Marc JORDAN1921 - 1994
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3773
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1947 - 1968 (Mandalay)
Biographie
[3773] JORDAN Marc (1921-1994)
Marc, Eugène JORDAN naquit le 1er juin 1921, à Jouvernex, un hameau de la commune de Margencel, sur la rive française du lac Léman, diocèse d'Annecy, département de la Haute Savoie. Fils de Louis et de Clémence Vincent, cultivateurs, la famille comptait trois garçons et deux filles. Son père gravement blessé pendant la grande guerre, mourut à l'âge de 55 ans. Sa mère vécut jusqu'à l'âge de 90 ans.
Après ses études primaires à Margencel, M.Marc Jordan fit ses études secondaires au petit séminaire de Thonon-les-Bains de 1932 à 1939. En octobre 1940, il se dirigea vers le grand séminaire d'Annecy; en juillet 1941, il fut incorporé dans les "Chantiers de la Jeunesse" dans le massif de la Chartreuse. Démobilisé huit mois après, il regagna le grand séminaire d'Annecy. Se sentant menacé par le Service du Travail Obligatoire (STO), il prit le maquis durant quelques temps, enfin, il réussit à régulariser sa situation en tant que "cultivateur, dispensé jusqu'à nouvel ordre.."
Le 14 novembre 1944, M.Marc Jordan entra, lecteur, au séminaire des Missions Etrangères. Sous-diacre le 16 avril 1946, diacre le 29 juin 1946, ordonné prêtre le 21 décembre 1946, en l'église St.Ignace au 33, rue de Sèvres, à Paris, par Mgr. Charles Lemaire, supérieur général des Missions Etrangères, il reçut le 14 février 1947, sa destination pour le vicariat apostolique de Mandalay, qu'il partit rejoindre le 6 mai 1947. M.Marc Jordan avait été agrégé à la Société des Missions Etrangères, le 18 avril 1947.
Accueilli à Mandalay par Mgr. Albert Falière, il commença l'étude de l'anglais à l'évêché. Tombé malade, il fut transféré à la léproserie St. Jean où les religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie, l'ayant soigné du typhus et de la paratyphoïde, le gardèrent comme aumônier durant huit mois. Pendant ce temps, il perfectionna son anglais et commença l'étude du birman, avec comme professeur, un lépreux païen.
En mars 1948, envoyé à Mindat, centre administratif chin à 4.800 pieds d'altitude, auprès de M.Ludovic Fournel, le pionnier des Chins du Sud, M. Marc Jordan, musicien dans l'âme, débuta dans l'étude de cette langue avec les écoliers comme professeurs, et il la parla parfaitement, pourtant .." Le Chin est très difficile, écrira-t-il en 1953, par suite de la richesse de ses substantifs, multipliés à plaisir, par le fait du mélange de plusieurs dialectes; difficile aussi à cause de sa prononciation rude et variable; difficile surtout à cause des tons, le même mot pouvant avoir une dizaine de sens différents suivant intonation et prononciation..."
En mai 1950, évacué en urgence par avion militaire et hospitalisé à Rangoon pour une opération de l'appendicite, une piqûre rachidienne mal faite lui causa une méningite. Après sa convalescence à Mandalay, il revint à Mindat, et peu après, succédant à M.François Collard malade, il s'installa à Lukshè, refuge des Pères et des Soeurs, durant l'occupation japonaise, à une dizaine de kms au nord de Mindat. Mais en 1952, pendant le séjour en France de M. Ludovic Fournel, il desservit Mindat.
En 1953, il publia dans le Bulletin de la Société des Missions Etrangères de Paris, une étude sur "les Chins", complétée en 1960, par une seconde sur "L'animisme des Chins". En 1954, il ouvrit de nouveaux villages à l'évangélisation, rayonnant dans les vallées de Yo, de Maung, et de Mo, où, dans ces dessertes, il construisit sept chapelles et ouvrit trois écoles primaires. En 1955, il se mit à bâtir pour y installer les Soeurs Franciscaines, un petit couvent achevé l'année suivante, avec dispensaire et maternité.
