Louis JANTZEN1885 - 1953
- Statut : Archevêque
- Identifiant : 3018
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Identité
Naissance
Décès
Consécration épiscopale
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1910 - 1914 (Chongqing [Chungking])
- 1922 - 1952 (Chongqing [Chungking])
Biographie
[3018] Louis Xavier JANTZEN naît le 23 septembre 1885 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), paroisse St. Georges. Il fait ses études primaires à la maîtrise de la Cathédrale à Nancy et ses études secondaires à Pont-à-Mousson. Il entre aux MEP le 18 septembre 1903. Il est ordonné prêtre le 26 septembre 1909.
Chine (1909-1914)
Il part le 17 novembre suivant pour la Chine, dans le Sichuan oriental.
Il arrive à Chungking au début de l’année 1910. Il est envoyé dans le district de Lantchuan, à trois jours de marche de Chungking, pour apprendre le chinois avec le concours d'un latiniste en probation auprès du P. Cazaban.
A peine un an plus tard, son évêque, Mgr Chouvellon l’appelle à la Procure comme socius du titulaire. En 1911, c'est la révolution de Sun Yat Sen et la fin de l'Empire, suivi d'une période de troubles, de guerres civiles et de brigandages, qui dure jusqu'en 1937, date de l'installation du général Chiang à Chungking, promue capitale de la Chine libre.
Pendant ce temps, le P. Jantzen est envoyé en juillet 1914 "en brousse" comme titulaire du poste de Pi-Chan. Au mois d'août, la guerre se déclare en Europe, et le P. Jantzen, mobilisé avec 13 confrères du vicariat, rejoint Pékin.
France (1915-1922)
Au bout de quelques mois, il rentre en France où il occupe la fonction de brancardier; il est chargé de linterprétariat auprès des ouvriers chinois ; il réussit à se faire aimer de tous, tant des Français que des Chinois.
Démobilisé en 1919, témoin de la douleur de sa mère, dont un fils, son soutien, est tombé à la guerre, il accepte momentanément un ministère dans son diocèse natal. Mais un jour, sa mère lui dit :" Xavier, ta place n'est pas ici ; tu es missionnaire" .
Chine (1922-1952)
Le P. Jantzen reprend le chemin du Sitchuan en 1922. Son évêque le nomme Procureur de la Mission, à la grande joie et au soulagement des confrères. Trois ans plus tard, le 13 décembre 1925, le Saint Siège élève le P. Jantzen à l'épiscopat et le nomme vicaire apostolique de Chungking. Malgré le refus de l’intéressé, Pie XI maintient cette nomination et la consécration épiscopale par Mgr. Renault a lieu le 21 septembre 1926 à Chungking.
Cependant, Mgr. Jantzen, qui a pris pour devise : "Non sibi sed gregi", n'a guère d'illusion sur le sort qui l'attend. L'agitation communiste contre les étrangers et l'Église gagne le Sichuan. En 1927, la répression est décidée ; le 31 mars, un orateur communiste tombe sous les balles de l'opposition et l'installation du régime bolchévique est évitée. Des troubles graves marquent l'entrée des troupes nationalistes à Nankin. Le 2 avril 1927, le gouvernement français donne l’ordre à tous les Européens d'évacuer le pays. Mgr. Jantzen envoie à Shanghai deux missionnaires sans charges pastorales, mais laisse les autres libres d'opter pour la fidélité au poste ou le départ. Tous décident de rester.
La tempête passe. On édifie en l'honneur de Ste Thérèse de Lisieux une belle église où on expose l'image peinte par la Sainte et offerte à son frère spirituel, le P. Roulland, missionnaire dans le diocèse de Chungking.
En 1929, le diocèse est divisé, celui de Wanshien est créé et confié au clergé local.
En 1934, l'invasion rouge s'étend. Les armées chinoises refluent devant les troupes japonaises. Chiang Kai Chek abandonne Nankin et se replie sur Chungking qui devient la capitale de la Chine libre, ce qui entraîne des travaux d'urbanisme pour la ville et des expropriations amères pour la mission. Par ailleurs, la présence du gouvernement attire l'attention des bombardiers japonais. Le premier raid a lieu le 16 janvier 1939 ; le 4 mai une nouvelle alerte se déclenche ; cette fois, les avions déversent leurs bombes pendant 12 heures sur la ville; deux bombes éclatent à vingt pas du bureau de l'archevêque miraculeusement indemne.
1940 voit l'anéantissement de toutes les maisons de culte, de charité et de propagande. Seule subsiste debout, l'église de Ste Thérèse; c'est le signe de la protection du ciel. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, Mgr Jantzen est assommé et laissé pour mort dans sa chambre par des voleurs. On le trouve inondé de sang et on le transporte à l'hôpital. Il est persuadé que c'est la "Maman du ciel" qui l'a arraché à la mort.
En décembre 1943, un examen médical révèle une tumeur cancéreuse à l'estomac ; Mgr. Jantzen consent à aller à Kunming se faire opérer. Or, le 2 février 1944, après la communion, Mgr. Jantzen se lève et crie "je suis guéri", ce que confirme 8 jours plus tard le médecin.
Mgr. Jantzen regagne son vicariat avec une ardeur nouvelle, mais ses charges s'accroissent : il devient le vice-délégué apostolique pour la Chine libre et représentant de l'aumônerie américaine aux Armées. Le 15 août 1945, le Japon capitule, et pour Mgr. Jantzen, arrive l'heure du relèvement d’immenses ruines à travers toute la Mission.
