Anatole DARRAS-DECLEMY1881 - 1926
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2930
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1907 - 1914 (Pondichéry)
- 1919 - 1926 (Pondichéry)
Biographie
[2930] Anatole Joseph Darras naît le 19 avril 1881 à Ardres dans le diocèse d'Arras, Pas-de-Calais. Après quelques mois de latin auprès du curé d'Ardres, il est envoyé au Petit séminaire de Notre Dame de Boulogne-sur-Mer où il reste sept ans. Il est également président de la Congrégation de la Sainte Vierge, attachée à ce Petit séminaire. Anatole gardera la dévotion à Notre-Dame de Boulogne jusqu'à sa mort.
Se sentant appelé à la vocation missionnaire, il entre laïque au Séminaire des Missions Étrangères le 10 septembre 1901. Il fait ses études théologiques à Penang au Collège général, tenu par les Pères des Missions Étrangères et c’est là qu’il est ordonné prêtre le 10 mars 1907. Il part pour la Mission de Pondichéry le 14 avril suivant.
Inde
Aussitôt arrivé en Inde, il est nommé au Petit séminaire de Pondichéry. Il sait se faire aimer de tous les élèves, mais surtout des tout petits. Il ne reste pas très longtemps dans ce Collège, car il est bientôt frappé d'une phtisie galopante. On lui administre les derniers sacrements. Un jour, on lui donne une potion à boire. C'est un désinfectant répugnant, s'il en est, auquel on mêle à de l'eau de Lourdes. Le malade vomit aussitôt. Un peu plus tard, on lui donne de nouveau à boire un verre d'eau de Lourdes, en lui conseillant de dire au préalable un Ave Maria et trois fois : Notre Dame de Lourdes, guérissez-moi. Le Père obéit. Et le miracle se produit : le jeune missionnaire à bout de souffle et condamné par les médecins de recouvrer toutes ses forces ! On l'envoie comme vicaire à la paroisse de Notre-Dame de Villenour (1) où il reste trois ans.
En 1914, c’est la grande guerre. Il est mobilisé et rappelé en France. Il a la consolation de célébrer la Messe et de communier avec tous les siens dans l’église de son village natal. Après la guerre, il revient à Pondichéry et est nommé dans le district d'Arni (2). Toutefois, l'administration d'une grande chrétienté effraie son âme craintive, et on l'envoie au Collège de Cuddalore (3) comme maître d'études. Au cours de ses vacances scolaires, il aime retourner dans les paroisses, visiter ses confrères et garder le contact avec les gens. Il veut être généreux avec tous alors qu’il vit dans une relative pauvreté. En effet, il ne reçoit à peu près rien en dehors de ses honoraires de Messe et de son viatique, mais il tient à faire le bien et se dépense jusqu'au bout pour la Mission.
Sa santé s’affaiblit. Le P. Darras souffre de fièvre et respire avec difficulté. Aussi va-t-il à Pondichéry où il arrive le 5 avril 1926. Il y est conduit à l'hôpital où les docteurs et les soeurs infirmières de St. Joseph de Cluny lui prodiguent tous leurs soins attentifs. La congestion pulmonaire dont il souffre s'aggrave. Le matin du 14 avril, le sang lui vient par les narines, il pousse un grand cri et rend son âme à Dieu. Ses obsèques sont présidées par le P. Gayet, vicaire général, au milieu d'une grande affluence de confrères et de fidèles.
En mourant, le P. Anatole Darras lègue à ses amis de beaux exemples de charité et de dévouement et le souvenir d'une vie missionnaire selon le coeur de Dieu.
1 – Un des villages du comptoir de Pondichéry. 2 – Arani aujourd’hui, au nord est de Pondichéry en direction de Vellore, aux Indes anglaises. 3 – Aux Indes anglaises, juste au sud de Pondichéry.
Nécrologie
M. DARRAS-DÉCLEMY
MISSIONNAIRE DE PONDICHÉRY
M. DARRAS-DÉCLEMY (Anatole-Joseph) né à Ardres (Arras, Pas-de-Calais) le 19 avril 1881. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 10 septembre 1901. Prêtre le 10 mars 1907. Parti pour Pondichéry le 14 avril 1907. Mort à Pondichéry le 14 avril 1907 ( ?).
