Henri JOIRET1843 - 1897
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1008
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1869 - 1880 (Pondichéry)
Biographie
[1008] JOIRET Henri, Jean, Jacques naît le 8 décembre 1843 à Langon en Gironde et fait ses études au petit séminaire de Bordeaux. Il entre laïque au Séminaire des MEP le 18 janvier 1866 et est ordonné prêtre le 19 décembre 1868. Il part le 16 février 1869 pour la mission de Pondichéry.
Apostolat et professorat
Il est pendant deux ans préfet des études au collège colonial, puis vicaire à la cathédrale. A nouveau vicaire en 1872 à Vadouguerpatti (1) et en 1873 à Karikal (2), il est l’année suivante nommé professeur au séminaire-collège dans cette même ville.
En 1875, il est affecté à Tolourpatty (3), en 1877, à Salem, en 1878, à Paleam (4), puis, la même année, à Mayavaram (5) où il tombe gravement malade.
À la fin de 1880, il rentre en France, mais ne peut recouvrer la santé. Il emploie ses dernières forces à aider le procureur des MEP à Marseille. En même temps, il dirige plusieurs communautés religieuses de cette ville.
Il meurt pieusement à la procure le 8 avril 1897. Son corps, conformément à ses souhaits, est transporté au cimetière du sanatorium Saint-Raphaël à Montbeton dans le Tarn-et-Garonne.
1 – Près de Salem.
2 - L’un des cinq comptoirs français en Inde, ville côtière sur la côte de Coromandel au sud de Pondichéry.
3 – A l’ouest de Tiruchirappalli.
4 – Au nord ouest de Tiruchirappalli.
5 - Au nord ouest de Pondichéry.
Nécrologie
[1008] JOIRET Henri (1843-1897)
Notice nécrologique
M. Henri Joiret naquit le 8 décembre 1843, à Langon, au diocèse de Bordeaux.
De bonne heure, il donna des marques d’une angélique piété et d’une foi ardente qui le distinguèrent entre ses camarades et attirèrent sur lui l’attention d’un prêtre éminent de sa ville natale. Celui-ci le prit sous sa protection, et l’envoya au petit séminaire de Bordeaux, où il fit d’excellentes études. Henri était très bien doué sous tous les rapports ; on peut dire que ses qualités de cœur et d’esprit se sont développées jusqu’à leur parfait épanouissement, et ont accompli, à la plus grande gloire de Dieu, tout le bien qui pouvait ressortir d’une si riche nature.
Sur sa vocation à l’état ecclésiastique, bien déterminée, ne tarda pas à se greffer la vocation à l’apostolat chez les nations infidèles. Un ami d’enfance, Louis Beaulieu, langonnais comme lui, venait d’entrer au Séminaire des Missions-Étrangères. L’affection qui les avait unis étroitement dans leur jeune âge, se transforma en l’amitié de deux âmes emportées vers les plus sublimes aspirations. Louis Beaulieu entretenait par sa correspondance le feu sacré dans l’âme de son jeune compatriote. Mais des obstacles, qui paraissent insurmontables, arrêtent les élans de ce cœur généreux.
Un jour, Henri Joiret apprend la glorieuse nouvelle : la tête de son ami vient de rouler dans l’arène, sous la hache du bourreau ; Louis Beaulieu, après deux ans de mission, a cueilli la palme du martyr sur la terre de Corée !
Il n’y tient plus ! il lui faut briser les chaînes qui l’enlacent ; l’autorisation de son archevêque est enfin accordée. Il vole aussitôt vers ce séminaire des martyrs, auquel son ami vient d’attacher un nouveau fleuron de gloire.
Parvenu au comble de ses désirs, il se prépare, sous ce toit béni, embaumé des parfums de la plus exquise charité fraternelle, il se prépare dans l’étude et la prière aux rudes travaux de l’apostolat ; il rêve de marcher sur les traces ensanglantées de son aîné. La pensée du martyre le pénètre tout entier. Aussi, sous le coup de l’entbousiasme dont son cœur déborde, fait-il vibrer sa lyre, et chante-t-il, âme poétique si tendre, les combats et le triomphe de Louis Beaulieu :
Il connut mon enfance
Sa vertu m’attirait.
Quand il quitta la France
Mon cœur l’accompagnait.
Mais quand dans la Corée
Dieu l’eut fait parvenir,
Toujours dans ma pensée
Je le voyais martyr !
Trahi comme son Maître
Par un nouveau Judas...
C’est le baiser d’un traître
Qui le livre aux soldats
Louis!.., courbe la tête.
Tes vœux vont s’accomplir.
Vois, le glaive s’apprête,
A Dieu ! tombe martyr.
Mais si pour Louis ce fut le martyre du sang, pour Heuri ce sera le long martyre de la souffrance (1).
M. Joiret, destiné à la mission de Pondichéry, quitta la France en 1869. « Peu après son arrivée, écrit M. Fourcade, il fut pris comme compagnon de route par Mgr Laouënan qui partait pour une tournée pastorale. Pouvait-il mieux commencer sa carrière apostolique et avoir un meilleur maître ?
