Joseph GUILLERMARD1844 - 1874
- Status : Prêtre
- Identifier : 1107
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Burma
- Mission area :
- 1872 - 1874 (Mandalay)
Biography
[1107]. GUILLERMARD, Joseph-Gabriel, né le 14 avril 1844 à Corbelin (Isère), prêtre le 12 juillet 1868, fut vicaire à Bourgoin du 16 décembre 1868 au 30 juin 1871. Entré le 2 septembre 1871 au Séminaire des M.-E., il partit le 5 juin 1872 pour la Birmanie septentrionale. Il avait à peine eu le temps de commencer à travailler qu'il mourut à Kiaong-oo, district de Sagaing, le 23 août 1874.
Obituary
Guillermard
Il n'y a plus de missionnaires en Birmanie, mais leur souvenir demeure et ils sont largement remplacés. Je ne sais si vous trouverez à Chaung-U la tombe de Joseph Guillermard. Je n'y ai passé qu'une nuit fin octobre 1953, en allant aux Chin Hills où j'ai travaillé 13 ans jusqu'à notre expulsion en 1966: c'était alors en pleine rébellion et nous circulions en char à bœufs, ou en camion…
Chaung-U est proche de la jonction du Chindwin et de l'Irrawady, au nord de Nabek, vers Monywa. Si vous allez à Pagan, vous n'en serez pas loin. Si vous passez à Mandalay, allez voir Mgr Mang Thang, l'évêque, et dites-lui le but de votre visite. Je pense qu'il en sera heureux et vous recommandera au curé de Chaung U…
Je crois qu'en 1886, après l'invasion de Mandalay par les Anglais, la chrétienté de Chaung-U avait subi des attaques des bouddhistes comme toutes les chrétientés, et il est possible que le cimetière ait été l'objet de déprédations.
Voici ce que j'ai trouvé dans la Chronique de la vie des Missionnaires de Birmanie que j'ai rédigée à partir des lettres et des rapports qui sont aux Archives des Missions Etrangères. Je commence par une présentation de la situation générale de la mission de Birmanie de ce temps-là.
*
Quand Joseph Guillermard a été nommé en Birmanie, la situation de ce pays était marquée par l'occupation anglaise de la moitié sud du pays depuis 1852. La partie nord, avec la capitale, Mandalay, était sous l'autorité du roi birman Mindon. Ce n'est qu'en 1885 que les Anglais occupèrent tout le pays.
Les chrétiens étaient peu nombreux dans le royaume : ils étaient tous descendants des chrétiens, métis indo-portugais pour la plupart, qui avaient été déportés vers 1613 d'une colonie portugaise établie en face de Rangoon. Ils avaient été séparés en différents villages au nord-ouest de Mandalay et tous étaient restés chrétiens et protégés des rois auxquels ils servaient de garde personnelle, surtout comme fusiliers et artilleurs. Quelques prêtres métis indiens, puis des missionnaires italiens leur furent envoyés et leur foi se maintint ainsi malgré leur isolement au milieu d'une population entièrement bouddhiste.
En 1856, Rome demanda aux Missions Etrangères de Paris d'aller aider les missionnaires italiens et c'est ainsi que Mgr Paul Bigandet prit la direction de la mission de Birmanie: il avait étudié le birman et le bouddhisme, ce qui impressionna fortement le Roi Mindon. Aussi le roi lui fournit des éléphants pour aller visiter les six villages chrétiens, qui comptaient alors au total moins de 1700 personnes, avec encore quatre prêtres italiens à leur service, dont un certain Père Abbona qui résidait à Mandalay où il intriguait pour faire entrer des Italiens à la Cour.
Mais les Missions Etrangères songeaient surtout à ouvrir une route vers la Chine où les missionnaires du Yunnan et du Tibet étaient isolés. Mgr Bigandet obtint la permission du Roi d'aller à Bhamo, mais la route vers la Chine était alors bloquée par une armée de musulmans chinois révoltée contre l'Empereur.
Pendant plusieurs années, Mgr Bigandet alla visiter le Roi Mindon et les villages chrétiens, mais il pensait plus à ouvrir la route de Bhamo et il eut plusieurs fois l'occasion d'aider des expéditions anglaises vers cette frontière. Il continua à visiter le Roi Mindon, lui envoyant même un missionnaire, le P. Lecomte, pour tenter d'ouvrir une école à la Cour.
