Vincent COUDERC1859 - 1892
- Status : Prêtre
- Identifier : 1617
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Korea
- Mission area :
- 1884 - 1892
Biography
[1617] COUDERC Vincent est né le 21 janvier 1859 à Naussac (Aveyron). Il entre au Séminaire des M.-E. en 1880. Il est ordonné prêtre le 20 septembre 1884 et part le 19 novembre suivant pour la Corée. Il étudie le coréen à Séoul et à Tjeui-kokai puis il est envoyé dans la province de Kang-ouen, à I-tchyen (Syep-kol). A force de ténacité, il réussit à réunir plus de 1100 chrétiens. Comme il manque de ressources pour ouvrir des écoles, il engage chaque père de famille à apprendre aux siens les éléments de la lecture et de l’écriture. En 1890, le district est divisé, il quitte Syep-kol pour Kyeun-san-i. Il meurt de la fièvre typhoïde le 15 mai 1892, à Séoul. Il est inhumé à Ryong-san.
Obituary
M. VINCENT COUDERC
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE CORÉE
Né le 21 janvier 1859.
Parti le 19 novembre 1884.
Mort le 15 mai 1892.
La tombe du regretté P. Metge venait à peine de se fermer, que s’ouvrait, à huit jours d’intervalle, celle du P. Vincent Couderc, son ancien condisciple de Saint-Pierre et de Paris, son ami de cœur , également emporté par la fièvre typhoïde. Frappantes coincidences ! Unis, dès qu’ils s’étaient connus, par les liens d’une étroite amitié, entrés ensemble au Séminaire des Missions-Étrangères, ayant pris part, à côté l’un de l’autre, aux mêmes ordinations, partis pour les Missions à quinze jours de distance, ils partent aussi presque en même temps pour la céleste patrie, comme pour rester inséparables à la vie et à la mort : Quomodo in vitâ suâ dilexerunt se, ità et in morte non sunt separati.
Le P. Vincent Couderc naquit le 21 janvier 1859 au Bousquet, commune de Naussac, canton d’Asprières, au diocèse de Rodez. Il fut baptisé le soir du même jour, et reçut le nom de l’illustre Diacre-Martyr de Sarragosse, dont on célébrait la fête le lendemain. Le jeune Vincent apprit de bonne heure, sur les genoux de sa mère, à balbutier et à aimer les doux noms de Jésus et de Marie, et il se plai¬sait à répéter plus tard que ses pieux parents n’eurent rien tant à coeur que d’inspirer à leurs nombreux enfants les sentiments de la plus tendre piété avec l’amour du travail. Dieu les récompensa en se choisissant dans leur famille une religieuse et un missionnaire.
Cependant notre Vincent avait grandi et pouvait déjà aider son père dans les travaux des champs. C’est au milieu de ces humbles occupa¬tions qu’il crut entendre une voix intérieure qui l’appelait à travailler au salut des âmes. Après mûre réflexion, il résolut de répondre sans plus tarder à l’appel divin. A la première ouverture qu’il leur fit de son dessein, ses religieux parents y applaudirent, heureux et fiers de l’honneur que Dieu faisait à leur famille. Vincent se met immédiate¬ment à l’étude, et, grâce à un travail opiniâtre et à quelques leçons particulières, il est à même, au bout de deux ans, d’entrer en sixième au petit séminaire de Saint-Pierre. C’est là qu’il trouva M. Metge, dont il ne devait plus se séparer.
Ce que fut à Saint-Pierre et dès ce moment M. Vincent Couderc, un de ses anciens et vénérés maîtres du petit séminaire va nous l’apprendre :
« Durant les six ans qu’il passa parmi nous, écrit-il, il fut un modèle de régularité, d’ardeur « au travail et aux jeux, de docilité à ses maîtres, de droiture d’esprit, d’ouverture de cœur , de « modestie, de charité, de toutes les vertus du jeune homme, surtout de franche et solide piété. « Celle-ci alla toujours grandissant, et dans les derniers temps surtout, il n’était pas rare de « surprendre dans un coin de la chapelle, au moment des récréations, le jeune rhétoricien tout « re¬cueilli et absorbé dans de ferventes visites au Saint-Sacrement.
« En même temps, et sans doute de concert, M. Metge, son condisciple et son ami des « premiers jours, disposait tout dans le secret pour le grand coup qu’ils allaient frapper « ensemble. Ils y mirent l’un et l’autre la plus grande discrétion.
