Lucien MOSSARD1851 - 1920
- Status : Vicaire apostolique
- Identifier : 1299
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Identity
Birth
Death
Episcopal consecration
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1876 - 1920 (Saigon)
Biography
[1299] Lucien Emile MOSSARD naît le 24 Octobre 1851 à Dampierre-sur le Doubs, dans le diocèse de Besançon, (Doubs) dans une famille profondément chrétienne. Le P.Piquet, curé de la paroisse l'envoie au petit séminaire de Marnay, où il fait ses études secondaires de 1866 à 1872. Il passe ensuite une année au séminaire de philosophie à Vesoul.
Le 23 Septembre 1873, il entre au Séminaire des MEP où il exerce la charge de « règlementaire ». Tonsuré le 30 Mai 1874, minoré le 19 Décembre 1874, sous-diacre le 22 mai 1875, diacre le 11 mars 1876, il est ordonné prêtre le 23 Septembre 1876 et reçoit le lendemain sa destination pour le vicariat apostolique de la Cochinchine occidentale (Saigon), qu'il part rejoindre le 2 novembre.
Avant de se rendre dans sa mission, le P. Mossard est envoyé à Pondichéry pour étudier le tamoul, car de nombreux indiens vivent à Saigon et dans ses environs. Il reste environ un an en Inde, et arrive à Saigon en 1877.
Vietnam (1877-1919)
Comme il ne lui est pas possible de créer une paroisse indienne, il part apprendre la langue viêtnamienne à Caimong où il améliore les plans de construction du presbytère. Il reste dans ce poste jusqu'en 1878. Il est alors nommé professeur au séminaire de Saigon.
En 1880, il est chargé de l'importante chrétienté de Tandinh où se trouve l'imprimerie de la Mission.
En 1882, Mgr. Colombert nomme le P. Mossard curé de Chodui, chrétienté nouvelle proche de Saigon, où tout est à créer. Il bâtit un presbytère en planches, sur pilotis ; tombé malade, il est obligé de rentrer en France. Tout en se soignant, il travaille à la Procure des MEP à Marseille, sous la direction du P. Gustave Germain.
En 1885, bien que mal remis, il repart pour Saïgon, reprend la direction de la paroisse de ChoDui, et y construit une modeste église. En 1887, il devient supérieur de l'école Taberd, fondée depuis une douzaine d'années pour les enfants eurasiens. Il y double le nombre des professeurs et d’élèves.
En 1888, quatre professeurs, tous missionnaires, ont la charge 178 élèves. Le P.Mossard construit deux vastes bâtiments, et demande à Mgr Colombert de confier cette oeuvre aux Frères des Ecoles Chrétiennes. Après l'institution Taberd, le P.Mossard demeure quelque temps à Cholon.
En 1892, il arrive à Choquan. Il y achève l'église, et en fait une des plus belles de la mission. Il bâtit le presbytère, la chapelle et l'infirmerie du couvent des Amantes de la Croix. Il conduit sa paroisse avec aisance, sans s'arrêter aux petits détails ; il transforme les religieuses viêtnamiennes en véritables institutrices.
En 1898, Mgr. Depierre le nomme curé de la cathédrale de Saigon; il prend la succession du P. Le Mée avec lequel il séjourne dans le même presbytère et pour lequel il témoigne grande estime et affection. Très bon pour tous, il conquiert très vite le coeur de tous ses paroissiens. En 1899, il fonde l'oeuvre des Tabernacles pour aider les paroisses pauvres. Il assure l'aumônerie du pénitencier de Poulo-Condor.
Le 17 Octobre 1898, Mgr. Depierre meurt. Le 1 Février 1899, le P. Mossard est nommé evêque titulaire de Médéa, et vicaire apostolique de la Cochinchine occidentale. Il est sacré à Saïgon le 1 Mai 1899 par Mgr. Cardot, vicaire apostolique de la Birmanie méridionale, assisté de NN.SS. Grosgeorge et Van Camelbeke.
La Mission dont il devient le chef compte alors quelque deux millions d'habitants, dont 63.OOO catholiques, 59 missionnaires, 68 prêtres viêtnamiens, 525 religieux et religieuses et 15 catéchistes. Elle est divisée en une quinzaine de districts principaux, une soixantaine de districts secondaires et 300 chrétientés. Elle possède un petit et un grand Séminaire, elle scolarise quelques 8.000 élèves dans 160 écoles, Elle a en charge 4 ou 5 orphelinats, et autant d'hôpitaux. Chrétiens et non chrétiens vivent en bonne harmonie, les relations sont bonnes entre la Mission et le gouvernement, mais plus difficiles avec le conseil colonial, en raison de la lutte politique religieuse engagée alors en France. En 1902, l'allocation versée chaque année à la Mission pour les écoles est supprimée par le gouvernement français. L’evêque répond aux attaques de la presse par deux mémoires, en 1902 et 1903.
En 1904, les bourses scolaires sont retirées à tous les enfants fréquentant les écoles libres. A la même époque, plusieurs journalistes entreprennent une campagne de presse contre les richesses de la Mission. Elle s'accentue lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Des pamphlets, répandus à profusion, invitent fortement les chrétiens à rejoindre les rangs de ceux que la politique française irrite.
L'Evêché étant la propriété du gouvernement, une certaine presse attaque à la fois ce dernier et l’évêque qui a la jouissance de cette maison. Mgr. Mossard, de lui-même, rend ce bâtiment à son propriétaire, constitue une société par actions, bâtit l'évêché actuel, qu'il va habiter à la fin de 1911. Cette même année, est promulguée la loi sur les associations, excepté les articles concernant les associations religieuses. Les hauts fonctionnaires témoignent en général à Mgr. Mossard estime et sympathie, et, en plusieurs circonstances, tiennent compte de ses conseils.
Mgr. Mossard s'efforce de réaliser le programme de sa devise épiscopale : « Hic est fratrum amator ».
Ses prêtres sont des frères ; entre lui et eux, il y a une entente complète. Il place à la tête des districts et des paroisses dotés de biens des missionnaires capables de les administrer. En 1902, il réunit le petit séminaire de Tandinh au séminaire de Saigon, et il établit l'oeuvre de St.Pierre pour l'entretien de cet établissement. Il veut pour les élèves une éducation forte, et une instruction étendue. En 1903, grâce à un don considérable fait par M.Philippe Le-Phan-Dat, il fonde à Chi-Hoa, une maison de retraite pour les prêtres viêtnamiens.
En 1919, la mission de Saïgon compte 93 prêtres viêtnamiens, et 32 missionnaires.
Mgr. Mossard a le souci constant de l'éducation de la jeunesse. En 1909, il nomme le P.Clair inspecteur des écoles du vicariat. L'institution Taberd, confiée aux Frères des Ecoles Chrétiennes continue à se développer ; les Frères fondent une école à Mytho et y ouvrent avec succès un pensionnat. En 1911, il fait établir à Bien-Hoa, pour les religieuses viêtnamiennes, une école normale dont il confie la direction aux Soeurs de St.Paul de Chartres. En 1919, à la veille de son départ pour France, il acquiert au Cap St Jacques une vaste maison pour y installer une autre école normale. Bien que privées de bourses et de subventions, les écoles de la Mission comptent 10.851 élèves en 1919.
Mgr. Mossard, par ses lettres, mandements et exhortations, par ses visites pastorales, intensifie la vie chrétienne des fidèles, encourageant la communion des enfants et la fréquentation des sacrements.
En 1904, il publie, en collaboration avec Mgr.Bouchut un Directoire commun aux vicariats de Saïgon et de Pnompenh. En 1907, il accepte le rattachement de la province de Binh-Thuân à la mission de Saigon. En 1908, il construit à Phanthiet un sanatorium pour les missionnaires ; il est à l'origine de celui de Dalat. Il organise plusieurs réunions d'évêques pour étudier une meilleure organisation générale des missions et une révision du règlement des MEP.
Le 15 Avril 1913, il consacre Mgr. Victor Quinton, nommé évêque de Laranda, et son coadjuteur. En 1914, il se rend en France. Malgré la guerre, il revient dans son Vicariat. Sa santé faiblissant, il s'installe pendant quelques mois au sanatorium de Dalat, se trouve mieux et rejoint Saigon où il fête l'armistice de 1918.
