Jean PERNET1859 - 1887
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1535
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1883 - 1887
Biographie
[1535]. PERNET, Jean (Baptiste), vit le jour le 7 juin 1859 à Saint-Pierre d'Albigny (Savoie). Il sortait du séminaire de sa ville natale, quand il se présenta, encore laïque, au Séminaire des M.-E., le 28 septembre 1878. Il reçut l'onction sacerdotale le 23 septembre 1882, et partit le 8 novembre suivant pour la mission du Kouang-si.
Sa formation apostolique se fit à San-pan-kiao, où déjà il rendait des services, lorsque, le 5 octobre 1883, une bande de païens l'assaillit, le frappa, et pilla sa résidence. Emmené à Foung-foung-ling, il fut cruellement traité, et on ne le relâcha que huit jours plus tard. De nouveau il fut chassé de son poste en 1885, lors de l'expédition française au Tonkin et des hostilités contre la Chine. En 1886, après la conclusion de la paix, on lui confia le district de San-li, dans la préfecture de Siun-tcheou ; il y dépensa ce qui lui restait de forces, et y mourut le 9 mai 1887.
Nécrologie
[1535] PERNET Jean (1859-1887)
Notice nécrologique
M. PERNET
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU KOUANG-S I
Né le 7 juin 1859.
Parti le 8 novembre 1882.
Mort le 9 mai 1887.
M. Jean-Baptiste Pernet était né à Saint-Pierre d’Albigny, au diocèse de Chambéry, le 7 juin 1859. Ses études classiques achevées au séminaire même de Saint-Pierre, il entra le 28 septembre 1878 au séminaire des Missions-Étrangères. Après avoir terminé ses cours de théologie, il fut choisi comme socius du procureur de Rome, et passa l’année qui précéda son départ, dans la Ville Éternelle. De retour à Paris, il fut ordonné prêtre, et destiné à la mission du Kouang-si.
Dieu l’appela dès la première heure à rendre témoignage de son nom, et à souffrir persécution pour la justice. Il avait été donné comme compagnon à M. Lavest, chargé du district de San-pan-kiao. Sous sa direction, il s’occupait à l’étude de la langue et préludait aux travaux du ministère apostolique. San-pan-kiao donnait alors les plus belles espérances ; les conversions y étaient nombreuses, plusieurs villages appelaient de leurs vœux les missionnaires, on se promettait une abondante moisson. Laissant pour quelques jours à son confrère le soin de la chrétienté, des deux orphelinats et de quelques élèves latinistes, M. Lavest était parti dans les premiers jours d’octobre 1883, pour porter la bonne nouvelle dans les pays environnants. Le 5 du même mois, une troupe de deux à trois cents misérables firent subi¬tement invasion dans la résidence, pendant que M. Pernet célébrait la messe.
« Il était, comme il l’écrivit lui-même plus tard, un peu plus de cinq heures. Les chrétiens, les enfants des deux orphelinats, les maîtres et les gens de la maison récitaient les prières, comme à l’ordi¬naire, à haute voix. Soudain, une énorme pierre lancée sur le toit de la chapelle, enfonça les tuiles ; en même temps, les assaillants péné¬traient dans la maison en poussant des cris. Ils avaient leurs dra¬peaux, et afin de se reconnaître, ils avaient lié dans leur queue roulée sur la tête, une petite branche de feuillage. En un clin d’oeil, tous nos gens sont sortis de la chapelle. Mon servant de messe les imite, et je reste seul à l’autel. Ne connaissant rien de ce qui se passe à l’extérieur, j’hésite un instant, mais ne voyant plus personne, je prends mon calice, pour le soustraire à la rapacité des pillards. Sou¬dain la porte est enfoncée ; impossible de fuir ni de me cacher : les bandits se précipitent sur moi et m’entraînent au milieu de la cour. Mon étole et mon manipule sont mis en pièces, mon cordon arraché avec violence ; j’essaie de quitter mon aube, mais je reçois à l’instant force coups de sabre sur le côté, sur la poitrine, dans le dos et sur les bras. Je n’oppose pas la plus légère résistance. A ce moment, je vois entre les mains d’un brigand un des enfants de l’orphelinat. Je lui crie : « Ne crains rien, prie le bon Dieu. » Et en même temps je le bénis.