« Aussi leurs condiciples et leurs maîtres ne furent-ils pas peu sur¬pris lorsque, vers la fin « des vacances qui suivirent la rhétorique, l’on apprit que nos deux jeunes amis avaient « sollicité et obtenu leur admission au Séminaire des Missions-Étrangères. Ils consacrèrent, « selon l’usage et la règle, quatre années entières aux études philosophiques et théologiques, « et à la formation particulière que reçoivent là les aspirants aux missions lointaines de l’Inde « et de la Chine.
« Ce fut une grande joie pour le petit séminaire de Saint-Pierre, lorsque, dans les premiers « jours de l’année scolaire 1884-1885, nous revîmes ces deux enfants de la maison qui en « avaient été l’ornement et la vie, et qui allaient en porter l’honneur et le nom jusqu’aux « limites les plus reculées du vieux monde. Leur passage chez nous, bien que trop rapide au « gré de tous, nous apporta autant d’édification que de joie. Chacun était heureux de voir et « d’entendre ces frères d’hier, aujourd’hui des Pères pour tous, demain zélés apôtres de « l’Évangile, un jour peut-être confesseurs de la foi, comme leur saint et glorieux « prédécesseur et modèle, le P. Séguret, l’illustre martyr du Laos.
« Quelques jours après cette trop courte visite, l’un des deux partants embrassait une « dernière fois son fidèle ami de dix ans, et, prenant joyeusement les devants vers le pays des « missions, s’en allait à Pinang remplir la délicate et laborieuse fonction de professeur, « d’abord de belles-lettres, puis de théologie, au Collège Général.
« Le P. Couderc suivit à peu de distance le P. Metge, cette moitié de lui-même, cet ami du « cœur inséparable jusque-là, mais qu’il ne devait plus revoir. Il allait, lui, plus loin encore, « jusque dans les montagnes perdues de la Corée, porter et dépenser les ardeurs de son zèle « que rien ne rebutait, qui s’aiguisait bien plutôt au seul aspect des obstacles à surmonter.
« Ce que la séparation dut coûter à ces deux cœurs qui semblaient collés l’un à l’autre, « comme l’âme de Jonathas à celle de David, anima Jonathœ conglutinata est animœ David, « les lignes suivantes du P. Couderc le disent admirablement :
« Mercredi dernier, 5 novembre, écrivait-il, M. Metge a pris son vol vers Marseille, d’où il « s’est embarqué pour Pulo-Pinang. Les adieux, comme tous les adieux des jours de départ, « ont été fort gais ; et pourtant en le serrant pour la dernière fois dans mes bras je sentis un je « ne sais quoi, qui sillonna tout mon être, et que je ne pus maîtriser. Il y avait dix ans que le « même toit nous abritait tous les deux : pendant dix ans, son pain fut le mien, et ses maîtres, « mes maîtres. Aux beaux jours des ordinations, c’était à côté de lui, main contre main, que je « touchais les vases sacrés ; et c’est encore étendus côte à côte, sur un même pavé, que trois « fois nous avons fait le sacrifice de notre vie. J’avais été témoin de ses brillantes qualités, « j’avais applaudi à ses nombreux succès et admiré mille fois le ravissant bouquet de vertus « dont Dieu s’était plu à l’orner. En fallait-il autant pour éprouver un serrement de cœur en le « quittant ? »
En faut-il davantage pour faire juger, apprécier et aimer ces deux parfaits modèles du véritable ami et de l’aspirant missionnaire ?
Nous empruntons les détails qui suivent à une relation du P. Rault, missionnaire de Corée.
Parti de Paris le 19 novembre 1884, le P. Couderc n’arriva en Corée que le 5 mai 1885. Il y entra sous un déguisement pour ne pas trop éveiller l’attention, mais toutefois presque à découvert, et sans-recourir à toutes les précautions qu’il eût été indispensable de prendre autrefois.
Après quelque temps passé à Séoul, pour s’initier à la langue et aux usages du pays, le P. Couderc prend la route du Nord-Ouest et va fixer sa résidence dans le village de Tjeui-kokai, à 420 lys de la capitale, dans la sous-préfecture de Syong-an, Hoang-hai-to. «Tou¬jours avec « ses livres, il travaille en sa résidence nuit et jour à l’étude du coréen, qu’il parlera plus tard « avec une facilité surprenante. Il fit sa première veillée d’armes le 15 août 1885 ; il donna les « sacrements à son village en la fête de l’Assomption. A Marie, les prémices de son ministère « comme de tout ce qu’il fera. »
Son district, comprenant les deux provinces de l’Ouest, était dans un état déplorable. Une affreuse disette, suivie du choléra, avait forcé les chrétiens à se disperser un peu partout, au milieu des païens, au grand détriment de leurs âmes. Mais le P. Couderc fut changé avant d’avoir pu porter remède à ces maux. Il laissa le poste au P. Rault, et fut envoyé au Kang-ouen-to, sur la côte orientale de la Mission.