En 1957, M. Marc Jordan, confiant son poste à M. Louis Garrot, prit un congé en France où il arriva le 7 avril. Il en profita pour suivre, du 4 juin au 13 juillet 1957, un cours d'initiation médicale organisé par les Facultés Catholiques de Lille, à l'intention des missionnaires. Le 26 janvier 1958, il s'embarqua sur le cargo "Malaya" à destination de Rangoon, puis retrouva Lukshe et les montagnes chins.
Le 5 juin 1959, les catholiques des Montagnes Chins du Sud fêtèrent à Lok'shèt le vingt cinquième anniversaire de l'implantation de l'Eglise parmi eux. En 1961, à Lukshe, les Soeurs Franciscaines dirigeaient le dispensaire ainsi que l'école paroissiale qui, l'année suivante, avec ses 138 élèves, devint alors la première école secondaire catholique dans le sud des montagnes chins. Quatre petits séminaristes faisaient leurs études aux séminaires de Maymyo et d'Anisakan.
En 1962, la chrétienté de Lukshe comptait 486 catholiques et environ 60 catéchumènes; une école, dans l'important village de Chat, venait d'être ouverte. M.Marc Jordan entreprit alors, avec l'aide de ses chrétiens, de reconstruire son église centrale qui fut inaugurée le 9 mai 1963. Vers 1967, à son district de Lukshe, il ajouta l'administration de celui de Leikkiam, fondé par M. Hervé Nédelec décédé et repris par M. Louis Garrot.
En 1967, l'expulsion des jeunes missionnaires de Birmanie, ne toucha ni M.Ludovic Fournel, ni M. Marc Jordan, mais la fatigue et la maladie les éprouvèrent très sérieusement. En 1968, M. Marc Jordan fut contraint de rentrer en France, où il arriva le 9 février 1968. Après un séjour à l'hôpital Pasteur et une cure à Vichy, il prit du repos à Paris et au pays natal.
Il en profita pour terminer son Dictionnaire Chin préfacé par M. Zahre Lian, de l'ethnie Chin, Ambassadeur de Birmanie en France qui considérait que ce travail était "d'une valeur immense pour les chercheurs et les érudits." Dans les N° 39 et 40 de "Epiphanie", il publia une longue étude sur les Chins du Sud et la Mission Catholique.
En 1970, sa santé ne lui permettant pas de repartir en mission, il se fit réincardiner au diocèse d'Annecy. Nommé vicaire à Saint Etienne du Pont-Neuf, il fut l'auxiliaire de M.l'Abbé Vulliez, responsable de la coopération missionnaire dans le diocèse. En 1972, il accepta le poste d'aumônier à l'hôpital Camille Blanc à Evian. Au début de 1979, il fit un voyage en Birmanie et passa une semaine dans son ancienne mission. Le 16 octobre 1979, il devint curé à la Chapelle d'Abondance, petite paroisse, à la frontière du Valais, dans la vallée de la Dranse. C'est là que peu avant sa mort, il reçut la visite de son ancien fils spirituel devenu évêque du nouveau diocèse des Chin-Hills, Mgr.Nicolas Mang-Thang.
M. Marc Jordan alla passer quelques semaines à Lauris, entre son hospitalisation à Evian le 14 février 1994, et son décès à Thonon les Bains le 12 août 1994. Il fut inhumé à La Chapelle d'Abondance, le 16 août 1994. Ce jour là, plusieurs témoins s'avancèrent pour lui exprimer leur reconnaissance.