« De mon côté, j’implorais le secours d’En-Haut. Je croyais bien alors être sacrifié à la rage de mes persécuteurs. Le Ciel m’apparais¬sait ouvert pour me recevoir ; d’ailleurs, je me possédais parfaitement bien.
« Les misérables fendent mon aube par devant, au moyen d’un grand sabre ; mon amict, ma longue robe, mes autres habits, tout est arraché avec violence. J’ignore ce qui les a déterminés à me traiter de la sorte, ainsi que tous les gens de la maison ; car, chose inouïe, même les vieillards de soixante-quinze ans ont été dépouillés de tout, quoique les voleurs aient d’ordinaire quelque respect pour les per¬sonnes âgées et les enfants.
« Une forte corde sert à me lier les mains derrière le dos, et l’on m’attache à une poutre qui soutient le devant du toit de la salle d’étude des latinistes. Ma queue est roulée autour de la colonne. On m’avait ôté mes souliers ; mes bas avaient été épargnés. Je suis soumis ainsi aux outrages de tous ces malheureux païens. Je n’étais pas robuste en ce moment. Depuis mon arrivée en Chine, j’ai toujours souffert plus ou moins du climat, cependant la surexcitation produisit en moi comme un renouvellement de forces.
« J’assiste dans cet état au pillage de la maison et de la chapelle. Quelle douleur de voir briser cet autel où j’offrais le saint sacrifice, de voir arracher et déchirer les images, les tableaux !... Cette scène est une représentation de celles qui doivent se passer en enfer ! Le crucifix que je porte sur ma poitrine m’est enlevé ; on me laisse mon scapulaire, j’ai cru voir en cela une protection de la sainte Vierge. Tous les brigands, à peu près, sont venus à tour de rôle m’insulter, me tirer par les cheveux, par la barbe. Tous me demandaient ce que c’était que mon scapulaire ; les uns, même, pour exciter sans doute la cupidité des autres, disaient : « C’est une montre. » Aucun n’osa me le ravir. Dans le fond de mon cœur, j’en remerciai mon auguste Protectrice.
« Le pillage se continue avec le même acharnement. Il pouvait y avoir deux heures que j’étais attaché à la colonne, lorsque ces misérables me délient au milieu de menaces de mort et de clameurs prolongées. Ils me conduisent dans la salle de réception, où ils veulent me massacrer. Les sabres se lèvent, les lances se croisent, je me recommande au bon Dieu et je me dispose à mourir. A ce moment s’élève un conflit entre les brigands ; les uns veulent me tuer, les autres s’y opposent ; plusieurs m’entourent pour me protéger, pen¬dant que les autres se battent avec ceux qui ont juré ma perte. Dix à quinze minutes se passent ainsi entre la vie et la mort. Jamais mon âme n’a été plus tranquille ; j’étais arrivé à la réalisation de mes rêves. Cependant après de longues contestations, on me ramène à ma colonne ; j’y suis lié de nouveau et les injures continuent. On allume un grand feu à côté de moi ; j’ai cru qu’on allait me brûler ; j’avais presque horreur de ce supplice.
« Les brigands firent cuire leur riz et un de nos porcs qu’ils avaient tué sur place. N’ayant pas assez de bols, ils se servent de tuiles pour manger le riz qu’ils s’arrachent les uns aux autres. Quelle scène dégoûtante ! On m’offre du riz, je le refuse ; la vue de ces horreurs m’avait ôté tout appétit.
« Vers onze heures du matin, les persécuteurs se disposent à partir. Le mandarin de Quay-yun, prévenu dès sept heures et demie par le P. Guimbretière, aurait pu envoyer des soldats pour arrêter les coupables ; mais il les avait lui-même soudoyés, comme nous l’a démontré la suite, et il ne bougea pas.