L’Est du Kang-ouen-to, qui était échu au P. Couderc, est peut-être la partie la plus pauvre de toute la Corée. Les chrétiens y cultivent la pomme de terre, et, à défaut du précieux tubercule, disputent aux ours et aux sangliers le gland du chêne et les racines de la mon-tagne. Mais les gens sont simples et bons, un peu timides, « ils ont du cœur , mais ne savent pas le « manifester, le jugement d’une droi¬ture remarquable, et les mœurs très pures. Même parmi « les païens, il y en a beaucoup d’une innocence telle qu’ils se présentent au saint baptême « avec le seul péché originel sur la conscience ». — Le cher Père va donc au milieu de ces montagnes sans fin, se donner tout entier pendant plus de quatre ans, à ces déshérités des biens de la terre, mais riches de leur foi innocente et pure ; — vivant de leur vie, les instruisant et les encourageant dans leurs peines, attentif àleurs moindres besoins, même temporels, et travaillant de toutes ses forces à augmenter le nombre des enfants de la sainte Église. Cepen¬dant, là aussi, comme dans son premier district, le P. Couderc trouva les chrétiens dispersés parmi les païens. Pour les soustraire à ce contact pernicieux, il conçut le hardi dessein de les grouper dans des villages exclusivement chrétiens. Grâce à son énergie, et Dieu sait au prix de quels sacrifices, il parvint à mener à bonne fin cette oeuvre délicate et difficile.
« Tous mes chrétiens, écrivait-il en 1891 à Mgr Mutel, sont réunis sans exception, au « nombre de plus de 1.100, en villages exclusive¬ment chrétiens. On se croirait en pays « totalement catholique, et les enfants des chrétiens ignorent jusqu’au nom des superstitions. « Dans plusieurs villages, il ne se commet pas, grâce à Dieu, un seul péché mortel de toute « l’année. Les païens se rapprochent de plus en plus de nous, attirés par la vérité de notre « sainte religion que presque tout le monde connaît ici plus ou moins. »
Le cher Père traitait d’ami à ami avec le mandarin de son prin¬cipal district, et était bien avec toutes les autorités locales. La pau¬vreté de ses chrétiens ne lui permettant pas de fonder et entretenir des écoles, il voulut et obtint que chaque père de famille se fît l’insti¬tuteur de sa femme et de ses enfants. Depuis l’an dernier, tout le monde, hommes et femmes, depuis dix ans jusqu’à quarante ans, sait lire et écrire couramment les livres de religion : résultat magnifique pour quiconque connaît les difficultés provenant de la vieille routine et des préjugés coréens, non moins que consolant pour le cœur du missionnaire.
« Aussi, ajoutait-il, Monseigneur comprendra combien je suis heureux au milieu de mes « pauvres montagnards, combien il m’est doux de partager leur vie simple et paisible. » C’était un père au milieu de ses enfants dociles à sa voix, et jusqu’à ses conseils : Cognosco oves meas, et cognoscunt me meœ... et vocem meam audient…
Grandement aimé et estimé de ses chrétiens, bien vu des autorités locales, entouré d’une population bienveillante, le cher Père pouvait se promettre pour un avenir peu éloigné une ample moisson d’âmes. Il avait semé, mais Dieu ne lui laissa pas le temps de récolter ; il avait trouvé son fidèle serviteur déjà mûr lui-même pour le ciel.
En se rendant à Séoul pour la retraite annuelle, le P. Couderc visita plusieurs chrétientés où sévissait la terrible fièvre typhoïde. Est-ce au chevet des mourants qu’il contracta les germes du mal ? Toujours est-il qu’arrivé à Séoul le vendredi, 29 avril, il se plaignit, le dimanche, d’un violent mal de tête, et s’alita dès le soir : il ne devait plus se relever. Laissons Mgr Mutel nous raconter lui-même la maladie et les derniers moments de son zélé et pieux missionnaire :
« Le bon Dieu vient de nous imposer un grand sacrifice en rappe¬lant à Lui un des bons « missionnaires de notre Corée. Le cher P. Vincent Couderc est mort entre nos bras le 15 « courant, il a succombé à une fièvre typhoïde très forte, compliquée, vers la fin, d’une « pneumonie.
