Jean-Baptiste DRONET1855 - 1939
- Status : Prêtre
- Identifier : 1597
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1884 - 1939 (Hanoi)
Biography
Jean-Baptiste DRONET naquit le 20 septembre 1855 à Vieillevigne, département de la Loire Atlantique, diocèse de Nantes, dans une famille qui compta cinq garçons et quatre filles. Parmi ces 9 enfants, trois se consacrèrent à Dieu: Eugène devint frère coadjuteur au Séminaire des Missions Etrangères à Paris où il mourut le 29 juin 1908, Mélanie entra dans la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, et décéda en 1930, Jean-Baptiste fut missionnaire à Hanoï.
Celui-ci commença ses études primaires à l'école communale tenue par les Frères de St.Gabriel, mais il dut quitter les études, pour aider sa famille, dans les travaux agricoles. Avec l'autorisation de son père, il entra au petit séminaire de Guérande, vers l'âge de 18 ans. D'une intelligence moyenne, d'un jugement droit, mais avec une mémoire ingrate, il éprouva pour ses études secondaires, des difficultés sérieuses surmontées par un travail acharné. Il passa ensuite au grand séminaire de Nantes où il fut ordonné prêtre le 29 juin 1883.
Le 30 Juillet 1883, il entra au séminaire des Missions Etrangères. Ayant reçu sa destination pour le Vicariat Apostolique du Tonkin Occidental, (Hanoï), il partit le 16 juillet 1884, en compagnie de MM. Boquel Camille, Chevènement Louis, et Letourmy Jean-Marie envoyés eux-aussi à cette même mission.
Mgr. Puginier accueillit ces nouveaux missionnaires qui furent dirigés quelques jours plus tard vers Ke-So, centre religieux de la mission, en vue de l'étude de la langue viêtnamienne. M.Dronet eût quelques difficultés, mais par ses efforts courageux et persévérants, il surmonta tous les obstacles. Au bout d'une année, pour s'initier au ministère pastoral, et perfectionner la connaissance de la langue, il fut envoyé à But-Dông, ancienne chrétienté située à quatre ou cinq kms du petit séminaire de Hoang-Nguyên, où, un quart de siècle plus tôt, s'était caché Théophane Vénard.
Au cours de l'année 1886, Mgr. Puginier décida la création à Hanoï du Collège d'Acanthe", la première école franco-viêtnamienne; il la confia à M. Dronet. En 1893, elle comptait plus de 200 élèves. Pendant neuf ans, ce dernier y remplit les fonctions d'enseignant et de directeur, tout en aidant, selon ses possibilités, les curés de Hanoï. Vers 1888, il commença à visiter et à consoler les prisonniers. Il aima ce ministère qu'il tint toujours pour prioritaire et qu'il se réserva, étant déjà arrivé à l'âge de la retraite; avec ces derniers, il se montra toute sa vie, patient, courageux, rempli de sollicitude et de profonde bonté. Il accompagna plusieurs condamnés à mort ou à perpétuité, et pût en baptiser un grand nombre.
Déchargé de ses cours, en 1895, du fait de l'installation des Frères des Ecoles Chrétiennes, M.Dronet fut adjoint à M. Lecornu et chargé plus particulièrement des catholiques viêtnamiens de la cathédrale de Hanoï. En ces temps là, les épidémies de choléra étaient assez fréquentes au Tonkin. Avec un dévouement admirable, il visita ces malades dans les "lazarets" et leur apporta les secours spirituels . En 1911, il créa un asile pour recevoir des non chrétiens âgés ou infirmes désirant se convertir. Il organisa le cercle militaire où se donnaient des conférences et des soirées récréatives. A la mort de M. Lecornu, le 12 février 1922, M.Dronet lui succéda comme curé de la cathédrale .