« Les brigands me détachent de la colonne ; je marche tête nue, les mains liées derrière le dos ; on me presse d’aller vite, sous peine de me frapper. Je fais mon possible, ce qui ne les empêche pas de m’asséner plusieurs coups sur le dos. Quelques-uns me précèdent, portant triomphalement leurs drapeaux ; cinq à six m’entourent armés de fusils, de lances, de piques, de sabres et de grands couteaux. Les autres viennent par derrière emportant le butin.
« J’aperçois le long de la route plusieurs chrétiens effrayés, qui se cachent pour me voir passer. Il tombe une petite pluie fine qui pénètre mes membres. On me fait traverser les rizières et les mon¬tagnes ; partout les païens accourent sur mon passage pour m’acca¬bler d’injures.
« Après une lieue de marche, nous rencontrons une rivière, je prie l’un des pillards de m’enlever mes bas, qui avaient pris quantité de boue. Je fais encore trois lieues pieds nus, sur de petits graviers, si bien que mes pieds furent écorchés et enflèrent.
« Le soleil reparut et augmenta encore mon tourment. Ici, au mois d’octobre, en plein midi, la chaleur est insupportable. Les Chinois eux-mêmes ne sortent qu’avec des parasols ou de larges chapeaux. En temps ordinaire, et sans nécessité, j’évitais de sortir en plein midi, même avec mon parapluie ; autrement le soir même ou le lendemain, je ne manquais pas de sentir un violent mal de tête. Ce que je redoutais le plus ce jour-là, c’était une fluxion de poitrine, ou plutôt je m’attendais à être mis à mort.
« Nous arrivons près d’un village où l’on fait halte. Les pillards se divisent. Les uns vont à gauche, les autres demeurent là. Les habitants se pressent autour de moi pour me voir. J’ai été cependant l’objet d’un acte de charité presque héroïque. Pendant que tout le monde se rit de moi, un homme s’avance, me salue, me fait asseoir, invite les brigands à me délier, et, sur leur refus, il me délie lui-même. Il me fait apporter un peu de bouillie de riz. Je n’avais pas d’appétit ; il me répugnait aussi de manger en présence de cette foule mal intentionnée. Je refuse une première fois ; à la fin, je cède à ses instances et j’avale quelques gorgées d’eau de riz.
« Ce qui redoublait surtout les rires de la foule, c’était ma tresse postiche qui avait cédé aux tiraillements. Les voleurs l’avaient atta¬chée à la corde qui me liait les mains derrière le dos. Mes cheveux encore peu longs et en désordre excitaient la curiosité, et l’on ne m’épargnait pas les injures. Cet homme s’offrit à me tresser la queue ; j’acceptai avec reconnaissance, et aussitôt il me rend ce service. Dans mon cœur je demandai à Dieu d’accorder la grâce de la conversion à ce pauvre païen. Bientôt nous reprenons notre marche. Les bri¬gands veulent me lier de nouveau les bras ; cet homme s’y oppose en répondant de moi ; il essaie en même temps de me rassurer, en disant qu’il n’y a plus que quatre lys de distance.
« Vers trois heures du soir nous arrivons à Foung-foung-ling. Le chef de la bande nous avait devancés à cheval ; il me reçoit d’un air hautain, tout en ayant l’air de s’intéresser à moi. On m’apporte de l’eau pour me laver les pieds, et l’on me fait passer de mauvais souliers. On m’invite aussitôt à me rendre à l’arrière de la maison ; les brigands me suivent. Le chef m’adresse ainsi la parole :
« — Ceux qui t’ont saisi ce matin veulent te tuer ; je me suis porté garant de ta personne, et je te conduirai dans ton pays. Il faut nous donner de l’argent, sans cela tu seras exécuté.
— « Pour ce qui est de me rapatrier, lui dis-je, ce n’est pas ton affaire ; l’Empereur de la Chine m’a autorisé à venir prêcher la Reli¬gion au Kouang-si, je n’en sortirai pas. Quant à l’argent, tu le sais, je n’ai plus une sapèque, je ne puis t’en donner.
— « Il faut que tu en demandes à Quay-yun.
— « Le Père de Quay-yun ne peut me racheter, il n’a que le strict nécessaire.
