Jean KERMARREC1924 - 2014
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3832
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Biographie
[3832] KERMARREC Jean est né le 26 septembre 1924 à Landerneau (Finistère).
Ordonné prêtre le 29 juin 1948, il part le 2 septembre suivant pour la mission de Pakhoi (Chine).
Il étudie le chinois à Pakhoi, puis il est envoyé à Canton. Il est expulsé de Chine en 1952.
Il reste pendant quelque temps à l'imprimerie de Nazareth à Hong Kong, puis en 1953, il est affecté au collège de La Providence à Hué. En 1956, il part pour le Centre montagnard du Cam-ly à Dalat. Il est expulsé du Vietnam en 1975.
Il revient quelques mois en France, puis il est affecté au diocèse de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Il est alors nommé curé de Canala (1976-1987) puis de Thio (1987), où il meurt le 21 octobre 2014. Il est inhumé dans cette paroisse.
Nécrologie
Jean KERMARREC
1924-2014
Jean Joseph Kermarrec vint au monde à Landerneau (29) le 26 septembre 1924 et y fut baptisé le jour même. Ses parents, François Kermarrec et Marie Bécam, s’étaient mariés en 1921, et ils eurent 5 enfants, 3 fils et 2 filles, dont l’une, Marie-Thérèse, devint religieuse Augustine au monastère Notre-Dame-de-Providence, établi autrefois à Pabu (22) et depuis 1983 à Kerprat en Ploumagoar (22). Monsieur Kermarrec exerçait la profession de coiffeur.
À l’âge de 11 ans, le jeune Jean reçoit un premier appel à devenir prêtre missionnaire, auquel il donne immédiatement un premier et entier consentement. Après des études primaires à Landerneau, il entre au Collège Saint-François de Lesneven (29), où il est confirmé en 1936. À la rentrée de 1939, âgé de 15 ans, il entre au petit séminaire Théophane Vénard, à Beaupréau (49). En juin 1942, le supérieur constate que ses résultats scolaires ne placent pas Jean en tête de sa classe de 14 élèves, mais il note que le « très grand esprit surnaturel » de Jean le fait regarder par ses formateurs « à ce point de vue comme le meilleur élève de la maison ».
Le 1er octobre 1943, Jean Kermarrec entre au Séminaire des Missions Étrangères. Il fera toutes ses études sans interruption rue du Bac car le séminaire de Bièvres est occupé par l’armée allemande. Pendant l’été 1944, alors qu’il est à Landerneau chez ses parents, il se dévoue sans compter au service des blessés qui arrivent du siège de Brest, où résistent des unités allemandes. Comme pour les conscrits de la classe 44, le service national qui lui est demandé se réduit à une « préparation militaire » qu’il effectue sur place, à Paris fraîchement libérée.
Tonsuré le 17 mars 1945, institué lecteur le 8 juillet 1945, puis acolyte le 29 juin 1946, Jean Kermarrec devient sous-diacre le 28 juin 1947 et diacre six mois plus tard, le 20 décembre 1947. Dans la lettre de demande de l’ordination sacerdotale qu’il adresse au supérieur général le 30 avril 1948, il écrit : « Je désire me consacrer, par amour, aux mystères de l’Incarnation Rédemptrice, pour l’amour du Christ, le salut des âmes, et la gloire de la Trinité. Je demande les prières de l’Église pour pouvoir porter la Croix du Christ, avec la grâce, jusqu’à la mort ». Peu avant ses 24 ans, Jean Kermarrec est ordonné prêtre le 29 juin 1948 et il reçoit comme destination la mission de Canton. Mais les supérieurs de la société lui demandent d’abord de rendre service pendant l’année scolaire 1948-49 à l’école missionnaire Augustin Schœffler, à Ménil-Flin (54). C’est alors qu’il est agrégé temporairement à la Société, le 4 novembre 1948.
Puis le jeune prêtre de 25 ans part en mission le 2 septembre 1949. Il révélera plus tard qu’il avait formé le vœu de ne jamais revenir dans son pays natal. Il voyage avec son compatriote de Tréglonou (29) et condisciple au Séminaire des Missions Étrangères, le P. Antoine Pallier (1924-1988), qui est, lui, destiné à la mission de Pakhoï.
La ville côtière de Pakhoï (appelée en mandarin : Beihai) se trouve actuellement dans la province du Guangxi, près de la frontière vietnamienne. Le vicariat du Canton occidental et de l’île de Hainan avait été détaché du vicariat apostolique de Canton en 1921, puis, en 1924, le Saint-Siège avait créé le vicariat apostolique de Pakhoï et en avait confié le soin pastoral aux Missions Étrangères.
Les deux jeunes missionnaires s’embarquent à Marseille sur le « Maréchal Foch », qui les mène jusqu’au port de Haïphong. Les Dominicains les hébergent quelques jours. C’est là qu’ils apprennent, le 1er octobre 1949, que Mao Zedong a proclamé la République Populaire de Chine. Les communistes ont gagné la guerre civile et on connaît bien leur hostilité envers le christianisme et les missionnaires étrangers.