Nécrologie
[3773] JORDAN Marc (1921-1994)
JORDAN, Marc, Eugène, né le 1er juin 1921 à Jouvernex-en-Margencel (Haute-Savoie), diocèse d’Annecy ; entré au Séminaire des Missions Étrangères le 14 novembre 1944, ordonné prêtre le 21 décembre 1946, reçoit sa destination pour Mandalay (Birmanie) le 14 février 1947 ; parti pour sa mission le 6 mai 1947, rentré en France le 9 février 1968 ; reprend du ministère dans le diocèse d’Annecy en 1970 ; décédé à Évian-les-Bains le 12 août 1994 ; inhumé à La Chapelle d’Abondance le 16 août 1994.
Marc naquit le 1er juin 1921, à Jouvernex-en-Margencel, sur la rive française du Lac Léman, dans une famille de cinq enfants (trois garçons et deux filles). Ses parents étaient agriculteurs. Son père, Louis, gravement blessé pendant la guerre, devait mourir à l’âge de 55 ans. Mais sa mère, Clémence, vécut jusqu’à l’âge de 90 ans.
Après avoir fait des études primaires à Margencel, Marc était déjà élève au petit séminaire de Thonon-les-Bains lorsqu’il reçut le sacrement de confirmation, en 1932, des mains de Mgr Michel du Bois de la Villerabel. En 1940, il entre au grand séminaire d’Annecy, où il a comme directeur l’abbé Léon-Étienne Duval, futur évêque d’Alger et futur cardinal. En juillet 1942, Marc doit rejoindre les Chantiers de Jeunesse, dans le massif de la Chartreuse, puis regagne le séminaire d’Annecy en mars 1943. Mais, se sentant menacé par le « Service du Travail obligatoire », le 8 juin 1943, il juge plus prudent de disparaître pour un temps et gagne le maquis.
Ayant réussi à régulariser provisoirement sa situation en tant que « cultivateur, dispensé jusqu’à nouvel ordre … », il fait sa demande d’admission au Séminaire des Missions Étrangères, se recommandant du P. Joseph Muffat et du séminariste Pierre de Monjour. Il avait déjà obtenu de son évêque, Mgr Auguste-Léon Cesbron, la permission d’e quitter le diocèse, et le supérieur du séminaire d’Annecy donna un avis favorable. Il rejoint Paris le 14 novembre 1944..
Il est ordonné prêtre le 21 décembre 1946, en l’église Saint-Ignace, au n° 33 de la rue de Sèvres. Il fit partie des premiers prêtres ordonnés par Mgr Charles Lemaire, nouveau Supérieur général.. Monseigneur conféra la tonsure, les quatre ordres mineurs, le sous-diaconat et le diaconat avant d’ordonner 22 prêtres pour la Société MEP et deux jésuites. La cérémonie commencé e à 7 h du matin se termina à 12h30. La chapelle du 128 rue du Bac était évidemment trop petite pour accueillir un si grand nombre d’ordinands et leurs familles.
Le 14 février suivant, Marc Jordan reçoit sa destination pour Mandalay en Birmanie. Il s’embarque à Marseille le 6 mai 1947, fait escale à Singapour et débarque à Rangoon. Il est accueilli à Mandalay par Mgr Albert Falière, un homme qui a profondément marqué toute une génération de missionnaires MEP et de prêtres birmans par son extraordinaire esprit missionnaire.
Marc se met à l’étude de l’anglais, mai tombe malade et est transféré à la léproserie Saint-Jean, où les religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie, l’ayant soigné de son typhus et de sa paratyphoïde, le gardent pendant huit mois comme aumônier. Une trentaine de religieuses s’occupent de plus de 500 lépreux. Marc continue à apprendre l’anglais et commence l’étude du birman avec, comme professeur, un lépreux païen.