France : 1920
Les évêques de la Cochinchine et du Cambodge l'ayant délégué à Rome pour les affaires générales des MEP, il s'embarque pour la France, le 2 Janvier 1920. Au début du mois de février, il arrive à Marseille, où une crise faillit l'emporter. Accompagné du P. Masseron, il se rend à Dijon où sa famille l'attend. Le 11 Février 1920, vers 21 heures, après une crise d’étouffement, il rend son âme à Dieu.
Ses funérailles ont lieu le 16 Février 1920, présidées par Mgr. Landrieux, évêque de Dijon. Il repose dans le caveau des évêques de Dijon.
Le conseil municipal de Saigon donne son nom à une rue de la ville.
Obituary
NÉCROLOGE
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Mgr MOSSARD
VICAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE OCCIDENTALE
Mgr MOSSARD (Lucien-Emile), né à Dampierre-sur-le-Doubs (Besançon, Doubs), le 24 octobre 1851. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 23 septembre 1873. Prêtre le 23 septembre 1876. Parti pour la Cochinchine Occidentale le 2 novembre 1876. Evêque de Médéa et Vicaire Apostolique de Cochinchine Occidentale le 11 février 1899. Mort à Dijon (Côte-d’Or) le 11 février 1920.
L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ a dit dans une de ses belles pages : « Quand un homme en exalte un autre, c’est un menteur qui trompe un menteur, un superbe qui trompe un superbe, un aveugle qui trompe un aveugle. » Mgr Mossard est entré dans une région que n’atteignent ni le mensonge, ni la superbe, ni l’aveuglement. Mais nous….. Nous voudrions bien ne pas mériter les reproches du pieux auteur, et faire connaître le Vicaire Apostolique de la Cochinchine Occidentale tel qu’il fut réellement, c’est-à-dire, selon la parole de saint François d’Assise, « tel qu’il était aux yeux de Dieu ». Nous n’y réussirons point. Les hommes peuvent-ils voir et juger comme Dieu ? Mais au moins, notre affection pour le défunt et notre respect pour la vérité essaieront de garder toute l’exactitude possible en traçant le portrait de l’évêque qui fut, dans l’acception générale du mot, un chef.
NAISSANCE. — AU SÉMINAIRE
Mgr Lucien Mossard, évêque de Médéa, Vicaire apostolique de la Cochinchine Occidentale, naquit le 24 octobre 1851 à Dampierre-sur-le-Doubs, diocèse de Besançon. Il appartenait à une famille profondément catholique, et, aux jours les plus sombres de la Révolution, ses ancêtres avaient plus d’une fois donné, au péril de leur vie, asile à des prêtres proscrits.
Remarqué par le curé de sa paroisse, l’austère M. Piquet, qui le jugea une précieuse recrue pour le sanctuaire, il fut envoyé au petit séminaire de Marnay ; il y resta six ans, de 1866 à 1872.
Après une année passée au Séminaire de philosophie à Vesoul, il entra le 23 septembre 1873 au Séminaire des Missions-Etrangères. Il faillit y mourir par suite d’une hémorragie survenue après l’ablation d’une amygdale. Le médecin portait avec ses doigts du perchlorure de fer sur la plaie pour arrêter le sang, et le contact des doigts soulevait l’estomac du malade qui faisait effort pour vomir ; alors le sang coulait plus abondant ; plusieurs heures se passèrent ainsi ; on parlait de lui administrer l’extrême-onction, quand quelqu’un eut la pensée d’appeler le frère François, en ce temps-là célèbre religieux de Saint-Jean-de-Dieu. Celui-ci -se servit d’une cuiller pour placer le perchlorure ; le froid du métal ne produisit pas sur le malade l’effet des doigts du médecin ; le sang s’arrêta et le jeune séminariste fut sauvé.
Nommé réglementaire, il exerça cette fonction avec beaucoup d’exactitude.
Ordonné prêtre le 23 septembre 1876, il , reçut, le lendemain, sa destination par le Vicariat apostolique de Cochinchine Occidentale.
DÉBUTS EN MISSION
Avant de s’y rendre, il devait se préparer à une mission spéciale. La ville de Saïgon et ses environs étaient habités par de nombreux Indiens chrétiens et païens, qui, en l’absence de prêtre connaissant leur langue, restaient isolés, étrangers les uns à toute pratique religieuse, les autres à toute pénétration catholique. Pour remédier à ce double et grave inconvénient, on envoya M. Mossard à Pondichéry apprendre le tamoul, les us et coutumes du pays, afin qu’à son arrivée en Cochinchine il pût former un groupement uniquement composé d’Indiens. Le jeune missionnaire resta environ une année dans l’Inde, mais quand parvenu à Saïgon en 1877, il eut étudié la situation, il constata l’impossibilité de réaliser le projet imaginé de réunir les Indiens dans une seule paroisse. Il n’y avait, ce qu’il devait faire pendant près de 25 ans, qu’à s’occuper d’eux en les laissant disséminés comme ils l’étaient. Peu après, il alla apprendre la langue annamite à Caimong, et y préluda aux nombreuses constructions qu’il devait faire, en remplaçant le plan du presbytère, dont l’exécution était déjà commencée, par un autre mieux conçu.
En 1878, il devint professeur au Séminaire de Saïgon, et en 1880, il fut chargé de l’importante chrétienté de Tandinh. L’ancien curé continuant de résider dans cette paroisse pour y diriger l’imprimerie dont il était le fondateur, les fidèles, qui avaient pris l’habitude de s’adresser à lui, la gardèrent ; le bon Père ne la leur fit pas perdre, et l’on finit par se demander si M. Mossard était vicaire ou curé. La réponse, donnée en 1882, par l’évêque Mgr Colombert, le nomma curé de Chodui, chrétienté nouvelle, proche de Saïgon, et où tout était à
créer. Il se bâtit un presbytère en planches, posé sur pilotis, couvert en feuilles, un modèle de paillotte inconfortable, où il ne tarda pas à être atteint d’une dysenterie qui se prolongea si longtemps, que le Vicaire Apostolique jugea à propos de l’envoyer en France. Tout en s’y soignant, M. Mossard travailla à la procure des Missions-Etrangères à Marseille, et rendit au dernier des frères Germain, nos procureurs bénévoles, des services que celui-ci résumait avec une admirable ingénuité : « Oh ! le P. Mossard, le cher Père, il fait tout ce que je veux. » C’était vrai, seulement tout ce que voulait cet excellent M. Gustave Germain lui était inspiré par l’habile M. Mossard.
En 1885, incomplètement guéri, il repartit pour Saïgon. Près d’arriver à Port-Saïd, il éprouva une grave rechute, qui le jeta dans l’anxiété pendant quelques heures. Que devait-il faire ? Continuer sa route ? Remettre le cap sur la France ? Il réfléchit, puis fit cette prière : « Mon Dieu, je remets ma santé, ma vie entre vos mains. Je suis prêt à travailler ou à mourir. Je vais en Cochinchine. » Lui-même nous a raconté le fait et il ajoutait : « Je suis persuadé que Dieu a eu ma résignation pour agréable, et qu’il en serait ainsi pour tous les missionnaires qui partiraient avant leur guérison complète, et après avoir fait tout leur possib1e pour l’obtenir. »
De retour à Saïgon, il reprit la direction de la paroisse de Chodui, y construisit une modeste église.
SUPÉRIEUR DE L’INSTITUTION TABERD. — EN PAROISSE
Deux ans plus tard, il devint supérieur de l’école Taberd, fondée depuis une douzaine d’années pour les métis de la colonie ; il y doubla le nombre des élèves qui en 1888 fut de 178 ; au lieu de 2 professeurs en eut 4, tous missionnaires, et il construisit deux vastes bâtiments. C’était bien pour le présent, mais l’avenir ? Le jeune supérieur avait du lointain dans l’esprit. Un jour, il alla trouver l’évêque. « Monseigneur, lui dit-il, l’Institution Taberd a grandi ; mais elle grandirait plus vite et mieux, si elle était entre les mains des Frères des Ecoles chrétiennes. » L’évêque s’étonna ; M. Mossard ne sembla pas s’en apercevoir ; il dé-veloppa ses idées, les appuya de raisons pratiques et de faits convaicants. Mgr Colombert savait écouter et réfléchir. Il termina l’entretien par ces mots : « Revenez dans quelques jours. » Et lorsque M. Mossard retourna près de lui : « Vous avez raison, lui dit-il, si les Frères y consentent, il sera fait comme vous le proposez …. » Il en fut ainsi, et rarement prévisions se réalisèrent plus heureusement et plus complètement.