Travailleur infatigable, il employa toute son activité au service spirituel et matériel de sa paroisse. Il s'occupa d'orner et d'aménager la cathédrale, car il aimait les belles cérémonies liturgiques. Il organisa chaque année la procession de la Fête-Dieu, à travers les rues de Hanoï. Il bâtit, dans le quartier sud de la ville, l'église Saint Antoine. En 1923, il commença les démarches pour la construction dans la partie Nord-Est de la ville, d'une nouvelle église dédiée à la "Reine des Martyrs" . Pendant huit ans, il recueillit des fonds. Le 4 décembre 1927, Mgr Gendreau en bénit la première pierre et l'inaugura solennellement le 1 Février 1931. Chacune de ces deux églises devinrent, du vivant de M.Dronet, le centre d'une paroisse nouvelle.
Il établit des oeuvres de jeunesse, confréries et associations pieuses, multiplia les cours de catéchisme, visita hôpitaux et lazarets, en plus de son ministère pastoral ordinaire. Toutes ces activités et les services rendus lui valurent une grande popularité. Le 19 mars 1933, il fut fait chevalier de la Légion d'Honneur; le gouvernement viêtnamien le décora du "Dragon d'Annam"; fin juin de cette même année, il fêta ses noces d'or sacerdotales.
En 1937, en raison de son âge et de sa santé, il prit sa retraite, laissant la cathédrale à M. Villebonnet. puis se retira dans l'appartement qu'avaient occupé NN.SS Puginier et Gendreau. En décembre 1938, son état de fatigue s'aggrava; conduit à la clinique St. Paul, les médecins constatèrent une usure générale; au bout de quelques jours, le malade demanda à revenir à la mission. M.Pédebideau, procureur de la mission et vicaire délégué, lui donna le sacrement des malades, le 30 janvier 1939, au matin. Au moment où Mgr.Chaize achevait de réciter les prières des agonisants, M.Dronet rendit son âme à Dieu.
Sa dépouille mortelle fut exposée dans la salle des fêtes de l'école paroissiale, et toute la journée, ce fut le défilé continu d'une population venant témoigner de son estime, de sa vénération et de sa reconnaissance envers ce défunt qui, depuis plus de 50 ans, avait travaillé à Hanoï. M.Dépaulis célébra la messe des funérailles,le lendemain 31 janvier 1939. en présence de Mgr.Chaize entouré d'un très nombreux clergé, des autorités civiles et militaires, de la paroisse française et viêtnamienne, dans une cathédrale trop petite pour contenir cette foule immense.
Obituary
M. DRONET
MISSIONNAIRE DE HANOÏ
M. DRONET (Jean-Baptiste) né le 20 septembre 1855 à Vieillevigne, diocèse de Nantes (Loire-Inférieure). Ordonné prêtre à Nantes le 29 juin 1883. Entré au Séminaire des Missions-Étrangères le 30 juillet 1883. Parti pour le Tonkin occidental le 16 juillet 1884. Mort à Hanoï le 30 janvier 1939.
La paroisse de Vieillevigne où M. Dronet vint au monde est située aux confins de la Bretagne et de la Vendée. En cette région demeurée chrétienne et pratiquante, la famille du futur mission¬naire jouissait d’une excellente réputation d’honnêteté, d’ardeur au travail, de parfaite union, de foi profonde. Tous les soirs, on y récitait en commun la prière et le chapelet. Le père, Pierre Dronet, était un homme énergique, un peu dur même. La mère, Marie Du¬gast, pieuse, dévouée presque à l’extrême, était vénérée comme une sainte par ses enfants. Elle s’éteignit en 1903, une année après la célébration de leurs noces d’or. Son mari lui survécut jusqu’en 1909.
Ils donnèrent le jour à neuf enfants : cinq garçons et quatre filles. Trois se consacrèrent à Dieu : Eugène, devenu Frère coad¬juteur au Séminaire de la rue du Bac, mort en 1908, après une vie de dévouement et de droiture, Mélanie, entrée dans la Congréga¬tion des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, décédée en 1930, au couvent de Mormaison, ayant célébré son cinquantenaire de profession religieuse et Jean-Baptiste, notre missionnaire. Parmi les autres demeurés dans le monde, plusieurs eurent aussi de nombreux enfants, qui tous conservèrent les traditions chrétiennes de la famille. Deux neveux de M. Dronet habitent encore Vieillevigne ; un autre, Raymond Marbœuf, Frère de Saint-Gabriel de Saint¬-Laurent-sur-Sèvre, est directeur d’école à Cholet. Une nièce est morte en Corée, religieuse de Saint-Paul-de-Chartres. Enfin, de sa sœur Clémence, sa filleule et sa préférée, qui lui prépara son trousseau lorsqu’il partit pour les missions, sont nés le R. P. Henri Dugast, rédemptoriste et son frère Joseph, auxquels sont dûs tous les détails reproduits en cette notice sur la famille et sur les jeunes années de notre regretté confrère.
