Eugène DESFLÈCHES1814 - 1887
- Statut : Archevêque
- Identifiant : 0441
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Identité
Naissance
Décès
Consécration épiscopale
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1838 - 1840 (Macao)
- 1840 - 1856
- 1856 - 1878 (Chongqing [Chungking])
Biographie
[441]. DESFLÈCHES, Eugène-Jean-Claude (Joseph), vint au monde le 13 février 1814, à Jonage (Isère). Il était le cousin-germain de M. Deguerry, qui fut curé de la Madeleine à Paris, et fusillé par ordre de la Commune en 1871. Après avoir fait ses études à la maîtrise de Saint-Pierre à Lyon, au petit séminaire de Verrières en 1829, au séminaire d'Alix en 1832, au grand séminaire de Grenoble en 1833, il entra diacre au Séminaire des M.-E. le 22 avril 1837, et y reçut le sacerdoce le 23 décembre suivant. Parti pour le Se-tchoan le 15 mai 1838, c'est seulement en février 1840 qu'il pénétra dans sa mission. En séjournant à la procure de Macao, il avait travaillé à l'éducation ecclésiastique de deux Coréens. Après ses premières études de la langue chinoise, on le chargea du vaste district de Ta-tsiou qui comprenait, outre sa circonscription actuelle, une grande partie du Se-tchoan méridional. Il déploya dans son administration une remarquable activité.
En 1843, son évêque Mgr Pérocheau, après avoir inutilement proposé la coadjutorerie à deux autres missionnaires, la lui offrit ; il l'accepta ; il n'avait que 30 ans. Le 28 avril 1844, dans l'oratoire privé d'une famille chrétienne de Ho-kia-in, il fut sacré évêque de Sinite, et, à dater de ce jour-là, il ajouta à ses prénoms celui de Joseph. Dès lors, il s'occupa tout particulièrement des chrétientés de l'est et du sud de la province, et se fixa à Tchong-king. Cette même année, fut signé entre la France et la Chine le traité de Whampou, qui accordait quelque protection aux missionnaires, et qui fut suivi d'un édit favorable aux chrétiens ; le nouvel évêque essaya de faire passer en pratique les clauses de ces deux actes.
Le 27 mars <1. Et non le 13 août, comme il est dit par erreur dans la 1re partie du Mémorial, p. 543.>> 1846, le Kouy-tcheou ayant été détaché du Se-tchoan, et érigé en mission distincte, il en fut nommé vicaire apostolique le même jour ; il refusa, préférant rester au Se-tchoan. Il travailla à la division de cette province en plusieurs vicariats apostoliques, et obtint, le 2 avril 1856, la création des vicariats du Se-tchoan septentrio-occidental et méridio-oriental, par le bref Cupientes pro supremi (Jus Pont. de Prop. Fid., vi, 1re part., p. 251). Un acte du 4 avril 1856 (Alias jam dudum, Ib., vi, 1re part., p. 252) le nomma vicaire apostolique du Se-tchoan oriental, et lui donna le pouvoir de choisir le vicaire apostolique de Lhassa, ce qu'il fit avec plus d'empressement que de bonheur. Une nouvelle division eut lieu le 6 janvier 1858 ; elle laissa au Se-tchoan oriental environ 21 000 catholiques.
Lors de l'expédition anglo-française en Chine, 1857-1858, Desflèches jugea bon de s'occuper des questions politico-religieuses qui s'agitaient. Il se rendit à Hong-kong, alla à Chang-haï demander au consul français sa protection pour quelques chrétiens du Se-tchoan qui avaient été emprisonnés, et finalement partit pour la France dans l'espoir d'intéresser l'Empereur à la cause des missions de Chine. Après avoir exposé à Napoléon III, dans une audience à Biarritz, la nécessité d'entretenir à Pékin une représentation permanente pour protéger nos intérêts nationaux, il se rendit à Rome et obtint par le bref Pastoralis officii (Jus Pont. de Prop. Fid., vi, 1re part., p. 307) du 24 janvier 1860, que la mission du Thibet fût formée exclusivement du royaume de Lhassa, et que le Se-tchoan méridio-oriental fût divisé en deux vicariats : le Se-tchoan oriental qui resta à peu près tel qu'était l'ancien vicariat, et le Se-tchoan méridional qui reçut de la mission du Thibet tous les territoires chinois qu'elle renfermait. Il demeura à la tête du premier.
En retournant en Chine, il passa dans l'Inde et prit part à la réunion que plusieurs évêques tinrent en décembre 1859, à Salem, pour la révision du Règlement général de la Société des M.-E. Ayant regagné le Se-tchoan, il s'appliqua à augmenter les moyens d'évangélisation, ce qui lui semblait relativement facile, grâce au traité de 1860. Il envoya un de ses missionnaires, M. Vinçot, visiter officiellement les mandarins de diverses préfectures ; il annonça lui-même publiquement aux païens les vérités chrétiennes et établit des familles catholiques dans les centres importants d'où les prêtres risquaient d'être repoussés.
La persécution s'éleva et aussitôt s'étendit ; en 1863, elle s'attaqua à l'évêque et à sa résidence qui fut détruite. Desflèches alla réclamer à Pékin, et la légation française lui obtint des réparations. Revenu à Tchong-king, il releva sa résidence, réorganisa la prédication, et multiplia les tentatives pour fonder le poste de Yeou-yang où M. Mabileau fut massacré en 1865.
En 1866, il lança un mandement qui contenait un résumé du catholicisme, et le tao-tay (gouverneur d'une partie de la province) donna l'ordre de l'afficher dans chaque marché. En février 1869, il en publia un second, composé de manière à faire connaître la religion aux païens. En cette même année, il partit pour le concile du Vatican, fit partie de la commission des évêques de Chine chargée d'étudier les affaires des missions, prit part à l'étude de la révision du Règlement général de la Société des M.-E., et se montra peu disposé à le modifier.
