Léon PAGE1855 - 1897
- Status : Prêtre
- Identifier : 1406
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1879 - 1897 (Malacca)
Biography
[1406]. PAGE, Marie-Léon-Nicolas, né à Branne (Doubs) le 2 mars 1855, fit ses études classiques au collège d'Ornans, et commença ses études théologiques au grand séminaire de Besançon. Il entra minoré au Séminaire des M.-E. le 23 janvier 1877, fut ordonné prêtre le 8 mars 1879, et partit le 16 avril suivant pour la mission de la Presqu'île de Malacca. Après avoir passé quelque temps à Singapore, il fut chargé du grand hôpital chinois, et du poste de Serangong où il bâtit un petit presbytère.
En 1881, il fut nommé à Balik Pulau, paroisse chinoise, dans l'île de Pinang ; il en transforma l'église, installa une école pour les garçons, et reconstruisit le presbytère. Atteint d'une forte fièvre en juin 1897, il fut transporté à l'hôpital de Georgetown (Pinang), et y mourut le 17 du même mois. Son corps repose dans l'église de Balik Pulau.
Obituary
M. PAGE
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE MALACCA
Né le 2 mars 1855.
Parti le 16 avril 1879.
Mort le 17 juin 1897.
M. Léon Page naquit à Branne, canton de Clairval (Doubs), en 1855. Il fit au collège d’Ornans de bonnes études, et entra ensuite au grand séminaire de Besançon, où il passa plusieurs années, et dont il garda toute sa vie le meilleur souvenir. Besançon, avec son externat, son règlement et son organisation à part, était pour lui chose sacrée dont il ne fallait pas parler légèrement. Jusqu’à la mort, il resta en relations avec M. Dubillard, ancien supérieur, et actuelle¬ment vicaire général. De bonne heure il se sentit appelé aux Missions ; un jour il crut la porte ouverte et fit même ses adieux à la famille. Quelque ami influent de ses parents intervint pour lui faire retirer la permission déjà donnée. Il accepta sans murmure cette déception et continua ses études, mais ne renonça point à ses pro¬jets. Enfin, après avoir reçu les Ordres mineurs, il fut libre de suivre sa vocation, et entra au Séminaire de Paris en février 1877.
Il se montra, durant les deux années qu’il y passa, ce qu’il resta toujours depuis : fidèle au devoir, bon, joyeux et aimable confrère. Il aimait la bonne Vierge et se fit un bonheur d’employer à son ser¬vice son temps de vacances et son rare talent de découpeur. Grâce à lui, la Vierge de Verrières, Notre-Dame-des-Aspirants, eut une nou¬velle chapelle entièrement façonnée de sa main, et dont l’inauguration aux flambeaux fut presque un événement.
J’eus le bonheur de partager avec lui la charge de sacristain, et ce nous fut occasion de contracter une amitié fraternelle qui ne se démentit jamais. Dès lors, nous mîmes en commun joies et peines, rêves et projets d’avenir. Tous deux, forts et robustes, nous rêvions les montagnes du Thibet ou les glaces de la Mandchourie ; ce fut la Malaisie qui nous échut, la Mission considérée alors, à tort ou à raison, comme prosaïque entre toutes. Nous fîmes comme on fait toujours en pareil cas, nous criâmes : « Vive la Malaisie ! » et nous nous mîmes à aimer notre chère presqu’île, comme si jamais nous n’avions rêvé qu’elle.
Nous y abordâmes le 20 mai 1879, après une traversée de 30 jours. M. Page n’avait pas le pied marin, et la mer lui causa quelques désagréments, sans altérer en rien sa belle et joyeuse humeur. Désigné aussitôt pour la mission chinoise, il se mit avec ardeur et succès à l’étude de la langue. Il eut le bonheur d’avoir pour maître dans l’apostolat le brave et saint P. Pâris, alors provicaire de Mission. Joi¬gnant la pratique à la théorie, celui-ci nous prenait de temps en temps pour une tournée à travers la campagne. Nous le suivions toute une journée, de maison en maison, mangeant les fruits du pays, buvant du thé, et écoutant, ravis, ses instructions aux peuples. Nous regret¬tions de ne rien comprendre, et nous jouissions de son bonheur quand, le soir, il rentrait content de sa journée. Après cinq mois, nous dûmes nous séparer.