Le 11 avril 1926, avant-veille de la quarante-sixième année de son âge, à l’hôpital colonial de Pondichéry, achevait sa carrière apostolique M. Anatole-Joseph Darras.
Il naquit à Ardres le 13 avril 1881. Son père, M. Anatole Darras, était camionneur dans une brasserie ; il avait épousé Marie Déclemy, pieuse jeune fille du village, exerçant la profession de modiste. Des trois enfants nés de cette union, un garçon et deux filles, Anatole était l’aîné. Si pendant son enfance il crut devoir se prévaloir de son droit d’aînesse pour exercer la patience de ses sœurs — ce qui lui valut plusieurs corrections soignées de la lourde main de son père — il devait être plus tard pour ces mêmes sœurs, très douloureusement éprouvées par la guerre, le consolateur béni et recherché, sachant doucement relever vers Dieu leurs âmes désemparées. Après quelques mois de latin auprès de l’ange gardien de sa vocation aujourd’hui curé-doyen d’Ardres, Anatole fut envoyé dès sa première communion, au petit séminaire de N.-D. de Boulogne-sur-Mer, où il resta sept ans. L’enfant sage et studieux remarqué par le Curé de son village devint le séminariste laborieux et fervent dont ses condisciples, la plupart prêtres et religieux, gardent encore aujourd’hui le souvenir. Pour Anatole également, le souvenir de cette maison bénie, encore et toujours pépinière de vocations sacerdotales et religieuses, restera bien vivant dans son cœur d’ancien président de la Congrégation de la Sainte-Vierge. L’image aimée de Notre-Dame de Boulogne présidera tous les jours sa méditation et ses exercices de piété ; il l’entourera de fleurs, et un « dernier memento » sera donné dans son testament au cher et toujours aimé directeur de la Congrégation du petit Séminaire.
La rhétorique terminée, Anatole Darras se sentant appelé à la vocation apostolique alla frapper, en septembre 1901, à la porte du Séminaire des Missions-Étrangères, qu’il connaissait déjà depuis un an, s’y étant arrêté au retour d’un pèlerinage à Lourdes. « Ce pèlerinage, il l’avait continué, disait-il plus tard, en vénérant longuement les reliques de la Salle des Martyrs et en dormant dans la chambre d’un Bienheureux. »
Aux Missions-Étrangères, il se trouva aussitôt en famille, plusieurs condisciples du petit séminaire l’ayant précédé, accompagné ou suivi dans l’Arche sainte. Il y passa cinq ans, sa caserne comprise, accomplissant en toute simplicité les devoirs d’un bon aspirant. Qu’il soit permis à son piètre confident de toujours de citer cet exemple de droiture et d’humilité dont il fut le témoin. M. Darras était demeuré le studieux et pieux séminariste de Notre-Dame de Boulogne. Sans être un sujet brillant, il était demeuré l’aspirant ponctuel et rigoureusement fidèle à tous ses devoirs d’état : ceux qui l’ont connu et liront ces lignes tracées par une main fraternelle ne pourront ne pas y souscrire. Cependant, lorsque vinrent les examens écrits du sous-diaconat auquel il avait été appelé, sa mémoire lui fit complètement défaut : sur cinq questions, deux seulement reçurent une solution satisfaisante. Le voyant ainsi, la tête dans les mains et devinant le douloureux combat qui agitait son âme, son voisin lui demanda si un mot, un renseignement pourrait le remettre sur la voie. Pas de réponse : « Ecoutez, lui dit alors son confrère, je prends sur moi la responsabilité de mon acte et j’en parlerai à notre commun directeur, mais vous n’avez pas à refuser le mot qui peut vous éclairer. » Craignant sans doute de succomber à la tentation, M. Darras se lève comme mû par un ressort et, blême d’émotion, remet sa copie incomplète au directeur qui présidait aux examens. Il se rendit directement à la chapelle où je le retrouvai plus tard, les yeux fixés sur le tabernacle, offrant à Jésus-Hostie ce premier sacrifice qui devait tant lui coûter par ses conséquences.
M. Darras se révèle lui-même tout entier dans cet acte et toute sa vie il restera fidèle à cette droiture d’honneur, à cette exquise délicatesse de geste et de tact qui charmeront tous ceux qui l’approcheront et le connaîtront.
