Jean-Baptiste LAYGUE1879 - 1964
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2753
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1904 - 1953 (Vinh)
Biographie
[2753] LAYGUE Jean-Baptiste est né le 17 décembre 1879 à Orliac-de-Bar (Corrèze), fut admis au Séminaire des Missions Étrangères en 1902. Prêtre le 21 juin 1903, il partit pour la mission de Vinh le 11 novembre suivant. Après l’étude de la langue vietnamienne à Dông-thap, il fut chargé de la paroisse de Ke-dua, puis fut procureur de la mission de Xa-doai de 1910 à 1945. Détenu à Vinh de 1945 à 1953, il revint en France et fut aumônier de l'hospice de Treignac (Corrèze), puis, en 1962, se retira au sanatorium Saint-Raphaël de Montbeton, où il mourut le 9 août 1964.
Nécrologie
LE PÈRE JEAN-BAPTISTE LAYGUE
1879 - 1964
missionnaire de Vinh (Vietnam)
Jean-Baptiste LAYGUE est né le 17 décembre 1879 à Orliac-de¬-Bar, dans le diocèse de Tulle ; il était le troisième d’une famille de sept enfants. A 7 ans, il fréquenta l’école communale de son village ; mais devant l’incurie de l’instituteur, il fut obligé de se rendre à la paroisse voisine. En plus de ses heures de classe, il apprit le latin auprès du curé, car la maman aurait bien voulu que son fils devint prêtre ; mais son précepteur était plus fervent pour la pêche et la chasse que pour la grammaire latine. Néanmoins Jean-Baptiste réussit à entrer, à 12 ans, en cinquième au petit séminaire de Servières, sous la férule d’un professeur qui prisait fort les pensums.
En 1898, il entra au grand séminaire de Tulle, et il y revint en 1901, après avoir accompli son service militaire. Il y trouva alors un séminariste des Missions Etrangères de Paris, l’abbé CROZE, qui avait été envoyé à Tulle pour y terminer ses études théologiques. Sujet d’élite, celui-ci exerça une grande influence sur les séminaristes. C’est grâce à cette influence que J.-B. LAYGUE, ordonné diacre à Tulle en juin 1902, demanda à entrer au séminaire de la rue du Bac. Admis le 9 septembre 1902, il fut ordonné prêtre le 21 juin 1903 et affecté à la mission du Tonkin méridional.
Quand il arriva à Xa-Doài, siège du vicariat apostolique de Vinh, régnait une opposition ouverte entre l’évêque et les missionnaires, opposition qui ne prit fin qu’avec la démission de Mgr PINEAU. Le jeune P. LAYGUE apprit là à se montrer très discret et à se tenir sur ses gardes dans les conversations. Il fut bientôt envoyé à 40 kilomètres au nord, à Dong-Thap, chez son compatriote, le P. CHERRIERE, pour y apprendre la langue. Il le fit suffisamment pour pouvoir entretenir une conversation avec les habitants du pays ; mais il ne devint jamais un annamitisant distingué. La dysenterie l’obligea alors à passer près d’une année à Hongkong. Il commençait bien mal son apostolat, lui qui devait souffrir de l’estomac continuellement pendant près de 40 ans. A son retour dans sa mission, il fit deux ans de ministère dans une paroisse de nouveaux chrétiens, à Ke-Dua, dans le district même de Dông-Thap.
Aussitôt après le départ de Mgr PINEAU, il fut chargé de la procure de la Mission, et pendant près de quarante ans il allait occuper cette charge, à la satisfaction générale.
En qualité de procureur, il avait d’abord à tenir les comptes de la Mission et des missionnaires dans leurs rapports avec la Société. Il le fit avec une conscience professionnelle exemplaire, un savoir-faire minutieux, un goût de l’ordre et de l’exactitude qui lui valurent les éloges les plus flatteurs.
Il avait aussi à « procurer », moyennant finances, à tous les prêtres du vicariat apostolique ce qu’ils ne trouvaient pas sur place : farine, vin de messe, cierges. Ce rôle le mettait en contact permanent avec le clergé vietnamien, dont le nombre atteignait près de 200 en 1945. Et ce contact, sans être chaleureux, car le Père était assez froid de tempérament et peu expansif, restait très humain. On peut dire que le P. LAYGUE a joui continuellement, même aux plus difficiles moments, de la confiance totale des prêtres et des catéchistes, qui étaient pleins d’admiration pour son dévouement, son désintéressement, sa droiture, son équité. N’est-ce pas là le plus bel éloge qu’on puisse lui adresser ? Homme d’expérience, il savait adroitement leur donner des conseils, lorsqu’ils les lui demandaient.