Jean-Baptiste fut, dans sa première enfance, assez chétif. A dix-huit mois, il ne marchait pas encore et ses parents craignaient même pour sa vie. Sa mère s’ouvrit de cette inquiétude au curé de Vieillevigne, M. l’abbé Guibert. Prêtre de grande dévotion envers l’Eucharistie, celui-ci ordonna à la maman d’apporter son bébé à la procession de la Fête-Dieu, de se tenir sur le parcours et de présenter, en traversant le cortège devant le dais, le petit Jean-Bap¬tiste au Saint-Sacrement. Cette démarche, qui devait attirer sur elle l’attention des assistants, effrayait fort la jeune femme. Elle la fit néanmoins. Sa foi et son obéissance furent récompensées : quelques jours après, l’enfant pouvait marcher et dès lors il se développa normalement.
En même temps que s’affermissait sa santé physique, son in¬telligence et son cœur s’ouvrirent peu à peu à d’heureuses disposi¬tions naturelles et à l’influence, faite de fermeté et de tendresse, de l’éducation familiale. De bonne heure, il se montra ponctuel et obéissant en toutes choses. Lorsqu’il fut en âge d’étudier, on l’en¬voya à l’école communale tenue par les Frères de Saint-Gabriel, où il acquit une modeste instruction élémentaire et se prépara à sa première communion. Mais la vie est dure à la campagne, même pour les familles relativement aisées. Les aînés, dès qu’ils peuvent travailler, ont à aider les parents à élever les plus jeunes.
Jean-Baptiste dut quitter l’école pour s’adonner d’abord aux petits travaux domestiques et plus tard accompagner son père aux champs. C’est au milieu de ces occupations matérielles qu’il entendit l’appel du Seigneur lui demandant de devenir prêtre, peut-être missionnaire. Il confia son secret à sa pieuse mère, mais at¬tendit, pour donner une forme explicite à son propos et demander l’autorisation paternelle, que l’on fût en mesure de se passer de son aide.
Les siens n’avaient pas été sans remarquer en lui, avec un grand attrait pour les choses saintes, une répulsion quasi-instinctive à l’endroit non seulement de ce qui pouvait être une occasion de péché, mais des réjouissances même que permettent les coutu¬mes honnêtes du monde paysan. L’autorisation fut accordée, quel¬que surcroît de sacrifices qu’elle dût coûter, et le jeune homme entra au petit séminaire de Guérande.
Il vient d’atteindre ses dix-huit ans. Le léger bagage littéraire et scientifique acquis à l’école de Vieillevigne, réduit encore par quatre ou cinq années de travaux manuels, est en vérité, fort peu de chose. Pour comble de disgrâce, si l’intelligence du nouveau séminariste est de niveau moyen et son jugement droit, il a une mémoire assez ingrate. C’est dire qu’il éprou-vera, pour ses études secondaires, des difficultés sérieuses. Mais il est déjà le rude tra¬vailleur que nous connaîtrons plus tard ; soutenu en outre, par l’ardent désir d’atteindre l’idéal dont la pensée l’accompagne sans cesse, il parviendra à s’assurer une instruction suffisante. Sa piété, sa régularité sont, d’autre part, exemplaires, et si, au terme des humanités, il ne quitte point le séminaire les bras chargés de prix, il en emporte au moins un qui vaut, à vrai dire, tous les autres ensemble : le prix offert par les anciens de l’Etablissement et at¬tribué par le vote des professeurs et des élèves au séminariste le plus méritant.
