Pierre LORAIN1847 - 1913
- Status : Prêtre
- Identifier : 1088
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1871 - 1913 (Chongqing [Chungking])
Biography
[1088]. LORAIN, Pierre-Jules, né à Nomécourt (Haute-Marne) le 7 février 1847, fit ses études au petit séminaire de son diocèse, et entra minoré au Séminaire des M.-E. le 28 mars 1868. Pendant la guerre de 1870 et la Commune, il fut du très petit nombre des aspirants qui restèrent au Séminaire. Prêtre le 25 mars 1871, il reçut sa destination pour le Se-tchoan oriental et partit le 16 août suivant.
Le premier district qu'il dirigea fut Ouan hien. En 1873, il fut chargé par Mgr Desflèches d'aller à Kien-kiang avec M. Lenoir, pour reconnaître les corps horriblement mutilés de MM. Hue et Tay massacrés le 5 septembre par les païens. Il resta dans ce district pendant deux ans, 1874-1876, et retourna à Ouan hien, 1876-1880. Il fut placé à la tête des districts de Fong-tou hien, 1880-1883 ; Tong-hiang, 1883-1887 ; Leang-chan hien, 1887-1890. Cette même année 1890, nommé procureur par Mgr Coupat, il vint résider à Tchong-king. Très souvent il eut à traiter avec les mandarins les affaires contentieuses de la mission ; il le fit avec énergie. Mgr Chouvellon l'ayant choisi pour provicaire en 1899, il l'aida activement et vigoureusement dans ses divers travaux, s'occupa de plusieurs constructions dans les paroisses de Tchong-king, contribua à la fondation de l'hôpital (Hôpital, grav., A. M.-E., 1903, p. 115), et à l'installation des religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie. Il mourut à Tchong-king le 10 février 1913, et fut enterré dans le cimetière de Tsen-kia-gay.
Obituary
M. LORAIN
PROVICAIRE DU SU-TCHUEN ORIENTAL
Né le 7 février 1847
Parti le 16 août 1871
Mort le 10 février 1913
Un mois à peine après avoir accompagné notre bon M. Farges à sa dernière demeure, nous rendions le même devoir à M. Lorain, provicaire de la Mission, mort à l’hôpital de Tchongking après une douloureuse maladie qui a duré cinq mois. Le défunt avait passé quarante-deux ans au Su-tchuen Oriental.
Jules-Victor Lorain naquit à Nomécourt (Langres, Haute-Marne), d’une famille d’honnêtes cultivateurs. Remarqué de bonne heure par le curé de la paroisse, pour son esprit éveillé et son caractère joyeux, bien qu’un peu turbulent, il reçut de lui les premières leçons de latin, et, à l’âge de quatorze ans, il entrait au petit séminaire. Il y fit preuve d’une grande assiduité à l’étude, comme aussi d’un grand entrain pour les jeux. A la fin de sa philosophie, il demandait son admission aux Missions-Étrangères. Sa vocation rencontra une forte opposition de la part de sa famille, de son père surtout. On le voulait bien prêtre, mais pas missionnaire. Son énergie lui fit surmonter ces premières difficultés, et il sut résister victorieusement aux reproches affectueux et aux objections, par lesquelles on cherchait à ébranler sa décision.
A Paris, M. Lorain était le servant de messe d’un vénérable Directeur, M. Charrier, ancien confesseur de la foi dans les prisons de Hué. Il est permis de croire que la fréquentation du vieil athlète des persécutions de Cochinchine, ne fut pas sans influence sur le caractère du jeune aspirant. C’est probablement à son école, qu’il a puisé cette âpre énergie et cette endurance, qu’il a manifestées en maintes circonstances, surtout dans ses maladies.
Il y avait trois ans que M. Lorain était à la rue du Bac, lorsque éclata la guerre de 1870. La plupart des aspirants avaient été renvoyés dans leurs familles. Lui préféra rester, et, pendant le siège, il chercha à se rendre utile à l’ambulance établie au Séminaire. Après l’invasion, la Commune : de nouveau Paris était isolé du reste de la France, et les Directeurs, demeurés dans la capitale, ne pouvaient que difficilement communiquer avec leurs confrères réfugiés à Meudon. C’est alors que M. Lorain eut l’occasion de donner une preuve de son courage et de son sang-froid. M. Delpech, voulant un jour faire passer à Meudon une lettre et divers papiers, M. Lorain s’offre pour servir de messager. Revêtu d’habits laïques, se composant une mine aussi patibulaire que possible, il part ; arrivé à la barrière, il aborde crânement les communards du poste, leur demande, avec l’élégance voulue, du feu pour allumer sa pipe, lance quelques plaisanteries contre les Versaillais, et continue tranquillement sa route, sans qu’on ait songé à questionner ce brave citoyen.