(1) Echo de Notre-Dame de la Garde, numéro du 18 avril 1897.
« Ce qui dut lui coûter, ce fut de ne pas savoir la langue : son ardeur méridionale aurait voulu se mêler à la foule des prédicateurs et des confesseurs. C’était curieux de le voir demander le détail des péripéties qui se passaient sous ses yeux et pousser de beaux éclats de rire, excités en lui par la bizarrerie des mœurs et usages indiens. Dans les moments libres, il se promenait avec l’alphabet, la grammaire, le manuel de conversation ; il accostait un prêtre indigène pour lui demander des explications, puis se mettait à lire et apprenait des phrases qu’il débitait au premier venu pour voir si on le comprendrait.
« Naturellement causeur comme une cigale, quoi d’étonnant à le voir souvent mêlé aux Indiens et tâchant de se faire comprendre tant bien que mal. La langue tamoule est de difficile prononciation. Une longue prononcée brève, et vice-versa, vous fait dire des choses dépourvues de sens, mauvaises, mal sonnantes. Quel supplice pour la langue et quelles évolutions elle doit faire ! Par exemple, pour prononcer un d, elle doit se tenir entre les dents, et un d double au fond du palais ; or, il arrive que ces deux d se suivent, jugez de la rapidité qu’elle doit mettre à se transporter ainsi de manière à bien prononcer. Ce n’est qu’après un long exercice qu’elle y arrive. Aussi je ne serais pas étonné que le jeune étudiant ait fait rire bien des fois ses interlocuteurs.
« Il y a de dures épreuves dans la vie apostolique. A son retour, Monseigneur nomma son compagnon préfet des études au collège. Nous, ses amis, qui connaissions ses aptitudes pour la parole, nous ne pûmes nous empêcher de lui offrir tous nos vœux pour l’obtention du silence. Il dut donc se faire violence, mais il se dédommageait quand il était avec nous. S’il est vrai de dire qu’un saint triste est un triste saint, on peut dire que sa gaieté inaltérable et débordante le faisait ressembler à l’aimable saint qui a dit les premières paroles de ma phrase.
« Deux ans se passent, il sort du collège. Après avoir été vicaire à Karikal, vicaire à la Cathédrale, il est envoyé à Toulourpatty, district perdu au milieu des bois, d’une très grande étendue, où ses membres trouveront plus d’exercice qu’ils ne voudront,
« Il succédait à M. Lap qui avait opéré dans ces parages de nombreuses conversions. Ces néophytes, tous de haute caste, avaient bien vite acquis la réputation d’être les meilleurs chrétiens du Vicariat.
« M. Joiret est dans son élément et déploie une activité tout apostolique. Aux champs déjà en culture il en ajoute d’autres et Toulourpatty qui, en tamoul, veut dire village qui bourgeonne, réalise véritablement son nom sous le rapport spirituel. C’est que le Père a tout ce qu’il faut pour réussir.
« Il parle le tamoul comme un Indien. De plus, il aime les hommes, il cause gracieusement, et sa parole ressemble à une fontaine intarissable et vivifiante. Personne n’est rebuté par lui ; les pauvres surtout l’émeuvent ; sa charité envers eux devient proverbiale. Chacun de ses chrétiens a lieu de se croire son ami particulier, tant il se dépense pour tous avec un entier dévouement !
« Les païens intentent des procès à ses néophytes. Il soutient ceux-ci devant les tribunaux et pour mieux les défendre et n’être pas trompé, il apprend à lire l’écriture hiéroglyphique des cours civiles. Les païens, les juges sont dans l’admiration, quand ils le voient lire couramment les pièces les plus indéchiffrables. Jamais missionnaire n’a pu arriver à cette perfection, tant ces écritures sont diaboliques !
« D’autres fois ses chrétiens sont persécutés ; les païens leur suscitent des vexations locales. Le Père relève le gant et menace de les poursuivre. Ils savent le sort qui les attend ; aussi viennent-ils se jeter aux pieds du missionnaire et lui promettent-ils de ne plus recommencer, s’il leur pardonne. Que d’incidents ainsi arrangés à l’amiable et qui font grandir sa réputation de lutteur infatigable et de cœur facile au pardon !
« Les choses en allaient ainsi, quand mourut à Mayavaram un vieux prêtre indigène, le P. Lazare. Par son intelligence, son activité et son savoir-faire, il avait conquis au plus haut point l’estime, le respect et l’affection de ses chrétiens, Mgr Laouënan comprit que, pour remplacer un prêtre si respectable, il fallait choisir un de ses meilleurs missionnaires. Malgré sa jeunesse, il jeta les yeux sur M. Joiret. Les événements prouvèrent que Sa Grandeur s’y entendait en hommes ; l’élu fut à la hauteur de sa tâche, puisqu’il sut faire oublier son vénérable prédécesseur. Pour cela, il n’eut qu’à continuer d’être aimable, bon et charitable. Il fut aimé, parce qu’il aima le premier. La charité débordait de son cœur, voilà la clé de ses succès dans le saint ministère. Il aimait son prochain, parce que son cœur était rempli d’amour de Dieu.
