Alexandre RAISON1854 - 1924
- Status : Prêtre
- Identifier : 1341
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1878 - 1924 (Yibin [Suifu])
Biography
[1341] RAISON Alexandre, Félix, est né le 28 août 1854 en la paroisse Saint Paterne de Vannes (Morbihan). Il fait ses études chez les Pères Jésuites à Vannes et entre laïque au Séminaire des Missions Étrangères le 3 octobre 1873. Ordonné prêtre le 22 septembre 1877, il part le 29 novembre suivant pour la mission du Setchoan méridional.
Arrivé à Suifu le 27 avril 1878, il fait un stage de quelques mois à Chenkikeou. En octobre 1878, il est envoyé à Salien au Xientchang : il va y demeurer six ans. En 1884, il est appelé à visiter le district de Tsinkihien avec résidence à Talinpin. Deux ans plus tard, il est à Chelichan où il bâtit un clocher en style chinois. En juin 1894, il est à Penchanchien.
Pendant la persécution de 1895, la mission va durement souffrir : plus de la moitié du vicariat est bouleversée. Le Père Raison se met à l'ouvrage et rebâtit l'église, la cure et l'école des garçons de Penchanchien. Nommé architecte de la mission, il va relever les ruines de Tcheleoukan, de Kuinlienchien, Tchangchan et achever les travaux de Longtche.
Après un repos à Hongkong en 1900, à l'époque des Boxers, il revient à Suifu en juin 1901. Pendant quatre ans (juin 1901 - avril1905), il n'arrête pas de construire ou de réaménager églises, chapelles, dispensaire et hôpital. Sa santé ne résiste pas à ce surmenage : il sera curé de Lakihien pendant un an et demi. Un congé trop vite écourté en France (mai 1907 - octobre 1908) ne lui permet pas de se reposer comme il aurait dû et c'est encore malade qu'il arrive à Shanghai le 27 novembre 1908. Il passe trois mois à l'hôpital. Arrivé à Chungking le 8 avril, il entre directement à l'hôpital pour n'en sortir que le 9 octobre. Le 23, il est de nouveau à Suifu. Il assure un intérim de six mois à Pene-nouai. Nommé directeur de l'école des catéchistes en juin 1910, il va s'en occuper longtemps, après une interruption en 1911.
En décembre 1923, il demande à se retirer à Penchanchien. Vers la mi-mai 1924, son état empire brusquement. Soigné quelque temps à Tchentu, il revient à Penchanchien le 13 septembre. C'est là qu'il décède le 23 novembre 1924.
Obituary
M. RAISON
MISSIONNAIRE DE SUIFU (CHINE)
M. RAISON (Alexandre-FéIix), né à Vannes (Morbihan), le 28 août 1854. Entré ¬laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 3 octobre 1873. Prêtre le 29 novembre 1877. Mort à Penchanhien, le 23 novembre 1924.
Alexandre-Félix Raison nous est venu de la Bretagne où naissent l’ajonc et la bruyère, les vocations religieuses et les belles familles. Il vit le jour le 28 août 1854 à Vannes, paroisse de Saint-Patern. Dieu lui donna une mère de grand bons sens ; elle n’aurait pas, elle, confié à une main étrangère la première éducation de ses deux fils et de ses trois filles. Discrète, sa vigilance s’exerçait en tout lieu et à tout instant ; la punition suivait de près la faute ; un jour, le ciel offrit à son « petit monde » l’occasion de la retarder, peut-être de l’éviter : Maman avait oublié le martinet sur le coin de la table ; un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche, et le martinet est caché et bien caché. L’heure du repas arrive ; le sourire effleure les fines lèvres, les petits yeux sont gais, le benedicite est allègrement récité ; on s’asseoit l’air mutin, la portion est servie à chacun... et le martinet, sorti on ne sait d’où, s’abat sur les doigts fluets. La fourchette réintégra vivement la main droite, le morceau de pain, la main gauche.