Revenu en France, il remit au gouvernement une réfutation des calomnies accumulées contre les missionnaires de Chine dans le Memorandum. En mai 1872, il était de retour au Se-tchoan oriental, et deux mois après on le revoyait à Pékin, où il faisait justice des calomnies dont les païens entouraient la mémoire du missionnaire Rigaud, massacré en 1869 à Yeou-yang. Il entreprit ensuite une visite pastorale dans la préfecture de Siu-tin. Un grand mouvement de conversions se dessinait, quand, en 1873, surgit une nouvelle persécution, dans laquelle furent massacrés MM. Hue, prêtre français, et Tay, prêtre chinois. Sur les instances de l'évêque, le chargé d'affaires de France à Pékin, de Rochechouart, envoya au Se-tchoan le secrétaire de la légation, de Roquette. Ce dernier réussit à négocier avec le vice-roi un arrangement, qui ramena un peu de tranquillité.
Au milieu de ces difficultés, Desflèches continua ses travaux, fit installer de nombreuses pharmacies, s'efforça de développer l'uvre des baptiseurs ambulants, agrandit le petit et le grand séminaire, institua un probatorium. Pendant son épiscopat, il ordonna prêtre une trentaine de Chinois. On lui doit également, à Tchong-king, l'uvre de la conversion des mendiants, celle du baptême des adultes en danger de mort, et la société dite du Purgatoire, en faveur des défunts.
En avril 1876, les païens rouvrirent les hostilités contre la religion, et pendant plusieurs mois, les stations eurent fort à souffrir. En outre, pour décourager l'évêque et le perdre dans l'opinion publique, les mandarins, après avoir acheté deux de ses secrétaires chinois qui le trahirent, essayèrent de prouver que sa présence était un élément de troubles. Le prélat partit pour Pékin, puis pour Rome en 1878, afin de se disculper. Cependant, le gouvernement français ayant déclaré son retour à peu près impossible au Se-tchoan, il demanda un coadjuteur (1882), et l'année suivante il donna sa démission de vicaire apostolique. Léon XIII l'éleva, le 20 février 1883, à l'archevêché de Claudianopolis, et l'attacha, en qualité de consulteur, à la S. C. de la Propagande.
Desflèches habita à Rome pendant quelque temps. Il avait une grande dévotion aux âmes du Purgatoire, aussi sachant qu'en Espagne, en Portugal et dans les pays qui en dépendent, les prêtres, en vertu d'un privilège accordé par Benoît XIV, peuvent célébrer trois messes le jour de la Commémoraison des fidèles trépassés, il essaya de faire étendre ce privilège à l'Eglise entière. Il écrivit plusieurs milliers de lettres, et multiplia les démarches dans ce but. Aidé de zélés coopérateurs, il réunit plus de mille adhésions épiscopales. Ces demandes n'eurent pas le résultat espéré.
En 1885, il se retira au sanatorium des M.-E. à Hyères, et en 1886, à celui de Montbeton ; il y succomba le 7 novembre 1887. C'était un prélat pieux, énergique, très actif, que rien n'effrayait, ni n'arrêtait. On lui a parfois reproché d'engager et de soutenir trop de procès.
Nécrologie
NÉCROLOGE
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MGR DESFLÈCHES
ARCHEVÊQUE TITULAIRE DE CLAUDIANOPOLIS
ANCIEN VICAIRE APOSTOLIQUE DU SU-TCHUEN ORIENTAI.
Né le 13 février 1814.
Parti le 15 mai 1838.
Mort le 7 novembre 1887.
M. Eugène-Jean-Claude Desflèches naquit à Jonage (Isère), le 13 février 1814, d’une ancienne famille dont il s’est plu lui-même à retracer l’arbre généalogique, en remontant à 1700. Son père était grand propriétaire et faisait le commerce des grains, sa mère, une de ces femmes fortes, le modèle des mères chrétiennes.
« Dans sa famille, dit la Semaine religieuse de Grenoble, à qui nous empruntons plusieurs détails de cette notice, la foi était héré¬ditaire et robuste ; la charité s’y exerçait largement ; on a vu autour de leur table hospitalière jusqu’à trente pauvres à la fois. Il eut dix sœurs dont il n’a connu que six, les autres étant mortes en bas âge, et deux frères ; il fut le treizième et dernier enfant de cette famille patriarcale, que Dieu comblait de tant de bénédictions en lui donnant cet illustre rejeton dont la gloire devait rejaillir sur elle : vrai Benjamin, fils de la droite, enfant de prédilection, nouveau Paul, sur les traces duquel il devait marcher, en lançant comme lui des flèches d’amour dans le cœur des peuples lointains, pour faire tomber leur orgueil aux pieds du divin Roi. »
Dès l’enfance, on put remarquer en lui cette ardeur au bien et cette ténacité de caractère, qui devait plus tard lui faire entreprendre de si grandes choses. Un trait, qu’il aimait à raconter lui-même à ses mis¬sionnaires : « Un jour, on m’avait envoyé paître une chèvre. Celle-ci effleurait d’abord tranquillement l’herbe qui se rencontrait devant elle ; puis tout à coup un caprice la prend ; elle se précipite d’une course folle vers quelque bourgeon plus tendre qu’elle convoitait à l’autre extrémité du pâturage. Plus forte que moi, elle m’avait renversé, et me traînait au bout de la corde à travers pierres et ronces... J’en étais tout ensanglanté. Un brave homme qui passait se mit à me crier : « Lâche donc, petit, lâche donc la corde. » Mais moi, crai¬gnant de perdre ma bête, de lui répéter tout en roulant : « Non, non, je ne lâcherai « point. »
« Il perdit son, père de bonne heure, et fut à neuf ans conduit à Lyon, et confié aux soins de sa tante paternelle, Mme Deguerry, mère de l’abbé Deguerry, curé de la Madeleine, un des martyrs de la Commune. Ses études littéraires terminées au petit séminaire de Verrières, il revint à Grenoble et y fit ses cours de théologie.