De Guérande notre étudiant est passé sans difficulté comme sans hésitation au grand sémi-naire de Nantes. Mais là un nouvel obstacle se dresse devant lui. Les clercs n’étaient pas, à l’époque, soumis aux obligations militaires. Cependant pour profiter de l’exemption, il fallait, après vingt-quatre ans, avoir reçu le sous¬-diaconat. Or l’abbé Dronet a l’âge mais non la dignité : il doit donc être soldat. Déjà la gendarmerie est allée s’informer près des parents de la situation du jeune clerc. Heureusement M. Dronet père, n’est pas sans esprit d’à-propos : « Mon gars est-il sous-diacre, répondit-il, je ne sais pas ; en tout cas il a reçu quelque chose « ces temps-ci ». Puis, sitôt parti le représentant de la loi, il court à Nantes informer le Supérieur du séminaire. Celui-ci réunit le conseil et il est décidé, avec l’assentiment de l’évêque, que l’intéressé se mettra le soir même en retraite afin de recevoir au plus tôt le sous-diaconat. Le bon Supérieur parlant plus tard de cette mesure prise en faveur de notre séminariste, ajoutait : « Nous n’aurions pas fait cela pour tout le monde ».
M. Dronet put désormais poursuivre en paix ses études théolo¬giques, et le 29 juin 1883, il était ordonné prêtre. C’est alors qu’il fit part aux siens, encore tout à la joie et aux douces espérances que ce grand jour avait fait naître, de sa décision longuement mûrie de ne point prendre rang parmi le clergé du diocèse, mais de se consacrer au service des missions dans les pays lointains. Le coup fut rude. Mme Dronet le reçut avec résignation, mais le père n’arriva pas tout de suite à une pareille générosité. Fort mécon¬tent, il demeura même un certain temps sans adresser la parole à son fils, et ce ne fut que devant les supplications de toute la famille qu’il finit par acquiescer à son désir. Le jeune prêtre put entrer, dans le courant du mois d’août, au séminaire de la rue du Bac. Onze mois plus tard, il recevait sa destination et quittait la France, le 16 juillet 1884, en compagnie de plusieurs partants dont trois : MM. Letourmy, Boquel, Chevènement, affectés comme lui à la Mission de Hanoï, alors Mission du Tonkin occidental.
Les nouveaux confrères furent accueillis dans la capitale ton¬kinoise par Mgr Puginier, vicaire apostolique, et quelques jours après, envoyés à Ké-so, chef-lieu religieux du vicariat, afin d’y apprendre les premiers éléments de la langue annamite. Au début cela n’alla pas sans peine pour notre confrère, mais ses efforts courageux et persévérants parvinrent, cette fois encore, à surmonter les obstacles. Au bout d’une année, il fut jugé en état d’affronter la deuxième étape par laquelle doivent passer les jeunes rnissionnaires : le séjour dans une cure, où ils se trouvent en contact exclusif avec les indigènes. M. Dronet fut envoyé à But-Dông, cen¬tre d’une vieille et fervente paroisse, là même où, un quart de siècle plus tôt, le Bx Théophane Vénard s’était longtemps caché pour se soustraire à la haine des persécuteurs. Il y passa environ une année. A quatre ou cinq kilomètres de distance est situé le petit séminaire de Hoàng-Nguyên, dirigé, à l’époque, par M. Cosserat assisté de MM. Rigouin et Glouton. Le jeune missionnaire s’y rendait à intervalles réguliers, heureux de s’édifier et de s’ins¬truire auprès de ses aînés. De cette première phase de sa vie apostolique, il aimera toujours à évoquer le souvenir.
Au cours de l’année 1886, Mgr Puginier, ayant décidé la création à Hanoi, d’une école franco-annamite, la première de ce genre qui ait existé au Tonkin, fit appel à M. Dronet pour la diriger. Hanoi sera désormais et jusqu’à la fin de sa vie, le théâtre de son apostolat. Il commencera par y remplir, neuf années durant, les fonctions d’instituteur, s’attachant par une discipline à la fois ferme et paternelle le cœur de ses élèves tant païens que chrétiens. Tous les loisirs que lui laisseront ses heures de classe seront employés à aider dans leur service déjà nombreux et absorbants, les curés sucessifs de Hanoi : MM. Le Page, Idiart-Alhor, Marcou, Bareille, qui profiteront ainsi tour à tour de son dévouement.