L'attention de l'archevêque se porte surtout sur les œuvres scolaires et charitables : reconstruction du collège St Paul, agrandissement et modernisation de l'hôpital de la Mission avec des services de maternité, de chirurgie et de radiologie, création d'une école d'infirmières. Par ailleurs, il rétablit le Probatorium pour les seuls candidats pourvus du certificat d'études, et il ouvre une école de langue pour les jeunes missionnaires, qui, enfin, arrivent de nouveau d'Europe. Mgr. Jantzen reprend ses visites pastorales, et au retour de l'une d'elles, en octobre 1948, il est hospitalisé pendant 4 mois.
Fin novembre, Mao est devant Chungking et le 29 la ville est "libérée".
La lutte entre le gouvernement de Mao et celui de l'Église est déclenchée en mai 1950. "Religion et Politique vont ensemble", proclame le vice-président, Chou En Lai , « l'Église doit soutenir le régime et coopérer avec le gouvernement dans la construction de la Nouvelle Chine... et faire sa propre purge."
Mgr Jantzen est promu archevêque de Chungking en 1946, lors de l'instauration de la hiérarchie ecclésiastique. En 1950, malgré sa demande réitérée de démission, il est nommé administrateur apostolique du diocèse, mais on lui impose un vicaire capitulaire, le P. Che, dont la nullité canonique ne peut être notifiée. Le 3 juin, à l'issue de la grand-messe, clergé et fidèles sont invités à une grande manifestation catholique "qui dégénère en une odieuse manifestation contre l'Internonce en Chine, orchestrée par le slogan "À bas Riberi". Le P. Che capitule en réclamant l'expulsion du représentant du Pape, mais de frénétiques applaudissements saluent le courageux P. Tong qui, s'avançant vers la tribune, dénonce le mouvement de réforme et prend la vibrante défense du représentant du Saint Père. Mgr. Jantzen persuade le P. Che de faire amende honorable, le dimanche 10 juin, devant le Saint Sacrement et l'assemblée des fidèles. Il obéit, mais les communistes arrêtent le P. Tong et expulsent Mgr. Jantzen de son évêché pour l'interner dans une minuscule chambre d'auberge. La santé de l'archevêque continue à se détériorer au point que la police autorise un médecin à lui rendre visite. Le réconfort du prisonnier, c'est la célébration nocturne et clandestine de la messe ainsi que la fidélité des chrétiens qui réussissent, au mépris du danger, à établir une liaison journalière avec lui. Avis, nouvelles, conseils et consignes vont et viennent dans les deux sens.
Le 25 août 1951, Mgr. Jantzen est traîné devant le tribunal populaire et condamné à d'énormes taxes et amendes dont le paiement doit précéder son expulsion. Elle tarde longtemps à venir ; il continue à dépérir et attend la mort. Une nuit, un confrère réussit à lui donner l'onction des malades. Il surmonte la crise et les communistes décident de s'en débarrasser. Le 4 avril 1952, Mgr.Jantzen bénit le chrétien qui a maintenu la liaison entre le chef et son diocèse, et, sous escorte, il est conduit à Hong Kong où il arrive le 16 avril.
France (1952-1953)
Le 1er mai, il arrive enfin en France. Admis à l'hôpital Pasteur, il se laisse soigner, et quand les médecins le déclarent convalescent, il passe 15 jours comme aumônier des Soeurs de St Jospeh de Cluny à Jouy-en-Josas. Fin juillet, une hémorragie se déclare et une transfusion sanguine urgente s’avère nécessaire pour le sauver. Il a fait profiter un autre malade de sa place dans le "Train Blanc pour Lourdes" et "depuis ce jour, je vais mieux" écrit-il."La Bonne Maman fait royalement les choses".
Si royalement que Mgr. Jantzen peut se rendre à la Maison d'Accueil de Voreppe, où il s'offre pour maint ministère paroissial dans le diocèse, pour confesser, prêcher, et faire des conférences. Fin novembre, son médecin l'autorise à se rendre à Rome où il obtient une audience privée du Saint Père dont il sort "bouleversé d'émotion".
En mars 1953, il se rend à Lourdes et de là, à Marseille pour revoir N.D. de la Garde;
"C'est Elle qui me mène" a-t-il écrit un jour. Il regagne ensuite Voreppe, puis va revoir sa Lorraine et sa famille. Il accepte de prêcher, donne des conférences, confirme. Mais un jour, de passage à Mulhouse, il s'affaisse dans la rue ; il est recueilli dans une clinique. Le 21 juillet il écrit au Supérieur général : "Je suis certainement à bout de course. Mon désir est de rejoindre Montbeton dès que possible en passant par Paris pour vous revoir, et aussi, avant de m'y stabiliser, de me rendre à Lourdes pour dire merci à la Vierge."
À Paris, les amis de Mgr. Jantzen s'empressent de venir le saluer; Mgr. Valentin, évêque de Kangting, se fait porter de l'hôpital au Séminaire pour le revoir. Le 8 août, Mgr. Jantzen part pour Lourdes, où il arrive après un pénible voyage de nuit; on le transporte à la Grotte, aux piscines et il assiste à la Procession du Saint Sacrement avec la bénédiction des malades. Le 21 août il quitte Lourdes, s'arrête trois jours à Toulouse, à la clinique des Soeurs des Missions étrangères. C'est de là qu'il convoque le P. Gallice, son ancien procureur à Chungking, pour lui demander pardon pour son manque de patience et de compréhension, et le charge de transmettre la même supplique de pardon à tous le jeunes et vieux missionnaires de Chungking pour toutes les peines qu'il leur a causées dans son administration. C'est la dernière chose qui lui reste sur le coeur.
Le 28 août 1953, au sanatorium de Montbeton, Mgr. Xavier Jantzen s'éteint.