De l’école Taberd, M. Mossard passa à Cholon et, en 1892, à Choquan. Il y acheva l’église, et la dota d’une ornementation intérieure qui en fait une des belles églises de la Mission ; il construisit le presbytère, la chapelle et l’infirmerie du couvent des Amantes de la Croix. Les dépenses de ces travaux étaient supportées par les paroissiens, dont beaucoup possédaient une belle aisance et quelques-uns une véritable fortune. Le missionnaire savait exciter leur générosité : « C’est pour vous rendre service que je vous demande votre argent, leur disait-il, car en faisant la charité vous obtiendrez le pardon de vos fautes. Quelques piastres pour éviter des mois ou des années de purgatoire, ce n’est pas cher. »
Parfois, avec un sourire, il ajoutait : « Choquan est la meilleure et la plus ancienne paroisse des environs de Saïgon, il faut qu’elle ait la plus belle église. » Ceux qui connaissent Choquan comprendront combien l’argument flattait agréablement les sentiments des auditeurs. Il faisait ces demandes gaiement, sans gêne extérieure du moins, car il assurait que rien ne lui était plus pénible que de tendre la main. Si c’était exact il a dû acquérir de nombreux mérites. Il donnait d’ailleurs avec autant de facilité qu’il demandait : aux chrétiens, aux païens, à tous ceux qui étaient dans le besoin, ou qu’il employait à quelque travail. L’argent semblait glisser entre ses doigts. « La Providence me remboursera », disait-il en riant.
Il conduisait sa paroisse avec aisance ne s’arrêtant guère aux petits détails : les disputes de ménage, les querelles entre parents ou amis, les emprunts que les Annamites font à leurs voisins sans les prévenir, tout cela le laissait assez indifférent. Mais il tenait ferme aux grandes lignes. « La confrérie que je préfère, disait-il, est celle des commandements de Dieu et de l’Eglise ; je fais en sorte que les associés en observent bien les statuts. » Par son jugement large, droit, par les conseils qu’il donna et dont on reconnut la justesse, il acquit sur ses chrétiens une influence telle, qu’aucun d’eux n’aurait accompli un acte important sans le consulter.
Avec la surveillance des constructions et la conduite de la paroisse, il s’occupa de transformer en véritables institutrices les religieuses Amantes de la Croix. Ces bonnes filles ne s’étaient pas encore départies des antiques coutumes annamites ; elles enseignaient à lire, en faisant répéter les mots jusqu’à ce qu’ils leur parussent bien casés dans la mémoire de leurs élèves, n’expliquaient rien ou à peu près, et agrémentaient ces leçons primitives de nombreuses chiques de bétel et d’arec. M. Mossard les forma aux méthodes européennes, leur apprit à enseigner le sens des mots, introduisit dans leurs classes l’arithmétique, la géogra-phie, avec un ordre, une propreté toute française ; il commença aussi à leur enseigner notre langue. Toujours il saisit l’occasion de faire connaître le français à ceux qui pouvaient en avoir besoin. En 1880, étant professeur au Séminaire, il avait publié en collaboration avec le P. Assou, un prêtre indigène, un Alphabet français qui se réimprima pour la sixième fois en 1911 ; en 1889, il publia L’année préparatoire de grammaire par demandes et par réponses ; en 1893, Leçons de lecture en français et en annamite, qui en 1907, étaient à leur troisième édition.
CURÉ DE LA CATHÉDRALE
En 1898, il fut nommé curé de la cathédrale de Saïgon. Ayant presque toujours résidé dans cette ville ou dans les environs, entretenu de nombreuses et excellentes relations avec les Français qui goûtaient la largeur de ses vues et la cordialité de son accueil, il fut reçu avec une joie unanime par la population. En le plaçant dans ce poste, l’évêque, Mgr Dépierre, avait songé aussi à la situation particulière qu’imposait au nouveau pasteur la continuation du séjour dans le presbytère de l’ancien curé, M. Le Mée. Les deux missionnaires, qui se connaissaient depuis plus de 20 ans, s’estimaient, s’aimaient et tous les deux, doués de beaucoup de pénétration, savaient très bien quelles limites vis-à-vis l’un de l’autre, ils ne devaient pas franchir. M. Mossard témoigna toujours à M. Le Mée une déférence parfaite, ce n’est pas assez dire, une affection vive, respectueuse et dévouée, mais il fut le maître dans son église et dans son presbytère. Il avait une manière d’ordonner mêlée d’autorité et de bonne humeur, avec une pointe d’esprit franc-comtois, qui ne permettaient pas d’en appeler au passé. Il arriva bien à M. Le Mée de donner, sinon des ordres, du moins des indications contraires à celles du titulaire, il le fit même au moins une fois devant celui-ci. Alors doucement, moitié sérieux, moitié railleur, M. Mossard lui dit : « Cela se faisait l’année dernière, mais on a changé. Les nouveaux curés sont toujours un peu révolutionnaires…..»
Il eut vite conquis sur ses paroissiens l’ascendant que prennent partout les natures douées pour manier les hommes. Très bon pour tous, indulgent avec tact, il était plein de charité spirituelle et temporelle. Il prenait un soin extrême des malades, les visitait souvent, particulièrement ceux qui avaient oublié les pratiques religieuses, et dont l’état inspirait des inquiétudes. On le vit se présenter jusqu’à cinq et six fois avant de pouvoir pénétrer près des mourants.
Il fonda en 1899 l’œuvre des Tabernacles pour la confection et le don d’ornements aux paroisses pauvres, mais par suite des changements fréquents de la population coloniale, l’œuvre a presque disparu ; il n’en reste plus qu’une quête faite chaque année, le second dimanche de novembre.
De temps à autre, il se rendait au pénitencier de Poulo-Condo dont il était l’aumônier. Il eut l’occasion d’y montrer son sang-froid et son dévouement pendant une épidémie de choléra. Le médecin, encore jeune et mal aguerri, tremblait un peu, et sans cesse recom-mandait des précautions. Le missionnaire ne paraissait pas convaincu de la valeur de tant de conseils et n’en tenait pas compte, et un jour que le médecin était plus pressant : « Vous avez raison, Docteur, lui dit-il de l’air moitié railleur et moitié sérieux qu’il prenait volontiers, vous avez raison, prenez beaucoup de précautions, elles vous sont nécessaires parce que vous avez peur ; à moi qui n’ai aucune crainte, elles sont inutiles. »
NOMINATION ÉPISCOPALE
Mossard administrait la paroisse de la cathédrale depuis quelques mois seulement, et n’avait point eu le temps d’y donner toute sa mesure, quand, le 17 octobre 1898, Mgr Dépierre mourut. Invités à présenter au Saint-Siège, les candidats qui leur semblaient les plus dignes de l’épiscopat, les missionnaires votèrent, à une très petite majorité, disent les gens bien informés, pour M. Mossard. Le Souverain Pontife agréa ce choix, et le 1er février 1899, il nomma le missionnaire, évêque titulaire de Médéa, Vicaire Apostolique de Cochinchine Occidentale. Lorsque le premier notable de la paroisse de Choquan apprit cette nomination, il déclara : « Le P. Mossard évêque, c’est très bien, il est à sa place, là où l’on s’occupe de choses grandes et importantes. » L’appréciation était d’une parfaite justesse.
L’élu ne pensait pas ainsi ; il eut beaucoup de peine à accepter ; plusieurs jours, son visage pâli par l’émotion, ses yeux rougis par les larmes dirent assez ses luttes intérieures, qui furent évidentes même pour les sceptiques : « Eh oui, écrivait un Saïgonnais, le P. Mossard pleure sur sa nomination épiscopale, et ce sont de vraies larmes, de vraies ; même moi, j’y crois. » Enfin sur les instances des principaux missionnaires, ses meilleurs amis, il prononça le fiat de l’acceptation. Il fut sacré à Saïgon le 1er mai, par son compatriote et ami, Mgr Cardot, Vicaire Apostolique de la Birmanie Méridionale, assisté de NN. SS. Grosgeorge et Van Camelbeke. Le délégué du gouverneur général, le lieutenant-gouverneur de la Cochinchine, plus de 80 représentants des différents services de la colonie assistèrent à la cérémonie. La cathédrale était trop petite pour contenir la foule. C’était un hommage de sympathie très sincère et d’estime très vraie à la personne du consacré.