Déchargé enfin de ses cours en 1886 par l’arrivée des Frères des Ecoles chrétiennes, il put donner tout son temps au ministère paroissial. Cette même année, Mgr Gendreau, successeur de Mgr Puginier, appela à la ville, pour s’occuper des catholiques européens, M. Lecornu, ancien capitaine du génie devenu missionnaire. Entre ces deux hommes, l’ex-officier brillant et l’humble paysan de Vieillevigne, si différents d’éducation, de culture, de caractère, mais rapprochés par une mutuelle estime et par le même esprit surnaturel, s’établit une collaboration confiante, intime et particulièrement féconde. Elle devient plus étroite encore lorsque, vers 1903, le curé des catholiques indigènes, M. Trinh, prêtre annamite étant décédé, la paroisse française et la paroisse annamite, comme on disait alors, furent fondues en une seule, placée sous la direction de M. Lecornu. Celui-ci continua de s’occuper presque exclusivement de nos compatriotes laissant à un confrère le soin de l’autre portion du troupeau.
Cette situation se prolongea jusqu’à la mort de M. Lecornu, au début de 1922. M. Dronet se voit alors nommé curé de Hanoi. Il est parfaitement préparé à ses nouvelles fonctions ; il possède depuis longtemps l’affection et la confiance de l’élément indigène ; la population française, sur laquelle son zèle a déjà débordé, lui témoigne, elle aussi, de la sympathie et de l’estime, il va désormais donner toute sa mesure de travailleur infatigable, de pasteur vigilant, d’apôtre et par-dessus tout d’homme ce Dieu.
Travailleur, M. Dronet le fut toute sa vie par tempérament autant que par devoir. Il ne pouvait pas rester inactif ; le repos lui était à charge, même imposé par l’excès de fatigue ou par la maladie. Jamais il n’accepta de retourner en France, bien qu’il aimât profondément les sens, sa petite et sa grande patrie. En dehors de sa Mission même, il ne fit que de très rares voyages, dictés presque toujours par les obligations de sa charge ou par l’obéissance. Son horizon demeura à peu près exclusivement fixé aux limites de sa paroisse. Ce n’est pas, loin de là, qu’il se confinât dans son presbytère ou à la sacristie il sortait beaucoup, au contraire ; mais chaque pas, pour ainsi dire, qu’il faisait, avait un but estimé par lui nécessaire ou utile. Encore, soit à pied, soit en pousse-pousse, liait-il à moins qu’il ne priât, quelque brochure ou revue pieuse. S’il n’était pas appelé au dehors, il se tenait à l’église, au confessionnal à la disposition des fidèles, ou dans sa chambre pour y travailler à sa correspondance et à la préparation de ses sermons. Ses seuls moments de détente étaient ceux des repas toujours pris en commun au réfectoire de l’évêché, la visite de quelque ami et parfois, le soir, une courte causerie avec les soldats du Cercle catholique contigu à son appartement. Il en fut ainsi chaque jour, chaque année, lorsque l’âge et les infirmités ne le lui permirent plus, ce qui parfois l’attristait, c’était moins la souffrance physique que l’inaction à laquelle il se voyait réduit.
Cette extraordinaire activité, M. Dronet l’employa tout entière au service de sa chère paroisse. Hanoi religieux lui est redevable de nombreuses réalisations, de progrès considérables tant dans l’ordre matériel qu’au point de vue social et spirituel. En collaboration avec M. Lecornu, il s’occupa d’orner et d’aménager d’une manière plus pratique pour le culte la cathédrale bâtie par Mgr Puginier au lendemain de la conquête française. De sa propre initiative, il construisit dans le quartier sud de la ville, l’église Saint-Antoine, puis dans le quartier nord, celle des Bx Martyrs. Cette dernière, un des plus beaux édifices de Hanoi, coûta 120.000 piastres, somme dont il dut demander la plus grosse part à la générosité des fidèles. Ce fut une audacieuse entreprise, que peu d’autres eussent été capables de mener à bien, et qui lui causa beaucoup de tracas et de soucis. Chacune de ces deux églises est devenue, du vivant de M. Dronet, le centre d’une paroisse nouvelle.