Nécrologie
[3018] JANTZEN Louis (1885-1953)
Notice nécrologique
Le 29 avril 1952, en voyant l’avion d’Air-France emporter de Hong Kong vers l’Europe Son Excellence Monseigneur Jantzen, ancien archevêque de Chungking, le Secrétaire de l’Internonciature en Chine, Mgr M. Gilligan, disait : « C’est l’un des meilleurs missionnaires de Chine qui s’en va ».
Expulsé de son diocèse quinze jours auparavant, le Prélat s’en allait, épuisé par la maladie et une longue détention, sans espoir de retour en Chine comme sans espoir de guérison, mais l’âme sereine, pleine d’abandon à la Providence, également prête pour le départ vers le pays natal et le grand départ vers l’éternité.
Il venait d’achever sa quarante-et-unième année de vie apostolique, la vingt-sixième de son épiscopat et ce long service de l’Eglise missionnaire s’était déroulé sous le signe de la Révolution.
Parti du Séminaire des Missions-Étrangères de 17 décembre 1909, à destination du Setchoan oriental, il avait assisté dès octobre 1911 à la chute de l’Empire chinois et à l’instauration de la République ; il venait de vivre l’effondrement du régime nationaliste de Chiang-Kai-Shek et la « libération » du pays par les troupes communistes ainsi que la persécution religieuse qui en était résultée.
Entre ces deux extrêmes, il avait connu toute l’anarchie provoquée par les révolutions politiques et sociales, toutes les douleurs d’une Eglise tracassée et persécutée.
Rien de tout cela ne l’avait révolté ni abattu. « Ce sont les faibles qui se révoltent, s’emportent, se laissent aller à la violence et au découragement. Ce sont les forts qui se taisent, attendent, espèrent, prient et obéissent ». Lui était un fort.
D’origine lorraine, il avait hérité de sa race une virilité peu commune ; de famille modeste, il avait acquis, auprès des siens, le sens de l’effort, du travail, de la lutte ; par dessus tout, il avait une foi solide, fondée sur la conscience de sa propre faiblesse et la force de Celui qui peut tout. « Je ne suis rien, je ne peux rien, je ne vaux rien. Sans Vous, ô mon Dieu, je demeure incapable de faire, et même de penser ou vouloir quoi que ce soit de bon, de beau, d’utile, qu’il s’agisse de mes obligations de prêtre, ou simplement de mes devoirs élémentaires d’honnête homme tout court. Mais, Vous êtes Tout Puissant… » Ce fragment de la prière « de tous les jours » nous livre le secret de sa force indomptable : sa foi.
Cette foi, il l’avait reçue au baptême en l’Eglise Saint-Georges de Nancy, et sa Mère, vaillante chrétienne qu’il chérissait, l’avait épanouie par ses leçons et ses exemples ; elle l’avait aussi marquée de cette note très humaine que donne toujours une dévotion filiale à Marie, dont Xavier portait le nom, à côté de celui du Grand Missionnaire.
Cette foi, les événements allaient contraindre Xavier-Marie Jantzen à en vivre quotidiennement, sous peine d’être brisé et vaincu par eux et ils allaient faire de lui un grand missionnaire, un modèle de missionnaire.
*
Dès son arrivée à Chungking en 1910, le jeune Père Jantzen fut envoyé dans le district de Lantchuan, distant de trois jours de marche de la ville épiscopale. Il n’existait pas alors d’école de langues. C’était par la méthode directe, l’étude personnelle et avec le concours d’un latiniste en probation que le nouveau missionnaire s’initiait au dialecte du pays.
Auprès du P. Cazaban, le Père Jantzen était du moins à bonne école apostolique. Païens et chrétiens estimaient le chef du district qu’ils appelaient « Grand Père » avec respect, malgré ses trente-huit ans. Son aisance et sa volubilité dans le parler chinois en imposaient à tous et non moins sa piété — il priait tard dans la nuit — sa frugalité par esprit de pénitence, — il se contentait ordinairement d’un bol de riz et de légumes salés, il jeûnait tous les vendredis et samedis — sa charité « incorrigible » il ne savait pas refuser, même aux emprunteurs à fonds perdus.
Mais le Père Jantzen ne put bénéficier longtemps de cette rude formation ; il en retint cependant les principes directeurs et plus d’un trait du légendaire missionnaire basque se retrouvera plus tard dans la physionomie du vicaire éphémère.
Celui-ci n’avait pas encore un an d’apprentissage que son Evêque, Mgr Chouvellon, l’appelait à la Procure, comme « socius » du titulaire, absorbé par les travaux de construction du Grand Séminaire.
Sur ces entrefaites éclata la Révolution de Sun-Yat-Sen où sombra l’Empire. L’événement s’accomplit de manière assez pacifique à Chungking, mais il ouvrit une période de troubles, de guerres civiles et de brigandages qui se prolongea jusqu’en 1937, date de l’installation du général Chiang à Chungking, promue capitale de la Chine libre. Surtout, l’événement causa un ralentissement sensible du mouvement des conversions : les idées nouvelles, matérialistes et athées, les sentiments de xénophobie gagnèrent la masse et la détournèrent de l’Eglise. La Mission de Chungking, qui comptait 31.000 chrétiens en 1898, 34.000 en 1900, 51.800 en 1905, n’atteindra que le chiffre de 59.732 en 1926.
Ce ralentissement avivait le zèle du Père Jantzen, son désir d’apostolat direct, il fut exaucé en juillet 1914 et le Père partit « en brousse », comme titulaire du poste de Pi-Chan. Il était enfin vraiment missionnaire. Mais Dieu dispose...
