Léon ROGIE1845 - 1903
- Status : Prêtre
- Identifier : 1096
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1872 - 1903 (Chongqing [Chungking])
Biography
[1096]. ROGIE, Léon-Marcellin, né le 11 mai 1845 à Estaires (Nord), fut d'abord employé de commerce. Désireux de se consacrer à Dieu, il passa quelques années au grand séminaire de Cambrai, et se présenta au Séminaire des M.-E. le 2 juillet 1868. Il était alors minoré. Les événements de 1870 l'ayant obligé de retourner dans sa famille, il reçut le sacerdoce à Cambrai le 6 janvier 1871. Après avoir été vicaire pendant un an, il revint au Séminaire des M.-E., d'où il partit, le 14 janvier 1872, pour le Se-tchoan oriental.
Il débuta à Siu-tin, et en 1874 fut professeur au séminaire. En 1877 ou 1878, on lui confia le district de Tchong-tcheou, où les chrétiens, fort intimidés par la persécution, le reçurent assez mal.
En 1886, il fut appelé à Tchong-king ; il y arriva au moment de la destruction de l'évêché, et se vit contraint de se réfugier à Cha-pin-pa. Le calme rétabli, le séminaire fut installé dans ce village, et Rogie y professa la philosophie et la théologie. Il composa pour ses élèves un manuel de logique et d'ontologie, et, dans ses moments libres leur donna quelques notions scientifiques.
Au début de 1900, Mgr Chouvellon lui ayant confié le district de Kouy fou, il y fonda deux nouvelles stations. Nommé en 1901 aumônier de l'hôpital à Tchong-king, il y mourut le 24 mars 1903. Il fut enterré dans le cimetière de Tsen-kia-gay.
Obituary
M. ROGIE
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU SU-TCHUEN ORIENTAL
Né le 11 mai 1845
Parti le 14 janvier 1872
Mort le 4 mars 1903
M. Léon-Marcellin Rogie naquit à Estaires (Cambrai, Nord) le 11 mai 1845. Une maladie imprévue vient de l’enlever à l’affection de ses confrères, à un moment où tous espéraient beaucoup de l’expérience et de la maturité de jugement qu’il avait acquises par un long séjour en Chine et une grande habitude du maniement des affaires.
Nous savons peu de chose de l’enfance et de la jeunesse du regretté défunt. Il fut placé dans un collège mixte avec son frère aîné, pour y faire ses humanités. L’aîné se destinait à l’état ecclésiastique, et notre futur missionnaire, au commerce. Leurs études classiques terminées, le frère aîné entra au grand séminaire, mais, après un certain temps, ne se croyant pas dans la voie où Dieu l’appelait, il embrassa la carrière militaire. Le cadet obtint une place dans une maison de commerce à Paris, mais bientôt une rencontre fortuite le conduisit aux Mission-Étrangères.
Un jour, à la porte de l’église de Saint-Germain des Prés, il aperçoit son ancien professeur laïque de seconde, M. Janssoone, revêtu du costume ecclésiastique, M. Rogie ne peut en croire ses yeux, mais M. Janssoone lui explique qu’il est entré la veille au séminaire des Missions-Étrangères et qu’il ne porte la soutane que depuis le matin même. Il fait ensuite promettre à son ancien élève de venir le voir à la rue du Bac. A partir de ce jour, M. Rogie alla de temps à autre rendre visite à son ancien professeur et des exhortations faites à propos, jointes à la grâce qui ne cessait de travailler cette âme, restée pieuse et toujours très attachée à ses devoirs religieux, changèrent toutes ses idées. Lui aussi sentit cette flamme sacrée qui poussait alors tant de jeunes gens à se dévouer au salut des infidèles ; il prit le monde en dégoût et entra au séminaire de Cambrai, afin d’y étudier la voca¬tion qui germait dans son cœur. L’année suivante, il fit sa demande d’admission aux Missions-Étrangères et fut reçu comme aspirant.