« Vers l’âge de treize ans, enflammé d’un beau zèle pour voler au secours d’un peuple en détresse, il s’évadait secrètement du petit séminaire, pour aller se présenter à un capitaine de recrutement qui passait, et le suppliait de l’enrôler parmi les volontaires de l’expédi¬tion de Grèce. Comme on le pense bien, il fut trouvé trop jeune et débouté de sa demande. Dieu l’appelait à une milice bien autrement noble, difficile et glorieuse. »
Il était diacre quand il entra au séminaire des Missions-Étran¬gères, au mois d’avril 1837. Ordonné prêtre à la fin de la même année, il partit le 15 mai 1838 pour la mission du Su-tchuen. En attendant les courriers qui devaient l’introduire en Chine, M. Desflèches fut chargé de continuer, à la procure de Macao, l’éducation ecclésiastique de deux jeunes Coréens, André Kim et Thomas Tchoi. Bientôt des bruits de guerre, menaçant la colonie portugaise, l’obli¬gèrent de se réfugier à Manille avec ses élèves. Les courriers atten¬dus étant enfin arrivés à Macao, il alla les rejoindre, et partit sous leur conduite à travers la province de Canton. Il arriva au Su-tchuen en février 1840.
« Le nouveau missionnaire, écrit M. Bonnet du Su-tchuen oriental, se mit avec ardeur à l’étude de la langue chinoise qu’il parla plus tard avec tant de naturel et d’élégance. Quelques mois lui suffirent pour être à même de prêcher et d’administrer les sacrements. On lui confia un district considérable : plusieurs journées d’étendue et plus de deux mille confessions annuelles. Le zèle dont il était dévoré commençait alors à se manifester ; il ne se contentait pas de soigner avec la plus grande sollicitude les brebis de son troupeau, il pour¬suivait encore avec ardeur la conversion des infidèles, et y employait toute son industrie. »
D’une immense étendue, cette mission comprenait encore à cette époque, outre la province entière du Su-tchuen, le Yun-nan et le Kouy-tcheou. Elle avait à sa tête l’illustre évêque de Maxula, Mgr Perrocheau, prélat aussi recommandable par sa science que par sa vertu. Son coup d’œil sûr eut bien vite discerné le trésor que la Providence lui envoyait dans ce jeune missionnaire, de santé frêle, mais d’une indomptable énergie. Dès 1843, il le choisit pour coadju¬teur. L’élu n’avait pas trente ans ; on n’avait pas songé à se munir d’une dispense d’âge, il fallut retarder le sacre jusqu’à l’année sui¬vante. Il eut lieu le 28 avril 1844, en la fête du Patronage de saint Joseph, dans l’oratoire privé d’une famille chrétienne de Ho-kia-in.
« Le jour de sa consécration, continue M. Bonnet, Mgr Desflèches prit le nom de Joseph, par dévotion au père nourricier du Sauveur, patron spécial de la jeune Église de Chine. Il semble avoir été inspiré, quand ce même jour il prit pour blason : un navire voguant à pleines voiles sur une mer agitée ; au-dessus, et comme bravant la tempête, une étoile brillante. Symboles frappants des orages qui devaient sans cesse troubler sa vie épiscopale, de son entrain à mar¬cher en avant toujours et quand même, et de sa foi toujours ra¬dieuse. Une fois coadjuteur, selon l’usage de la mission, il fut plus spécialement chargé des chrétientés de l’est et du sud du Su-tchuen ; il vint aussitôt fixer sa résidence à Tchong-kin-fou, ville principale du Su-tchuen oriental. Cette année même, M. de Lagrenée obtenait du Céleste-Empire un traité par lequel il était permis aux sujets chinois d’embrasser la religion chrétienne. On défendait encore, il est vrai, aux missionnaires européens d’aller prêcher l’Évangile dans l’intérieur, en dehors des cinq ports ouverts au commerce. Mais c’était déjà un grand pas de fait vers la liberté. On peut dire que la vocation du nouvel évêque fut de faire passer en pratique les clauses de ce premier traité, favorables aux chrétiens, et plus tard celles du traité de 1860.
« Combien de travaux, de douleurs, de déboires et de fatigues exigeait une semblable mission ? Le vénérable défunt que nous pleu¬rons pourrait seul le dire. Sa vie apostolique de près d’un demi-siècle n’a été qu’une longue chaîne de tribulations, d’ennuis et de douleurs, à peine interrompue çà et là par quelques jours de succès, ou plutôt d’espérances trop souvent déçues. D’une activité infati¬gable, il était debout chaque jour à quatre heures du matin, et ne perdait pas un instant de la journée jusqu’à dix heures du soir. Par son exemple, autant que par ses paroles et par ses lettres, il enflammait le zèle des prêtres, soit européens, soit indigènes qui lui étaient plus spécialement confiés, et veillait à leur procurer chaque année la retraite ecclésiastique.
« Puis, afin de préparer un clergé indigène zélé et nombreux, pour le jour qui semblait proche où la Chine s’ouvrirait sans obstacle à la prédication évangélique, il fonda un probatorium et un collège ecclésiastique, et quelques années après, un grand séminaire. De ces établissements, plus accessibles que le collège de Mou-pin, sont sortis plus de quarante prêtres, dont une trentaine ont été ordonnés de ses mains.»
Déjà le Yun-nan avait été détaché de la grande mission ; à la fin de 1846, Mgr Desflèches apprit qu’il venait d’être nommé Vicaire apostolique du Kouy-tcheou, érigé en mission distincte. Il redoute la charge, préférant rester simple coadjuteur, mais il fera « ce que le bon Dieu voudra ». Mgr de Maxula ne consentit point à se priver de son concours, il demanda à Rome et obtint que cette nomination fût annulée.
Malgré ces démembrements successifs, la mission du Su-tchuen paraissait encore trop étendue à l’évêque de Sinite. Il espérait, en multipliant les centres d’action, donner une nouvelle impulsion à l’œuvre d’évangélisation. Après plusieurs années de continuels efforts, il obtint enfin de Rome le décret d’une première division. En 1856, la partie méridio-orientale de la mission fut confiée à ses soins. Ce n’était point tout ce qu’il avait demandé : il avait espéré l’érection simultanée de deux nouveaux vicariats, surtout il eût voulu rester coadjuteur ; il accepta toutefois le sacrifice qu’on lui imposait.