Il avait surtout à présider aux destinées de la « nhà chung », ou maison commune, traditionnellement appelée « maison de Dieu »., qui comprenait l’ensemble des établissements communs de la Mission : l’évêché, la cathédrale et sa cure, la maison des retraites, l’hôpital, les trois séminaires. De tout le personnel de ces établissements il fallait pourvoir à la subsistance, ce qui n’était pas une petite affaire. Ennemi de tout gaspillage, il ne lésinait pas cependant sur la nourriture. Prévoyant, il avait toujours du riz de plusieurs années dans son grenier, et il était bien rare que vous ayez à table du riz de l’année en cours. Pour les séminaristes, il donnait du riz rouge, c’est-à-dire à peine décortiqué ; ce riz avait l’avantage d’être plus nourrissant et d’éviter le béri-béri ; mais il était, il faut bien l’avouer, beaucoup moins appétissant que le bon riz blanc de Thanh-Hoa. A l’occasion des retraites, le menu était copieux afin de faire oublier les repas plus frugaux des temps de disette.
Durant son « règne » furent construits l’hôpital, les grand et petit séminaires, le probatorium. L’hôpital groupait autour de la maison des sœurs une dizaine de petits pavillons sans étage, mais aux fondations surélevées, par crainte des inondations. Le grand séminaire avait été construit un peu dans le même style, de bâtiments légers pour le sol meuble qui les portait. Le petit séminaire, édifié à l’extrémité sud de Xa-Doài, comprenait deux grandes bâtisses à étage de conception moderne, de part et d’autre d’une belle petite chapelle. Une immense salle de récréation avait mis le point final aux constructions. Mais le tout avait été bâti sur un terrain mouvant ; les fondations avaient bien été chaînées, mais de petites lézardes commencèrent bientôt à se faire jour qui menaçaient à longue échéance l’édifice. Aussi un autre endroit fut-il choisi pour la construction du probatorium et de l’école des catéchistes ; ce fut à 30 kilomètres plus au nord, sur le bord de la mer. Les fondations ne reposèrent pas sur le roc, mais sur du sable tassé, qui forme une assise solide ; et de beaux bâtiments modernes s’élevèrent les uns après les autres, formant un ensemble harmonieux ; le P. LAYGUE y amenait régulièrement, avec sa camionnette, l’approvisionnement en riz et en sapèques.
Pour subvenir à toutes les dépenses du vicariat apostolique, le procureur recevait des subsides de l’extérieur de la Mission, en particulier des Œuvres Pontificales. Il gardait aussi le viatique des missionnaires ; il fut même un temps où il prenait la moitié des honoraires de messe. Il faut dire qu’en retour chaque missionnaire recevait gratuitement chaque année tout ce dont il était supposé avoir besoin, y compris son tabac. Mais une grosse partie des revenus venait des biens de la « maison de Dieu », dont les uns étaient gérés par les missionnaires chefs de district, et les autres dépendaient directement du P. LAYGUE.
La Mission de Vinh doit surtout au P. LAYGUE la création de la concession de Phu-Qui, à 100 kilomètres au nord de Xa-Doài, en pleine forêt vierge. Ce fut d’abord un travail de défrichement pour lequel il fit monter de la plaine des chrétiens en quête de travail. Suivirent des travaux de voirie pour tracer des chemins et jeter des ponts submersibles que n’emportaient pas les crues des torrents, puis des travaux d’aménagement du terrain, surtout par l’édification de barrages d’irrigation. De cette brousse il fit des rizières et surtout une belle plantation de café. Peu à peu il constitua plusieurs villages, en y faisant venir des familles de Xa-Doài. Au début l’adaptation fut rude, surtout à cause du paludisme et de la fièvre des bois. Mais le Père fit tout son possible pour y remédier par des médicaments. Il montait assez souvent à Phu-Qui, surtout lorsque l’évêque était en tournée de confirmation ; il y restait alors plusieurs jours, parfois la semaine, tant qu’il avait du pain à manger, car son estomac ne pouvait supporter le riz. Il contrôlait les travaux, donnait des ordres et veillait à la bonne marche, à la bonne santé de tout son monde. On ne saura jamais assez dire avec quel dévouement il a travaillé pour la Mission. Mais il ne s’intéressait pas seulement aux avantages de sa concession ; il s’occupait aussi de la vie matérielle et spirituelle de ceux qui la travaillaient. Que de services ne leur a-t-il pas rendus !