« Notre mère nous aimait beaucoup, mais elle nous aimait chrétiennement », disait M. Raison, et il racontait le trait suivant : « Deux de mes sœurs étaient encore à la maison. L’une d’elles songeait à se donner à Dieu. Notre mère, au retour de l’église après une fervente communion, l’appela dans sa chambre : Tu veux être religieuse ? — Oui. — As-tu réfléchi ? As-tu consulté ? — Beaucoup. — Si tu as vraiment la vocation, suis-la et suis-la sans tarder. Ta sœur prend de l’âge ; il est possible que sa main soit demandée avant longtemps. Le monde trouvera tout naturel qu’elle me quitte pour se marier, tandis qu’il ne comprendrait pas si, après le départ de ta sœur, tu me laissais toute seule pour entrer au couvent. » Cette sœur de M. Raison est devenue Sœur de la Charité et, plus tard, supérieure d’une florissante communauté.
M. Raison fit ses études classiques chez les Pères Jésuites de Vannes, en qualité d’externe. Il entra laïque au Séminaire de la rue du Bac le 3 octobre 1873. Prêtre le 22 septembre 1877, il reçut, le soir de ce jour, sa destination pour le Setchoan Méridional, en même que M. Charles Mathern dont il resta l’ami jusqu’à sa mort (4 octobre 1918). Il quitta Paris avec son compagnon le 29 novembre et arriva à Suifu le 27 avril de l’année suivante.
Après un court stage à Chenkikeou, il fut envoyé, en octobre 1878, au Kientchang, à Salien, où il devait demeurer six ans. Il fut appelé en 1884 à visiter le district de Tsinkihien, avec résidence à Talinpin. Il fut transféré, vingt-quatre mois plus tard, à Chelichan, où il bâtit un clocher en style chinois puis, en juin 1894, à Penchanhien.
La Mission catholique de cette ville fut détruite de fond en comble pendant la persécution de 1895. Parlant de cette persécution qui bouleversa la moitié du Vicariat et y accumula les destructions, le compte rendu de 1910 dit : « Une indemnité convenable ayant été consentie par la Chine, nos ruines se relevèrent comme par enchantement... Missionnaires et prêtres chinois s’éveillèrent un beau matin architectes. C’était pour la plupart de l’improvisation. Les moins habiles eurent le bon sens de demander conseil aux plus expérimentés... » M. Raison était le plus en vue de ces derniers. Aussi, l’église, la cure et l’école de garçons de Penchanhien achevées, il fut nommé (mai 1898) architecte de la Mission. Il releva sans interruption nos établissements de Tseleoukan, de Kuinlienhien, de Tchangchan et acheva ceux de Longtche.
Il se rendit à Hongkong en août 1900, à l’époque des Boxeurs, et revint à Suifu, bien reposé, en juin 1901. De juin 1901 à août 1905, il construisit ou aménagea successivement Tselieoutsin et, à Suifu, l’église, la résidence, les écoles paroissiales de garçons et de filles du nouveau district de Pemenouai, l’école des Petits Frères de Marie, le port de la marine française, l’école paroissiale de filles de Kongtsitang, le couvent des Sœurs Franciscaines de Marie, le dispensaire, l’hôpital et l’église votive de Notre-Dame des Martyrs du Simenouai, son chef-d’œuvre.
Sa santé ne résista pas à ce surmenage ; il manifesta le désir de reprendre un district. C’est ainsi qu’il devint pendant un an et demi curé de Lakihien, district de vieux chrétiens, comme ceux de Penchanhien, Chelichan, et Tsinkihien. Mais le changement d’occupation ne produisit pas les bons effets attendus ; il partit en mars 1907 demander au pays natal un renouveau de forces et de vie. Sur ses instances, il se rembarqua à Marseille, le 25 octobre 1908, insuffisamment remis, arriva très fatigué à Shanghai le 27 novembre, passa trois mois à l’hôpital, continua, le 4 mars, sur Tchongkin, y débarqua le 8 avril et entra directement à l’hôpital qu’il quitta le 9 octobre. Le 23, il était de retour à Suifu. Le poste de Pemenouai se trouvait vacant ; il y exerça les fonctions de curé intérimaire pendant six mois.