COMMENCEMENT DE L’ÉPISCOPAT. — ÉTAT DE LA MISSION
Mgr Mossard était alors âgé de quarante-huit ans. De haute taille, de large carrure, les traits fortement accentués, le regard scrutateur, la barbe longue et bien fournie, il représentait le type de la force intrépide et calme. Très bon pour tous, connaissant bien les hommes parce qu’il les étudiait beaucoup, distant quand il le fallait, indulgent dans les petites choses et ferme dans les grandes, généreux de son argent et libéral dans ses idées, doué de loyauté et d’habileté, d’un coup d’œil juste et du sens précis des affaires, il possédait les qualités que confère ce don, éminent entre tous, de savoir conduire les hommes et organiser les choses. Ces natures-là sont créées tout exprès pour gouverner. Ses vertus sacerdotales étaient belles et grandes : foi profonde et raisonnée, piété sérieuse et régulière, immuable confiance en la Providence, tendre dévotion envers la Sainte Vierge, telles étaient les principales.
La Mission dont il devenait le chef comptait 2.000.000 d’habitants sur lesquels 63.000 catholiques, 59 missionnaires, 68 prêtres annamites, 525 religieuses et religieux européens et indigènes, et 15 catéchistes. Elle était divisée en une quinzaine de districts principaux subdivisés en une soixantaine de districts secondaires et en 300 chrétientés. Elle possédait un petit et un grand Séminaire, et ses 160 écoles libres renfermaient environ 8.000 élèves. La charité s’y exerçait dans 4 ou 5 orphelinats et autant d’hôpitaux. Chaque année, de 1.200 à 1.500 bouddhistes embrassaient la vraie foi, et 5.000 à 6.000 enfants de païens étaient baptisés in articulo mortis.
La grande majorité des catholiques observait fidèlement les préceptes de l’Eglise : « La vie chrétienne, écrivait Mgr Mossard, est plus intense au centre ; comme dans l’organisme humain le sang afflue davantage au cœur. La terre est plus dure sur les plateaux et dans les forêts de l’est. La culture des catéchumènes semble plus adaptée au sol marécageux des provinces de l’ouest. »
La bonne harmonie régnait entre les catholiques et les bouddhistes. Les calomnies d’antan avaient disparu. Depuis trente ans, toute la population païenne avait lu les livres chrétiens. Elle avait pu examiner les fidèles dans l’intime de leur vie. Elle savait que la religion condamne les actes mauvais, et elle pensait que chaçun serait parfait s’il en suivait les préceptes. Elle tenait les prêtres en haute estime. Elle distinguait entre les Français qui pratiquaient leur religion, et les autres ; elle disait couramment : « Celui qui pratique est un homme de bien ; de la part de l’autre, rien n’étonne. »
Dans l’administration de la colonie, deux éléments, le gouvernement proprement dit et le conseil colonial, avaient vis-à-vis de la Mission une attitude différente. Le premier ne manifestait aucune malveillance, le second reflétait dans une certaine mesure les passions et les opinions de la métropole. Or, à cette époque, la France était agitée par des luttes religieuses fort vives. On préparait la loi sur les associations que devaient suivre l’expulsion des religieux et la séparation de l’Eglise de l’Etat.
PROCRAMME DE GOUVERNEMENT ÉPISCOPAL
Dans cette situation à la fois bonne et menaçante, l’évêque se traça un programme propre à harmoniser les divers éléments sur lesquels pouvait s’étendre son action, à consolider les positions acquises et à améliorer les œuvres existantes. Les points les plus importants de ce programme furent : relations entre tous les membres de la Mission, entre eux et les chrétiens, entre les chrétiens et les païens ; rapports avec l’administration française ; augmentation du clergé indigène ; perfectionnement des écoles ; développement de la vie chrétienne, toutes choses qui dénotent un tempérament d’organisateur plus qu’une nature de conquérant. Ce fut là, en effet, le caractère particulier de Mgr Mossard et de son gouvernement.
« HIC EST FRATRUM AMATOR ». — CHARITÉ
Le premier mandement de l’évêque traita des relations générales entre tous. Il fut le commentaire de sa devise, qui résuma la note principale de son action personnelle et la direction qu’il voulait imprimer aux autres : Hic est fratrum amator, devise de sagesse et de piété ; de sagesse parce que les hommes sont conduits par le cœur plus que par la tête, et qu’une société unie par l’affection est plus aisément gouvernable ; de piété puisque cette devise rappelle le premier commandement de Notre-Seigneur qui est le tout de la loi divine.
Mgr Mossard réalisa sa devise. Ses prêtres furent pour lui des frères. Il les aima, les secourut dans leurs besoins, et fréquemment, tous les jours quand il le pouvait, les visita dans leurs maladies. Il les connaissait bien, savait tout ce qu’il pouvait obtenir d’eux, mais ne leur demandait rien au-dessus de leurs forces. Les hésitations qui se présentèrent au début de son épiscopat, provenaient du manque de rapports précédents entre lui et eux ; quand ils se connurent mieux, il y eut une entente complète qui ne se démentit jamais. S’il avait un reproche à adresser, il le faisait avec un sérieux plein de calme. On devinait l’indulgence dans les inflexions de sa voix, on l’apercevait tout au fond de son regard ; et l’on acceptait ses paroles en toute soumission, parce qu’on les sentait dictées par la justice et la bonté.
Dans ses rapports avec les Annamites, chrétiens ou bouddhistes, il montra une bonté et une générosité peut-être plus grandes encore. Lors de ses tournées pastorates qui le mettaient en contact fréquent avec eux, il aimait à causer avec les enfants, à les bénir, disait aux parents une parole joyeuse, faisait quelques cadeaux ; il recevait aimablement et avec une certaine solennité les fonctionnaires païens. Il ne se mêlait guère aux petites combinaisons qu’on pouvait lui soumettre en ces circonstances ; mais si les choses étaient importantes, il en écou-attentivement l’explication, réfléchissait, et donnait un conseil toujours judicieux. Il laissait tout le monde content, et, en rapprochant ainsi sa personne il espérait, ce qui souvent était réel, rapprocher de Dieu.
RELATIONS AVEC LE GOUVERNEMENT. — DIFFICULTÉS ET SUCCÈS
Mieux qu’aucun missionnaire de Cochinchine Occidentale, il connaissait les Français, fonctionnaires ou colons ; il était fort estimé et goûté par eux ; hélas ! la politique entravait les bonnes volontés : « La Mission de Cochinchine Occidentale, disait le prélat, a le privilège de ressentir presque instantanément le contre-coup des événements qui résultent de la lutte politique religieuse engagée en France. » On s’en aperçut dès 1902, au moment de l’inauguration de la statue de l’évêque d’Adran sur la place de la cathédrale. L’érection de cette statue avait été décidée par l’administration et le conseil colonial en un moment où l’on se préoccupait des services rendus par Mgr Pigneau de Béhaine à la France et à la Cochinchine, plus que de sa robe et de son titre d’évêque. Les esprits avaient changé de direction. L’administration consentait à l’inauguration de la statue ; mais ne se pressait pas d’accepter d’y prendre part. Or son absence, inconvenance à l’égard de la grande figure de l’évêque d’Adran, eut été une désillusion et même un froissement très vif pour les catholiques et un amoindrissement de l’éclat qui devait illustrer cette fête.
Mgr Mossard multiplia les démarches ; ne se heurtant à aucun refus et n’obtenant aucun assentiment. A la fin, il prit le parti d’adresser directement une dépêche au gouverneur général, M. Doumer, alors à Hanoï, le priant de présider l’inauguration et d’en fixer la date. La réponse attendue avec anxiété fixa la cérémonie au 10 mars, le gouverneur général la présiderait. Dès lors toutes les bonnes volontés se déployèrent. Les Travaux Publics firent les préparatifs. La présence du gouverneur général et de son état-major, des autorités civiles, militaires, maritimes, donna à la fête le caractère grandiose qu’elle méritait.