Lorsqu’il n’était pas en tournée sur ses domaines, le P. LAYGUE était chez lui, au premier étage d’une maison toute en bois. Vous frappiez à la porte du rez-de-chaussée, et vous aviez la surprise, surtout si vous étiez jeune missionnaire, de vous entendre, dire « vô » (entrez). Par un escalier à pic, vous grimpiez jusqu’au premier et là vous vous trouviez en présence d’un homme sec, au profil anguleux, assis à son bureau. Vous étiez toujours bien reçu, même si vous le dérangiez au beau milieu de son travail. Si vous arriviez de voyage, vous étiez invité à prendre un rafraîchissement qui était parfois plus que tiède ; il y avait bien un « frigo », mais il était en panne depuis le premier jour. Il vous écoutait, répondait simplement, sans essayer de faire des phrases. Il restait très discret, ne se mêlait pas de ce qui ne le regardait pas et se montrait peu avide de confidences. Il n’était pas un causeur disert, ne perdant pas de temps en paroles inutiles. Il s’éclipsait le plus tôt possible du réfectoire, lorsqu’il prévoyait que la séance risquait de s’éterniser. Mais si vous vouliez parler affaire, ou lui demander conseil, la réponse était claire et nette.
Dans ses relations commerciales, il se montrait soucieux des biens de la communauté. il entretenait d’amicales relations avec les colons et les commerçants, mais restait toujours et en tout très discret. Il n’acceptait jamais de partager leur repas, excipant des caprices de son estomac pour décliner toute invitation.
Son travail de procureur ne gênait pas en lui l’homme de prière. Malgré ses nombreuses occupations matérielles, il restait un prêtre rigoureusement fidèle à tous ses exercices de piété. Sa messe était dite de bon matin ; le soir, la journée était terminée par une visite à la cathédrale et la prière commune avec les chrétiens. Pour son bréviaire et son chapelet, on aurait dit un séminariste. Il prenait sa part des confessions, à la veille des grandes fêtes, et faisait lui-même l’administration spirituelle de ses concessions.
En 1945, il subit, comme les autres, le contrecoup du mouvement d’indépendance. Dès qu’il en eut reçu l’ordre, il livra volontiers ses comptes au clergé vietnamien, lequel continua à le consulter amicalement, n’ayant aucune raison de lui en vouloir. Pendant les huit années de concentration, il s’occupa avec soin des comptes des confrères et se montra toujours prêt à donner des conseils aux prêtres vietnamiens qui osaient venir le consulter. Pour le reste, il était, comme toujours, d’une piété exemplaire et d’une très grande discrétion. Un beau matin, une crise, faillit l’emporter ; son ulcère saignait abondamment. Vraiment il s’attendait à quitter ce monde ; il se prépara à la mort avec calme et passa toutes ses consignes. Brusquement l’hémorragie s’arrêta et il se remit peu à peu.
En 1953, il fut expulsé de Vinh, avec tous ses confrères. Il n avait pas revu la France depuis 50 ans. Dès son retour, il se fit opérer de son ulcère. Après quelques mois de repos chez son frère, il accepta d’assurer l’aumônerie de l’hospice de Treignac, dans la Corrèze. Là il se fit remarquer par son humilité profonde et son sens très net du devoir. Il était toujours ponctuel. Avec une grande régularité, il récitait chaque jour son bréviaire devant le Saint Sacrement ; chaque premier vendredi du mois, il assurait sa veillée de prières ; il disait continuellement son chapelet, l’ayant toujours entre les doigts, même au cours de sa promenade journalière de 4 ou 5 kilomètres le long des routes. Il se montrait bon et charitable pour le prochain tant dans ses paroles que dans ses jugements, et d’une générosité discrète pour les bonnes œuvres. On remarquait aussi son esprit de pauvreté et son sens de la mortification.
Son grand souci était d’être au-dessous de sa tâche. Néanmoins malgré sa timidité il faisait régulièrement la visite des malades. Il sut les intéresser à l’association des malades missionnaires et, chaque année, la journée des malades était particulièrement préparée à l’avance. En 1962, se sentant affaibli et craignant d’être à charge aux religieuses de l’hospice, il demanda à se retirer à Montbeton. Il fit part de son projet à temps pour que les sœurs puissent lui trouver un successeur. Puis il s’éloigna, le 8 mai 1962.
Jusqu’à ses derniers moments, il fut l’un des plus vaillants du sanatorium, il allait faire chaque jour une assez longue promenade sur la route. Cependant depuis deux ou trois mois, il ne sortait plus guère que dans le parc, son chapelet d’une main, son sécateur de l’autre, livrant une guerre sans merci aux ronces des haies. Et puis, le 9 août 1964 au matin, en se levant, il tomba dans sa chambre. Son voisin, le P. COURANT, l’aida à se recoucher. L’infirmier et le P. MILLACET passèrent le voir, et jusqu’au soir cela n’alla pas plus mal. Vers 10 heures, le P. MILLACET le trouva inanimé dans son lit ; il était encore chaud. Vite on lui fit une dernière onction ; et c’est ainsi que le P. LAYGUE s’en est allé sans bruit, comme il avait vécu.
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