Lors du concile du Vatican en 1870, Mgr Bigandet obtint la séparation de la Birmanie du nord. C'est en 1873 que Mgr Bourdon en fut sacré évêque, assez malgré lui: Lecomte, qui était à Mandalay depuis plus de dix ans, était son vicaire général, mais leurs caractères ne s'accordaient guère. On le savait à Paris et on promit de lui envoyer quelqu'un de capable. C'était Joseph Guillermard.
Voici maintenant son histoire d'après les lettres de l'époque…
Le 17 Août 1872, Guillermard écrit qu'il est arrivé le 15 à Rangoon, ayant passé par Singapore, Penang et Moulmein. Il a été bien accueilli par les confrères. C'était donc lui l'astre promis ! On imagine les joyeuses moqueries qui ont dû marquer son arrivée. Mais il n'a trouvé aucun courrier. "Expédiez-le par la Malle anglaise, pas par Pondicherry", recommande-t-il. Désormais la route de Singapore sera la plus courte, et la plus sûre.
Élection de Bourdon.
Le 9 Novembre la nouvelle est arrivée à Mgr Bigandet : comme il s'y attendait, Bourdon est élu. Et il demande à Paris qu'on lui envoie deux nouveaux confrères, car il faudra envoyer de l'aide à Mandalay. Le 22 Novembre, il signale qu'il a reçu les bulles pour Bourdon: il les lui transmettra devant tous les confrères réunis pour la retraite annuelle. Il est heureux de savoir que le choix de Bourdon a été approuvé à l'unanimité au Conseil des Missions Étrangères...
Le 30 Novembre Bourdon écrit qu'il a reçu les bulles le 25 et que le sacre est prévu pour le 5 Janvier 1873.
Préparatifs de division.
Qui irait à Mandalay ? Le jeune Guillermard, qui fait de l'anglais chez Bernard depuis 5 à 6 semaines, écrit le 5 Décembre qu'il ira la semaine prochaine chez Zahm, à Moulmein, pour étudier le birman, lui a dit Monseigneur. Est-ce une destination définitive, il ne le sait pas et ne s'en préoccupe pas... Mgr Bigandet a vu ses prêtres pendant la retraite. Tout le monde reconnaît que Bourdon est bien le meilleur choix. Quant aux missionnaires, il compte 6 prêtres à Mandalay, 7 avec le Vicaire Apostolique... Quant aux finances, il a reçu carte blanche des confrères, dit-il, pour répartir les fonds au prorata du nombre des prêtres: 16 européens et deux du pays à Rangoon, et 7 à Mandalay.
Sacre de Mgr Charles Bourdon.
Le 5 Janvier, en présence de tout le clergé, de tous les chrétiens et des autorités civiles, Mgr Bigandet consacrait Charles Bourdon évêque de Dardanie et Vicaire Apostolique de Mandalay. Depuis 8 ans qu'il travaillait avec lui à Rangoon, il avait pu apprécier ses qualités: il avait 39 ans, il avait du talent et du zèle. Dans une lettre du 8 Janvier, Mgr Bigandet disait qu'il avait dû faire seul la consécration de Mgr Bourdon, car Mgr Le Turdu n'avait pu venir de Malaisie. Il ajoutait: "Je pars dans trois jours avec Mgr Bourdon dans le nord... Envoyez-nous trois nouveaux confrères..."
Le 15 Janvier, Biet écrit de Mandalay qu'il est venu de son village de Chaung-U à la capitale pour accueillir Mgr Bourdon. Lecomte était allé à la cérémonie à Rangoon... Il avait une vue assez sombre de la situation. "La protection du Roi ?... Une farce et une dérision!... Depuis trois ans que je suis dans le même village, je n'ai vu que des apostasies, pas encore de conversions. En nommant un Vicaire Apostolique français, on enlève aux missionnaires italiens, ce à quoi ils tenaient le plus: entrer et sortir au Palais..." Avec Biet et Lecomte, qui envoyer à Mandalay ? Dès le 17 Janvier, Guillermard écrit qu'il vient d'être nommé pour le Nord, et il en est bien content.
Le 8 Février, Mgr Bourdon écrit de Mandalay : "Mgr Bigandet est ici avec moi depuis 15 jours..."