Le zélé pasteur s’intéressa également à la création et au fonctionnement de plusieurs établissements de bienfaisance et de charité, comme l’hôpital de la Mission devenu plus tard l’hôpital du Protectorat, la maison de la Sainte-Enfance, l’hospice des Incurables, l’œuvre des Tabernacles en faveur des églises pauvres et celle du Vestiaire pour les indigents. Compatissant à toutes les souffrances physiques, il s’apitoya davantage encore sur la misère morale. Son tourment était de voir se perdre un si grand nombre d’âmes ; il ne s’épargna aucune industrie, aucune démarche pour en ramener le plus possibe à Dieu. Se proposant pour but de pré¬server du mal les brebis demeurées fidèles au bercail et de faciliter aux plus ferventes le chemin de la perfection chrétienne, il établit des œuvres de jeunesse, des associations pieuses, des con¬fréries, multiplia les cours de catéchisme et d’instruction religieuse. On le vit toujours assidu à la prédication, et bien qu’à vrai dire, il fût peu doué pour l’éloquence, la flamme de sa parole, la con¬viction et la ferveur rayonnant de sa personne ne laissaient pas de remuer les consciences et d’inspirer des réflexions salutaires. Mais son ministère le plus fécond fut celui du tribunal de la pé¬nitence. Rares étaient les jours où il n’y passât une ou plusieurs heures, et il totalisera, certaines années, les chiffres formidables de dix-huit mille et de vingt mille confessions.
Enfin, quoique les circonstances ne l’aient point placé à l’avant-garde pour l’évangélisation des infidèles, M. Dronet n’oublia jamais qu’il était missionnaire. Chargé d’école au début de sa car¬rière, il amène au baptême les meilleurs de ses élèves païens. Plus tard, il ouvrira dans la banlieue de Hanoi plusieurs stations ca¬tholiques. Rarement il aborda un infidèle ou un incroyant sans lui parler, pour peu que l’on s’y prêtât, de Dieu, de l’âme, des bienfaits de la religion, ayant soin, avant de prendre congé de son interlocuteur, de lui laisser quelque brochure, image ou médaille pieuse. Les champs les plus fertiles d’apostolat furent les hôpitaux, les lazarets, où il ne craignait pas de se pencher sur toutes les ma¬ladies, même les plus contagieuses et les plus répugnantes, et parti¬culièrement les prisons. On eût dit que les prisonniers étaient ses enfants préférés, tant il les entourait de sollicitude et aimait à parler d’eux. Sans compter les centaines qui furent relevés par ses exhortations du vice, de l’abjection ou de la révolte, il put en baptiser près de cent au pied de l’échafaud.
Par-dessus tout, avons-nous dit, M. Dronet fut un homme in¬térieur, un homme de Dieu. La gloire et le service du divin Maître, avec le bien des âmes, inspiraient tous ses actes et formaient jus¬qu’au thème ordinaire de sa conversation. En dehors de là, rien ne paraissait vraiment l’intéresser. Mortifié, oublieux de lui-même, quoique net et correct dans la tenue extérieure, il ignora toujours la recherche du bien-être. Sa chambre était celle d’un anachorète ; il distribuait en aumônes tout l’avoir personnel qu’il ne dépensait pas pour ses œuvres. D’une fidélité scrupuleuse à ses exercices de ¬piété, on peut dire qu’il conserva toute sa vie la ferveur du sémi¬naire. Il ne dédaignait aucune dévotion particulière, en pratiquait même plusieurs avec confiance et assiduité, mais il fit surtout sien¬nes les deux grandes dévotions sacerdotales : l’amour de la Très Sainte Vierge et le culte de l’Eucharistie.
