai-Vang, M. Duhamel passa au district de Son-Mieng ; puis, en 1893, il vint prendre la direction de celui de Vinh-Loc, où il travailla jusqu’a sa mort.
Dès son arrivée à Vinh-Loc, sa résolution fut prise : il lui fallait des catéchumènes et il lui en fallait beaucoup. Il a eu la consolation de baptiser de nombreux infidèles, et, à sa mort, les chrétiens du district de Vinh-Loc étaient devenus trois fois plus nombreux. La région de Son-Lo, Hoang-Xa et Cau-Xa fut le principal théâtre de son apostolat et de ses succès. Mais cette œuvre d’évangélisation, dans laquelle il fut puissamment aidé par deux bons prêtres indigènes, le P. Tru et le P. Ly, qui se montrèrent toujours ses auxiliaires dévoué, n’allait pas sans beaucoup de difficultés et de déboires. Méfiances à vaincre, visites aux autorités administratives, courses chez les mandarins pour des procès à soutenir, incendies de chapelles et de catéchuménats, rien ne manqua à M. Duhamel de tout ce que le démon a l’habitude de tenter pour arrêter l’œuvre de Dieu. Mais notre regretté confrère, animé d’une grande confiance en la bonté souveraine de Dieu, et comptant sur la protection de Marie-Immaculée, savait faire face à tout. Il eut quelquefois des journées bien pénibles et des nuits sans sommeil, comme celle qu’il passa, il y a quelques années seulement, à Tuan-Nhué, où il dut subir comme un véritable siège. Des femmes païennes, qui avaient décidé de faire fuir le missionnaire, vinrent entourer la maison qu’il occupait, et ce fut un véritable charivari, avec des cris et des injures, des menaces et des hurlements, rappelant la tentation de saint Antoine.
M. Duhamel ne se laissa pas émouvoir, et, toute la nuit, il égrena son chapelet pour la conversion de ces pauvres ignorantes. Il resta maître de la place, et put fonder à Tuan-Nhué un catéchuménat qui promet de demeurer prospère.
M. Duhamel oubliait ses misères dans la gaieté des réunions entre confrères. Pour rien au monde il n’en aurait manqué une ; et les deux ou trois semaines que, dans les missions du Tonkin, les confrères ont l’habitude de passer ensemble à la résidence épiscopale, étaient pour lui de véritables semaines de vacances. Il était le boute-en-train de ces réunions, et n’avait pas son pareil pour rééditer quelque chanson du vieux temps ou raconter une bonne histoire. A le voir, dans ces occasions, rire de si bon cœur, se montrer toujours jeune, on ne se serait pas douté des multiples affaires qui le préoccupaient, ni des tracas et des ennuis qu’il avait à subir : c’est que, tout en étant d’un caractère très expansif, il n’aimait pas à faire étalage de ses peines. Il préférait les confier à quelque ami de choix, qui sût trouver pour lui des paroles consolatrices. Ses voisins successifs, M. Robert et M. Massard, avaient toute sa confiance, et ils sont seuls à connaître les trésors de patience, de résignation et de dévouement que contenait le cœur de notre confrère.
Son dévouement il le manifestait en toute occasion ; et, quand il s’agissait de rendre service à quelqu’un, on pouvait dire qu’il était toujours prêt. On ne recourait jamais à lui en vain, pour donner un sermon, remplacer un confrère au confessionnal ou faire quelque besogne surérogatoire. Avec ses nouveaux chrétiens, sa charité et son zèle étaient admirables. Il passait son année en voyages continuels pour visiter ses différents postes. Il en avait vingt-cinq, et ne regrettait qu’une chose, c’était de ne pouvoir demeurer plus longtemps en chaque endroit. Les voyages pourtant lui étaient pénibles, car, malgré une apparence extérieure de bonne santé, ses infirmités étaient nombreuses. Il souffrait surtout d’entérite, et, à deux reprises différentes, il dut prendre quelques mois de repos au sanatorium de Hongkong. Le renouveau de santé qu’il en rapporta chaque fois, lui faisait espérer de nouvelles conquêtes d’âmes. Les projets ne lui manquaient pas : très bon annamitisant, il rêvait d’un apostolat par la presse, et s’y exerçait en préparant, en langue annamite, tracts, notices ou traductions, qui font honneur à sa science et à son zèle.