J’allai à Pinang prendre la direction de la mission indienne. M. Page resta à Singapore et fut, au bout de quelques mois, chargé du poste de Serangong, distant de sept milles de la ville, et du grand hôpital chinois. Les longues heures qu’il passait, plusieurs jours par semaine, auprès des malades les plus rebutants, furent récompensées par plusieurs centaines de baptêmes d’adultes. La maison de Seran¬gong était tellement délabrée qu’elle était inhabitable ; il se mit à l’œuvre, et en quelques mois la remplaça par une autre plus solide et plus saine. Comme il arrive souvent, il avait bâti pour d’autres ; après la retraite de 1881, il fut envoyé à Baleck-pulau, grand district chinois des montagnes de Pinang.
Il prit possession de son nouveau poste au mois de janvier, et ne le quitta plus jusqu’à la mort. Dix-sept ans durant, il fut, on peut le dire, l’âme de cette belle chrétienté, partageant les joies et les peines, les succès et les revers de ses chrétiens. Il fut leur conseiller dans leurs difficultés, leur juge dans leurs démêlés, leur avocat dans toute cause juste, même leur médecin dans leurs maladies. Il se fit tout à tous et mit à leur service son temps, son argent, sa santé et sa rare intelligence des affaires. Quiconque s’attaquait au moindre de ses chrétiens, était sûr de se heurter au P. Page. Dès que leur intérêt était en jeu, rien ne lui coûtait ni ne l’effrayait. Il consultait des avocats, s’adressait aux bureaux de l’administration, allait en Cour s’il le fallait. On le vit, à l’occasion de certaines lois, poursuivre même le Gouvernement et gagner son procès. Il ne vint peut-être pas une seule fois en ville sans avoir quelque affaire de ses chrétiens à arran¬ger : argent à emprunter ou à rembourser, cas de police, démarches au Land-Office, etc. Tant de tracas auraient fait perdre la tête à un autre ; pour lui c’était un jeu, et cela ne l’empêchait ni d’être gai en compagnie , ni de remplir scrupuleusernent son ministère. Les nombreux services rendus par lui à ses chrétiens et même aux païens, lui donnaient une autorité respectée de tous. Aussi, au témoignage de ses confrères, ne vit-on nulle part le dimanche mieux sanctifié, les sacrements mieux fréquentés, les écoles mieux tenues, les enfants mieux instruits les catéchumènes mieux préparés, les cérémonies mieux faites. Personne ne passait à Baleck-pulau sans être émerveillé, en voyant ces petits enfants de chœur chinois fonctionner avec la gravité de vrais séminaristes. Entre temps, le Père reprenait la scie et meublait son église et sa sacristie avec un goût qui ferait honneur à un artiste.
En 1884, il entreprit d’agrandir et de transformer son église devenue trop petite. Le plan était grandiose ; il fallut une souscription pour l’exécuter. Il se fit lui-même entrepreneur et maçon et poussait bien, même rondement, les choses. Une maladie, espèce de phylloxera, qui tomba sur les muscadiers, principale richesse de ses chrétiens, appau¬vrit un grand nombre de ceux-ci et l’obligea à suspendre les tra¬vaux, faute de ressources. Dix ans s’écoulèrent avant qu’il pût voir son église bénite par Mgr Gasnier qui la proclama une des plus belles du diocèse. L’église terminée, il bâtit une école pour les garçons ; les filles avaient déjà la leur, construite par son prédécesseur ; alors seulement il songea à remplacer par une maison plus confortable la baraque en planches, où il logeait depuis 16 ans. Ses chrétiens se firent un devoir de lui fournir l’argent nécessaire, non seulement pour bâtir, mais encore pour meubler le nouveau presbytère, qui fut bénit au mois de juin 1896. Il put croire alors le moment venu de se reposer et de jouir de son œuvre. Il ne manquait plus rien à Balek-pulau pour être une paroisse modèle, soit au spirituel, soit au temporel. Dieu lui réservait une autre récompense, et un an plus tard, au mois de juin 1897, nous déposions son corps dans le caveau préparé par lui-même, dans cette église qui lui avait coûté tant de tracas et qu’il avait construite et ornée avec tant d’amour.
Personne n’eût pu prévoir une fin si prochaine. Quoique sujet depuis 10 ans à des coliques qui le faisaient parfois horriblement souffrir, M. Page, grâce à sa forte constitution, se permet-tait des choses qui auraient tué tout autre. Des courses de 15 ou 20 kilomè¬tres, la nuit, à travers les montagnes, n’étaient rien pour lui. Nous l’avons vu maintes fois quitter Pinang à 3 ou 4 heures du matin et traverser les montagnes à pied pour aller chanter la messe à Balek¬pulau. Ni le soleil ni la pluie ne l’arrêtaient.