— « Ecris donc à l’évêque.
— « Je ne sais pas si Monseigneur le pourra ; toujours faut-il plu¬sieurs dizaines de jours avant que je reçoive la réponse.
— « Eh bien, nous te garderons ici jusqu’à ce moment. »
« Je demande du papier, de l’encre et un pinceau chinois. Mon but était de profiter de cette occasion pour informer Mgr Foucard, notre vénérable Préfet apostolique, de ce qui s’était passé à San-pan-kiao. »
Après avoir en quelques mots, écrits au pinceau et à la hâte, an¬noncé à son évêque l’attaque dont il avait été victime dans la matinée, M. Pernet ajoutait : « J’ai fait à Dieu le sacrifice de ma vie, j’espère qu’il l’acceptera. Je vous prie de me bénir. Grâce à Dieu, je n’ ai a me reprocher aucune faute grave.
« Le pillage fini, j’ai été entraîné ici les mains liées derrière le dos. Je ne sais trop où je suis. On dit qu’à vingt-cinq ans il est dommage que je meure. On veut que je me rachète, mais impossible d’y pen¬ser. Ils exigent pour le moins mille taëls. Donc ma mort est décidée ! Deo gratias ! Le motif de la religion n’est pas étranger à ma mort. Je désire qu’elle serve au bien de la mission. Que le bon Dieu vous conserve longtemps au Kouang-si, et qu’il protège les missionnaires ! On m’a laissé mon scapulaire.
« Votre enfant soumis et obéissant jusqu’à la mort. »
« J. Pernet, missionnaire apostolique. »
Le voeu du généreux missionnaire ne devait pas être de sitôt exaucé. Après huit jours d’une captivité dont les Missions Catholiques ont publié alors les émouvants détails, il fut remis en liberté. Mais les coups reçus et les privations endurées avaient porté à sa santé une atteinte, dont il ne se releva jamais parfaitement. Envoyé au Sanatorium de Hong-kong pour se soigner, il eut à peine repris quelques forces qu’il voulut regagner son district. C’était à l’époque de la guerre franco-chinoise. M. Pernet partagea le sort de ses con¬frères du Kouang-si ; dès le 11 février 1885, il fut expulsé de sa mis¬sion et obligé de se retirer à Hong-kong.
Voulant mettre à profit le temps de ce repos forcé, M. Pernet demanda à être admis à la maison de retraite de Nazareth. Il y passa la plus grande partie de cette année, et s’y montra aussi édifiant dans la vie de recueillement et de prière, qu’il avait été courageux dans la lutte.
L’année suivante, dès que la cessation de la guerre permit aux missionnaires de reprendre l’œuvre interrompue, M. Pernet retourna au Kouang-si et fut chargé du district de San-li. Une moisson de 130 baptêmes d’enfants païens dit assez avec quel zèle il s’était remis à la besogne. Malgré son état de santé toujours précaire, il se dé¬pensait sans compter pour le bien de son district.
Au printemps de cette année, il se sentit très fatigué. M. Frays¬sinet qui venait de lui être donné pour compagnon, ne le quittait ni jour ni nuit, car il voyait ses forces diminuer à vue d’œil .
Averti de cet état M. Chouzy arriva aussi le 7 mai à San-li. Cette nuit-là même, le malade eut une crise qui donna à ses confrères l’éveil du danger prochain. On lui administra les derniers sacrements et la nuit suivante, M. Pernet rendait paisiblement son âme au Dieu dont il avait eu le bonheur de confesser le saint Nom. Qui confitebitur me coram hominibus, confitebor et ego eum coram Patre meo.
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Références
[1535] PERNET Jean (1859-1887)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1883, p. 39 ; 1884, p. 80 ; 1886, p. 82 ; 1887, p. 124 ; 1910, pp. 317 et suiv. - M. C., xvi, 1884, La persécution à San-pan-kiao, pp. 13, 14, 25. - Sem. rel. Chambéry, 1883, pp. 103, 153, 164.
Hist. miss. Kouang-si, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1887, p. 233.