Les PP. Kermarrec et Pallier se rendent cependant résolument en Chine. Le 2 octobre 1949, fête des Saints Anges gardiens, ils prennent la mer à Haïphong sur une vieille jonque chinoise et ils arrivent à Pakhoï au terme d’un voyage éprouvant interrompu par une tempête. Ils y sont accueillis par les confrères de la ville, les PP. Henri Cotto (1908-1986), curé de Pakhoï, Modeste Duval (1910-1994), supérieur du petit séminaire, et Albert Thouvenin (1904-1984), procureur de la mission.
Jean Kermarrec ne put se rendre comme prévu à Canton, il resta à Pakhoï avec Antoine Pallier et ils apprirent le chinois cantonais. Ils y passèrent trois années de résidence surveillée, la dernière étant particulièrement pénible. Fin 1952, comme en de nombreux autres lieux, les missionnaires étrangers de Pakhoï, MEP et Sœurs Salésiennes Missionnaires de Marie Immaculée, furent accusés par les communistes d’infanticide de masse. Ils furent contraints pendant 12 jours de déterrer en public les crânes d’enfants recueillis par les Sœurs et qui n’avaient pas survécu. Puis ils furent expulsés par Hongkong, en novembre 1952, sans toutefois avoir subi de jugement populaire.
Le P. Jean Kermarrec, sachant le cantonais, resta à Hongkong. Il travailla à l’imprimerie MEP de Nazareth, mais celle-ci fut fermée en 1953. La Société ne gardait à Hongkong que la maison de Béthanie et la Procure. Seuls les PP. René Chevalier (1909-1981) et Joseph Madéore (1901-1981), déjà investis dans la pastorale locale, obtinrent d’y poursuivre leur ministère.
Les supérieurs de la Société donnèrent donc une nouvelle destination au P. Kermarrec, qui n’avait que 29 ans, ce fut le Vietnam. Il commença par être professeur au collège de la Providence, à Hué, de 1953 à 1956. L’adoption progressive des programmes d’enseignement vietnamien le dégagea de son professorat à la Providence.
Il résida ensuite 19 ans dans le diocèse de Dalat, au Camly, proche de la ville de Dalat, collaborant avec le P. Marius Boutary, qui l’y avait précédé de quelques années. L’évangélisation des Làc peuplant cette région en était à ses débuts. Le P. Octave Lefèvre (1907-1955) s’y était employé à partir de 1948 et avait fondé pour eux le Centre Montagnard du Camly. Les PP. Boutary et Kermarrec se retrouveront par la suite en Nouvelle-Calédonie, de 1977 à 1985, dans des districts voisins.
Ce Centre comprenait un petit dispensaire et une maison d’accueil pour des Montagnards qui devaient se rendre à Dalat, ainsi qu’une école primaire franco-montagnarde, dont une section pour les filles, confiée à des religieuses, et enfin un foyer pour les élèves montagnards qui étudiaient dans les écoles secondaires de la ville. Le terrain avoisinait le parc de l’école des Chanoinesses de Saint-Augustin (l’institution Notre-Dame de Lanbian). À partir de ce Centre, les missionnaires rayonnaient dans la région, visitant les jeunes chrétientés.
À Dalat, le P. Kermarrec se mit à apprendre la langue làc, comprise par les montagnards de la région, désignés par le terme générique de Koho. Il pouvait communiquer avec les grands élèves du Centre, qui avaient une certaine connaissance du français. Très vite, il prit en charge l’enseignement religieux, qu’il assurait chaque matin. Doué pour le dessin et la calligraphie, il recourait aux craies de couleur dans son enseignement. Il devint aussi expert dans la ronéotypie sur stencil et Gestetner. Il entra en contact avec le Service géographique de l’Indochine, il s’initia à l’imprimerie sur plaque de zinc. Il illustra ainsi toutes les publications du Centre Montagnard, en particulier un livre de prière modeste et le missel. Il prit également une part active dans la construction et l’aménagement de la chapelle du Centre, qu’il tint à dédier à l’Épiphanie du Seigneur. Il orna les murs de peintures dont un Christ qu’il fit musclé et cornu, pour signifier de manière parlante aux Làc la force de Dieu dont était empli le Sauveur.
En bon missionnaire, le P. Kermarrec avait le souci de comprendre et d’aimer le peuple auquel il était envoyé. Pour mieux connaître le monde religieux traditionnel montagnard, ses croyances, son rituel, ses symboles, ses mythes, ses coutumes, il faisait venir dans son bureau deux ou trois élèves et il leur faisait décrire la vie quotidienne au village, les fêtes traditionnelles, le sens des éléments décoratifs ornant les poteaux de sacrifice. Il prenait des notes, ce qui lui permit d’écrire quelques articles et de fournir des explications aux visiteurs. Ceux-ci étaient assez nombreux, car le Centre n’était pas loin de Dalat, et ils purent apprécier l’accueil toujours avenant du P. Kermarrec. Ces visiteurs étaient l’évêque de Dalat, Mgr Hiên Simon-Hoà, avec lequel le P. Kermarrec avait travaillé au collège de la Providence à Hué, des confrères MEP, des Rédemptoristes québécois, des Lazaristes, de nombreux amis laïcs, dont le savant ethnologue Georges Condominas. Responsable de l’accueil, le P. Kermarrec était aussi chargé des courses en ville pour assurer le quotidien.