Il était déjà diacre lorsque les tristes événements de 1870 1’obligèrent à retourner dans sa famille, où il séjourna plusieurs mois. Il fut ordonné prêtre par le cardinal Régnier, alors archevêque de Cambrai, le 6 janvier 1871, le jour même de la bataille de Bapaume et au son du canon . Il accepta ensuite, sur le conseil de MM. Les Directeurs de Paris, un poste vacant dans son diocèse ; Mgr Régnier le nomma vicaire de son oncle. Au bout d’un an, il déclara à son oncle que, le calme étant rétabli à Paris, il retournait au séminaire des Missions-Étrangères. L’oncle, qui avait fondé d’autres espérances sur son neveu, formula bien quelques objections, versa même des larmes, mais le laissa partir. M. Rogie ne resta plus que quelques mois à Paris et reçut sa destination pour le Su-tchuen oriental, où il arriva en compagnie de son vicaire apostolique, Mgr Desflèches, vers le milieu de l’année 1872.
Monseigneur l’envoya d’abord passer quelques mois dans une famille chrétienne, puis lui confia le poste de Su-lin, où il ne resta que peu de temps. De là, il passa au collège. Dans ces divers postes, le jeune missionnaire s’appliqua à l’étude de la langue et des caractères chinois, qu’il parvint à connaître parfaitement.
En 1872, nous trouvons M. Rogie à la tête du district de Tchong-tcheou qu’il devait diriger neuf ans. Ce cher confrère que nous avons tous vu si doux, si aimable, était cependant, à l’époque de son arrivée en Chine, d’un caractère très vif. Un grand changement s’opéra en lui à Tchong-tcheou, car il fallait là, pour diriger utilement les nouveaux chrétiens qui s’y trouvaient, un missionnaire d’une patience à toute épreuve. Notre cher confrère, homme de foi avant tout, et ne désirant que la plus grande gloire de Dieu, vit tout de suite qu’il n’aboutirait à rien par la rigueur ; aussi résolut-il de se vaincre lui-même, afin de s’attacher ses ouailles par la douceur. La lutte dut être pénible, mais le résultat fut excellent.
Le district de Tchong-tcheou , coupé en deux par le fleuve Bleu, est entièrement couvert de hautes montagnes parallèles. Lorsque vous avez traversé une chaîne, vous vous trouvez en face d’une autre, aussi abrupte, aussi élevée que la précédente ; une petite plaine de quatre à cinq cents mètres de large les sépare ordinairement. Les che¬mins, à part quelques grandes routes, font absolument défaut ou sont si étroits qu’il est impossible de les parcourir en chaise et même à cheval. Il ne reste donc plus aux voyageurs que la ressource d’aller à pied. Cette contrée, si découpée et si sauvage, est cependant assez peuplée ; mais les gens se ressentent de la physio¬nomie du pays. Ils sont grossiers, sans culture, sans mœurs, et ne se conduisent guère d’après les principes de la droite raison ; les meurtres et les pillages à main armée sont très communs parmi eux.
Les sept à huit cents chrétiens du district de Tchong-tcheou vivaient éparpillés dans ces montagnes. Ils n’avaient embrassé la religion que depuis peu, et les principes religieux n’avaient pas encore eu le temps d’adoucir leur naturel. Le paganismne, dans lequel ils avaient été élevés pour la plupart, suintait encore par tous leurs pores, et leur foi était fort chancelante. De plus, la persécution venait de sévir au Kiang-pee, et les pillages s’étaient arrêtés juste à la porte du district, à Fong-tou ; mais les mauvais bruits circulaient toujours. On ne parlait rien moins que d’expulser tous les Européens et d’ex¬terminer le nom chrétien. Les néophytes de Tchong-tcheou, pauvres et sans influence, ne tenaient pas à recevoir le missionnaire chez eux, de peur de s’attirer des malheurs. Tel était le district de Tchong- tcheou ; telle, la disposition des esprits, lorsque M. Rogie en prit la direction. Il commença la visite des chrétientés et s’aperçut bientôt que tout n’est pas rose dans le ministère apostolique. Si encore on l’avait reçu convenablement dans les familles, mais non. Les hommes s’enfuyaient à son approche, et les femmes restaient seules à la maison sans s’occuper de lui. Après une ou deux journées de