Le 9 Mars, il a pu faire un tour d'horizon de son Vicariat et écrit ses premières constatations à Paris: "Ici, le Père Abbona est surtout occupé à construire des maisons pour le Palais, et à introduire des Italiens à la cour. Je pense qu'il va quitter... Mais je me sens mal à ma place ici: je ne suis ni courtisan, ni flatteur... A Monhla et Chaung-Yo il y a le père D'Isola, que je n'ai pas encore vu. A Mandalay, il y a Lecomte qui sait parfaitement le birman. Au lieu de faire l'école ici depuis dix ans, j'aimerais mieux le voir fonder de nouveaux postes... Il y a cinq Soeurs de St Joseph de l'Apparition, mais il faudrait trois frères. Biet, qui s'occupe de Nabek et Chaung-U, est un bon missionnaire. Guillermard apprend le birman chez D'Isola. Il y a ici le frère Romano, factotum: je souhaite qu'il ne parte pas avec Abbona!" Et il commence à faire des projets: "Je pense établir un poste à Bhamo. Ici, il n'y a rien à faire chez les bouddhistes. Lecomte a visité autrefois les "Yaus" sur le Chindwin et a été enchanté de leur accueil."
Depuis le 29 Janvier deux nouveaux voguent vers la Birmanie, Cherbonnier et Labaume. Et Paris en promet d'autres pour bientôt.
Le 5 Avril, retour des Andaman, l'évêque trouve les deux jeunes confrères venant de Singapore. Abonna s'en va, et ne reviendra pas. Donc un des jeunes, Labaume, ira au Nord. Ca ne tarde pas, car le 14 Avril Cherbonnier écrit qu'il est à l'évêché, avec Baërt pour étudier l'anglais. Labaume a déjà été expédié à Mandalay, dit-il, à dix jours de bateau...
Premières nouvelles de Mgr Bourdon.
Le 6 Avril, Mgr Bourdon écrit au Père Rousseille: "Me voici Vicaire Apostolique d'un pays grand comme la France, avec 5 ou 6 petits villages et 6 ouvriers... Ma mission, c'est d'aller au Palais... Infiniment humiliant.... Abbona est parti à Rome laissant ici "3 pelés et 2 tondus" italiens..." Il a aussi à Chaung-U Louis Biet qui remercie Paris le 14 Avril pour le christ doré qu'il a reçu pour la Semaine Sainte et qui demande un fusil à deux coups et un moule à petits plombs... sous cadenas ! Il faut bien se ravitailler un peu, et se défendre des voleurs.
Le 18 Avril, Mgr Bigandet a d'ailleurs signalé à Paris quels étaient les effectifs de la Mission de Mandalay: avec Mgr Bourdon, il y avait le Père Andreino à Chanthaywa, le Père D'Isola à Monhla, Lecomte à Mandalay, Biet à Chaung-U, plus les deux nouveaux, Guillermard et Labaume. Un frère Oblat, Romano, restait à Mandalay. Selon lui, tout le monde allait bien.
Le 5 Août, Mgr Bigandet se plaint qu'on alloue beaucoup trop à certaines missions. Sans doute envie-t-il le Japon où on envoie 10 missionnaires en trois mois et l'Inde dont les effectifs sont déjà considérables. Il a auprès de lui Baërt, qui est bien, mais lent à son gré. Il pense à Naude à Henzada, qui est usé et aurait besoin d'un jeune. Il sait que bientôt Lyet va arriver pour Mgr Bourdon: que fera le Vicaire Apostolique de Mandalay avec tant de monde, se demande-t-il. Il est vrai que si l'on ne regarde que le service des villages "bayingyis", il y a vraiment peu de chose au Nord. Mgr Bigandet signale que le Roi voudrait qu'il aille à Mandalay avec le délégué envoyé par la France. De son côté, le Gouverneur anglais lui conseille d'aller pour qu'il n'y ait pas de bêtises de faites, mais finalement, il n'ira pas, dit-il.
Mgr Bourdon a été faire la tournée des vieux villages et écrit le 14 Août qu'à la capitale les Français et les Italiens se disputent... Et Abbona qui parle d'envoyer encore des Oblats Italiens... Non... Il attend Lyet avec impatience…
Le 29 Août, Mgr Bourdon écrivait de Mandalay: "Labaume s'étiole ici. Je l'envoie dix jours à Monhla." Le 11 Septembre, Labaume écrit de Monhla qu'il étudie le birman avec le Père D'Isola. "A mon arrivée, le Père d'Isola est parti pour un mois, juste pour m'obliger à apprendre... On reconstruit la maison et l'église..." Il ajoute: "J'ai besoin de lunettes, je suis myope... Lyet est ici avec moi, mais il va aller s'établir avec le Père Andreino à Chanthaywa...