A la fin de la Commune, M. Lorain reçut sa destination pour le Su-tchuen oriental. Mgr Desflèches l’envoya d’abord dans une famille chrétienne, pour apprendre la langue et se former aux usages chinois. Comme à tout débutant dans la pratique de la langue, il lui arrivait souvent de manquer le ton ou l’aspiration, et de donner ainsi aux mots et aux phrases une signification différente de celle qu’il voulait. Ces méprises excitaient l’hilarité des enfants, avec lesquels il se plaisait à converser. M. Lorain, loin de se fâcher, leur distribuait quelques sapèques, pour les encourager à le reprendre de nouveau à la première occasion : il prétendait se souvenir toujours mieux d’une correction ou d’un avertissement, qui lui avait valu un moment de honte.
Après avoir fait ses premières armes à Ouan-hien, sur les bords du Yang-tse, il fut envoyé à Yeou-yang. C’était le temps des persécutions. MM. Mabileau et Rigault avaient été massacrés dans la ville ; M. Eyraud avait été traîné dans les montagnes, durant trois jours, la chaîne au cou, puis amené en ville pour y être mis à mort ; il n’avait dû son salut qu’au dévouement de son aubergiste, qui le fit évader pendant la nuit, et qui paya de sa vie cet acte de charité. Dure époque, où l’on devait rester sur la brèche, jour et nuit, pour soutenir les chrétiens, pour en imposer aux païens, par une audacieuse énergie et un sang-froid constant. M. Lorain ne démentit pas les espérances de son vicaire apostolique, et se montra le digne émule de MM. Hue, Provost, Lenoir, ses compagnons d’armes dans cette région agitée.
Le supérieur du district, M. Hue, avant reçu des instructions pour tenter une nouvelle installation à Kien-kiang, M. Lorain s’offrit à le suivre. Son confrère, prévoyant les dangers de l’expédition, refusa de l’emmener, et c’est ainsi que M. Lorain échappa à la mort qui attendait, au terme de leur voyage, M. Hue et le prêtre chinois qui l’accompagnait.
Quelques années plus tard, il revenait à Ouan-hien, son premier district. Les chrétiens reçurent avec joie leur ancien curé, qui leur était rendu, avec une renommée grandie par ses travaux et ses succès de Yeou-yang. Notre confrère put goûter quelques années de calme et de tranquillité, au milieu d’une population catholique qui l’affectionnait.
Des dissensions ayant éclaté dans le district de Fong-tou, ce fut à lui que l’on songea, pour ramener le calme et la soumission à l’autorité religieuse. Sa fermeté obtint le résultat espéré. Ce fut ensuite le tour du district de Tong-hiang, d’éprouver les bienfaits de sa direction énergique. Chicaneurs, enclins aux procès, oubliant les règles de la plus simple justice, pour ne songer qu’à satisfaire leurs petites vengeances personnelles, les chrétiens donnaient par leur conduite un fâcheux renom à la religion catholique. Ce fut l’œuvre de M. Lorain de les ramener à des sentiments d’une morale plus équitable. Grâce à lui, la chrétienté reprit une vie nouvelle.
C’est ici que se termine la première partie de la carrière aposto¬lique de notre confrère. Désormais, son activité aura à s’exercer sur un théâtre différent. En 1890, Mgr Coupat le nomme procureur de la mission à Tchongking. M. Lorain fut d’abord déconcerté ; changer la vie mouvementée d’un district avec le travail méthodique et régulier d’un bureau, cela n’avait rien d’attrayant pour lui. Il espéra, un instant, que la mort de Mgr Coupat, survenue sur ces entrefaites, modifierait le plan conçu. Mais il n’en fut rien, et M. Blettery, provicaire et supérieur intérimaire, maintint l’ordre donné. Il n’y avait qu’à obéir.