Marie, il la vénérait comme une Mère ; c’est à Elle qu’il con¬fiait la protection et attribuait le succès de toutes ses entreprises. Son journal intime en témoigne : « Que de chapelets récités « à l’autel de la Sainte Vierge pour une conversion, y note-t-il à la date du 5 octobre 1906 ». Et plus tard : « Un homme revient après dix ans après avoir omis tous ses devoirs religieux, « mais invoquait toujours la Sainte Vierge. Le rosaire l’a sauvé », et vingt autres traits semblables. « Ad Jesum per Mariam » . Notre confrère réalisa pleinement cette belle devise. Le tout de sa vie, ce fut Jésus, et Jésus eucharistique. Tous les jours que cela lui était possible, il entendait, avant de monter lui-même à l’autel, puis en action de grâces, une ou plusieurs messes. Il faisait dans la journée, de nombreuses visites au Saint-Sacrement, l’église était sa demeure autant que le presbytère. Les prescriptions de Pie X touchant la communion fréquente et la communion des enfants, trouvèrent en lui un observateur convaincu. Son bonheur était de voir, chaque premier vendredi du mois, aux grandes fêtes, surtout durant le temps pascal, ses paroissiens monter en rangs pressés vers la Ta¬ble sainte, et de pouvoir inscrire, en fin d’année, pour le compte de la cathédrale et des sanctuaires dépendants, jusqu’à 230.000 et 250.000 communions. Animé d’un grand zèle pour la « Maison de Dieu », il veilla toujours avec soin à la décence du temple, à la parure de l’autel et à l’ordonnance liturgique des cérémonies. Son triomphe était la procession de la Fête-Dieu qu’il organisa et di¬rigea chaque année, à travers les rues de Hanoi, pendant plus de 40 ans, la préparant dans tous les détails avec le concours solli¬cité de toutes les bonnes volontés ; puis, le grand jour venu, implorant, à grand renfort de chapelets, le beau temps si l’orage menaçait ; et enfin le cortège mis en marche, le parcourant sans relâche de la tête à la queue, et même n’hésitant pas à le traverser devant le dais, comme jadis à Vieillevigne dans les bras de sa mère, pour assurer l’ordre, la bonne tenue et le silence.
Tant d’activité, de dévouement, de piété, de services signalés rendus en plusieurs circonstances à l’ordre et à la tranquillité publics, valurent au curé de Hanoi une grande popularité faite de respect et de vénération. Les autorités du pays elles-mêmes n’y restèrent pas indifférentes ; le gouvernement annamite le décora du Dragon d’Annam et le gouver-nement français de la Légion d’honneur. Les chrétiens indigènes appelaient leur bon pasteur : « le saint vivant » . Entre confrères, nous le comparions parfois au curé d’Ars. Il lui rassembla par plus d’un trait.
A le voir toujours au labeur, sans cesse en mouvement, on eut dit que ni le travail, ni les tracas, ni même le poids de l’âge n’a¬vaient de prise sur sa constitution. Un jour vint cependant, où le vaillant vieillard éprouva, non pas les premières atteintes de la maladie, car il lui avait, à plusieurs reprises, payé de lourds tributs, mais un état d’épuisement général se traduisant au phy¬sique par le retour d’anciennes douleurs intestinales, par des cri¬ses d’albu-minurie, des maux de jambes et autres infirmités ; au moral, par des absences de mémoire et une difficulté de plus en plus accentuée de composition et d’élocution oratoire. C’était vers 1934. Il se raidit près de deux ans encore contre le mal ; mais l’aggravation de son état contraignit, en 1936, le Supérieur de la Mission à le décharger de la direction de sa paroisse et à lui donner un successeur. Avec résignation, mais non sans tristesse, M. Dronet quittant son presbytère, alla occuper le modeste apparte¬ment qu’avaient longtemps habité Mgr Puginier, puis Mgr Gen¬dreau. C’est là que devaient s’écouler, coupées de plusieurs sé¬jours à la clinique des Sœurs de Saint-Paul-de-Chartres, ses trois dernières années. Il dut renoncer successi-vement au ministère des confessions, à la visite des prisonniers, service qu’on lui avait maintenu au début de sa retraite, et enfin à la célébration du divin sacrifice. Il continua, tant que ses forces le lui permirent, à en¬tendre la messe et à communier chaque matin à la cathédrale, à assister aux cérémonies et à prendre part à nos repas communs.