marche par des chemins impraticables, arriver exténué de fatigue et ne trouver même pas un bol de riz pour apaiser sa faim, c’était dur. Néanmoins, pendant neuf années consécutives, M. Rogie ne se lassa point de courir à la recherche de ces brebis égarées, leur rom¬pant le pain de la parole divine, les exhortant à remplir leurs devoirs de chrétiens, les instruisant et ranimant leur courage. Certes, il n’était pas facile d’augmenter le troupeau du Seigneur dans de pareilles conditions ; mais si le pasteur n’eut pas la joie d’enregistrer de nombreuses conversions, il eut au moins celle d’entretenir la foi dans son troupeau ; au prix de quels déboires, de quelles avanies, Dieu seul le sait. Rien ne put lui faire perdre sa mansuétude ordinaire, et les chrétiens, touchés de sa bonté, finirent par se rapprocher de lui. Ils le reçurent d’abord chez eux, puis peu à peu leurs cœurs s’ouvrirent à la confiance. Leurs préventions tombaient les unes après les autres ; leur foi s’affermissait et les voies de la vertu chrétienne leur semblaient plus faciles à suivre. M. Rogie sema vraiment dans les larmes, mais ses successeurs vont moissonner dans l’allégresse. Déjà, les païens sont moins hostiles, les chrétiens plus fervents ; des stations nouvelles se sont formées, et c’est, en grande partie, à notre regretté confrère que nous sommes redevables de cet heureux changement.
En 1886, Mgr Coupat rappela M. Rogie à Tchong-kin, où il arriva juste pour assister à la destruction de nos établissements. Il y était à peine depuis trois jours, lorsque la populace, excitée en sous main par les mandarins, détruisit d’abord les établissements des protestants et se rua ensuite sur l’évêché catholique. L’attaque fut si subite, que les confrères qui s’y trouvaient furent cernés sans le savoir. Heureusement, les assaillants, tout occupés au pillage, ne firent pas attention à eux. M. Rogie assista donc ainsi, impuissant, au sac de l’évêché. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit, lorsque l’incendie dévorait déjà les immeubles de la mission, qu’il se réfugia à Cha-pin-pa, à trois lieues de Tchong-kin. Il était loin de se douter alors qu’il y resterait pendant treize ans.
En effet, la persécution s’était étendue en dehors de la ville de Tchong-kin, et le séminaire de Pee-ko-chou avait été brûlé, lui aussi, après un siège mémorable soutenu par le supérieur, M. Gourdon.
Le calme rétabli, Mgr Coupat, n’ayant plus de maison disponible pour les élèves du séminaire, les envoya à Cha-pin-pa, qui avait échappé à la tourmente, et M. Rogie fut nommé professeur de philosophie.
Notre confrère avait toujours aimé l’étude, il était très versé dans les sciences profanes et sacrées. Doué d’une excellente mémoire, il n’oubliait jamais ce qu’il avait une fois appris. Ainsi, après trente ans de ministère en Chine, il récitait encore par cœur les principes et les formules de la physique et de la chimie. La vie de collège lui allait à merveille. Pendant treize ans, il enseigna la philo¬sophie et la théologie, d’une manière simple, mais claire et solide. Il sut toujours se mettre à la portée de ses élèves, qui suivaient ses cours avec la plus grande attention. Les Chinois ne comprennent pas grand’chose aux raisonnements subtils, et les grandes discussions philosophiques les laissent fort indifférents, car, d’ordinaire, elles dépassent le niveau de leur intelligence. M. Rogie composa pour ses élèves un manuel de logique et d’ontologie. Ce livre est plutôt un catéchisme philosophique qu’une philosophie proprement dite. Il laisse de côté toutes les disputes, toutes les opinions, pour n’exposer que la pure doctrine de saint Thomas. Les élèves, lorsqu’ils possèdent ces notions, ne savent pas toute la philosophie, mais ils savent ce qui leur est nécessaire pour l’étude de la théologie ; et c’est tout ce qu’il leur faut. En effet, ce que M. Rogie passe sous silence leur est inutile, puisqu’ils ne le comprendraient pas. A quoi bon le leur enseigner ? Notre confrère avait donc atteint son but, quand la mort est venue nous l’enlever.