En 1858, le soin de sa santé l’oblige d’entreprendre le voyage de Hong-kong. Sur le point de regagner sa mission, il apprend que plusieurs chrétiens viennent d’être jetés en prison. Sur-le-champ, il part pour Chang-hay demander la protection du consul de France, puis de là il s’embarque pour l’Europe, afin d’exposer à Napoléon III la nécessité d’entretenir à Pékin une représentation permanente, qui protège nos intérêts. A Rome, où il va déposer aux pieds de Pie IX l’hommage de sa vénération, il plaide si bien sa cause qu’il obtient la nouvelle division si désirée de son vicariat. Sa mission remplie, il regagne la Chine et, le 8 septembre 1861, il sacre Mgr Pichon Vicaire apostolique du Su-tchuen méridional.
C’est à cette époque qu’on commença à publier, dans les provinces, les clauses du traité signé à Pékin en 1860. Ce traité accorde : 1º en¬tière sécurité pour leurs personnes et leurs biens, et libre exercice de leur culte, aux membres de toutes les communions chrétiennes ; 2º protection efficace aux missionnaires européens, qui pourront désormais se rendre dans l’intérieur.
« Alors le zèle de Mgr de Sinite ne connut plus de bornes. A son avis, c’était l’ère de Constantin qui s’ouvrait. Il fallait, sans retard, employer tous les moyens de propagande qui paraissaient pro¬mettre quelque succès. Dès l’abord, enrôlant parmi les anciens chrétiens ceux qui avaient quelque éloquence, et à qui leurs affaires per¬mettaient de s’éloigner pour quelque temps du foyer domestique, il les envoya dans toutes les villes, bourgades et marchés accessibles du vicariat prêcher la vérité évangélique, et publier l’édit impérial qui permettait de l’embrasser.
« Puis, pour faire sanctionner par la pratique l’ordre récemment émané de la cour, qui obligeait les mandarins de recevoir les mission¬naires avec honneur, il envoya M. Vinçot visiter officiellement les préfets de divers districts.
« En plusieurs endroits, il ne craignit pas de monter lui-même sur les tréteaux du théâtre, pour annoncer aux païens la bonne nouvelle ; et dans ces excursions, il a trouvé un bon nombre d’âmes dociles à sa voix.
« Ailleurs, dans des centres importants de commerce ou d’indus¬trie, où la religion était inconnue, et où les prédicateurs n’auraient pas été favorablement reçus, il établit, avec les fonds nécessaires à un petit négoce, des familles chrétiennes qui, par leurs bons exemples et leurs conversations, devaient attirer les âmes à la foi. Combien de stations importantes ont été ainsi formées !…
« On n’en finirait pas si on voulait énumérer toutes les indus¬tries que son zèle lui suggérait. La propagation de la foi l’occupait nuit et jour : c’était le thème de toutes ses conversations, l’objet de tous ses désirs, le but de toutes ses prières et mortifications.
« Dès ce moment, Mgr Desflèches visa à réaliser dans son vicariat ce double but : 1º ouvrir, coûte que coûte, à la religion, les deux préfectures de Kouy-fou et de Ieou-iang avec le pays montagneux de Tchen-keou, les trois seules régions de la mission dans lesquelles le christianisme n’eût pas encore pénétré ; 2º acquérir dans chacune des sous-préfectures du Su-tchuen oriental une maison pouvant servir à la fois d’oratoire, de pharmacie pour un baptiseur, et de ré¬sidence pour un prêtre.
« Ce dernier but a été complètement atteint, mais hélas, non sans tribulation : M. Hue a scellé de son sang , en 1873, le contrat de la dernière pharmacie qui manquât, celle de Kien-kiang. Le premier but a été tenté aussi avec quelque succès : Tchen-keou a maintenant quelques bonnes stations. Kouy-fou et Ieou-iang avec leurs sous-préfectures, après des prédications sans nombre auxquelles ont répondu d’abord des conversions en masse, entravées ensuite pendant dix ans par des persécutions annuelles, gardent actuellement un petit noyau de chrétiens, dont la ferveur ne le cède en rien à ceux des anciens districts.
« Mais, si l’évêque était actif, le démon ne dormait pas. Dès les premiers temps de l’évangélisation de Ieou-iang, trois ou quatre prêtres indigènes avaient été saisis avec leurs catéchistes par les païens, et soumis aux plus douloureux et honteux traitements. M. Ey¬raud, envoyé comme renfort, avait fini par être pris aussi en 1862. Dépouillé de ses vêtements, il fut indignement battu et menacé de mort.
« A Foug-tou, la persécution sévissait plus atroce : toutes les familles chrétiennes avaient été pillées, trois néophytes tués. A Pen¬-chouy, les chrétiens étaient pillés et chassés de leurs demeures ; un baptiseur, sur son refus d’apostasier, était massacré.
« Un an après (1863) la persécution plus audacieuse s’attaque à l’évêque lui-même, et menace du coup la mission tout entière. L’Empereur de Chine, en compensation des oratoires perdus dans les grandes persécutions de Kien-long et Kia-kin, venait de faire à l’église le don d’une grande pagode, Tchang-gan-se. Située au som¬met d’une colline, au centre même de Tchong-kin, cette pagode était regardée comme le palladium de la cité. A cette nouvelle, les païens s’ameutèrent et se précipitèrent sur la résidence épiscopale, qu’ils démolirent de fond en comble. Au fort de la bagarre ; des chrétiens parvinrent à se faufiler auprès de l’évêque, qui s’était retiré dans un grenier. Ils l’exhortèrent à céder un moment à l’orage, et le condui¬sirent secrètement vers une porte dérobée. Un palanquin à deux porteurs était là pour le recevoir et le conduire, à la suite d’un convoi funèbre qui passait par hasard, jusqu’au probatorium de Chen-ken-¬tse, à trois lieues de la ville. Peu à peu le calme se fit et Monseigneur revint bravement à Tchong-kin ; puis, il partit pour Pékin, où la Léga¬tion française lui obtint quelque réparation, en vertu des traités. A son retour de la capitale, tous les mandarins civils et militaires, et bon nombre de notables, comme pour lui faire amende honorable, allèrent le recevoir en grande pompe à quinze lys de la ville.. Son âme magnanime le porta à demander le pardon, qu’il obtint, de quel¬ques notables, condamnés à mort comme chefs de l’émeute.