En effet, le 12 Septembre, Mgr Bourdon avait signalé: "Lyet est arrivé il y a trois jours. Il a passé 15 jours à Thayetmyo avec Petit, dont 8 jours malade..." Il avait joint une lettre de Lyet qui partait rejoindre Labaume à Monhla... "
Guillermard écrit le 20 Septembre qu'il apprend le birman à Nabek, tout en enseignant latin et plain-chant à des jeunes qui se préparent pour le grand Séminaire de Penang. Il attend Labaume, dit-il, et peut-être Lyet". Une réunion de jeunes leur ferait du bien ...
Dès Septembre un grand nombre de Français avaient débarqué en Birmanie, et Mgr Bigandet les avait peu appréciés: "Des pauvres types... Ils feront misère." Il y avait aussi bien sûr une ambassade officielle et il avait demandé à Mgr Bourdon de l'accompagner. Le 2 Décembre, celui-ci écrivait: "Le Roi n'est pas content de cette affaire et moi-même je n'aime pas trop, mais comment dire Non à Mgr Bigandet?" Il aurait bien préféré s'éloigner de ces complications pour aller à Bhamo avec Biet qui s'ennuyait à Chaung-U... En fait il alla accueillir la délégation française, ceux que Lecomte appelait les "gros légumes"... Et à la fin de l'année Biet à Chaung-U écrivait à Paris: "J'espère qu'on sortira de ce statu quo où nous gémissons depuis si longtemps.. Peut-être l'ambassade française est-elle le signal ?"
Mgr Bourdon et l'ambassade française.
"Les Messieurs de l'ambassade sont bien gentils, mais ça me revient cher", constatait Mgr Bourdon dans une lettre du 10 Janvier 1874. On parlait d'envoyer un groupe explorer dans le Nord et il aimerait bien s'y joindre. Ce n'était pas lui, mais Lecomte qui faisait le "go-between" avec le Palais où il était bien connu depuis 10 ans. Le chef de l'ambassade, le Comte de Rochechouart, ne se dérangeait guère. Lecomte était éreinté, toujours sur les dents. "Il mérite bien 4 à 5.000 frs et la Croix d'Honneur!" estimait l'évêque qui se souvenait combien le gouvernement anglais avait récompensé Mgr Bigandet lorsqu'il avait aidé le Colonel Phayre à conclure un traité.
Le 14 Février, nouvelle lettre: le Roi n'a pas encore signé le traité avec l'ambassade, mais il va le faire, disait Mgr Bourdon. "Biet s'ennuie à mort avec nous ici depuis trois semaines, et il est impossible de prévoir un voyage vers Bhamo, sauf pour lui peut-être." Enfin le 7 Mars, il annonce que l'ambassade française a fini son travail, grâce à Lecomte. Mais il ne semble pas que la République Française soit aussi généreuse que les Anglais pour Mgr Bigandet... On vient d'apprendre qu'Abbona est mort. Il était parti l'année précédente avec un groupe de jeunes birmans qu'il emmenait faire des études en Italie... L'influence française allait sans doute désormais dominer à Mandalay. Déjà deux jeunes officiers français, Fau et Moreau, étaient partis vers l'Est en exploration. "Trois mois trop tard", jugeait Mgr Bourdon.
Mort de Labaume.
Le 14 Mars, Mgr Bourdon écrit qu'il est seul depuis un mois et demi, "à faire petit curé et professeur d'anglais." Lecomte est en effet malade et Biet est parti vers Bhamo. Il y avait des années qu'il attendait cette chance car deux de ses frères étaient missionnaires plus au nord, à la frontière du Tibet et il rêve de faire la jonction avec cette mission !
Le 25 Mars, Guillermard dit qu'il remplace à Nabek le Père parti pour Bhamo. Il attend Labaume pour voir ce qu'on pourrait faire du côté des païens. Et il commande des livres...
29 Mars. "Labaume est mort," annonce l'évêque, désemparé par la nouvelle. Il était à Nabek. Au lieu de rester avec Guillermard et les enfants, il était aller se baigner au clair de lune, seul... On avait trouvé le corps à 6 h du matin sur un banc de sable... "Notre vie est une suite d'épreuves..." ajoutait-il, et concluait: "Envoyez-nous un autre..."