En 1948, il est envoyé dans les montagnes des Chins du Sud, où il rejoint le P. Ludovic Fournel, au milieu de la désolation consécutive à l’occupation japonaise et à la victoire des alliés. Il se met cette fois à l’étude du Chin, avec les écoliers comme principaux « professeurs » . Cela se passe à Mindat. Mais bientôt, le voilà à nouveau alité ! Il doit être transporté à Rangoon pour une opération. Hélas, suite à une piqûre rachidienne mal faite, le voilà atteint d’une méningite ! Son état devient préoccupant à tel point que les confrères de la capitale essaient en vain, de le convaincre qu’il est temps pour lui de recevoir l’extrême-onction. De fait, Marc survit. Il part pour Mandalay pour un temps de convalescence et, au cours de l’automne 1949, retourne à Mindat.
C’est là que commencde, en 1950, le gr and chapitre de ses activités issionnaires ad gentes. Il restera dans cette région pendant 18 ans. Il est envyé à Lukshe pour prendre la place du P. François collard, qui avait grand besoin de se faire soigner. Lorsqu’en 1957 marc part en congé en France, il est provisoirement remplacé par le P. Louis Garrot.
Marc profite de ses huit mois de congé pour faire un apprentissage d’assistant médical à Lille . À son retour, il retrouve sa place de curé à Lukshe et rayonne dans toutes les vallées environnantes : celles du Yo, proche de son centre, ainsi que celles du Mo au nord et du Maung à l’ouest. Tout au long de ces vallées, dans les nombreux villages qui les parsèment, il fonde de nouvelles communautés chrétiennes, construisant sept chapelles dans des dessertes, trois écoles primaires et une école moyenne, un dispensaire et un orphelinat. Dans son poste principal, il installe un petit couvent que viendront occuper les religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie, pour prendre la direction d’un modeste hôpital et d’une maternité. L’église de Lukshe était une petite masure. Il la remplace par une belle église qui sera inaugurée le 9 mai 1963. Les Chrétiens ont participé activement à son édification, notamment en transportant les matériaux le sable surtout, qu’ils durent monter dans des hottes depuis le torrent situé 50 m plus bas. Ils sont légitimement fiers de leur nouveau lieu de culte, bel édifice où aucune colonne n’obstrue la vue du sanctuaire, avec une petite tribune sous le clocher, et un large chœur avec un seul autel de style moderne dominé par la croix d’un magnifique vitrail venu de France.
Toute sa vie, le P. Marc Jordan gardera le souvenir de ces réalisations matérielles qui illustraient en quelque sorte l’aboutissement de longs efforts pour diffuser l’Évangile et former des chrétiens.. Il avait rencontré bien des difficultés. Il avait dû faire preuve de beaucoup de patience et de persévérance pour lutter contre des coutumes et des superstitions difficilement compatibles avec l’enseignement de l’Évangile. Il avait certes connu des déconvenues. Mais il avait surtout éprouvé la joie de voir naître et de consolider de nouvelles communautés chrétiennes. Jusqu’à la fin de sa vie, le P. Marc Jordan aimera évoquer, avec une émotion bien compréhensible, son activité missionnaire chez les Chins.
Entre temps, l’archevêque, Mgr Falière, avait démissionné en 1959. Il avait été remplacé d’abord par Mgr Joseph U Win – qui sera lui-même remplacé en 1969 par Mgr Aloysus U Ba Khin. En 1967, tout en restant curé de Lukshe, le P. Marc Jordan prend en charge également la paroisse de Leikkiam. Toutes ces communautés chrétiennes se développent et il y a déjà plusieurs séminaristes qui en sont originaires dans les séminaires de Maymyo et d’Anisakan.
Tout en essayant d’améliorer sa connaissance du birman, Marc Jordan avait réussi à maîtriser la langue chin. Il avait mis en chantier le premier dictionnaire chin-anglais, version dialectale khokhi en usage dans le district de Mindat. Il le terminera pendant son second séjour en France.