« La résidence rebâtie, Sa Grandeur se remit au travail avec plus d’ardeur que jamais, réorganisant partout la prédication. Les néo¬phytes de Ieou-iang, meurtris plusieurs fois coup sur coup par la persécution, erraient comme des brebis sans pasteur. Pour eux l’Église à peine entrevue, puis disparue, existait-elle encore ?… M. Mabileau, provicaire, fut envoyé à leur secours, relever les ruines et ramener les brebis au bercail. Le moment était critique ; les candi¬dats aux grades, soit littéraires, soit militaires des quatre districts de la région allaient être réunis dans la petite ville de Ieou-iang pour les grands examens.
« Le nouveau provicaire arriva heureusement à son poste. Mais, traité avec mépris par le mandarin, il eut bientôt à essuyer les raille¬ries et les insultes de la populace, et quarante jours après son arrivée, il fut massacré par une troupe de candidats aux examens, dans la grande pagode de la ville, le 29 août 1865.
« Cette nouvelle abreuva d’amertume le cœur de l’évêque, mais ne découragea pas le capitaine. Mgr de Sinite s’empressa de rem¬placer le soldat, qui venait de tomber si glorieusement, et de recom¬mencer l’attaque avec des forces plus considérables. Il envoya sur-le-champ à Ieou-iang deux missionnaires et deux prêtres indigènes.
« Quelques mois après (1866) un mandement s’adressant aux chré¬tiens, mais visant surtout l’instruction des infidèles, paraissait au nom du Vicaire apostolique de Su-tchuen Oriental, approuvé et scellé par le Tao-tay, lequel l’envoya aux préfets de sa juridiction, avec ordre de l’afficher dans chaque marché. Autre manière de prêcher l’Évan¬gile. Ce mandement disait en substance la vérité et l’origine du catholicisme, ses avantages pour chaque homme en particulier, pour la famille, pour la société, et proclamait hautement la liberté que venait de lui octroyer Sa Majesté L’Empereur de Chine. Les païens, soit curiosité, soit bonne volonté, faisaient queue pour le lire.
« Un autre mandement, à peu près semblable, parut dans les mêmes conditions officielles en février 1869, peu après le martyre de M. Rigaud, décapité pour la foi dans sa résidence de Ieou-iang, le 2 jan¬vier de la même année, avec cinquante chrétiens.
« La devise du regretté évêque semblait être : « En avant ! » — La même que celle de saint Paul : « Ea quœ retro sunt obliviscens. » « Cette nouvelle bosse fait rentrer les anciennes : on « n’en meurt pas, disait-il après quelque nouvelle persécution. » Et chaque année avait la sienne plus ou moins forte, à tour de rôle, dans l’une ou l’autre des 36 sous-préfectures.
« A propos de placards calomnieux affichés partout contre la religion, il disait : « Il nous « en pleut sur le dos depuis plus de 20 ans, ce qui ne nous empêche pas de nous bien porter. » Tant de cou¬rage et d’activité étaient la conséquence naturelle d’une inébran¬lable confiance en Dieu, et d’un zèle extraordinaire pour la conver¬sion des âmes.
« Ce zèle se manifestait de toutes les manières et s’étendait même à l’occasion jusqu’aux missions voisines. Bien des missionnaires des pays limitrophes de notre Su-tchuen Oriental se feront un devoir de déposer aujourd’hui sur cette chère tombe, avec leurs prières, les fleurs de leur reconnaissance. Pour ne citer que deux faits plus impor¬tants, on peut dire que c’est notre vénérable et regretté Père qui a commencé à organiser la mission du Kouy-tcheou, dont il a sacré les trois premiers Vicaires apostoliques. La mission du Thibet s’est aussi formée sur son initiative. C’est à sa demande que le Saint-Siège a érigé cette mission en vicariat apostolique ; c’est aussi de ses mains qu’a été sacré Mgr Thomine, premier évêque de cette ingrate contrée.
« En août 1869, répondant à l’appel de Pie IX, Mgr Desflèches se rendit à Rome pour les grandes assises du concile du Vatican. Il s’y montra un des plus zélés défenseurs de l’Infaillibilité pontificale. A un évêque français qui s’étonnait de ne le voir plus gallican il répondit : « En traversant l’Océan, j’ai jeté ce système à la mer. J’ai voyagé beaucoup, j’ai pu « voir de près bien des Églises ; j’ad¬ministre moi-même depuis longtemps une Église dans « une des contrées les plus reculées, et j’ai dû me rendre à l’évidence que le magistère « infaillible du Souverain Pontife est non seulement un dogme, mais une nécessité. »
« Sa présence en Europe ne fut point inutile aux missions. M. Thiers lui témoigna beaucoup de confiance. Sa Grandeur en profita pour présenter au gouvernement français une réfutation péremptoire des calomnies accumulées à plaisir contre les missionnaires de Chine, dans le fameux memorandum chinois. Il s’employa aussi à procurer aux négociations de l’ambassade chinoise, venue en France en 1871 pour les affaires de Tien-tsin, l’issue la plus favorable au bien des missions.
« Dans les premiers jours de janvier 1872, Monseigneur quittait Paris pour regagner sa mission, où il arrivait le 20 mai de la même année, après avoir accompli en passant, un pèlerinage en Terre Sainte.