« La retraite annuelle, qui a eu lieu dans la semaine du 1er au 8 mai, réunissait à Séoul tous « les missionnaires, et le P. Couderc était arrivé comme les autres en bonne santé. Depuis « quelque temps, cependant, il ressentait une fatigue générale qui dégénéra en fièvre le « dimanche 1er mai. Ce jour-là encore, il put célébrer la sainte messe, et même il vint à table à « midi, mais le soir il dut se mettre au lit. Un médecin anglais, le Dr Wiles, qui veut bien « donner gratuitement ses soins aux missionnaires, fut appelé ; le mardi, il constata une fièvre « très forte, et, dès le mercredi, tous les symptômes de la terrible fièvre typhoïde « apparaissaient. Nous crûmes devoir avertir notre malade de la gravité de son état : il nous en « remercia comme du meilleur service qu’on pût lui rendre. Ce jour-là même, il mit ordre à « ses affaires, et le lendemain 4 mai, il demanda lui-même à se confesser et à recevoir le Saint « Viatique. La fièvre était toujours très forte, et le malade très agité n’avait de repos ni le jour « ni la nuit. Le 6 mai, au matin, il demanda à recevoir l’Extrême-Onction et l’Indulgence « plénière, que le lui donnai en présence de tous les missionnaires rassemblés. Il put suivre les
« prières de la cérémonie et même y répondre, puis il voulut demander à ses confrères pardon « des fautes dont il avait pu se rendre coupable envers eux, et se recommander à leurs prières. « Je ne croyais pas, nous dit-il, qu’il fût si facile de mourir ; quand j’étais en bonne santé, je « redoutais beaucoup ce passage, maintenant que j’ai déjà un pied dans la tombe, il me semble « que mourir est la chose du monde la plus simple. » Il nous promit, si le bon Dieu l’appelait « à Lui, de ne pas nous oublier, nous et notre Corée. Ces quelques mots furent certainement « pour tous le meilleur exercice de la retraite, qui se continua jusqu’au dimanche. La présence « des confrères nous permit d’entourer notre cher malade de tous les soins possibles ; on le « veillait à tour de rôle le jour et la nuit. Malheureusement, le malade éprouvait une « répugnance presque invincible pour tous les remèdes qu’on lui présentait ; les premiers « jours, on les lui faisait encore accepter, mais, quand vint le délire, il fut souvent impossible « de lui faire prendre la moindre potion.
« Le dimanche 8 mai était le jour depuis longtemps fixé pour la bénédiction et la pose de la « première pierre de notre cathédrale. Selon l’usage, on en fit un acte qu’on fit signer de tous ; « le P. Cou¬derc le signa sur son lit, tout joyeux de cette petite participation qu’il pouvait « prendre à la fête commune. Les jours suivants, les missionnaires regagnèrent leurs districts ; « presque tous, en quittant le cher malade, emportaient l’espoir de le retrouver en bonne santé « l’année prochaine. Ce qui entretenait cette espérance, c’est que malgré la gravité de la « maladie, le cher Père conservait encore beaucoup de forces.
« Cependant la fièvre ne diminuait pas, et le délire était devenu presque continuel, quand, « le samedi 14 mai, se produisit une complication de pneumonie. Nous redoublâmes nos soins « et nos prières, mais, hélas ! dès le dimanche 15 au matin, nous vîmes que notre cher malade « baissait à vue d’oeil. Vers dix heures nous commencions les prières de la recommandation « de l’âme, quand arriva le médecin ; il nous dit que l’état était très grave, mais que cependant « tout espoir n’était pas perdu ; il fit prendre au malade une potion qui sembla en effet le « ranimer. Il répétait encore les invocations qu’on lui suggé¬rait. Mais vers une heure et demie « commençait l’agonie ; nous reprîmes les prières, elles étaient à peine terminées que notre « cher P. Couderc rendait paisiblement son âme à Dieu . Il était deux heures de l’après-midi.
« Le corps revêtu des ornements sacerdotaux a été aussitôt exposé dans une chambre attenante à notre chapelle provisoire. Les chrétiens s’y sont succédé le jour et la nuit, priant pour le repos de son âme. Les résidents étrangers de toute nationalité, à qui nous avions fait part de notre deuil, sont venus presque tous assister aux obsèques, qui ont eu lieu le 17 mai. Notre confrère repose à notre cimetière de Ryong-san, sur la colline qui fait face au champ des martyrs de Sai-nam-hte, auprès de Mgr Blanc, de vénérée mémoire, qui fut cinq ans son Évêque et Père, et du regretté P. Deguette, qui l’avait formé à la vie apostolique. »