En juin 1910, il fut nommé Directeur de l’Ecole des Catéchistes baptiseurs, dont on venait de décider la fondation. Elle dut être licenciée quinze mois après, à la suite de la révolution chinoise. M. Raison conduisit alors Mgr Chatagnon et trois missionnaires invalides à Tchongkin, mieux protégé que Suifu, et revint avec eux en février 1912. Il rouvrit son école en septembre et lui consacra le meilleur de lui-même, onze ans durant. En décembre 1923, aux prises depuis plusieurs mois avec des infirmités rendues plus douloureuses par la vieillesse, il donna sa démission et demanda à se retirer à Penchanhien, l’un de ses anciens districts.
La retraite annuelle des missionnaires prit fin à Suifu, le 11 février 1924. M. Raison s’embarqua ce jour-là sur un sampan avec les retraitants de la région de Kiatinfou, d’où il continua en chaise pour se trouver à Penchanhien, le 23. Le missionnaire de l’endroit écrit : « Bien remis quelques jours après son arrivée des fatigues de son long voyage, M. Raison se sentait revivre. L’appétit était bon, les forces revenaient et c’est lui qui, tous les dimanches à quatre heures de l’après-midi, m’interpellait : — « Père, allons faire une petite promenade. — Avec plaisir... » Il était heureux de respirer à pleins poumons l’air pur de la campagne ; il recommençait à faire des projets et, puisque Dieu lui en donnait la force, il travaillerait encore au saint ministère. D’abord il songea à son installation que je favorisai de mon mieux, puis j’allai visiter Tchangkeou où je passai les fêtes de Pâques. Durant mon absence, le Père remplit les fonctions de curé et peu après la fête il m’écrivait : « J’ai entendu plus de cent confessions pour Pâques, sans trop de fatigue. »
Malheureusement, vers la mi-mai, je remarquai que M. Raison perdait de son entrain ; il maigrissait à vue d’œil, peut-on dire. Il dut renoncer, fin mai, à faire les quelques pas que nous faisions habituelle¬ment après le repas. J’étais inquiet. Dans l’après-midi du 1er juin, je lui dis : « Il vous faut aller consulter les docteurs de Tchentou. Vous partirez demain, je vous accompagnerai. » Ce que nous fîmes.
De Tchentou, le cher malade m’écrivait assez fréquemment, me donnant les résultats assez peu sensibles obtenus. Un jour cependant, à la mi-juillet, je reçus de lui ce petit mot rayonnant de joie : « Aujourd’hui, j’ai pu dire tout mon bréviaire en marchant ; il y a longtemps que cela ne m’était pas arrivé. » Hélas ! c’était le mieux trompeur qui précédait les grandes crises. Un mois plus tard c’était une note bien différente : « J’ai dû garder deux jours le lit ; je suis très faible. Dès que j’aurai repris un peu de force, je rentrerai à Penchan... » Je compris qu’il perdait tout espoir de guérir.
Il était de retour à Penchanhien le 13 septembre, mais dans quel état ! Il était méconnaissable. J’eus l’impression en le voyant que c’était bien la fin pour lui. Dès lors il se fit lui-même son propre médecin, essayant régime sur régime, modifiant ses heures de repas selon le caprice de son imagination. La dysenterie persistait et ses forces diminuaient progressivement. Toutefois il pouvait encore, quoique avec beaucoup de difficultés, célébrer la sainte Messe. C’est dans ce tête-à-tête, dans ce cœur à cœur avec notre divin Rédempteur qu’il puisait le grand calme et la sainte résignation qu’il a montrés pendant tout le cours de sa maladie.