« Pour donner à Dieu le cœur de ses chrétiens, il déploya pendant quinze ans toutes les vertus apostoliques. Il était agréable au Seigneur, ne fallait-il pas que la tentation vînt l’éprouver ? Et quia acceptus eras Deo, necesse fuit ut tentatio probaret te. »
Le cher missionnaire voit sa forte constitution accablée de toutes parts à la fois : le cœur est malade ; l’estomac se détraque ; le foie se gonfle, et, pour comble de malheur, un serpent l’a mordu, qui laisse, malgré les soins immédiats, des traces fâcheuses dans l’économie de sa vie. C’est alors que son vicaire apostolique l’oblige à rentrer en France pour y rétablir sa santé si fortement ébranlée. Mais les années se succèdent sans apporter d’amélioration dans son état. Bientôt même il s’aperçoit que son côté droit est sous l’influence de la paralysie. Grâce au dévouement et aux délicates attentions d’un docteur de Dax, qui l’aima comme un fils, une santé relative se maintiendra dans ce pauvre corps usé. C’est ce qui lui permettra de travailler encore jusqu’à la fin de sa vie.
Retiré dans une maison de santé, il y eût passé son temps dans la souffrance et la prière, mais l’inaction eût été trop pénible pour sa nature expansive. Un ami, un ancien collaborateur dans la même Mission, demanda qu’il lui fût adjoint, et le bon Père Joiret vint s’installer à la Procure des Missions-Étrangères, à Marseille. En peu de temps, il se créa une petite occupation, dont son ardente charité fut le principal mobile. Presque toujours souffrant, mais souffrant avec une bonne humeur extraordinaire, il se sentait porté vers les malades et les infirmes. Dieu seul connaît tous les cœurs meurtris, toutes les âmes affligées que la vue de ces souffrances supportées avec tant d’énergie et de céleste joie a soulagés et fortifiés contre le découragement. On l’a vu, pendant plus de trois mois, plusieurs fois la semaine, se rendre auprès d’un malheureux dévoré par un cancer. Ces charitables visites apparaissaient au pauvre patient comme autant de rayons de soleil qui dissipaient la nuit de son désespoir. Le Père eut la consolation de lui rendre les derniers devoirs.
Le cercle de ses occupations s’étend peu à peu. L’autorité diocésaine lui confie la direction des âmes dans trois communautés religieuses. Prêtre d’une régularité exemplaire, il consacre les dernières années de sa vie à remplir ce nouveau devoir avec la plus ponctuelle exactitude. Rien ne l’arrête : ni ses souffrances, ni le mauvais temps. A l’heure indiquée, il est là pour remplir son ministère. Comme ailleurs, les membres souffrants de ces Communautés attirent plus particulièrement son attention. Aussi, ses fréquentes visites, sa parole brûlante d’amour de Dieu, l’oubli de ses propres souffrances, tout contribue à inspirer à ses malades des sentiments plus profonds de résignation à la sainte volonté de Dieu.
Heureuses occupations qui ont atténué la seule grande souffrance dont il n’a jamais ri, mais qu’il a su, comme toutes les autres, déposer au pied de la croix : se voir condamné à vivre et à mourir loin de sa chère Mission !
Le 27 mars, au matin, il est frappé de congestion cérébrale, mais conserve toute sa lucidité d’esprit. Il a compris ! « C’est le commencement de la fin, dit-il... Comme le bon Dieu voudra ! Songeons d’abord aux choses sérieuses. Je suis la mission de la paroisse depuis huit jours, je veux la clôturer dignement. » Un Père Rédemptoriste vient le confesser ; et le jour même il reçoit les derniers sacrements. « A présent, dit-il, me voilà prêt ; tout le reste, c’est l’affaire du bon Dieu. » Pendant les douze derniers jours, ses souffrances, surtout à la tête, ont été affreuses et continuelles, et pourtant son caractère enjoué ne s’est pas démenti un seul instant. On eût dit que sa charité s’ingéniait à rendre sa situation le moins pénible possible à son entourage. C’était encore, et comme toujours, l’oubli de soi-même qu’il a pratiqué avec un si généreux désintéressement.
C’est le jeudi, 8 avril, que le bon Père s’est éteint doucement, à une heure du soir, au moment où un de ses confrères lui suggérait cette prière : Seigneur, je remets mon âme entre vos mains. La sainte Église venait de célébrer les premières vêpres de la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs (1).
(1) Echo de Notre-Dame, id.
Références
[1008] JOIRET Henri (1843-1897)
Notes bio-bibliographiques.
— M. C., ii, 1869, Visite au roi de Vettavalam, p. 289. — L’Aquitaine, 1877, 2e sem., p. 183¬ ; 1878, 2e sem., p. 220¬ ; 1897, Son décès, pp. 253, 749. — Echo de N.-D. de la G., 1884, pp. 457, 468¬ ; 1897, Notice, p. 414.
Hist. miss. Inde, Tab. alph.