Cependant nous le voyions baisser physiquement et intellectuellement de plus en plus. En décembre 1938, il dut garder la chambre, puis s’aliter. Il ne put, en janvier suivant, suivre les exercices de notre retraite annuelle. Durant la nuit, du 29 au 30, son état empira considé-rablement. Au matin du 30, il devint évi¬dent que la fin était proche. Les confrères présents à l’évêché se rendirent aussitôt à son chevet. M. Pédebidau, vicaire-délégué, lui administra le sacrement d’extrême-onction et le bon vieillard rendit son âme à Dieu, au moment où Mgr Chaize achevait de réciter les prières des agonisants. Il était dans la 84e année de son âge, et dans sa 55e de mission, dont 53 de séjour ininterrompu à Hanoi.
La nouvelle de sa mort plongea dans le deuil toute la popu¬lation hanoienne. Devant sa dépouille mortelle exposée dans la salle des fêtes de l’école paroissiale, ce fut, toute la journée, un défilé continu de visiteurs qui se frayaient difficilement un passage dans la foule des chrétiens annamites agenouillés et priant pour leur pasteur. Pendant ce temps, arrivaient à l’évêché de nombreu¬ses lettres de condoléances. Voici celle que M. le Gouverneur gé¬néral de l’Indochine voulut bien adresser au Vicaire apostolique : « Excellence, c’est avec une peine « profonde que j’ai appris la mort du Rév. Père Dronet. Je tiens à vous assurer en cette « douloureuse circonstance, de la grande part que je prends à la perte cruelle que vient « d’éprouver la Mission catholique de Hanoi. Je tiens à rendre hommage au bel exemple que « le Père Dronet a donné de dévouement à son idéal et à la cause fran¬çaise en Indochine. Je « vous adresse, en tant que chef de la Colonie, mes très sincères et très vives condoléances.
« Veuillez agréer, Excellence, l’assurance de ma considération la plus distinguée ».
« Signé : JULES BRÉVIÉ ».
Les obsèques eurent lieu le lendemain, 31 janvier. Elles furent un nouveau témoignage des regrets unanimes qu’a laissés notre cher défunt. Un nombreux clergé français et annamite accouru des paroisses de la Mission de Hanoi et des Vicariats voisins, les autorités civiles et militaires, les Maisons religieuses, écoles et as¬sociations catholiques de la ville, plusieurs milliers de fidèles se firent un devoir de l’accompagner à sa dernière demeure. Au début de la messe solennelle célébrée par M. Dépaulis, un de ses anciens vicaires, S. Exc. Mgr Chaize adressa à l’assistance, les paroles suivantes, qui résument parfaitement et d’autorité la vie si méritante du missionnaire et nous invitent à suivre son exemple :
« Le bon Dieu vient de rappeler à Lui son fidèle serviteur, no¬tre cher Père Dronet, dans sa « 84e année d’âge et sa 55e de mis¬sion. Sans vouloir faire ici l’éloge du regretté défunt, je « crois devoir rappeler d’un mot son grand esprit de foi, son ardente charité et son zèle « infatigable pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
« Avec des moyens très ordinaires, mais décuplés par la grâce débordante d’une âme « profondément intérieure et intimement unie à Dieu, le bon Père fut un apôtre dans toute la « force du terme et Dieu sait combien d’âmes lui devront leur salut éternel.
« Nul doute que Notre-Seigneur lui accorde bientôt, s’il ne l’a déjà fait, la suprême « récompense de tant de zèle et de tant de mérites. En priant à cette intention, nous « demanderons aussi à ce bon Père de nous aider à marcher courageusement sur ses traces « dans le service de Dieu, pour mériter d’entrer un jour à sa suite dans la gloire éternelle des « élus ».
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References
[1597] DRONET Jean-Baptiste (1855-1939)
Références biographiques
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Bibliographie
Manuel de conversation franco-tonkinoise. 504 pages. 1906.
"De la communion fréquente". Volume.
Mars 1995
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