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Quelques mois plus tard, le conseil colonial supprima l’allocation de 12.000 piastres versée chaque année à la Mission pour ses écoles, « parce que, déclara-t-il, on n’y enseignait pas le français ». L’évêque avait fait observer que le français était enseigné au séminaire que l’enseignement du quocngu dans les écoles primaires était un acheminement à l’étude du français, que d’ailleurs vouloir enseigner le français à tous les enfants était inutile, sinon nuisible. La mesure fut prise comme elle avait été décidée, ce qui n’empêcha pas certains journaux de la colonie de continuer à attaquer la Mission sur ce point. Un mémoire leur répondit en 1902, qui fut, nous a-t-on dit, rédigé par le provicaire, M. Lallemand, et que signa l’évêque. Un second mémoire, paru en 1903, est de ton plus modéré que le premier ; il va plus au fond des choses ; il porte bien la marque du caractère ferme et conciliant de Mgr Mossard qui aborde franchement et discute avec calme la question « de la propagation de la langue française comme moyen d’influence dans tout l’Extrême-Orient, comme moyen de conquête morale dans la colonie française d’Indo-Chine ». Voici la partie principale, elle nous paraît inattaquable.
« Dans les nations indépendantes d’Extrême-Orient, la propagation de la langue d’un pays étranger sert évidemment à développer l’influence de ce pays, mais elle est surtout un signe de l’influence déjà acquise par lui. Dans tous leurs actes, les Asiatiques ont l’intérêt pour mobile. Parmi eux, si des individus apprennent une langue étrangère, leur nombre sera toujours en rapport avec la somme d’intérêts matériels que représente la connaissance de cette langue... Devenez le pays le plus influent dans telle contrée, et vous verrez ceux qui habitent cette contrée, empressés à étudier votre langue. Croire qu’ils consentiront à apprendre à parler comme vous, pour vous aider ensuite à acquérir de l’influence chez eux, c’est vous tromper vous-mêmes, c’est prendre l’effet pour la cause. Le zèle des nationaux, l’ardeur et le talent des maîtres envoyés par chaque Etat ne parviendront pas à changer la situation. Chacun d’eux aura un nombre de disciples proportionné à l’importance politique, industrielle et commerciale de son pays d’origine.
« Dans notre colonie indo-chinoise, la langue française étant de beaucoup la plus utile, sera évidemment préférée aux autres. Qu’elle soit un instrument de conquête morale ; nul ne peut le nier.
« Mais il existe, pour obtenir ce but, un facteur beaucoup plus puissant. Les peuples conquis se fondent avec la race conquérante dans la mesure où ils ont intérêt à le faire... Que les Annamites constatent de plus en plus l’utilité qu’il y a pour leur pays à faire partie du territoire français, qu’ils voient des horizons s’ouvrir, que beaucoup d’entre eux conçoivent le désir d’entrer dans le mouvement qui pousse tout les peuples vers le commerce, l’industrie, les lettres, et vous les verrez se livrer d’eux-mêmes à l’étude de notre langue. »
Ces idées n’étaient, en 1903, prisées que par la minorité des conseillers coloniaux ; elles le sont aujourd’hui par la majorité, sinon par l’unanimité.
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En 1904, le gouvernement de de la colonie laïcisa « les services de l’instruction publique en matière de bourses scolaires ». Jusqu’alors tout en accordant une bourse à un enfant, le gouvernement laissait à ses parents le choix de l’établissement où ils voulaient le faire instruire, et la bourse le suivait indifféremment dans une école laïque ou dans une école congréganiste. Dès lors les bourses furent retirées à tous les enfants fréquentant les écoles libres.
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A la même époque, plusieurs journalistes entreprirent une campagne contre les richesses de la Mission, comme leurs collègues de France en faisaient une, sous le même prétexte, contre les Congrégations religieuses.
« Comment, écrivaient des journalistes saïgonnais, entretenir tant d’œuvres sans aucune subvention si l’on n’est pas très riche ?... » A quoi Mgr Mossard pouvait répondre : « C’est un mystère incompréhensible pour ceux qui ne marchent qu’avec de l’argent, qui dépensent des sommes fabuleuses pour soutenir vaille que vaille les œuvres les plus vulgaires. »
Le mystère était cependant de pénétration facile. L’évêque en donna la double clef : « Sans les ressources qui nous sont procurées par les Œuvres de la Propagation de la Foi et de la Sainte-Enfance, il nous serait impossible de vivre et d’entretenir les œuvres existantes ». C’était la première. « Si j’avais un reproche à faire à mes confrères, ce serait de se soumettre à trop de privations, afin de pourvoir à l’entretien du personnel indigène et des œuvres de chaque district ». Telle était la seconde.
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Bien entendu, la campagne continua. Elle s’accentua lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. A ce moment, l’évêque résumait ainsi la situation : « Laissé à ses propres inspirations, le gouvernement indochinois maintiendrait, je crois, les choses dans l’état où elles sont au point de vue religieux. Renseignés sur l’animosité croissante de la population païenne contre la France et sur l’action soi-disant patriotique d’agents qui préparent les voies à leurs gouvernements respectifs, en vue de complications futures, nos gouvernants n’iraient pas, de gaieté de cœur, s’aliéner tout à fait les seules sympathies qui leur restent, celles de chrétiens qu’un long passé rattache à la cause française. » La dernière raison était d’autant plus forte, qu’à cette époque, les pamphlets, répandus à profusion en Indochine, renfermaient, à l’adresse des chrétiens, des invitations pressantes à faire cause commune avec le mouvement réformiste : « La question de race et de nationalité prime toutes les autres, était-il dit ; les chrétiens sont nos compatriotes, nos frères, de même sang que nous ; ils doivent se joindre à nous. Nous les attendons. » L’évêque fit dire aux catholiques par les missionnaires de demeurer en paix, sans s’inféoder en aucune manière au parti qui s’intitulait national et ne l’était qu’en apparence. Ainsi, même à ce moment où le gouvernement se faisait le persécuteur des catholiques de France, où le conseil colonial de Cochinchine manifestait de la malveillance, l’évêque employait son influence pour le service de la France et le bien de la colonie.
Il envisageait cependant de plus mauvais jours, mais ne les redoutait pas trop. « Si on nous applique la loi sur les associations, écrivait-il, si on nous enlève nos presbytères et nos églises, il y aura parmi nos fidèles de l’étonnement d’abord, un peu de trouble, mais cet état ne durera pas longtemps. Nos catholiques auront vite fait de se ressaisir. Ils se grouperont plus serrés, plus dévoués autour de leurs prêtres. Aucun missionnaire ne craint la misère. Personne ne nous empêchera de continuer ou de recommencer notre tâche. Attendons les événements sans trouble. Le monde et Satan sont contre nous, c’est quelque chose ; Dieu est pour nous, c’est infiniment plus ».
Il fit alors un pas en avant : par fatigue ? par crainte ? par habileté ? Ceux qui le connurent bien répondront. L’évêché appartenait au gouvernement que les journalistes attaquaient parce qu’il laissait le prélat en jouir. Mgr Mossard le rendit de lui-même en demandant seulement à le louer pour une année, pendant qu’il faisait construire une autre demeure. « Comme vous le désirerez, Monseigneur, lui répondit le lieutenant-gouverneur, veuillez vous-même fixer le prix de la location... » Une société par actions fut constituée, l’évêché actuel fut bâti et l’évêque alla l’habiter à la fin de 1911.
Cette même année, le secrétaire général, M. Malan, entreprit de faire promulguer en Cochinchine la loi sur les associations ; il ne rencontra point dans les autorités le concours qu’il désirait pour l’exécution du projet. La mort, qui l’enleva peu après, laissa au prélat le champ libre pour arranger cette affaire avec le nouveau secrétaire général, M. Destenay ; et avec l’assentiment du gouverneur général, M. Sarraut, on promulgua la loi, excepté les articles qui concernaient les associations religieuses. La mesure était sage, patriotique. Il faut en louer le gouvernement de l’Indochine, sans oublier la prudence et l’habileté de l’évêque qui avaient contribué à amener ce résultat.
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Sauf de très rares exceptions d’ailleurs, comme M. Malan, les hauts fonctionnaires de l’Indochine, gouverneurs généraux, MM. Doumer, Beau, Sarraut, les lieutenants-gouverneurs ou gouverneurs de Cochinchine, MM. Picanon, Rodier, Gourbeil, Le Gallen, Maspéro, hommes droits, sérieux, appliqués à leurs devoirs, ne se montrèrent jamais malveillants pour la cause catholique en général, quoique plusieurs aient laissé le conseil colonial prendre des mesures pénibles pour la Mission ; ils témoignèrent à Mgr Mossard estime et sympathie, sentiments que lui-même professa toujours pour eux.