Resté seul au Centre Montagnard lors de la prise de Dalat par les armées nordistes en 1975, le P. Kermarrec fut mis en résidence surveillée sur place. Il s’ingénia alors à faire porter la communion discrètement aux malades dans les villages. Fin août 1975, le P. Kermarrec dut quitter le pays et, bien malgré lui, revenir en France. Il est alors âgé de 51 ans.
Dès janvier 1976 il repart en mission, une dernière fois, et il ne rentrera jamais plus en Europe. Il fait partie du groupe des confrères expulsés d’Indochine qui partent se mettre au service de l’Église qui est en Nouvelle-Calédonie, à la suite du P. Denys Cuenot, qui avait là- bas un parent mariste.
L’évêque de Nouméa de l’époque, Mgr Klein, le nomme curé de Canala. Il y travaille de 1976 à 1987, avec le P. Henri Radelet, lui aussi né en 1924, mais ordonné en 1949, et qui avait précédemment travaillé, comme le P. Kermarrec, en Chine puis au Vietnam.
Le P. Jean Kermarrec arrive à Thio le 1er mars 1987, tandis que le P. Radelet lui succède à Canala comme curé. Il a 63 ans et il restera un quart de siècle au service de cette paroisse. Un confrère se rappelle une intervention marquante de Jean Kermarrec à la réunion annuelle des prêtres de Nouvelle-Calédonie qui eut lieu à l’évêché de Nouméa après les événements tragiques de 1988 (otages d’Ouvéa). Jean les avait impressionnés par son analyse calme et posée de la situation des tribus kanak.
En décembre 1996, il écrit : « Sans quitter Thio, je trouve tous les pays et les populations dans les mines de nickel. En grattant un peu la terre superficielle des ouvriers on retrouve les trésors de tous ces pays. C’est ma paroisse ; elle est riche ; je suis un gros propriétaire ».
Fin 2006, il déclare : « Ici en Calédonie depuis janvier 1976, je suis reçu comme un étranger, c’est une autre approche de la mission. Il y a trop de tribus, trop de dialectes, je m’exprime donc en français qui est la langue de communion en quelque sorte, mais je n’ai pas la joie de partager de la même manière qu’en Chine ou au Vietnam. Aux Missions Étrangères, on n’est pas habitué à cela ».
Enfin, à bout de forces, le 18 septembre 2012, le P. Kermarrec se retire chez les Petites Sœurs des Pauvres de Nouméa. Bien soigné par les sœurs, il pourra continuer jusqu’au bout à célébrer la messe, animer la prière, encourager résidants et visiteurs. Le 20 octobre 2014, le P. Kermarrec doit être hospitalisé d’urgence. Une perforation de l’œsophage est diagnostiquée, l’issue en est fatale. Il reçoit sereinement le sacrement des malades et décède le lendemain. Ses funérailles furent présidées le 23 octobre par Mgr Michel Calvet, archevêque de Nouméa, dans la chapelle des Petites Sœurs des Pauvres, suivie de l’inhumation à Thio.
Au cours des 66 ans de son ministère (1 an en France, 3 ans en Chine, 1 an à Hongkong, 22 ans au Vietnam, près de 39 ans en Nouvelle-Calédonie), le P. Jean Kermarrec fut un prêtre mystique, bon et fidèle, bienveillant envers les peuples auxquels il était envoyé. Par ces paroles simples, il exprimait ce qu’il s’efforçait de vivre : « Demain est au Seigneur », « La volonté de Dieu est notre nourriture quotidienne », « La mission, c’est l’amour, il en est de même de la vocation, de l’Église. C’est simple comme l’est la rencontre de Jésus et d’un enfant ».
Son confrère et ami le P. Boutary témoigne : « Le P. Jean Kermarrec était un homme de prière, de foi profonde et solide. Don précieux qu’il tenait de sa famille. C’était un « spirituel » dans sa manière de faire une lecture, de présenter une interprétation ou un commentaire des événements, ou difficultés diverses. Le Père Jean était un homme de devoir et de fidélité. Une mission lui avait été confiée, il fallait la conduire à bien, et à son terme. Il avait fait sa formation dans les séminaires de la Société, et marqué par cette formation particulière, il gardait envers la Société, et ses maîtres, une grande reconnaissance. Avec émotion, il évoquait assez souvent la figure du P. Jean Davias-Baudrit (1899-1976), son supérieur à Beaupréau. Le P. Kermarrec : un homme à l’accueil toujours souriant, plein d’égards, d’attention et de délicatesse... ». Que le Seigneur donne à son fidèle serviteur d’entrer pleinement dans la joie de son Maître !