Visite de Mgr Bourdon à Bhamo.
Le 4 Mai, Mgr Bourdon écrit sur le bateau, coincé entre des balles de coton. Il revient de Bhamo, où il a été voir Biet parti depuis deux mois. Il a constaté qu'il n'y a rien à faire chez les Birmans. Quant au Roi, mieux vaut ne rien lui demander... Mgr Bigandet voyageait dans le luxe sur un bateau royal. Cette fois ce n'est pas le cas… De Bhamo, Mgr Bourdon donne ses impressions : "Me voici à cet endroit fameux qui doit être le trait d'union entre la Chine occidentale et la Birmanie, la route future de nos missionnaires du Yunnan et même du Tibet. Les Anglais la cherchent pour leur commerce, et nous pour y faire passer les messagers de l'Évangile; mais je crois que les uns et les autres nous attendrons longtemps encore."
6 Juin. Mgr Bourdon est de retour à Mandalay avec Biet, l'un et l'autre bien dépités au sujet de Bhamo.
"Bhamo ? Pour que faire ? Pour aider les confrères du Tibet et du Yunnan ? C'est à eux de venir à Bhamo, où il y a des milliers de chinois... J'avais envoyé Biet: il s'est fait une maison convenable, mais je l'ai trouvé malade. Je comptais lui envoyer Labaume, mais il est mort... Lyet ? Il est rentré ici squelettique, laissant Guillermard seul... Je n'ai pu laisser Biet là-haut, seul, sans confrère à qui se confesser... Notre Mission est particulièrement difficile.
On fait une retraite ensemble: voilà 18 ans que Lecomte n'a pu en faire. J'aurais bien appelé aussi Andreino et d'Isola, mais ils sont loin, et j'irai les voir... Lyet va moins mal, et Biet beaucoup mieux."
Le 13 Juin il revient sur la question de Bhamo. Il vient de lire en effet sur le compte-rendu: "Bhamo est jusqu'ici le poste important..." Jamais il n'a écrit cela... Mgr Bigandet et Mgr Chauveau ont beau dire, ils ont tort... Il n'a d'ailleurs que quatre missionnaires….
Biet et Lyet à Bhamo.
Le 10 Juillet, Mgr Bourdon signale que Lyet reprend des couleurs, et que Biet, qui avait été très mal avec plaie au pied, fièvres, inflammations, etc... est guéri: ils vont repartir ensemble pour Bhamo. "C'est une tentative, rien ne garantit le succès"...
Le 8 Septembre, Biet envoie de ses nouvelles: "Je suis à Bhamo avec Lyet, attendant la fin des pluies pour tenter quelque chose au milieu des tribus sauvages. L'essai sera long et pénible, mais j'espère que le bon Dieu le bénira. A Bhamo, nous n'avons pas de familles chrétiennes. La place est importante parce qu'elle est frontière et nous met à 2 ou 3 jours de marche des limites du Yun-Nan. La population des villages qui bordent les rives de l'Irrawaddy, quoique soumise au roi birman, est de race shan. D'assez hautes montagnes encaissent le fleuve de toutes parts, et sont peuplées de tribus indépendantes qui s'appellent Sin-Pau, dans leur propre langue, et que les Birmans nomment Ka-kiens. C'est à ces montagnards que nous voulons porter la lumière de l'Évangile. Outre ces tribus, il y en a encore d'autres, sur la route du Tibet, qu'on appelle Taïks, en birman Shans... Ces derniers sauvages sont d'une humeur douce et sociable, très laborieux, ici esclaves des Birmans, là des Chinois, ailleurs indépendants. C'est parmi eux à Moné que vient de mourir, d'une violente attaque de fièvre, un jeune officier français, l'excellent Mr. Moreau. Mr Fau, son compagnon de route et d'exploration, ne lui a pas survécu longtemps..."
Il conclut: "Les Chinois veulent gagner l'amitié des montagnards en leur donnant de l'opium, les Birmans les contiennent par la crainte, les Anglais cherchent à les attirer par l'argent. Voilà donc comme trois agents destructeurs de ces tribus: l'opium qui abrutit, la haine qui exaspère et l'argent qui corrompt. Nous allons employer d'autres armes; puissent la mortification de la Croix, la douceur de l'Agneau et la pauvreté des missionnaires venir à bout de ce triomphe où nous ne cherchons que les âmes."
Relations de Mgr Bourdon avec les Européens.