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Au mois d’août, la guerre est déclarée. Le P. Jantzen n’échappe pas à la mobilisation et avec treize confrères du Vicariat, rejoint Pékin. Il y passe quelques mois, fastidieux pour un apôtre contraint à l’inaction ; puis il est dirigé sur la France.
Affecté au Service de santé, il est successivement brancardier et infirmier. Quand la main-d’œuvre chinoise se multiplie en France, il se voit chargé de l’office d’interprète auprès des ouvriers chinois. La tâche est délicate : les émigrés, pas toujours les meilleurs, multiplient les incidents, au travail et ailleurs ; leurs employeurs ne comprennent rien à leur mentalité ; les Autorités exagèrent souvent leur sévérité à l’occasion des méfaits commis. Il s’agit, pour l’interprète consciencieux, de sauver les intérêts et « la face » des uns et des autres, d’arbitrer souvent, de susciter une compréhension mutuelle. L’intelligence de la langue chinoise ne suffit pas, ni le savoir-faire humain ; la charité surnaturelle n’est pas de trop en la circonstance. Le Père Jantzen met toutes ses ressources en œuvre et il réussit à se faire aimer de tous, Chinois et Français. Assurément, les aventures avec ses protégés ne manquent pas ; elles feront plus tard l’objet de récits pleins d’humour et de gaîté qui agrémen¬teront les conversations dans le lointain Setchoan ; elles ont, pour le moment, l’avantage de mieux révéler l’âme chinoise au missionnaire et de l’y attacher.
Il le fallait. On ne vit pas impunément pendant quatre ans en dehors du vrai ministère sacerdotal ; on ne parcourt pas toute la France sans renouer des liens profonds avec sa patrie ; on ne retrouve pas sa famille, un moment absente, sans s’y attacher à nouveau très fortement. Et dès lors, qui s’étonnerait de la tentation éprouvée par le P. Jantzen au lendemain de la démobilisation ? Il sait le chaos où se débat la province du Setchoan ; il voit les possibilités d’un apostolat utile en sa chère Lorraine ; il est témoin de la douleur de sa Mère, dont un fils, son soutien, est tombé à la guerre. Il accepte donc momentanément du ministère dans son diocèse natal.
Son dévouement, sa charité, son entrain le font aimer et « chérir » des humbles, des pauvres auxquels il donne le meilleur de lui-même. Abandonnera-t-il la Chine et les Missions ? L’épreuve est forte mais la conscience chrétienne de la Mère veille sur le fils missionnaire. Celui-ci a cru devoir différer son retour en mission par affection filiale ; l’affection maternelle lui dictera le vrai devoir. « Xavier, dit un jour la vaillante Maman, ta place n’est pas ici ; tu es missionnaire ». Et cette voix réveille en lui l’appel premier du Christ ; elle fait écho à celle de tous les amis déjà rentrés là-bas, à celle de tous les Chinois auxquels il s’est donné le jour de son ordination.
Le P. Jantzen reprend le chemin du Setchoan. Quand en 1922, il remonte le Fleuve Bleu et aperçoit la ville de Chungking, plantée sur son formidable éperon de pierre, des larmes de joie
coulent de ses yeux. Il se retrouve le missionnaire qu’il avait voulu être à vingt ans et il l’est de nouveau, grâce à la générosité de sa Mère.
*
Son Evêque l’accueille avec joie et le nomme Procureur de la Mission. Ce qu’en pensa le Procureur nommé, nous l’ignorons. Il éprouva sans doute une déception à voir ses goûts et désirs contrariés par une décision épiscopale. Ce qu’en pensèrent les confrères, nous le savons bien : « Enfin, nous avons un Procureur », disaient-ils et ils admiraient la bonté, la cordialité, la joie, l’exactitude aussi de celui qui avait à pourvoir à tant de choses, à satisfaire tant de désirs : ceux des passagers, ceux des confrères éloignés, ceux des malades, sans compter les exigences administratives.
Le Père Jantzen eut tôt fait de conquérir les cœurs de tous et, comme il était devenu un sinologue distingué, qu’il s’intéressait au ministère des autres, prêchait volontiers personnellement, manifestait une piété peu ordinaire et connaissait l’administration du diocèse, chacun pensa à lui, lors de la consultation pour le choix d’un successeur au vénérable Monseigneur Chouvellon.
Trois ans avaient suffi pour réaliser l’unanimité autour de sa personne. Le 13 décembre 1925, le Saint-Siège promut le Père Jantzen à l’épiscopat et le nomma Vicaire apostolique de Chungking. Cette promotion et nomination, souhaitée de tout le clergé de la Mission, étonna l’intéressé qui manifesta les réticences les plus formelles ; elle produisit en lui qui ne s’estimait « rien » un véritable drame de conscience. Inspirée par la peur des responsabilités et la gravité de la situation, cette crise diminuerait la valeur de celui qui l’éprouve mais elle n’avait d’autre cause que la modestie du prêtre : le Père Jantzen se jugeait indigne de ces honneurs, incapable de ces responsabilités. Il exposa avec simplicité au Souverain Pontife les raisons de son refus, le priant de vouloir bien écarter ce fardeau de ses épaules. A quoi Pie XI répondit en maintenant la nomination. Le devoir était clair désormais ; l’obéissance ferait le reste et le Père Jantzen, Evêque malgré lui, reçut la consécration épiscopale le 21 septembre 1926.