Lors des essais de révoltes que l’on eut à regretter à quelques reprises, ils s’informèrent près de lui des causes qui les produisaient. Pour les signaler, l’évêque dut remonter à certains décrets et à certains actes de l’administration et le fit en toute franchise ; en même temps, il indiqua le remède. Nous ne nous permettrons pas de préciser ici des choses sur lesquelles Mgr Mossard lui-même nous a renseigné en ajoutant : « J’ai eu le plaisir d’être compris ; on a accepté mes réponses pour ce qu’elles étaient, c’est-à-dire pour des explications loyales de ma pensée et pour l’expression de mon sincère désir de rendre service, en mettant à profit la connaissance que j’avais, grâce à des renseignements particuliers, de l’esprit public. J’ai même eu la satisfaction de voir certaines mesures changées ou pratiquement atténuées dans le sens que j’avais indiqué. »
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On ne sera pas étonné si, dans ces conditions, les hommes qui briguaient un mandat politique de la colonie recherchaient l’appui du prélat. Celui-ci n’allait pas au devant d’eux, il les recevait cordialement, fussent-ils des adversaires plus ou moins déclarés ; il leur disait sa pensée en toute franchise, parfois avec une ironie dont un sourire émoussait la pointe. On a raconté à ce sujet une amusante histoire, nous en relevons les traits principaux.
Un candidat vint un jour faire une visite intéressée et déférente à l’évêque de Saïgon. Certains votes anciens de ce candidat ne fleuraient pas très bon et notre homme s’en excusait du moins mal qu’il pouvait. A vrai dire, il avait hurlé avec les loups, mais aurait-il pu faire autrement ? Cela ne tirait pas à conséquence, pour le fond n’était-il pas de cœur avec Monseigneur ? L’évêque, d’un mouvement de tête, empreint d’un sérieux méritoire, rendit l’hommage qu’il fallait à des convictions aussi robustes, et le candidat, sentant son assurance renaître, exposa ce qu’il jugeait avant tout l’essentiel de son programme.
La Cochinchine se devait à elle-même d’avoir non plus un évêque, mais un archevêque ;
Les mérites évidents, les titres manifestes de cet archevêque, en même temps qu’une simple question de décence, exigeaient que ce prélat eût la croix ;
Enfin, l’intérêt général bien compris, le souci d’une politique indigène éclairée, faisaient un devoir de réserver une place dans le Conseil supérieur du gouvernement à l’archevêque de Saïgon.
Il était indispensable de montrer à ce candidat qu’on n’était pas sa dupe.
Avec bonhomie, l’évêque assura qu’il tenait à répondre avec la franchise et la sincérité absolue, qui caractérisaient d’ailleurs si pleinement l’exposé des trois articles essentiels du programme.
Il fit observer à l’homme généreux qu’il avait devant lui, qu’à promettre un archevêché, il offrait… ce qui ne dépendait pas de son pouvoir, et même ce qui lui était de toute impossibilité d’obtenir ; que, d’ailleurs, il s’égarait, attendu que l’évêque de Cochinchine estimait suffisant son titre actuel, bien loin d’en vouloir un plus élevé dans la hiérarchie.
Quant à la croix de la Légion d’honneur, force était de faire le même aveu. L’obtenir excédait, de toute évidence, le pouvoir du candidat ; puis Monseigneur n’était-il pas décoré de la croix pastorale.
Restait la place au Conseil supérieur du gouvernement.
Ici, l’évêque de Saïgon reconnaissait qu’en effet il pourrait être utile, rendre quelques services, donner de profitables indications dans cette assemblée. « Mais, mon bon Monsieur, affirma-t-il avec un sourire qui revêtait, de tout le sucre voulu, l’amertume de la pilule, il est bien douteux que vous obteniez cela, et même… que vous le demandiez. »
Le candidat n’avait plus qu’à battre en retraite, il s’empressa de le faire… sans profit et sans gloire…
LE CLERGÉ INDIGÈNE
Les difficultés de la situation et les négociations nécessaires au règlement de ces différentes affaires n’avaient pas empêché l’évêque de suivre le plan qu’il s’était tracé.
Examinant de près les petits biens que la Mission et les paroisses possédaient, et désireux d’en tirer un meilleur parti, il plaça dans les distrists où ces biens étaient situés, des missionnaires doués d’aptitude pour les administrer avec méthode.
En 1902, il réunit le petit Séminaire de Tandinh au Séminaire de Saïgon, afin de diminuer les dépenses et de donner plus de vie à ce dernier établissement, qui menaçait de s’étioler, et il établit pour l’entretien de la maison d’œuvre de Saint-Pierre. « Au clergé de la promouvoir, écrivit-il, et d’engager les fidèles, surtout ceux d’entre eux qui doivent au Séminaire leur instruction et leur fortune, à la soutenir généreusement de leurs deniers. » Son appel fut entendu. Chaque année l’œuvre recueille en moyenne 3.500 à 4.000 piastres. Par reconnaissance envers les bienfaiteurs, Mgr Mossard décida qu’au Séminaire une messe serait célébrée pour eux chaque mois et un service solennel chaque année. A la même intention, chaque prêtre célébrerait six messes dans l’année qui suivrait son ordination et ensuite une messe chaque année.
Cette création de ressources pour le Séminaire lui tenait au cœur. Pendant un de ses voyages en France, il en parlait un jour dans un châeau de Bourgogne où il étail accueilli en ami. Son interlocutrice, dévouée aux Missions depuis de très longues années, l’écoutait avec attention ; à un moment, elle lui demanda : « Mais, Monseigneur, quand les séminaristes sont prêtres et s’en vont dans leurs chrétientés, comment les faites-vous vivre ? — Comme nous pouvons ; ce n’est pas toujours facile. — Et combien leur faut-il annuellement pour vivre ? —De 400 à 500 francs. — Et dans les autres Missions, en est-il comme dans la vôtre ? — A peu près. » Le lendemain la châtelaine offrit au prélat une somme, dont les revenus devaient suffire pour l’entretien de -plusieurs prêtres annamites ; le lendemain, elle en envoya autant dans une autre Mission, et, depuis lors, elle continue... L’évêque avait semé la bonne parole dans une bonne terre.
En 1903, grâce à un don considérable fait en mourant par M Philippe Le Phan Dat, il fonda à Chi-hoa une maison de retraite pour les prêtres annamites. C’était le complément de la fondation des bourses et des viatiques. Ces soins pour le clergé indigène furent largement récompensés. En 1900 la Mission de Saïgon comptait 68 prêtres annamites, et 93 en 1919.
L’accroissement voulu par l’évêque fut un acte de prévoyance singulièrement heureux. Lorsqu’éclata la guerre et que de larges vides se firent dans les rangs des missionnaires dont le nombre tomba de 59 en 1900, à 32 en 1919, les prêtres annamites étaient prêts à les remplacer, non seulement par la quantité, mais par les qualités et les vertus qu’avaient développées en eux une éducation forte et une instruction étendue. Il n’est pas hors de propos de dire que les postes importants qui leur ont été confiés sont bien remplis. Et puisque le rôle d’un chef de gouvernement doit être de prévoir, il est juste de faire remarquer que, dans la préparation prévoyante et intelligente du clergé annamite, comme dans le perfectionnement des écoles dont nous allons parler, Mgr Mossard s’est montré un bon chef de gouvernement.
PERFECTIONNEMENT DES ÉCOLES
Le perfectionnement des écoles fut une œuvre que l’évêque ne perdit jamais de vue ; perfectionnement contenu dans les limites voulues par le bon sens, les besoins réels et non factices, dirigé vers un double but : enseigner aux enfants les choses qui seraient utiles dans leur vie de petits propriétaires, de modestes commerçants, d’agriculteurs, d’ouvriers, et faire d’eux de bons chrétiens.
« L’éducation dans les écoles, disait-il, est d’autant plus nécessaire qu’elle est trop souvent absente dans la famille. » Il voulait que dans les écoles tout se fit avec ordre et méthode, et comme ces deux qualités ne sont pas précisément les plus vivantes parmi les Annamites, il exhorta les missionnaires à visiter souvent les classes, et nomma inspecteur des écoles le perspicace observateur et le sage conseiller qu’était le P. Clair. On comprit mieux toute l’utilité de ces mesures, lorsque le certificat d’aptitude primaire et celui d’aptitude pédagogique devinrent obligatoires pour tenir une école libre dans la colonie. Ses soins et ceux de ses collaborateurs furent récompensés par le succès des religieuses et des instituteurs qui presque tous obtinrent leur diplôme.