La mort pourtant le guettait, et ce fut le 16 mars, alors que M. Duhamel était dans la chrétienté de Son-Lo, qu’elle donna son premier avertissement. Il eut ce jour-là une première syncope, mais courte et bénigne, qui ne fut suivie d’aucun accident. Ce fut même presque en plaisantant qu’il raconta la chose à M. Proult, qui vint le voir, par hasard, le jour même. Cependant, il voulut profiter de la présence de son confrère chez lui, pour mettre ordre aux affaires de sa conscience : « On ne sait jamais ce qui peut arriver », disait-il. Le soir, M. Proult le quitta sans avoir à son sujet la moindre inquiétude. M. Duhamel s’occupa comme à l’ordinaire, dans ce village éloigné, de l’instruction des catéchumènes, jusqu’au 20 mars. Ce jour-là, après avoir pieusement célébré la sainte messe, il rentra à Vinh-Loc, chef-lieu de son district, où l’appelaient quelques affaires. La volonté divine le ramenait ainsi dans son centre, auprès de deux prêtres indigènes, pour qu’il pût recevoir les derniers sacrements. Laissons le P. Tru raconter lui-même les derniers instants de notre regretté confrère :
« Le Père arriva à Vinh-Loc vers midi. Il causa avec nous de plusieurs missions à donner « en diverses chrétientés, et de la future bénédiction de l’église de Vinh-Loc, qu’on achevait « de bâtir. Après cela, le Père se plaignit d’avoir beaucoup souffert au cou, les jours « précédents ; néanmoins, il prit son repas comme d’habitude ; puis il sortit pour aller visiter « la sainte-enfance, œuvre qui lui tenait grandement au cœur, et jeter un coup d’œil sur les « constructions de la nouvelle église. De retour chez lui, vers 3 heures, il se sentit fatigué et « s’étendit sur son lit de camp, pour se reposer un peu. Mais à peine couché, il fut pris « subitement de suffocation. Aux cris qu’il poussait, nous accourûmes, le P. Ly et moi, et le « trouvâmes agité de vives convulsions, se tenant le cou comme si quelque chose l’étranglait. « A ses yeux hagards, je compris que son état était grave ; je lui donnai l’absolution et courus « chercher les saintes huiles. Quand je revins, le Père respirait encore, mais avait déjà perdu « connaissance. J’avais à peine terminé les onctions, que son âme s’échappa doucement de « son corps, et ses traits, tout à l’heure si convulsés, reprirent aussitôt leur expression naturelle « de bonté. Et maintenant, Monseigneur, nous avons perdu notre Père ; que Votre Grandeur « ait pitié de nous ! »
Qu’on juge de l’émotion des chrétiens, à la nouvelle de cette mort presque subite. Ils n’y voulaient d’abord pas croire. N’avaient-ils pas vu M. Duhamel leur causer tranquillement, quelques instants auparavant ? Hélas ! il leur fallut bien se rendre à l’évidence, quand le tam-tam les appela pour réciter les prières des morts à l’intention de notre cher défunt. Leur douleur fut grande : tous, anciens et nouveaux chrétiens, c’est-à-dire près d’un millier de personnes, prirent le deuil, et, de dix à quinze kilomètres à la ronde, ils vinrent passer la nuit près de la dépouille mortelle de leur Père. Leurs larmes s’entremêlaient avec leurs prières, et, à plusieurs reprises, le prêtre indigène, pouvant à peine parler lui-même à cause de l’émotion, fut obligé de les consoler.
Les funérailles eurent lieu le 22 mars au matin. Quatre missionnaires et huit prêtres indigènes y assistaient, au milieu d’une foule innombrable de chrétiens indigènes. Le Résident de la province avec son chancelier, les mandarins et chefs de canton des environs y vinrent, avec une délégation des provinces de Sontay et de Bach-Loc. Un cortège vraiment triomphal conduisit notre cher confrère à sa dernière demeure, dans le cimetière de Vinh-Loc qu’il venait de restaurer. Le défilé des chrétiens, presque tous en longs habits de deuil, était interminable. Après la cérémonie, un grand nombre d’entre eux demandèrent des messes pour le repos de l’âme de leur Père bien-aimé.
Que le bon Dieu daigne exaucer leurs prières, et accorder au plus tôt à notre regretté confrère la récompense promise aux bons et fidèles serviteurs !
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Références
[1931] DUHAMEL Émile (1867-1912)
Bibliographie. - (Traité de politesse). - Imprimerie de la mission, Ke-so, 1900.
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1893, p. 171 ; 1894, p. 185 ; 1896, p. 181 ; 1897, p. 153 ; 1898, p. 156 ; 1899, p. 183 ; 1900, p. 153 ; 1901, p. 151 ; 1902, p. 170 ; 1903, p. 157 ; 1905, p. 142 ; 1906, p. 149 ; 1907, p. 187 ; 1908, p. 169 ; 1909, p. 158 ; 1910, p. 165 ; 1911, p. 148. - M. C., xxviii, 1896, p. 301 ; xxxiii, 1901, p. 278 ; xxxv, 1903, pp. 75, 342, 399 ; xxxvii, 1905, p. 519 ; xxxviii, 1906, pp. 280, 603, 618 ; xxxix, 1907, Les lépreux du Haut-Tonkin, p. 325 ; xl, 1908, p. 86 ; xli, 1909, p. 556 ; xlii, 1910, p. 305. - A. M.-E., 1901, p. 163 ; 1906, pp. 187, 247.
Notice nécrologique. - C.-R., 1913, p. 347.