« Toujours infatigable, il repartait deux mois après pour Pékin. Une grande et sainte cause l’y attirait ; notre glorieux martyr M. Rigaud et le prêtre indigène qui administrait Ho-che-ia au moment de la persécution de Ieou-iang en 1869, avaient été atro¬cement calomniés. Il fallait aller réfuter ces calomnies et obtenir, si possible, que les fausses pièces qui les contenaient fussent anéanties, ou du moins qu’on y joignit une pièce de réfutation, que le Tsong-ly-¬ya-men n’avait jamais reçue.
« A son retour de Pékin, il voulut voir par lui-même le pays de Ieou-iang éprouvé par tant de persécutions, et arrosé du sang de tant de martyrs. Ils ne craignit pas pour cela d’allonger sa route, et de prendre le chemin le plus abrupt pour revenir au Su-tchuen. Il écrivait de Ieou-iang le 30 janvier 1873 : « Je suis entré le 25 courant dans cette bonne ville, où je me trouve « en ce moment très tranquille avec MM. Hue, Provost, Lenoir, et Tay. Le pays paraît bien « disposé à notre égard. Les pauvres égarés reviennent de plusieurs côtés au bercail, et les « païens, en différents endroits, demandent à se convertir. » En effet, plusieurs chefs de milice rurale vinrent voir Sa Grandeur, et lui dirent que toutes les persécutions précédentes avaient pour seuls auteurs les mandarins, que le peuple n’avait agi que sous leur impulsion. En somme, ce voyage contribua beaucoup à la pacification du pays.
« A peine remis de ce long et pénible voyage, Monseigneur se mettait de nouveau en route pour la visite pastorale dans la préfecture de Su-tin, et il se réjouissait d’un mouvement extraordinaire de conver¬sions qui se manifestait dans chaque district, quand une nouvelle persécution éclata tout à coup. Le 5 septembre 1873, M. Hue et le prêtre indigène M. Tay furent assommés dans le prétoire de Kien¬-kiang, et leurs corps traînés par la populace à travers les rues de la ville.
« Pour le coup, Sa Grandeur fit entendre les plaintes les plus douloureuses ; son cœur était brisé. Mais son esprit, toujours inalté¬rable, ne songea qu’à tirer de ce douloureux événement le plus de profit possible pour la propagation de la foi. Cédant à ses instances réitérées, M. de Rochechouart, chargé d’affaires de France à Pékin, délégua M. de Roquette, premier secrétaire, et un chancelier, M. de Bezaure au Su-tchuen avec ordre de négocier auprès du vice-roi un arrangement qui, tout en octroyant quelque satisfaction à l’Église, pût donner à notre mission ce dont elle avait tant besoin, un peu de tranquillité pour travailler plus efficacement au salut des âmes. Ces Messieurs vinrent en effet, en février 1875 ; et leur entreprise, grâce surtout aux habiles démarches de Mgr Desflèches, eut une issue assez heureuse. Certes, ce ne fut pas sans peine. Les mandarins usèrent, pour déjouer les plans de l’évêque, de toutes les ressources de leur esprit tortueux et de leur chicane proverbiale : ruses, four¬beries, insultes, menaces, rien ne manqua. Mais l’évêque de Sinite ne s’en émouvait guère. « Je mourrai debout, en zouave, me disait-il avec l’ardeur d’un jeune homme, un jour « qu’il sortait de l’une de ces séances orageuses. » Il venait d’accomplir alors sa soixantième « année.
« En même temps, il consolait par ses lettres les confrères de Ieou-iang, voisins du champ de bataille où M. Hue venait de suc¬comber : « Patience et courage ! leur écrivait-il. Après « ette bourrasque, qui n’est qu’un coup de foudre isolé, va venir certainement une ère de beau « temps et de bon vent. »
« Hélas ! le bon vent fut bientôt contrarié par une nouvelle tem¬pête. Le 9 avril 1876, aux portes même de Tchong-kin, les canons de la milice rurale de Kiang-pee tonnent soudain avec fracas, et annoncent l’ouverture d’une persécution qui, pendant plusieurs mois, devait promener, aux quatre coins de ce district, le fer et le feu à travers les chrétientés nouvellement ouvertes, et devait même, sous peu, menacer sérieusement la résidence épiscopale avec la nombreuse station de Tchong-kin.
« Cette dernière fut heureusement épargnée ; mais plusieurs autres districts furent frappés, et tous plus ou moins menacés. Dans cet effrayant tourbillon, Sa Grandeur gardait son sang-froid et son inaltérable confiance en Dieu. Elle se multipliait pour prodiguer aux chrétiens persécutés les soins spirituels et corporels qu’exigeait leur détresse, et à ses prêtres, d’autre part, les consolations et les conseils. Il écrivait à quelques-uns, dans le temps même où tout semblait perdu : « Vous avez bien des localités où les païens sont bons, écoutant volontiers la « prédication ; c’est là qu’il faut pousser à la propagande, surtout par le moyen des convertis « de la veille. Laissez les endroits où il y a contre nous opposition, et des hommes puissants et « influents mal disposés. » Le moyen pour le soldat d’avoir peur, quand le chef, au lieu de raconter la défaite de la veille, lui commande une victoire pour le lendemain ?
« Au milieu de tant d’affaires, de travaux, de voyages, de persécutions, son âme restait toujours forte, toujours égale. C’est qu’elle était toujours recueillie sous le regard de Dieu ; c’est que son règle¬ment particulier fixait tous les détails de sa vie, et que ce règlement était observé avec la ponctualité d’un chartreux. Jamais aucun exercice de piété n’était omis. La sainte messe surtout était pour lui le grand œuvre qu’on devait accomplir chaque jour ; même dans ses plus longs voyages, il s’est industrié pour pouvoir offrir le saint Sacrifice tous les jours, tant sur les navires que sur les barques chinoises. Jamais aussi il n’a négligé sa correspondance avec ses missionnaires et les prêtres indigènes. « Ne manquez pas à la « consigne, écrivait-il, une lettre par mois. » Et il répondait toujours. Ses lettres sont un modèle du genre ; la collection complète remplirait bien vingt gros volumes in-folio.