Ce jour-là, Monseigneur Renault, Evêque consécrateur pouvait évoquer, d’après l’Evangile du jour, la vocation du préposé de douane, nommé Lévi et qui devint à la suite de Jésus le grand Apôtre Saint Mathieu. « Voilà, Monseigneur, en quelques mots, votre histoire d’hier et de demain. Jetant les yeux sur la Procure de Chungking, Notre-Seigneur vous vit occupé à aligner des chiffres pour le plus grand bien de la Mission et des confrères. Il vit aussi que vous aviez toujours été bon missionnaire, que vous étiez un procureur modèle et que vous feriez certainement un Evêque selon son Cœur. Et Il vous appela, sûr de trouver en vous le chef habile à gouverner, le père toujours aimé et le pasteur tout dévoué à son troupeau. Nous en avons pour garant cette humilité sincère qui vous a fait hésiter quelque temps devant le fardeau en perspective ; ce qui prouve bien que, dans votre élection à l’épiscopat, tout vient de Dieu seul. »
Et Monseigneur Rouchouse pouvait ajouter à propos de ces hésitations : « Vos qualités reconnues de tous, ignorées de vous seul, ont décidé le Saint-Siège à maintenir sa décision. A l’expérience et à la sagesse de l’âge mûr, vous joignez les avantages que procure la jeunesse, source de force et d’activité. »
Cependant, Monseigneur Jantzen n’avait guère d’illusion sur le sort qui l’attendait au cours de son épiscopat. S’il avait pris pour devise : « non sibi sed gregi », il avait inscrit, dans ses armoiries, un autel sur fond rouge, l’autel sur lequel on immole la victime qu’il voulait être pour le salut du troupeau.
*
Les temps étaient mauvais. L’agitation communiste contre les étrangers et l’Eglise gagnait la province du Setchoan. Les comités d’étudiants menaient une campagne violente de presse et de conférences, alimentée par le blasphème, le mensonge, la diffamation, insidieusement encouragée par l’inertie des pouvoirs publics.
Cette campagne, inaugurée en 1924, se poursuivait sans relâche, mais, à l’occasion des fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte, elle prenait un caractère odieux et angoissant : étudiants et étudiantes encombraient les rues, pendant dix jours, distribuant pamphlets, organisant cortèges, multipliant les harangues pour ameuter la population.
Les voies de fait contre les missionnaires étaient évitées mais, le cri classique « mort aux étrangers » saluait leur passage. Les Autorités civiles et militaires fermaient les yeux et se bouchaient les oreilles pour ne point voir, ni entendre ; elles s’imaginaient qu’il ne s’agissait que de xénophobie alors qu’il s’agissait, sous le couvert de haine aux étrangers, de véritable activité révolutionnaire d’inspiration communiste. Elles s’en rendirent compte enfin, le jour où les meneurs eurent l’impudence de publier leur programme. A la lutte contre l’étranger s’ajoutaient la lutte contre l’impérialisme des chefs militaires de la province, le refus des impôts « anticipés », l’organisation de la garde nationale pour défendre le peuple contre l’armée.
La répression fut décidée ; elle éclata sanglante à Chungking. Le 31 mars 1927, une foule de 10.000 personnes environ était massée sur le champ de manœuvre pour entendre les appels à la révolution. Trois orateurs escaladent la tribune : ce sont les chefs du Soviet local qui mène la campagne et prépare le coup d’Etat. L’un d’eux entame une diatribe quand, soudain, une détonation retentit : il s’affaisse. Alors, de toutes parts, du sein de la foule, partent des coups de feu, chacun choisissant sa victime. Perfidement, le Gouverneur de la Province avait mêlé ses hommes aux manifestants... La confusion fut indescriptible : des centaines de cadavres jonchaient le terrain, les manifestants s’enfuyaient éperdument par les deux étroites issues du champ de manœuvre où ils s’écrasaient et se piétinaient... Localement, la vague rouge avait été brisée et l’installation du régime bolchéviste évitée.
Toutefois, un autre péril non moins angoissant surgissait à la même heure. L’entrée des troupes nationalistes à Nankin venait d’être marquée de troubles graves : meurtres, pillages, viols avaient été commis contre les étrangers. Une intervention des puissances occidentales et américaines était à craindre : elle exaspérerait le sentiment populaire et provoquerait de nouveaux crimes contre leurs ressortissants de l’intérieur du pays.
Par mesure de sécurité, le 2 avril, le Gouvernement français donna ordre à tous les Européens d’évacuer le pays et de chercher abri dans les Concessions internationales.
Devant la gravité de la situation et l’imminence du danger, Monseigneur Jantzen prit la sage décision d’envoyer à Shanghai deux missionnaires sans charge pastorale, et il avisa les autres de la situation, les laissant libres d’opter pour la fidélité au poste ou le départ, « qui, tout en sauvant une vie précieuse, pourrait, la tourmente passée, assurer l’avenir de la mission ».
Les réponses ne se firent pas attendre. Elles constituent « le plus beau, le plus unanime témoignage de foi et d’espérance d’hommes qui n’ont pas oublié le serment, fait à vingt-cinq ans, de fidélité à leur Mission » :
« Mettez-moi sur la liste des restants ; sans phrase : pour des affaires de ce genre, court et bon. »
« Rester, c’est jouer la carte du Bon Dieu. Je la joue. »
« Mourir d’un coup de sabre ou de matraque me semble propre, plus poétique et plus apostolique que mourir d’une angine ou d’une bronchite dans un bon lit. »
« Partir actuellement serait un très grand danger pour nos œuvres et pour nos chrétiens qui ne comprendraient pas que nous les abandonnions à l’heure du péril. »
« La liberté qui nous est laissée de choisir n’en fortifiera que davantage notre résolution de tenir jusqu’au bout, sans bravade, sans fanfaronnade et surtout sans chercher à épouvanter les chrétiens qui nous sont confiés et n’ont pour l’instant d’autre recours que nous. »
« Mon devoir est de rester à mon poste et j’y reste. A la grâce de Dieu. »
« Je reste et c’est bien naturel. Je me jugerais un lâche à mes propres yeux, si je partais ainsi. Restons à nos postes, à la vie, à la mort. »
« A quoi bon changer de gîte à nos âges ? » Signé : « Quatre-vingts ans ».