En effet, au début de l’année 1968, Marc, de santé toujours fragile, ne peut plus soutenir le rythme de ses tournées missionnaires. Il a manifestement besoin de soins et de repos. Il se résigne à rentrer en France. Après un séjour à l’hôpital Pasteur et une cure à Vichy, il prend un temps de repos à Paris, puis en Haute-Savoie. Repos tout relatif, puisqu’il en profite pour terminer son dictionnaire chin auquel il adjoint une grammaire. Son ouvrage sera préfacé par l’ambassadeur de Birmanie en France, M. Zahre Lian, un membre de l’ethnie chin, qui considère que ce travail est « d’une valeur immense pour les chercheurs et les érudits ». Marc publie aussi dans les numéros 39 et 40 d’ »Épiphanie » une longue étude sur les Chins du sud, depuis la fondation de la mission catholique en 1934 par le P. Trémeur-Marie Audrain jusqu’à la disparition du P. Fournel, mort en 1968.
Mais le P. Marc Jordan se préoccupe de son avenir. Bien que sa santé reste fragile, il estime qu’il est à même de reprendre du ministère. Il aimerait repartir en Birmanie. Hélas, ce n’est pas possible. Il ne pourrait jamais obtenir son visa de préentrée dans le pays. Dans les années 60, le gouvernement avait expulsé tous les jeunes missionnaires. Les plus anciens avaient été autorisés à rester, mais il était convenu qu’ils ne pourraient plus revenir dans le pays s’ils en sortaient … Le P. Marc Jordan connaissait ces dispositions. Une personnalité birmane lui avait bien laissé espérer un infléchissement de cette politique, mais très vite il se rendit compte qu’il devait renoncer une fois pour toutes à un retour en Birmanie. Pendant quelque temps il considéra la possibilité de commencer une nouvelle vie missionnaire dans un autre pays, par exemple à Taïwan où Mgr Vérineux était prêt à l’accueillir. Mais sa santé était manifestement trop précaire pour qu’il puisse se permettre de telles aventures.
C’est ainsi qu’en 1970, il accepte le poste de vicaire à Saint-Étienne du Pont-Neuf dans le diocèse d’Annecy. En même temps, il seconde l’abbé Vulliez, responsable de la coopération missionnaire dans le diocèse. Il a de nouveaux ennuis de santé. En 1972, alors qu’ il est sur le point de fêter ses vingt-cinq années de prêtrise avec l’équipe paroissiale, le vicaire épiscopal lui propose l’aumônerie de l’hôpital d’Évian-les-Bains. Il accepte. Il y restera presque huit ans. Non seulement il est à la disposition des malades de l’hôpital Camille Blanc, mais il se rend aussi très régulièrement auprès de ceux qui souffrent d’une insuffisance rénale dans le centre de dialyse de l’Ermitage.
Il n’aime pas s’éloigner de ses malades et, avant d’envisager toute absence un peu prolongée, il se préoccupe de trouver un remplaçant. En 1975, il fait cependant un voyage d’une quinzaine de jours en Italie avec le P. Henri Jourdain, lui aussi ancien missionnaire de Birmanie. Il ira aussi passer quelque temps au Canada. Sa mère meurt au début de l’année 1977. Peu après, il commence à élaborer le projet d’un voyage en Birmanie. Mais c’est seulement au début de l’année 1979 qu’il réussira à aller passer une semaine dans son ancienne mission.
Entre-temps, les autorités diocésaines lui ont proposé plusieurs fois de lui confier diverses paroisses. Mais après être aller se rendre compte sur place, il avait chaque estimé que sa petite santé ne lui permettrait pas d’assumer tout le travail que comporteraient ces responsabilités pastorales. C’est seulement lorsqu’on lui propose de devenir curé à La Chapelle d’Abondance qu’il répond, positivement, considérant que cette responsabilité n’était pas au-dessus de ses forces. Il s’agit, en effet, d’une petite paroisse avec une seule église. C’est ainsi que, le 16 octobre 1979, il devient curé d’une petite station de montagne, à la frontière du Valais, dans le cadre grandiose de la vallée de la Dranse. Il y restera presque 15 ans. Il y fut inhumé le 16 août 1994.