« La Sainte Enfance était, après la Propagation de la Foi, son œuvre de prédilection. Outre les pharmacies qu’il était parvenu à établir dans chaque sous-préfecture et dans bien des marchés importants, il s’est efforcé d’agrandir et de faire prospérer l’œuvre des Bapti-seurs ambulants, fondée par Mgr de Maxula. Il en avait recruté toute une armée qui parcourait sans cesse les routes de la mission. Il fonda aussi à Tchong-kin l’œuvre de la conversion des mendiants, l’œuvre du baptême des adultes en danger de mort, et la société du Purgatoire, qui ne le cède en rien à ses sœurs d’Europe. Les âmes du Purgatoire étaient l’objet d’une de ses plus grandes sollicitudes. Dans les moments les plus critiques, cette dévotion s’avivait davantage encore dans son cœur . On raconte que pendant bien longtemps, il a lutté avec le bon P. Favand, alors procureur de la mission, à qui dirait dans la journée le plus d’oraisons jaculatoires ayant indulgences pour les trépassés.
« Cependant, les affaires de la mission de Kiang-pee traînaient en longueur. Les mandarins, jaloux de la prépondérance que Mgr de Sinite s’était acquise, formèrent le dessein de le perdre dans l’opinion et de le décourager, en différant le plus possible un arrange¬ment convenable, et en faisant secrètement continuer la persécution dans le pays de Kiang-pee. Les chrétiens en avaient été tous expul¬sés, maintenant il leur était défendu d’y rentrer sous peine de mort ou d’apostasie. L’évêque tenait bon quand même : il continuait à secourir l’indigence des persécutés et à soutenir leur courage, pensant pouvoir conclure plus tard un accord plus avantageux à la cause chrétienne. Alors les mandarins conçurent un projet certainement inspiré par le père du mensonge. Ils représentèrent en haut lieu que l’évêque de Sinite était un obstacle à l’arrangement des affaires.
« L’Évêque dut céder, et, obéissant au désir de la Propagande, il partit pour Rome, où il arriva vers l’Assomption de 1878. Sa justification fut facile. Le souverain Pontife et les cardinaux lui témoi¬gnèrent la plus grande sympathie. Un an plus tard, M. Bourée, Ministre de France à Pékin, publiait hautement que Sa Grandeur était la très innocente victime des mandarins. »
De Rome, il continuait à diriger sa mission, appelant de ses vœux l’apaisement des esprits et la conclusion des affaires, qui lui permet¬traient de regagner son poste, pour y travailler encore et y mourir. Mais Dieu en avait disposé autrement ; sa santé ruinée allait s’affai¬blissant chaque jour davantage. En 1882, il demanda et obtint un Coadjuteur dans la personne de Mgr Coupat, Évêque titulaire de Tagaste. Mais peu après, il fallut renoncer à l’espoir de revoir son cher Su-tchuen ; il remit alors entre les mains du Souverain Pontife sa démission de Vicaire apostolique. Pour le récompenser de ses longs travaux, S. S. Léon XIII daigna le promouvoir, le 20 février 1883, à l’Archevêché titulaire de Claudianopolis, et l’attacher en qualité de consulteur à la S. C. de la Propagande.
Déchargé de toute responsabilité, le vénérable archevêque n’a plus qu’une pensée, continuer par la prière le laborieux apostolat de toute sa vie. Chaque jour il visite les sanctuaires de Rome et passe sa ma¬tinée à entendre des messes. « Il veut, dit-il, suppléer à toutes celles qu’il n’a pu célébrer pendant sa vie de missionnaire. » Les fidèles que sa piété édifie ne le désignent plus que sous le nom de saint Évêque français.
Mais son cœur d’apôtre veut encore sauver des âmes. Impuissant à évangéliser les infidèles, il s’éprend d’un ardent désir de soulager les âmes du Purgatoire. Dans ce but, il entreprend de faire étendre à l’Église universelle le privilège dont jouissent les prêtres de l’Espagne et du Portugal, de célébrer trois messes le jour de la Com¬mémoraison des fidèles trépassés. Plus de 1,000 adhésions épisco¬pales encouragent son zèle, mais la mort l’arrête avant d’avoir vu la réalisation de son cher désir.
Retiré, depuis 1885, à Hyères d’abord, plus tard à Monbeton, Mgr Desflèches y continuait sa vie d’immolation et de prière. « Dès 5 heures du matin, écrit M. Lesserteur, à n’importe quelle saison il était à la chapelle, et n’en sortait pas avant 8 heures. Il assistait à toutes les messes que l’on y disait, et ce n’était pas une de ses moindres consolations de se trouver dans une maison où l’on offrait tous les jours plusieurs fois le saint sacrifice. Lorsqu’il était malade, il déployait une énergie extraordinaire pour célébrer lui-même, souvent au prix d’efforts prodigieux, le saint sacrifice. Je me souviens qu’une fois, lorsque nous étions à Hyères, il eut une attaque très forte à 3 heures du matin. Au bout de quelque temps, comme je vou¬lais lui faire accepter une infusion, que je savais devoir provoquer une réaction salutaire, il me pria de ne pas lui demander de la prendre, dans l’espoir qu’il ne serait pas privé du bonheur de célébrer la sainte messe. Je n’insistai pas et il eut le courage d’attendre, malgré sa faiblesse excessive, jusqu’à 19 heures sans rien prendre. A ce moment, reconnaissant qu’il n’aurait absolument pas la force de dire la messe, il demanda la sainte communion, et ce ne fut qu’après une longue action de grâces qu’il consentit enfin à prendre quelque chose.
« Monseigneur passait ses journées presque tout entières devant le Saint-Sacrement. Dieu seul connaît quelles étaient les effusions de son âme auprès du sacré tabernacle ; il m’est arrivé plusieurs fois de l’y trouver pleurant à chaudes larmes et ne pouvant contenir ses sanglots.