« Après la pluie, le beau temps. Je l’attends ici. »
« Nos cheveux sont comptés, qu’avons-nous à craindre ? Et va ! on ne meurt qu’une fois. L’important est de bien mourir cette unique fois. Je reste donc. »
Le 19 avril, Monseigneur Jantzen, justement fier de l’attitude de ses missionnaires, donnait aux Autorités françaises décharge de leurs vies et recevait du Commandant Robbe la réponse suivante : « Je prends note avec infini regret de cette décision que je crains grosse de conséquences…. mais je comprends la décision de ceux qui restent et de celui qui les garde. Veuillez leur dire à tous que je les comprends, que je les admire et que je les envie ».
Les missionnaires restèrent donc à leurs postes respectifs. Ils subirent bien quelques avanies, reçurent des pierres à l’occasion mais ils sauvèrent la Mission du pillage et affermirent la confiance des chrétiens en leurs pasteurs.
La tempête passée, tous se hâtèrent d’édifier, en l’honneur de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, une belle église, expression de leur reconnaissance envers leur Protectrice céleste ; ils y exposèrent, richement encadrée, une image peinte par la Sainte elle-même et offerte à son frère spirituel, le P. Roulland, alors missionnaire de Chungking. La « petite Thérèse » méritait bien cet hommage : selon le texte de l’image, Elle avait vraiment fait tomber des gouttes de sang, du Cœur de Jésus sur la Mission de Chungking.
Et le travail reprit. Les conjonctures n’étaient guère favorables mais, « l’habitude que l’on a contractée de subir des sévices sans pouvoir s’en défendre, jointe à l’appréhension constante d’être à tout instant acculé au pire, finit par émousser la sensibilité et, c’est toujours le « Vive la joie quand même ».
L’année 1928 est marquée par l’invasion des « illuminés » descendus du Houpeh et qui ravagent totalement cinq districts, détruisent les résidences, dispersent les chrétientés.
Les années suivantes connaissent des vicissitudes analogues qui ont leur apogée dans la guerre civile de 1933 où 200.000 hommes s’affrontent dans la Province et font le jeu des bandes communistes dont l’effectif s’accroît rapidement jusqu’à atteindre dès lors 60.000 fusils.
En 1934, en raison de la défection de l’armée régulière et de la panique qui atteint l’entourage du Gouverneur général du Setchoan, l’invasion rouge s’étend et, avec elle, les désastres religieux.
Enfin, en 1935, le Gouvernement de Nankin réussit à rejeter les forces communistes hors de la Province et une paix relative est accordée aux populations et à l’Eglise.
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L’œuvre de relèvement des ruines matérielles et spirituelles commence ; elle ne pourra guère se développer car le conflit sino-japonais a éclaté et ne va pas tarder à bouleverser les conditions d’existence, à détruire toutes les œuvres vives de la Mission, et à entraîner tout le pays dans le communisme.
Cette période troublée ne reste pas, toutefois, sans réalisations missionnaires. Le Vicaire apostolique ne se complaît pas en lamentations inefficaces. Il a discerné exactement les causes du « piétinement » de l’Eglise ; il tente l’impossible pour y obvier. Ce sont les idées, les mœurs qu’il faut changer. C’est la haine antireligieuse qu’il faut enrayer. Ecoles et œuvres de charité sont donc d’importance primordiale. A quoi il faut adjoindre la formation d’élites par l’Action catholique et sociale.
Il fonde donc de nouveaux districts, ouvre de nouvelles écoles, fonde une Ecole de catéchistes, développe la Croisade Eucharistique, stimule les divers mouvements catholiques.
Il n’oublie pas non plus ses Séminaires petit et grand, ni le Probatorium. Avec attention, il en suit le développement numérique et l’esprit. Celui-ci se trouve-t-il contaminé une année par des influences extérieures néfastes, il prend aussitôt des mesures radicales pour assainir l’atmosphère.
En 1929, il a la joie de voir son Vicariat divisé et constituer la nouvelle Mission de Wanshien, confiée au clergé indigène. Avec satisfaction, il constate que le Vicariat nouveau est viable avec ses 23.000 chrétiens, ses 32 prêtres originaires du pays, son recrutement sacerdotal assuré grâce à l’esprit chrétien du milieu, à l’existence d’un petit Séminaire doublé d’un Probatorium, son Ecole supérieure de garçons, ses deux Ecoles supérieures de filles, son Ecole de catéchistes-instituteurs, son grand orphelinat, son dispensaire-hôpital, son asile de vieillards et ses écoles primaires dans tous les districts.
Après cette séparation d’une importante fraction de son Vicariat, Monseigneur Jantzen entreprend la fondation d’un nouveau petit Séminaire et Probatorium et contribue à celle du Grand Séminaire régional de Chengtu.
Selon son mot d’ordre, il « continue obstinément son labeur et, quelles que soient les circonstances heureuses ou malheureuses, il fait le bien « ad majorem Dei gloriam ».
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Cependant, les événements militaires ne sont pas favorables aux armées chinoises qui refluent devant les troupes japonaises. Le gouvernement central, dirigé par Chiang-Kai-Shek, est con¬traint d’abandonner Nankin et de se replier sur Chungking qui devient capitale de la Chine libre.