M. Lorain en prit son parti, et arriva au poste, le jour fixé par son supérieur. Il se lance aussitôt dans le dédale de ses nouvelles occupations : lui, qui aimait les longues courses et les chevauchées, se renferme dans un cabinet de travail, se met à écrire des lettres, à faire des comptes, à s’occuper de questions de change. Complaisant et impartial pour tous, il apporte un grand soin à satisfaire les demandes qui lui arrivent, tient ses livres avec une grande régu-larité, envoie fidèlement chaque année leurs comptes à tous les confrères : en un mot, s’acquitte scrupuleusement de ses devoirs de procureur. En même temps, il doit surveiller les travaux de construction ou de réparation des divers établissements de la mission ; c’est lui qui donne le plan, et surveille l’érection des nouvelles églises bâties à Tchongking, en l’honneur de saint Joseph et de l’Immaculée-Conception ; c’est lui qui dirige la fondation de l’hôpital confié aux Religieuses Franciscaines.
M. Blettery étant déjà avancé en âge, c’est sur M. Lorain aussi que retombe le soin de traiter les affaires litigieuses avec les mandarins, de correspondre avec les consuls. A la mort du vénéré Provicaire en 1898, il lui succède dans sa charge, et Mgr Chouvellon l’associe à l’administration de la mission. Ces charges nouvelles, ses responsabilités plus grandes, amenèrent un changement notable dans le caractère de M. Lorain. Lui, auparavant si jovial, perdit de sa loquacité, et devint silencieux et réservé. Il sentait vivement le poids de ses fonctions, et s’en montrait visiblement préoccupé.
Depuis longtemps, M. Lorain était atteint d’une maladie qui le faisait beaucoup souffrir, mais il ne se plaignait jamais, et continuait son travail quand même, cachant ses douleurs, et s’efforçant de paraître toujours fort et robuste. A la fin, il dut s’avouer vaincu, et entrer à l’hôpital. Il y resta cinq mois, supportant ses souffrances avec un calme et un courage, qui excitaient l’admiration du docteur ; les traitements les plus douloureux ne lui arrachaient aucune plainte ; seules, quelques larmes, tombant de ses yeux, trahissaient alors la violence du mal qu’il ressentait. Pour son grand réconfort, il recevait la sainte communion tous les jours, et, pendant son action de grâces, il prenait son crucifix entre ses mains, et considérait pieusement l’Homme-Dieu cloué sur la croix. Sentant la mort approcher, il demanda lui-même l’extrême-onction et l’absolution in articulo mortis. Il vécut encore quelques jours, et c’est le 10 février 1913 qu’il rendit son âme à Dieu.
Les funérailles furent des plus solennelles. Mgr Chouvellon célébra la messe pontificale, en présence de dix confrères et de six prêtres indigènes. Les consuls de France, d’Angleterre et d’Allemagne, presque tous les membres de la colonie européenne, étaient là, témoignant, par leur présence, la part qu’ils prenaient à notre deuil. L’église était trop petite pour contenir la foule des chrétiens, accourus pour assister aux obsèques. Après la cérémonie, le cortège se déploya à travers les principales rues de la ville : d’abord, les chrétiens récitant leurs prières chinoises, puis, les séminaristes et le clergé en surplis, chantant les prières liturgiques, précédaient le cercueil ; derrière, venaient M. le consul de France, les résidents français, les Frères Maristes, quelques Anglais affectionnés au défunt ; un détachement de marins français fermait la marche. La population formait une haie silencieuse de chaque côté de la rue, et regardait, étonnée, le déploiement d’une telle pompe funèbre. Le corps fut ainsi transporté jusqu’au cimetière de Tsen-kia-gai, où, déposé dans un caveau, il attend la résurrection générale. Requiescat in pace !
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References
[1088] LORAIN Pierre (1845-1813)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1875, p. 13 ; 1883, p. 65 ; 1884, p. 48 ; 1885, p. 47 ; 1901, p. 93. - A. M.-E., 1901, p. 266 ; 1910, pp. 313, 318, 320 et suiv. - Sem. rel. Langres, 1913, Sa mort, p. 158.
La miss. lyon., p. 235.
Notice nécrologique. - C.-R., 1913, p. 369.