21 Juillet. Mgr Bourdon voulant soigner sa présentation devant les gens commande de la soie violette, comme celle de Mgr Bigandet, qui a duré 12 ans... Il a été rendre visite à Mr de Rochechouart et a pu discuter avec l'ambassadeur de la situation. Les Français d'ici ne touchent pas leur paie et donnent le mauvais exemple, dit-il. "Les "Italianissimes" sont pires: avec eux on ne peut parler du Pape, ils sont pour le "Galantuomo Victor-Emmanuel", et pour Garibaldi...
Le 13 Août, c'est Lecomte qui écrit. Il a fait l'interprète pour le Roi et les Français, et il espère toucher une allocation de nourriture du Roi, comme promis... On a eu de mauvaises nouvelles des explorateurs Fau et Moreau qui étaient partis vers le pays Shan: Fau est mort le 11 Juillet à Monay, dit-on, et on rapporte son compagnon. Dans quel état est-il ?... "Les Anglais vont reprendre l'expédition vers le Yang-Tsé-Kiang, et l'un de nous ira avec eux, Mgr ou moi... Le Roi hait les Anglais et voudrait donner des droits au Français."
Finalement, le 21 Août, Mgr Bourdon se décide: "Je vais essayer d'aller à la rencontre de Moreau, qu'on ramène: c'est à huit jours de Mandalay... La saison est mauvaise, mais c'est un brave compatriote.. Ce sera un acte de charité."
Mort de Guillermard.
Alors que l'évêque est parti vers l'Est, Lecomte apprend la mort de Guillermard. Il écrit le 27 Août: "Hier on appris la mort à Chaung-U de Guillermard, après une fièvre de quelques jours..."
Quant aux explorateurs, "Fau est mort le 11 Juillet et Moreau le 12 Août: pauvres enfants, ils cherchaient à se faire un nom, c'est probable..."
On mourait beaucoup, et vite, cette année-là: "Avec Abbona, Labaume et Guillermard, ça fait trois missionnaires de Mandalay morts en trois mois !" Et de Nabek où il était accouru, l'évêque se lamentait: "C'est sur Guillermard que je comptais le plus pour devenir le Supérieur... Mes deux jeunes missionnaires sont morts sans sacrements... Envoyez-moi quelqu'un pour faire Provicaire."
Sombre rapport de Mgr Bourdon.
1 Janvier. - Mgr Bourdon attend les deux nouveaux, Duhand et Cadoux. Il se défend de laisser tomber Bhamo, et il ajoute: "J'ai déjà fait beaucoup plus que le possible pour ce trou ! J'y ai sacrifié la santé du Père Biet, peut-être pour sa vie, le pauvre garçon. J'ai envoyé là-haut Lecomte, le Provicaire, et ici je reste seul..." Le 9, il rédige un Rapport plutôt découragé. Il y a 1.600 catholiques, et leur nombre diminue.. Sur les 40 soldats catholiques requis pour l'année au service du Roi, 14 sont morts de misère et de fièvres. Pressurés par les taxes, nos chrétiens émigrent en Birmanie anglaise. Il y a deux prêtres à Bhamo, mais ils sont toujours malades, et l'un (Biet), c'est pour la vie... Je reste ici seul, évêque, curé, chapelain du couvent, professeur d'anglais... Il y un orphelinat ici, et un chez chaque curé... En Mai, deux mille maisons, dont celles des 3/4 des chrétiens ont été perdues dans un incendie... Et en plus il y a eu des cas d'apostasie publique..."
Cependant, cette année 1875 avait été pour les Missions Étrangères une année faste: 43 jeunes confrères avaient pris le bateau pour l'Asie: pour Rangoon il n'y en eut qu'un seul, Kern, arrivé en Octobre, mais trois étaient déjà à Mandalay depuis Avril.
Conclusion.
Le sacrifice des missionnaires n’a pas été vain. L’Eglise de Birmanie n’est qu’une infime minorité dans l’immensité bouddhiste, mais elle est très vivante et les chrétiens gardent mémoire de ceux qui leur ont consacré leur vie, même s’ils n’ont passé que quelques mois en mission. Au 19e siècle, on escomptait en moyenne sept ans de vie pour ceux qui allaient dans les missions d’Asie.
References
[1107] GUILLERMARD Joseph (1844-1874)
Notes bio-bibliographiques. - Sem. rel. Grenoble, 1872-73, pp. 105, 394 ; 1874-75, p. 102.