Les enfants qui désiraient embrasser les carrières libérales entraient à l’Institution Taberd. En 1907, cette Institution comptait, malgré la suppression des bourses, 465 élèves : 235 chrétiens et 230 païens. Les uns et les autres assistaient à tous les offices du culte catholique, et recevaient en commun la même instruction religieuse, sans qu’il y ait jamais eu la moindre réclamation à ce sujet, et il en est toujours ainsi. Des bouddhistes ont même obtenu le prix d’instruction religieuse.
Une autre école tenue par les Frères fut fondée à Mytho ; un pensionnat y fut adjoint, le nombre des élèves y dépassa bientôt la centaine.
En 1911, Mgr Mossard fit établir à Bienhoa, sous la direction des Sœurs de Saint-Paul de Chartres, une école normale pour les religieuses annamites. Enfin, en 1919, malade, près de s’embarquer pour la France, il acquit, grâce à une généreuse famille annamite, une vaste maison au Cap Saint-Jacques pour y installer une autre école normale.
Sans bourses et sans subvention, le nombre des élèves non seulement se maintint, mais il augmenta. En 1900, les écoles de la Mission comptaient 9.818 élèves et 10.851 en 1919.
DÉVELOPPEMENT DE LA VIE CHRÉTIENNE
C’est dans ses mandements aux fidèles, dans ses lettres et ses allocutions aux mission-naires pendant les retraites, que nous voyons tout d’abord le désir de l’évêque de développer la vie chrétienne. Voici le sujet de quelques-uns de ses mandements :
1901, le jubilé. — 1902, la constance dans le bien. — 1903, la sanctification par les actions ordinaires de la journée. — 1904, le support des misères de la vie. — 1905, la sanctification du dimanche. — 1907, la prudence chrétienne. — 1908-1910, les devoirs réciproques des en-fants et des parents, des maîtres et des serviteurs. — 1911, du jeu. — 1912, l’Eucharistie — 1913, l’éducation chrétienne.
Dans une lettre du 19 mai 1912 adressée à ses prêtres, il recommandait de ne pas faire trop rapidement la visite des petites chrétientés : « Il ne suffit pas, disait-il, d’une halte d’un jour ou de deux ; il est opportun d’y passer un temps plus long, consacrant un ou deux jours à préparer les fidèles à la réception des sacrements, surtout à l’audition des confessions. »
Le décret Quam singulari du Souverain Pontife Pie X, sur la communion des enfants, et ses instructions sur la fréquentation des sacrements par les grandes personnes, fournirent à l’évêque d’excellentes occasions d’intensifier la vie chrétienne.
Afin de répondre à la volonté du Saint-Père, et de garder l’uniformité d’action désirable, après avoir consulté ses missionnaires, il édicta, le 20 février 1911, un règlement provisoire portant que les enfants feraient leur première communion privée vers l’âge de 7 ans, et leur première communion solennelle à l’âge de 10 ans. « L’expérience d’une ou deux années, disait-il pour expliquer sa volonté de ne pas faire un règlement définitif, en apprendra plus sur les obstacles à éviter, les sanctions ou les remèdes à employer que des décisions trop hâtives. » Il revint sur cette question en 1912 : « Confiant dans l’efficacité des sacrements pour conserver les âmes et pour les sanctifier, faisons profiter le plus souvent possible les enfants du bienfait de la sainte communion. »
Ses exhortations à la fréquentation des sacrements furent si bien suivies, que, de 1903 à 1913, le nombre des confessions passa de 160.526 à 299.307, et celui des communions de 209.319 à 599.682 ; ce qui donne sept confessions par an et par personne et seize communions par chaque pascalisant. Dans certaines paroisses, le nombre des confessions et des communions d’hommes dépassa le nombre de celles des femmes. En 1919, le total des confessions et celui des communions avait encore augmenté, le premier était de 322.947, le second de 713.677.
« On peut faire, écrivait-il avec grande raison, on peut faire au sujet de ces communions et confessions fréquentes, toutes les objections et réserves que l’on voudra ; il est impossible que la réception si fréquente des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie n’ait pas pour résultat général une augmentation de foi et de vie chrétienne, dans l’ensemble de la population catholique de notre Mission. »
L’extension du catholicisme parmi les païens ne suivit point, il faut bien le dire, le développement de la dévotion parmi les chrétiens. Le chiffre 63.000 fidèles en 1899, n’était monté qu’à 73.000 en 1919 : « La vérité disait l’évêque, c’est qu’en pays infidèle on ne trouve pas autant de catéchumènes sérieux que se le persuadent trop facilement ceux qui ne sont pas du métier. » L’observation est juste, mais en ce qui regarde la Cochinchine Occidentale, il faut en ajouter une autre. Pendant la durée de l’épiscopat de Mgr Mossard, les missionnaires baptisèrent environ 25.000 adultes ; mais, dans ce nombre, plusieurs milliers reçurent le sacrement de la régénération à l’article de la mort. Parmi les chrétiens, l’émigration fit, chaque année, des vides considérables ; les uns s’en allaient au Cambodge, d’autres au Laos, pour y gagner leur vie ou simplement pour obéir à l’instinct nomade que porte en lui tout Annamite. « D’après un travail de statistique auquel je me suis livré, écrivait l’évêque dès 1903, la Mission devrait avoir 85.000 chrétiens, elle n’en a que 63.493. »
MESURES D’ORGANISATION GÉNÉRALE
Durant cette même période, Mgr Mossard avait pris un certain nombre de mesures d’organisation générale.
En 1904, il publia en collaboration avec Mgr Bouchut, le Vicaire Apostolique du Cambodge, un Directoire commun aux deux Missions de Cochinchine Occidentale et du Cambodge. Cet ouvrage est un des plus remarquables parmi ceux du même genre.
On peut ranger également au nombre des mesures d’organisation : l’acceptation en 1907 de la province de Phanthiet, qui jusqu’alors faisait partie de la Mission de Cochinchine Orientale, mais que la Mission de Saïgon pouvait administrer plus facilement ; la construction à Phanthiet, en 1908, d’un sanatorium pour les missionnaires français, et après sa suppression, l’installation, grâce à un fidèle ami, d’un autre sanatorium à Dalat, dans une région très agréable et très saine.
Regardant au-delà des frontières de son Vicariat, Mgr Mossard fut le promoteur de plusieurs réunions d’évêques de l’Indo-Chine Orientale. Le but de ces assemblées était d’étudier les mesures générales pour promouvoir le progrès de l’organisation des Missions, celui de l’évangélisation des païens et l’uniformité de certains moyens d’action. Il eut également une part notable dans la résolution prise d’étudier et de compléter, si besoin était le Règlement général de la Société des Missions-Etrangères.
COADJUTEUR
Au milieu de ces travaux les années s’écoulaient, l’évêque vieillissait. En 1911, il fut atteint d’une congestion cécébrale dont il se releva affaibli. Il exprima à Rome le désir, qui fut exaucé, d’avoir un coadjuteur. Il refusa d’ailleurs de le désigner, et même d’influencer, par la moindre indication, le vote des missionnaires : « J’ai peut-être mes préférences, dit-il, mais j’aime mieux m’en remettre aux autres et à la Providence. » La Providence le servit bien. Le 15 avril 1913, il donna la consécration épiscopale à Mgr Victor Quinton, nommé évêque de Laranda et coadjuteur avec future succession. Il lui conféra tous pouvoirs d’ordre et de juridiction dont lui-même jouissait, ne se réservant « que les affaires qui doivent être traitées officiellement avec le gouvernement. »
LA GUERRE. — LA VICTOIRE
L’année suivante il fit un voyage en France où la guerre le surprit et l’arrêta plus longtemps qu’il ne l’avait prévu. Retourné en Cochinchine, il y trouva comme dans la métropole l’union sacrée. Gouverneur, fonctionnaires de tous grades, conseillers coloniaux, journalistes la pratiquaient en parfaite sincérité. Il en jouit profondément. Ses rapports avec le gouverneur général de l’Indo-Chine, M. Sarraut, précédemment fort bons, devinrent encore meilleurs. Celui-ci ne parlait de l’évêque de Saïgon que dans des termes très élogieux.