Une fois traversant à cheval, à minuit, un endroit désert, il vit un Chinois sortir du bois et saisir son cheval par la bride. Le Père était armé, il sortit son revolver et le pointant sur l’individu lui cria de lâcher prise ; celui-ci eut peur et s’enfuit. Le Père apprit le lendemain qu’il avait eu affaire à un fou, et la morale qu’il en tira fut qu’il valait mieux voyager sans armes, que s’exposer à tuer un innocent.
Le même sang-froid qu’il avait montré en cette circonstance, lui servit dans une autre occasion critique. Rentrant chez lui la nuit, après une course longue et fatigante, il avale, au lieu d’un verre de vin, un verre d’acétate de plomb. Jugeant au goût qu’il s’est trompé, et à la lumière reconnaissant le poison, il écrit à la hâte un billet au docteur de l’hôpital, puis prend tous les vomitifs qui lui tombent sous la main. Quand le médecin arriva, il le trouva hors de danger et tous deux en furent quittes pour une forte alerte.
Son renom d’invincible était si bien établi que, lorsqu’en débar¬quant à Pinang au mois de juin dernier, j’appris qu’il avait la fièvre, il ne me vint même pas à l’idée d’être inquiet. Il écrivait d’ailleurs lui-même qu’il allait mieux et promettait de venir sans trop tarder. Un jour, deux jours se passèrent, et M. Page ne venait pas. Le troi¬sième jour, nous recevions un télégramme fort alarmant. Aussitôt nous partîmes, un confrère et moi, pour Baleck-pulau. Nous trouvâmes le Père avec une forte fièvre et une grande agitation. La fièvre fut coupée le soir même, au moins en apparence, mais l’agitation continua ; il ne pouvait ni reposer, ni rester cinq minutes tranquille. Le lende¬main pourtant il se trouva un peu mieux ; et le jour suivant le médecin qui le soignait, nous autorisa à l’emporter en chaise à l’hôpital de Pinang, où il recevrait des soins et un traitement meilleurs que chez lui. Le voyage se fit sans trop de fatigue. M. Mariette alla le voir et le trouva beaucoup mieux ; le malade se confessa et causa longtemps. Vers midi, il eut une crise d’étouffement qui faillit l’emporter. Appelé aussitôt, je trouvai notre confrère dans une grande prostration. Il pouvait à peine parler. Le docteur ayant déclaré son état critique, je lui donnai l’extrême-onction qu’il reçut très volontiers. Il répétait avec plaisir les invocations qui lui étaient suggérées. On essaya alors de faire baisser la température au moyen de serviettes glacées. Cet essai répété trois fois n’eut aucun succès, et le docteur déclara qu’il n’y avait plus d’espoir. Nous con¬tinuâmes à prier près de M. Page toute la soirée, constatant hélas ! que la vie s’éteignait graduellement. De neuf heures à minuit, la respiration ne fut plus qu’un long gémissement et à minuit moins cinq minutes, il rendit le dernier soupir. C’était le 17 juin, jour de la Fête-Dieu.
Le corps fut transporté la nuit même à l’église chinoise, où je chantai la messe prœsente corpore. Le soir, il fut mis en bière ; nous l’emportâmes à Balek-pulau, où il fut enterré le lendemain après une autre messe solennelle, à laquelle plus de 250 chrétiens voulurent communier. Un plus grand nombre encore s’approchèrent des sacre¬ments, au service qui eut lieu un mois plus tard. C’est le plus bel éloge que des enfants puissent faire de leur père. Heureux le prêtre dont les leçons sont ainsi mises en pratique ! Il peut être fier de son œuvre.
† R. FÉE,
Évêque de Malacca.
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References
[1406] PAGE Léon (1855-1897)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1880, p. 75 ; 1882, p. 84 ; 1883, p. 95 ; 1884, p. 125 ; 1885, p. 112 ; 1886, p. 114 ; 1891, p. 191 ; 1892, p. 209 ; 1895, p. 257 ; 1897, p. 218. - M. C., xvi, 1884, Excursion dans le royaume de Kedah, p. 253. - A. M.-E., 1914, p. 83. - Sem. rel. Besançon, 1897, pp. 421, 538. - Assoc. des anc. prof. et él. Ornans, 1899, p. 6.
Notice nécrologique. - C.-R., 1897, p. 321.