La présence du Gouvernement dans la ville résidentielle de Monseigneur Jantzen attire les Représentants des différents pays accrédités et en fait le quartier général des armées chinoises. Ces circonstances accroissent l’importance de la ville et son influence mais elles multiplient les occupations et visites de l’Evêque et lui amènent des tracas nouveaux. La guerre avait déjà augmenté les impôts ; les travaux d’urbanisme et les plans d’aménagement de la capitale en entraînent d’autres ainsi que des expropriations onéreuses. Pour le bien public, on ne se contente pas de confisquer les terrains nécessaires au tracé des rues et des routes ; on saisit, sans compensation financière, les propriétés sur une profondeur d’une trentaine de mètres le long de ces artères... Les biens de la Mission sont durement touchés et le clocher de la Cathédrale condamné à disparaître. C’est la rançon de la promotion de Chungking au titre de capitale. L’Evêque en souffre, car ses projets de reconstruction des Eglises et écoles sont suspendus, les œuvres religieuses, charitables et scolaires voient fondre leurs ressources et sont paralysées dans leur action.
Bientôt, la présence du Gouvernement et du Quartier général à Chungking attirera l’attention des bombardiers japonais et en fera leur objectif de choix.
Le premier raid des avions ennemis sur la ville eut lieu le 16 janvier 1939. Ce jour-là, 36 avions arrosèrent de bombes de deux tonnes le faubourg de la ville, siège de l’Etat-.Major et de la Centrale électrique. fut suivi de cent jours de calme. Soudain, le 4 mai, l’alerte est donnée à nouveau et, douze heures durant, les avions déversent leurs engins de mort et de destruction sur la cité.
Monseigneur était à sa table de travail, comme de coutume, quand une voix très distincte et pressante lui signifie : « lève-toi, lève-toi ». Il se lève. A peine est-il parvenu sous le chambranle de la porte de son bureau qu’une explosion ébranle tous les bâtiments de l’évêché. Deux bombes venaient d’éclater à vingt pas de son bureau ; toits et plafonds de la demeure s’étaient effondrés, devant et derrière l’Evêque, miraculeusement indemne. Enjambant alors les amas de débris, il rejoint aussitôt ses confrères, eux aussi sains et saufs mais, hélas, vingt-deux personnes, dont une religieuse chinoise, réfugiées dans une section de l’évêché, avaient péri, ensevelies sous les décombres.
Six bombes étaient tombées sur l’Evêché ; toutes les maisons de rapport situées dans les environs immédiats étaient incendiées ; l’asile de vieillards et l’hôpital des indigents étaient anéantis ; l’Eglise St-Michel et l’école adjacente étaient détruites.
Les mois suivants, les dévastations continuèrent et l’on peut dire que 1940 vit l’anéantissement de toutes les maisons de culte, de charité et de propagande. Les plus douloureuses pour l’Evêque furent la destruction de la Cathédrale et de ses écoles, du florissant Collège Saint-Paul tenu par les Frères Maristes, de l’orphelinat de la Sainte Enfance. Seule, subsista debout et vivante l’Eglise de Ste-Thérèse. C’était le signe de la protection du ciel.
Pareil désastre aurait brisé plus d’une énergie. Celle de Monseigneur Jantzen resta intacte : « Nous mettrons autant de volonté à nous relever que les Japonais mettent d’acharnement à nous détruire », écrivait-il alors.
Personnellement, il accommoda son bureau -chambre à coucher, dans un modeste réduit de l’Evêché, ouvert à tout vent et à tout venant. Comme sa charité envers les sinistrés pouvait faire croire à une véritable richesse du Prélat, elle trompa le voleur ou les voleurs qui, la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, envahirent sans difficulté le local où couchait Monseigneur Jantzen. A coups de hachoir chinois, l’Evêque fut assommé, laissé pour mort par les visiteurs qui fouillèrent à loisir mais sans profit, la chambrette. Quand, se réveillant de sa torpeur, il se vit inondé de sang, il se dirigea d’instinct vers la chapelle mais l’ayant trouvée fermée, il revint en titubant vers sa cellule où il s’effondra en poussant un gémissement de douleur.
Alerté par ce cri, un missionnaire vint lui porter secours, le transporta à l’hôpital où il reçut des soins dévoués mais Monseigneur Jantzen resta convaincu que la « Maman du ciel » l’avait arraché à la mort, une fois de plus, en cette nuit du 1er Mai.
Ce n’était pas la dernière. En décembre 1943, Monseigneur Jantzen très fatigué consent à un examen médical sérieux et même à un séjour à l’hôpital. Le diagnostic est inquiétant ; la radiographie a révélé une tumeur de nature cancéreuse à l’intestin. Sur les instances du Consul de France, Monsieur Paul-Boncour, qui estimait et même aimait beaucoup le Vicaire apostolique, celui-ci consentit à aller à Kunming se faire opérer par un chirurgien de valeur, et l’armée américaine facilita le voyage en mettant gracieusement un avion à la disposition du malade et du missionnaire « qui doit l’assister à la mort ».
A l’hôpital Calmette, le Docteur Lanzalavi ne ménage pas les soins ni son dévouement au malade tandis qu’à Chungking, toute là chrétienté est en prière : Carmélites, Franciscaines Missionnaires de Marie, prêtres, fidèles supplient le Ciel de leur conserver leur Père et Chef. Or, le 2 février 1944, après la Communion, Monseigneur, qui jusque-là souffrait beaucoup et ne pouvait se remuer, se lève, se promène et crie : « je suis guéri ». Il ajoute ensuite : « aujourd’hui, finit la neuvaine à Chungking ».
Le Docteur Lanzalavi reste, à bon droit, sceptique, mais le 11 février, il doit convenir de la merveilleuse guérison de son malade : la radiographie ne révèle plus aucune trace de tumeur cancéreuse.
Monseigneur Jantzen regagne son Vicariat avec une ardeur nouvelle. Il sait qu’il doit sa survie à une intervention divine ; il se doit de la consacrer toute entière au service de Dieu.