Le jour de ses obsèques, plusieurs témoins s’avancèrent pour exprimer leur reconnaissance au P. Marc Jordan. Ce fut d’abord le maire : « Cette mission que vous aviez alors acceptée pour la paroisse Saint-Maurice de La Chapelle d’Abondance (….) c’est avec délicatesse, mais aussi avec une forte conviction que vous aviez choisi de l’exercer, en y appliquant les principes que l’Église vous donnait mission de propager. L’assistance nombreuse ici aujourd’hui pour vous accompagner témoigne de notre affection et de notre gratitude à votre égard ». Peu après, une dame s’avançait : « Tout au long de ces quatorze années passées avec nous, des liens solides s’étaient tissés. Vous avez partagé nos joies, nos peines, nos travaux, nos souffrances . Nous tenons à vous dire « Merci » pour tout ce que vous avez accompli pour maintenir notre paroisse dans la foi. (…) Un merci plus particulier des membres de la chorale à qui vous avez transmis votre amour de la musique par vos compositions. Merci pour les bons moments que nous avons passé ensemble lors des répétitions ». Un peu plus tôt, l’évêque d’Annecy, Mgr Barbier, avait rappelé les souffrances du P. Marc Jordan et ses exigences : « exigence pour lui-même, exigence pour les autres, son goût de la perfection dans la vie comme dans la musique ».
Le P. Jordan avait effectivement beaucoup souffert pendant les derniers mois de sa vie, depuis son hospitalisation à Évian, le 14 février 1994, jusqu’au jour de sa mort le 12 août à Thonon-les-Bains. Il avait entre-temps passé quelques semaines à Lauris. Mais il avait aussi souffert précédemment, à vrai dire tout au long de sa vie. Souffrances physiques en raison des multiples problèmes de santé qu’il eut à affronter. Souffrances morales aussi pour avoir dû quitter la Birmanie. Souffrances encore en constatant dans l’Eglise une évolution qu’ l comprenait mal et avait du mal à accepter. Le 19 novembre 1992, il écrivait à son supérieur : « Hier, pendant que ces dames faisaient ici le catéchisme, je faisais ma lessive de la semaine ! C’est un peu le monde renversé .. ; le dépouillement aussi… fiat ! Et vive la joie quand même ! » Sa réflexion ne manque pas d’humour et ne fait qu’effleurer le problème. Elle laisse entrevoir cependant de vraies luttes intérieures. Il lui en avait coûté d’accepter certaines évolutions dans l’Eglise.
Mais, toute sa vie, Marc Jordan resta fidèle à ses engagements de prêtre et fidèle à l’Eglise. Même lorsqu’il avait beaucoup de mal à comprendre certaines pratiques nouvelles ou certaines directives de l’épiscopat français, il ne songeait jamais à passer outre. De même, dans ses relations avec la Société MEP, il lui est arrivé de manifester son désaccord avec ses supérieurs, en particulier à l’occasion des assemblées générales, mais sans jamais contester leur autorité. Comme le montrent ses nombreuses lettres, jusqu’au bout il est resté non seulement fidèle, mais profondément attaché à la Société des Missions Etrangères.
En terminant, soulignons tout spécialement la fidélité du P. Jordan à la Birmanie ; jamais il n’oubliera qu’il avait été « destiné » à la Birmanie . Toute sa vie, il gardera vivant dans son esprit le souvenir de tous ceux et celles avec qui il avait vécu et travaillé dans ce pays. A partir de 1970, il s’était certes mis de tout son cœur au service de l’Eglise en France, mais sans jamais oublier les chrétien de Birmanie . Il saisissait toutes les occasions qui se présentaient à lui pour communiquer avec eux et pour les aider chaque fois que cela s’avérait possible. L’une des plus grandes joies de sa vie fut incontestablement la visite à La chapelle d’Abondance, peu avant sa mort, de son ancien fils spirituel, devenu évêque du nouveau diocèse de Chin-Hills, Mgr Nicolas Mang Thang.