Malheureusement la santé de Mgr Mossard continuait de faiblir. Il s’installa pendant quelques mois au nouveau sanatorium de Dalat, se trouva mieux, revint à Saïgon, retomba, mais refusa de s’avouer à bout de forces.
Lorsque notre offensive s’annonça victorieuse, le gouverneur de la Cochinchine voulut se servir des missionnaires pour faire connaître nos succès militaires et, selon l’heureuse expression de Mgr Mossard, « associer dans tout le pays la voix de nos cloches au cri des âmes ». Il fut donc décidé entre les administrations civile et ecclésiastique que les chefs de province transmettraient les nouvelles aux prêtres indiqués par l’évêque, et qu’au jour et à l’heure fixés, ceux-ci feraient sonner les cloches et, faute de clochers, battre le tambour. « De cette manière, écrivait Mgr Mossard, la manifestation sera simultanée dans toute la Cochinchine. Une même pensée dominera dans toutes les âmes ; un même chant s’élancera de tous les cœurs. Pour nous, chrétiens, ce sera dans la contemplation du passé, du présent, dans la prière en vue de l’avenir, demandant à Dieu de continuer sa protection à notre pays à ceux qui sont sa force, son salut, sa gloire. »
Enfin se leva le grand jour du triompbe, 11 novembre 1918. Les cloches des églises de la Mission sonnèrent à toute volée : le Te Deum fut chanté dans l’allégresse et la gratitude générales.
En Cochinchine comme en France, les Autorités exprimèrent ensuite le désir que l’influence de l’évêque et de ses prêtres aidât à grossir le chiffre de l’emprunt. Elle y aida. Le jour de l’ouverture, on vit le gouverneur général de l’Indochine, M. Sarraut, ayant à sa droite Mgr Mossard, à sa gauche le gouverneur de Cochinchine, traverser les rues de Saïgon se rendant à la banque. L’union sacrée rayonnait.
MORT. — FUNÉRAILLES
Mgr Mossard était heureux, mais ses forces le trahissaient, la cataracte envahissait un de ses yeux.
Les évêques de la Cochinchine et du Cambodge l’ayant délégué à Rome pour les affaires générales de la Société des Missions-Etrangères, il se prépara à partir ; il recommanda aux prières de ses prêtres « le voyageur sur lequel l’âge et les infirmités pesaient lourdement ». Le 2 janvier 1920 il s’embarqua pour la France ; au commencement de février, il était à Marseille ; il y éprouva une crise qui faillit l’emporter. Accompagné d’un missionnaire, M. Masseron, il se rendit à Dijon où sa famille l’attendait. Le médecin le trouva très affaibli, prescrivit un traitement qui sembla faire du bien au malade. L’évêque gardait l’espoir de la guérison. Brusquement, le 11 février, 21e anniversaire de sa nomination épiscopale, vers 9 heures du soir, quelque temps après être allé prendre son repos, il éprouva une suffocation très forte ; il appela les siens qui accoururent, se hâtèrent de prévenir un prêtre et un médecin. Quelques minutes plus tard, le cher et vénéré malade rendait son âme à Dieu.
Ses funérailles eurent lieu le 16 février, elles furent solennelles, présidées par Mgr Landrieux, évêque de Dijon, entouré de tout le clergé de sa ville épiscopale. De Lyon, Mgr Cuaz, ancien Vicaire Apostolique du Laos ; de Paris, M. Sy, un des directeurs du séminaire des Missions-Etrangères ; de Marseille, M. Masseron, se rendirent à la cérémonie funèbre.
Prévenu de cette mort soudaine, M. Sarraut, devenu ministre des Colonies, avait envoyé une dépêche à la famille, lui disant ses sentiments d’estime et de sympathie pour le défunt, et ses vifs regrets ; il se fit représenter aux obsèques, ainsi que le préfet de la Côte-d’Or, alors absent de Dijon. A la demande de Mgr Landrieux, M. Masseron résume, dans une émouvante allocution, la carrière apostolique de Mgr Mossard.
Au lendemain de la cérémonie funèbre, Mgr Landrieux adressa au nouveau Vicaire Apostolique de Saïgon cette très belle lettre :
« C’est donc à nous qu’était réservé le soin de rendre à votre vénéré Père, Mgr Mossard, les derniers devoirs. La Providence ne vous a pas laissé, dans votre malheur, cette consolation. Nous avons compris, à la façon dont on nous a parlé de votre évêque, le jour des obsèques, combien ce sacrifice serait vivement ressenti à Saïgon. C’eut été dans le deuil de la cité, de la colonie et de toute la Mission de Cochinchine, une manifestation religieuse impressionnante et vraisemblablement féconde, où se serait affirmée, une fois de plus, avec l’estime universelle des autorités et de la population, la piété filiale des fidèles. C’est sous cette impression et dans ces sentiments que nous avons essayé de vous remplacer.
« Nous avons ouvert au cimetière le caveau des évêques de Dijon pour assurer à Mgr Mossard, une sépulture digne, qui honore sa mémoire et réponde à sa dignité. C’est là que votre souvenir et vos prières rejoindront les nôtres.
La nouvelle de cette mort, connue à Saïgon le 17 février, jeta l’émoi dans la cité ; le gouverneur de la Cochinchine M. Maspéro, le maire de Saïgon, M. Forax, bien d’autres voulurent connaître des détails sur ce brusque et douloureux événement. Hélas le télégraphe n’avait apporté à Mgr Quinton que la seule information du départ suprême.
Un service solennel fut célébré à la cathédrale, trop petite en ce jour-là, comme à la consécration épiscopale du 1er mai 1899, pour contenir la foule, à la tête de laquelle étaient toutes les autorités civiles, militaires et maritimes.
Le conseil municipal de Saïgon, par une délicate inspiration, a donné le nom de Mgr Mossard à la rue de la ville, qui aboutit à l’institution Taberd, une des belles œuvres du prélat.
« Parmi les fidèles annamites, écrit Mgr Quinton, c’est un concert unanime de regrets et de prières pour notre bien-aimé Père. J’ai fait célébrer pour lui un service solennel dans toutes les chrétientés. Mais cela n’a pas suffi à la piété et à l’affection de nos chrétiens, qui partout demandent des messes chantées et des séries de messes ordinaires. Plusieurs fois j’ai dû cesser de parler de lui pour éviter de voir mes interlocuteurs éclater en sanglots. »
L’éloge le plus complet, que peuvent désirer tous ceux qui gouvernent, nous a été adressé en 1919, par un missionnaire de Cochinchine Occidentale. Le voici dans sa brièveté de verdict juste et précis : « Mgr Mossard a obtenu pour sa nomination d’évêque une faible majorité parmi nous ; aujourd’hui, après 20 ans de gouvernement, sans hésitation de personne, il possède l’unanimité. »
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References
[1299] MOSSARD Lucien (1851-1920)
Bibliographie
En collaboration avec le P.Assou, prêtre viêtnamien :
-"Alphabet français" 6ème édition, en 1911.
-"L'année préparatoire de grammaire par demandes et par réponses" 1889
-"Leçons de lecture", 3ème édition, en 1907
-Mandements : 1901, le Jubilé ;1902, la constance dans le bien; 1903, la sanctification par les actions ordinaires de la journée; 1904, le support des misères de la vie; 1905, la sanctification du dimanche; 1907, la prudence chrétienne; 1908-1910,les devoirs réciproques des enfants et des parents,des maitres et des serviteurs; 1911, du jeu; 1912, l'Eucharistie;1913, l'Education Chrétienne
-Directoire, 1904
Grammaire française : année préparatoire avec exercices faciles /par MM. Larive et Fleury... ; édition annamite préparée par les soins de L. Mossard, missionnaire apostolique, directeur de l'école Taberd. - Paris : A. Colin et Cie ; Saigon : Schrder Frères, [s.d.]. - 111-25 p. ; 8°.
L'Annamite appris en quatre leçons et vingt fables / par Mgr Mossard, évêque titulaire de Médée, vicaire apostolique de Saigon. - Hongkong : Impr. de la Société des Missions Etrangères, 1900. - 137 p. ; 20 cm.
Références biographiques
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Mémorial Mgr. MOSSARD Lucien,Emile #
Mémorial Mgr.MOSSARD Lucien,Emile