Etant diacre, il quitta le Séminaire de Paris, s’embarqua à Galais pour Penang, dans les circonstances que tout le monde connaît. Il aimait à redire le récit des adieux à ses parents, avec cette émotion prenante qu’il savait mettre dans ses paroles, surtout quand il évoquait dans l’intimité le souvenir, les peines et l’affliction de sa mère bien-aimée. Il termina ses études au Collège général de Penang, fut ordonné prêtre le 10 mars 1907 et reçut sa destination pour la Mission de Pondichéry, à laquelle il n’avait pas songé, « parce que, disait-il, on ne doit ni regarder, ni retourner en arrière ».
Dès son arrivée, M. Darras fut nommé au petit séminaire-collège de Pondichéry. Il y demeura cinq ans, faisant régner comme maître d’études la discipline la plus stricte, redouté, mais plus aimé que redouté de tous les élèves dont le nombre variait de 800 à 900. Il aimait surtout les « tout petits », et les « tout petits » l’aimaient.
Le séjour de M. Darras au petit séminaire de Pondichéry fut brusquement interrompu par un malaise général et subit qui ne tarda pas à dégénérer en phtisie galopante. Cinq jours après, le pauvre Père était réduit à l’état de squelette et tout espoir de le sauver était perdu. Mgr Morel lui administra les derniers sacrements et lui confia beaucoup de commissions pour le Ciel. « Comme c’est beau et touchant ! » disait le malade après la cérémonie.
Si la douleur de le perdre angoissait bien des âmes, quelle édification pour elles de voir le Père, dans le coma, donner continuellement des bénédictions comme s’il célébrait la messe, ou chanter à mi-voix la Préface ou le Pater ! Tous nous attendions sa mort d’un moment à l’autre, nous succédant à son chevet. Le médecin avait déclaré les deux poumons pris et les intestins perforés. A sa dernière visite du matin, n’avait-il pas dit : « Donnez-lui les derniers sacrements s’il ne les a déjà reçus, car il ne passera pas la journée. » En effet, vers les trois heures du soir, la fièvre se mit à monter à 40º et plus, les extrémités demeuraient froides malgré les frictions répétées à l’eau de Cologne.
A ce moment-là, le malade devait prendre une potion — désinfectant répugnant s’il en fut — qu’on mêlait d’eau de Lourdes. Le Père prit donc la boisson mais la rejeta aussitôt. — « Attention, lui dit-on, c’est de l’eau de Lourdes. » Il répondit aussitôt sur le même ton : « Je voudrais bien vous y voir, vous ! » Renouvelant le breuvage, mais sans le remède cette fois « Père Darras, lui dit son infirmier de fortune, vous êtes condamné par la Faculté, mais la science humaine n’est rien devant la puissance de Dieu. La mission de Pondichéry est très éprouvée, vous le savez. Avec Mgr Gandy sont partis cette année cinq missionnaires et deux prêtres indigènes. Demeurez encore avec nous ! Vous avez été à Lourdes ; comme moi vous y avez vu des miracles, des vrais. Eh bien ! la puissance de notre bonne Mère est la même ici que là-bas. Je vais vous donner à boire de l’eau de la Grotte, sans mélange cette fois. Avant de la prendre, vous allez dire avec toute la foi dont vous êtes capable, un Ave et trois fois : Notre Dame de Lourdes, guérissez-moi. » Comme un petit enfant le Père obéit. Et ce pauvre missionnaire à bout de souffle et condamné par les médecins recouvra toutes ses forces, demeura trois ans comme vicaire de Notre-Dame de Lourdes de Villenour, où vint le prendre la mobilisation de la grande guerre. Il eut enfin, oui enfin ! la consolation si ardemment rêvée de célébrer la messe et de communier tous les siens dans la chère église de son village natal.
En décembre 1919, il reprit le chemin de sa Mission, remerciant Dieu de tous les bienfaits reçus, dont le plus grand était d’avoir retrouvé tous les siens conservés au milieu de la tourmente. Il revint dans le district d’Arni, où il ne fit que passer cette fois pour être rendu enfin à cette vie réglée de communauté si désirée dans le secret de son âme. On eût désiré peut-être le voir prendre racine dans un poste de nouveaux chrétiens ; par deux fois il s’y était essayé avec toute la bonne volonté dont il était capable, mais les difficultés si complexes de l’administration d’une chrétienté aux Indes effrayèrent son âme craintive et lui firent préférer la part de Marie à celle de Marthe. Jamais cependant il ne demanda un changement et ne manifesta ses préférences.