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De fait, ses charges et obligations s’accroissent : il n’est plus seulement le Supérieur ecclésiastique d’une importante Mission, il est devenu Vice-Délégué apostolique pour la Chine libre et Représentant de l’Aumônerie américaine aux Armées.
Ces nouvelles responsabilités lui imposent de nouveaux soucis et sa pauvre demeure devient le rendez-vous de tous ceux à qui il se doit. Moins que jamais, il se refuse : il se donne littéralement à tous et fait face à tout avec calme, autorité et joie.
Le 15 août 1945, le Japon capitule mais la Chine ne devait pas connaître les joies de la victoire car la rupture entre le chef du Gouvernement nationaliste et le Général Mao-Tse- Tung transformerait le pays en un immense champ de bataille militaire et politique. Monseigneur Jantzen ne devait pas connaître le repos. C’était l’heure du relèvement des ruines : elles étaient immenses à travers toute la Mission.
Assurément, on relève les églises dévastées mais l’attention de l’Archevêque de Chungking se parte aussi et surtout sur les œuvres scolaires et charitables, sur celles de la formation des futurs prêtres. Il fait d’énormes sacrifices financiers pour la reconstruction du Collège Saint-Paul, dont le nombre des élèves quadruple aussitôt ; il agrandit et modernise l’hôpital de la Mission, le dotant « des services de maternité, de chirurgie et de radiologie les plus renommés de la ville » et d’une Ecole d’infirmières qui permettra de doter les quartiers les plus déshérités de la ville et de sa banlieue, de dispensaires placés sous le contrôle direct de l’hôpital de la Mission. « Sur ce terrain de l’assistance médicale, il faut faire vite et bien, car il pourrait arriver que, dans un avenir très prochain, ce soit le seul que nous puissions exploiter sans crainte d’être brimés, persécutés ».
Il rétablit le Probatorium et décide que seuls les enfants déjà pourvus du certificat d’études primaires y seront admis : « cette restriction constitue nettement une première sélection ».
Par ailleurs, il ouvre une Ecole de langues pour la formation des jeunes missionnaires, qui enfin arrivent à nouveau d’Europe.
Ces diverses activités n’empêchent pas Monseigneur Jantzen de reprendre ses visites pastorales ; il les accomplit toujours avec la même insouciance de la fatigue personnelle. C’est au retour de l’une d’elles, en octobre 1948, qu’il dut être hospitalisé : des hémorragies pulmonaires se sont déclarées. Force lui est de se laisser soigner pendant quatre mois, mais quand il sent une amélioration réelle, il trompe la vigilance des Sœurs infirmières et rentre chez lui. Un chef doit mourir sur la brèche.
Autour de lui, chacun s’étonne de l’activité de ce malade « dont les jours sont comptés », dit-on. Il ne l’ignore pas, lui non plus, mais il veut les remplir jusqu’au dernier soupir « pas à pas, heure par heure, minute par minute ». Devine-t-il alors le long calvaire qu’il lui reste à gravir, comme chef d’Eglise ? En tout cas, les événements se précipitent.
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Le général Mao, à la faveur de la guerre contre le Japon, n’a cessé de préparer ses voies ; il a formé des cadres pénétrés de la mystique marxiste ; il a instauré la discipline dans sa petite armée ; là où les nationalistes pillent, brûlent, violent, les petites troupes de la « Libération » se gardent de molester l’habitant, paient les réquisitions, donnent l’impression d’ordre et de force.
Quant à l’administration et à l’armée des Nationalistes, elles sont gangrenées jusqu’à la moelle et ne peuvent que trahir la cause qu’elles prétendent défendre.
Le 20 avril 1949, Mao est prêt et déclenche une foudroyante offensive ; le 10 mai, il s’empare de Shanghai ; le 15 octobre, il prend Canton ; fin novembre, il est devant Chungking.
Un attentat criminel a préparé son entrée. Le 2 septembre, un incendie allumé en trois points de la ville, a dévasté 37 rues, anéanti 8.000 maisons, 18 écoles, 16 entrepôts et laissé 100.000 personnes sans abri. Le 29 novembre, Chungking est « libéré ».
Mgr Jantzen n’a aucune illusion sur les fruits amers de cette libération ; dès les premiers mois du nouveau régime, il signale l’emprise des nouveaux maîtres sur la jeunesse, par la main-mise sur tout l’enseignement. Il est pessimiste dans ses pronostics pour l’avenir de l’Eglise mais il se garde bien de le montrer dans son comportement. En mai 1950, l’un de ses missionnaires écrivait : « Tous les ennuis, tous les soucis que nous traversons ont donné à notre cher Archevêque un regain de santé et de vaillance. Son moral reste le même, toujours aussi haut ; sa confiance dans la Providence plus forte que jamais »
C’est la réaction des grandes âmes devant les difficultés et tribulations. Celles-ci devaient s’aggraver à mesure que se développerait l’application systématique des principes et méthodes communistes ; elles ne parviendraient pas à faire fléchir l’âme de Mgr Jantzen.
La lutte entre le Gouvernement de Mao et l’Eglise fut déclenchée en mai 1950. Un discours du Vice-Président Chou-En-Lai marquait l’ouverture des hostilités : « Je trouve ridicule que la religion puisse être séparée de la politique. Religion et politiqu
Références
[3018] JANTZEN Louis (1885-1953)
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MDA 1947 p. 161.
EC1 N° 108. 114. 128. 193. 201. 202. 205. 206. 207. 208. 209. 213. 214. 215. 442. 447. 449. 455. 472. 484. 504. 505. 506. 508. 517. 518. 544.