Le professeur était profondément attaché à ses élèves et cherchait tous les moyens de les distraire. A ses moments libres, il ne dédaignait pas de leur donner quelques notions des sciences européennes. Il voulut même leur apprendre la cosmographie, et, pour leur faire mieux comprendre ses doctes explications, il construisit lui-même un télescope. L’instrument fut installé ; mais, avant de faire admirer de plus près à ses disciples les merveilles du ciel étoilé, il voulut essayer, lui-même, le télescope de sa façon. La nuit venue, il monte donc sur son observatoire improvisé, lorsque, hélas ! tout craque et s’effondre. M. Rogie se releva indemne, mais le télescope était en morceaux. Les élèves regrettent encore le précieux instrument, dont ils se promettaient tant de merveilles. C’est dire que M. Rogie n’épargnait rien pour instruire et récréer ses élèves ; aussi, tous ont-ils gardé de lui un souvenir ému, et lui ont-ils conservé la plus grande affection. Tous l’aimaient et le vénéraient ; il était si bon pour eux, si enclin à leur faire plaisir ! Ce n’est pas lui qu’on eût pu accuser de trop de sévérité.
Transféré à Kouy-fou, au commencement de l’année 1900, il ne resta que deux années dans ce district. Il put néanmoins fonder deux nouvelles stations chrétiennes, l’une à proximité de la ville, l’autre assez loin dans les montagnes. Depuis son départ, ces annexes n’ont fait qu’augmenter et promettent une belle moisson de baptêmes pour un avenir prochain.
En 1902, Mgr Chouvellon rappela le missionnaire à Tchong-kin, comme aumônier de l’hôpital. Nous espérions tous qu’il y resterait de longues années, mais Dieu en avait décidé autrement. Quelques mois après son installation, il fut terrassé par une maladie de foie que rien ne faisait prévoir. Dès le premier jour le mal ne présenta aucune chance de guérison, et l’aumônier, comprenant que sa fin était prochaine, la regarda venir sans effroi. Il employa à se préparer à la mort les huit jours qui lui restaient encore à vivre. Il garda jus¬qu’au dernier moment sa sérénité habituelle, donnant à tous les plus beaux exemples de foi, de résignation et d’abandon à la volonté divine, et prouvant la vérité de cet adage, que la maladie ne change pas l’homme mais le montre tel qu’il est. Les derniers jours surtout, on eût dit qu’il lui tardait d’aller recevoir la récompense promise au bon serviteur. Il s’éteignit ainsi sans secousse, tout doucement, comme un enfant qui s’endort dans les bras de sa mère, et semblant déjà jouir des félicités inénarrables de l’au-delà.
Je ne saurais mieux terminer cette notice de M. Rogie que par l’appréciation de celui qui l’a le mieux connu en mission, M. Gourdon, supérieur du grand séminaire.
« Ardent et bouillant par nature, M. Rogie était devenu un agneau. Plein de respect et de déférence pour l’autorité, il s’abstenait de toute critique. Avec les confrères, il était toujours prêt à leur faire plaisir, et pour cela, il n’épargnait pas sa peine. S’il est parvenu à se faire ainsi tout à tous, à être un homme de règle et de devoir, ce n’a pas été sans lutte et sans efforts pour se vaincre lui-même, et je puis affirmer que le cher défunt était un homme de vertu, qui avait remporté sur son caractère d’éclatantes victoires. »
UN MISSIONNAIRE DU SU-TCHUEN ORIENTAL.
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References
[1096] ROGIE Léon (1845-1903)
Bibliographie. - Compendium philosophiæ, ad usum alumnorum missionis Su-tchuen orientalis. Logica. Metaphysica generalis seu Ontologia. - Imprimerie de la Sainte-Famille, Cha-pin-pa, 2 vol. in-12.
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1883, p. 65 ; 1884, p. 48 ; 1886, p. 42 ; 1887, p. 81 ; 1893, p. 105 ; 1901, p. 93. - A. M.-E., 1910, pp. 260, 271, 314, 320.
Notice nécrologique. - C.-R., 1903, p. 373.