Redevenu maître d’études, il fut cinq ans à Cuddalore ce qu’il avait été au petit séminaire, l’homme de devoir et de règle. Au cours de ses vacances scolaires, il revenait fidèlement vers les confrères qui occupaient des postes de néophytes, à l’intérieur. Il allait à eux avec tout son cœur, toutes ses délicatesses, sa douce et franche gaîté, et sa discrète et fraternelle générosité. Ce n’est que soulever discrètement le voile de cette générosité en révélant qu’une religieuse indigène aujourd’hui dans l’enseignement lui doit et sa vocation et sa dot de religieuse de chœur ; qu’un certain pauvre orphelinat recevait chaque année de lui un secours pécuniaire et une distribution d’habits ; que plusieurs missionnaires de l’intérieur virent tomber par ses soins, à l’heure critique, la « pluie de roses » promise au confiant abandon en la divine Providence. M. Darras était pauvre cependant ; il ne recevait peu près rien en dehors de ses honoraires de messe et de son viatique.
La visite qu’il nous fit aux vacances de Noël 1925 devait être la dernière. Malgré les apparences d’une santé très florissante, la mort le guettait et lui se savait atteint. S’il n’a pas autrement insisté sur son état de santé, c’est qu’il vivait et pratiquait à la lettre le « ama nesciri et pro nihilo reputari ». Voici les détails sur ses derniers jours.
« M. Darras arriva à Pondichéry le 5 avril, souffrant de fièvre et éprouvant une assez grande difficulté à respirer. Le docteur immédiatement prévenu diagnostiqua une congestion pulmonaire et prescrivit la médication usitée en pareil cas. Le pouls demeurait bon. Cependant, la fièvre augmentant et dépassant 39º, il fut décidé qu’on appellerait en consultation le Dr de Quyon, médecin-chef de l’hôpital colonial. Celui-ci diagnostiqua la même maladie et dit au docteur indigène : « Vous avez fait ce qu’il fallait. » Et voyant le Pète assez déprimé, il l’encouragea, lui assurant qu’il serait sur pied dans trois ou quatre jours. « Tenez, ajouta-t-il, venez à l’hôpital ; là je vous traiterai et vous serez bientôt guéri. » Dans la soirée (samedi) vers 3 heures ½ , le malade fut conduit à l’hôpital. Après nouvel examen du médecin-chef, rien d’anormal ne fut constaté, et le Père fut laissé aux bons soins des religieuses de Saint-Joseph de Cluny qui ont la direction de l’établissement. La Mère Supérieure ne quitta guère le chevet du malade ; elle le veilla toute la nuit sans remarquer rien d’anormal. Il prit les remèdes prescrits ; de temps en temps il disait : Eternité ! Extrême-Onction ! et murmurait des invocations pieuses : « Mon Dieu, ayez pitié de moi. Mon Jésus, miséricorde ! » Le matin, la Mère supérieure descendit pour la messe qui se dit à l’hôpital à 5 h. ¼ , donna au Père, avant de descendre, un cachet qu’il avala sans difficulté et laissa auprès de lui pour la remplacer un infirmier de garde. La messe était à peine terminée quand l’infirmier de garde arriva, disant : « Le Père a poussé un grand cri, le sang lui est venu par les narines, il est mort.
Ce n’était que trop vrai !
Le corps de notre confrère fut ramené à la Mission. L’enterrement eut lieu le soir à 5 h. ½ , présidé par M. Gayet, Vicaire général au milieu d’une grande affluence de confrères et de fidèles qui étaient venus pour les cérémonies du soir — c’était un dimanche — et qui assistèrent aux obsèques.
Nous espérons que notre confrère Anatole Joseph Darras a déjà obtenu la récompense promise au serviteur bon et fidèle. En mourant, il lègue à ses amis de beaux exemples de charité et de dévouement et le souvenir d’une vie toute sacerdotale selon le Cœur de Dieu.
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Références
[2930] DARRAS-DECLEMY Anatole (1881-195)
Références biographiques
AME 1907 p. 380. 1926-27 p. 120. CR 1907 p. 325. 1910 p. 375. 376. 1920 p. 75. 1926 p. 212. BME 1926 p. 467. 1956 p. 486. EC1 N° 106.