Un jour, au commencement du mois d’octobre, il entre dans mon bureau et me dit bien simplement : « Je ne veux plus de ma volonté ; je la donne toute à Dieu, Il fera ce qu’Il voudra de moi. » Une nouvelle crise plus violente que les précédentes se produisit le 26 octobre. Je lui conseillai de s’adresser au médecin catholique Fongyutang. Il y consentit d’autant plus volontiers qu’il le savait prudent dans ses ordonnances. Une légère amélioration s’ensuivit, mais sans lendemain. Le 31 octobre, le malade cessa de monter à l’autel. Désormais, le matin, après avoir communié et fait son action de grâces, il se levait et se rendait dans mon bureau, qu’il ne quittait que le soir, vers sept heures, pour aller se coucher. Je me demandais comment, si faible, il pouvait tenir une journée entière sur une chaise. Il se raidissait, je crois, convaincu que s’il s’alitait, ce serait pour ne plus se relever. Le 13 novembre, à une heure de l’après-midi, il dut s’avouer vaincu. Je fis appeler Fongyutang. « Le pouls du Père est très faible, me dit-il en sortant, le cœur peut s’arrêter d’un moment à l’autre. » Peu après, j’entrai à mon tour chez le malade ; il m’accueillit par ces paroles : —« Père, il faudra me donner l’Extrême-onction ce soir ou demain matin. » — « J’allais vous le proposer, lui répondis-je ; ce sera ce soir à huit heures, si vous voulez bien. »
Dès le lendemain, j’envoyai un exprès à M. Petrus Ly et à M. Vincent, mes deux plus proches voisins. Ils arrivèrent l’un et l’autre le 15. M. Petrus Ly dut repartir le 18 pour aller administrer un malade éloigné. M. Vincent a assisté avec moi aux derniers moments de notre confrère.
M. Raison était devenu d’une sensibilité extrême ; le moindre attouchement lui causait des douleurs intolérables et, comme il devait se lever fréquemment, j’avais appelé six chrétiens se relayant trois par trois jour et nuit. Les infirmiers improvisés montraient plus de zèle et de dévouement que d’habileté. M. Raison ne s’en plaignait pas.
Cependant son heure approchait. Le dimanche 23, j’allai, comme les jours précédents, lui faire une lecture sur un sujet que lui-même me désignait. Ce jour-là, il n’eut pas la force de faire les commentaires que d’ordinaire il faisait. Le soir, je vis clairement qu’il ne passerait pas la nuit. Je lui demandai, vers les huit heures : — « Souffrez-vous ? — Oui, j’ai mal aux reins. » Je récitai les litanies de saint Joseph auxquelles il s’unit de cœur. A dix heures et demie, je fis réciter le chapelet par les chrétiens qui se trouvaient auprès de lui. Le chapelet terminé ; je lui demandai de nouveau — : « Souffrez-vous ? — J’ai froid. »
C’était le froid de la mort. Je l’exhortai à renouveler le sacrifice de sa vie, lui donnai une dernière absolution et commençai avec M. Vincent les prières des agonisants. Au libera, je vis nettement la poitrine de notre cher confrère se soulever trois fois. Son âme paraissait devant Dieu. »
La fin si douce, si pieuse, si résignée du cher Père Alexandre-Félix Raison sera pour nous une consolation. Il est allé rejoindre au ciel la phalange de nos confrères. Il sera là avec eux pour nous recevoir lorsque notre heure aura sonné.
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References
[1341] RAISON Alexandre (1854-1924)
Références biographiques
AME 1895 p. 422. 1896 p. 502. 506. 588. 1909 p. 36sq. 1925 p. 80. CR 1877 p. 50. 1881 p. 34. 1882 p. 28. 1890 p. 71. 1891 p. 94. 1892 p. 99. 1894 p. 124. 1895 p. 128. 1897 p. 96. 97. 224. 233. 319. 1906 p. 88. 89. 1907 p. 114. 436. 437. 1910 p. 97. 1911 p. 83. 1912 p. 499. 1917 p. 49. 1918 p. 193. 1922 p. 48. 1923 p. 64. 1924 p. 43. 1925 p. 53. 150-154 (notice nécro.). 163. 1929 p. 284. 285. 1932 p. 301. 1939 p. 235. BME 1925 p. 61. 1928 p. 624. 1929 p. 235. 1932 p. 322. 538. 1939 p. 182. EC1 N° 78. 83.