« Il s’intéressait au plus haut degré à tout ce qui touche à la vita¬lité de l’Église et à l’extension du règne de Dieu sur la terre, et il ne cherchait dans les journaux et dans les revues que ce qui avait trait à ce sujet.
« Monseigneur était le type de la bonne grâce et de l’amabilité. Quoique affligé d’une surdité à peu près complète (à l’aide d’un cornet il pouvait entendre ce qu’on lui disait à voix ordinaire) et quoiqu’il ne pût pas prendre part à la conversation des personnes au milieu desquelles il se trouvait, il n’était ni triste ni ombrageux, mais au contraire toujours gai et souriant. Sa charité pour le prochain était extrême. Il n’aimait pas entendre dire du mal même des ennemis de l’Église, et cherchait aussitôt, sinon à les excuser entièrement, du moins à diminuer leur culpabilité, et ajoutait toujours : « Il faut prier pour eux. » Il était plein de la déférence la plus respectueuse pour ceux qui, à ses yeux, étaient les dépositaires de l’autorité ; en même temps il témoignait la plus grande condescendance pour tous ses confrères, même les plus jeunes.Enfin, sa formule favorite était : « Que la sainte volonté de Dieu soit faite ! « Comme le bon Dieu voudra. »
« Pendant l’année qu’il passa à Hyères, il éprouva encore plusieurs attaques qui nous donnèrent bien des inquiétudes. Il envisageait la mort comme imminente, et s’attendait à être emporté dans une de ces attaques ; aussi, faisait-il toute et chacune de ses actions comme si elle était la dernière, et dès qu’il se sentait atteint, se hâtait-il de prendre ses disp
Références
[0441] DESFLÈCHES Eugène (1814-1887)
Bibliographie
Ces ouvrages ont été imprimés à l'imprimerie de la Sainte-Famille, Cha-pin-pa.
Tableau des sons et tons de la langue chinoise, avec la transcription orthographique vulgairement reçue dans les provinces de l'ouest. - In-fol., f. 1.
(Recueil de pièces administratives relatives au catholicisme). - In-8.
Revu par Mgr Desflèches :
(Grand dictionnaire phonétique), par un prêtre du Se-tchoan occidental. - In-8.
Notes bio-bibliographiques
C.-R., 1872, p. 34 ; 1874 (déc.), p. 9 ; 1875, p. 12 ; 1876, p. 6 ; 1877, p. 9 ; 1882, p. 27 ; 1883 ; p. 55 ; 1887, p. 78.
A. P. F., xviii, 1846, p. 470 ; xxxiii, 1861, Progrès de la mission, p. 432 ; xli, 1869, pp. 264, 270 ; xlvi, 1874, p. 84. - A. S.-E., vi, 1854, Nombre des enfants baptisés, p. 214 ; xv, 1863, p. 230 ; xviii, 1866, Les pharmacies, p. 87 ; xxi, 1869, Destruction d'une pharmacie, p. 364 ; xxii, 1870, p. 75. - M. C., ii, 1869, Massacre de M. Rigaud, p. 121 ; Ib., p. 129 ; iv, 1871-72, pp. 144, 298 ; v, 1873, Description géographique du Se-tchoan, avec carte dressée sous sa direction, p. 297 ; vii, 1875, pp. 238, 505 ; viii, 1876, p. 591 ; xiv, 1882, Nomination de son coadjuteur, Mgr Coupat, pp. 461, 472 ; xv, 1883, Sa nomination d'archevêque, p. 137 ; xix, 1887, p. 564 ; xx, 1888, p. 23. - B. O. P., 1892, p. 587. - A. M.-E., 1910, pp. 257 et suiv.
Sem. rel. Grenoble, 1868-69, pp. 583, 601 ; 1869-70, pp. 122, 201, 392, 692 ; 1870-71, p. 237 ; 1872-73, pp. 304, 509 ; 1873-74, p. 518 ; 1876-77, p. 144 ; 1887-88, Notice, pp. 174, 183, 197, 223, 238, 248, 261, 273, 284, 298, 305, 324. - Sem. rel. Arras, 1872-73, p. 334. - Sem. rel. Lorraine, 1865-66, Lettre sur la mort de M. Mabileau, p. 15. - Sem. rel. Nantes, 1865, Mort de M. Mabileau, p. 511. - Le Tour du Monde, 1er sem., 1873, p. 355.
Hist. des relat. de Chine, Tab. alph. - Hist. gén. Soc. M.-E., Tab. alph. - Hist. miss. Inde, Tab. alph. - Hist. miss. Kouang-si, Tab. alph. - Hist. miss. Kouy-tcheou, Tab. alph. - Hist. miss. Thibet, Tab. alph. - Les miss. cath. franç., iii, pp. 259, 269, 275, 276, 278, 322. - Journ. d'un miss. M. Roland, p. 133. - Voy. d'expl. en Indo-Ch., i, p. 540. - Act. et hist. du Conc., v, Notice, p. 155. - Arm. des Prél. franç., p. 253.
Collect., 3 juin 1876 : n° 1476.
Notice nécrologique. - C.-R., 1887, p. 199.
Biographie. - Mgr Desflèches, vicaire apostolique du Su-tchuen oriental [avec portrait]. Les Contemporains, n° 273, p. 13. - 5, rue Bayard, Paris, in-4, pp. 16.
Portrait. - M. C., xx, 1888, p. 18. - Act. et hist. du Conc., v, p. 160. - Voir Biographie.
Bibliographie:
DESFLECHES Eugène Mgr (1814-1887)
Tableau des sons et tons de la langue chinoise avec la transcription orthographique vulgairement reçue dans les provinces de l'Ouest / Desflèches. - Cha-pin-pa : Impr. de la S.F., [s.d.]. - 1 f. ; 2°.
Wu yin ji zi = Grand dictionnaire phonétique / par un prêtre du Se-tchoan ; revu par Mgr Desflèches. - [S.n.] : [s.n.], [s.d.]. - 8°.