Paul PERRIER1870 - 1916
- Status : Prêtre
- Identifier : 2101
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1894 - 1915 (Chongqing [Chungking])
Biography
[2101] Paul, François, Augustin Perrier, né le 11 octobre 1870, aux Bouchoux (Jura), diocèse de Saint- Claude, fit ses études primaires dans sa paroisse et ses études secondaires au petit séminaire de Nozeroy. Il entra aux Missions Étrangères le 17 octobre 1889, fut ordonné prêtre le 1er juillet 1894 et reçut sa destination pour le Sichuan oriental. Parti le 15 août 1894, il arriva à Chongqing [Chungking] le 9 décembre.
Mgr Chouvelllon l’envoya étudier la langue chinoise dans une famille chrétienne à Pekochou, mais il n’y fut pas très heureux. Près de lui, deux confrères, M. Zeller, supérieur du Probatorium et M. Landes, curé du district, adoucirent la rigueur de son isolement.
Nommé vicaire de M. Désombe à Lytoupa, sous-préfecture de Chunshien, on l’envoya comme curé de Tchen kiaouan où il resta quatre ans à exercer son ministère.
En 1898, les persécuteurs se déchaînèrent entraînant destruction des chrétientés, massacre d’un prêtre indigène et de nombreux chrétiens, pillage des résidences des missionnaires. A Loeultin, dans les montagnes, un noyau de néophytes hésitant dans leur foi, le Père Perrier eut recours à Saint-Antoine de Padoue, promettant d’ériger une statue si cette foi se concrétisait ; le résultat fut probant, les conversions se multiplièrent permettant de créer un florissant district.
En 1900, M. Perrier de retour à Lytoupa, comme curé de la paroisse, où il resta jusqu’en 1915, date de son départ pour la France. A Lytoupa, à deux lieues de la ville sous-préfecture, résident des descendants d’anciennes familles qui embrassèrent le catholicisme à la fin du XVIII° siècle. Révolte des Boxers que le vice-roi du Sichuan sut mater ; des relations de politesse sétablirent entre missionnaires et mandarins. De nombreux païens se convertirent, le Père Perrier les aida dans leur procès. Le protestantisme, très ancré dans cette région, donnait beaucoup de tracas aux missionnaires ; le Père Perrier, comprenant que sans instruction religieuse, les néophytes pouvaient retrouver un certain paganisme, envoya des vierges indigènes visiter les familles de catéchumènes mais ces femmes très exposées au milieu de ces païens, il fonda une école où ces vierges reçurent l’instruction religieuse nécessaire à leur apostolat.
Ayant besoin de collaborateurs instruits, il fonda, avec l’agrément de l’évêché, deux écoles, lune pour les classiques chinois, école qui reçut l’estampille officielle du gouvernement, l’autre pour les livres chrétiens et les catéchismes de persévérance, réussissant à avoir beaucoup de conversions. A Lytoupa, l’église agrandie, deux chasses contenant les reliques du bienheureux Simon Lieou, martyrisé à Chushien, furent sculptées. Le Père Perrier, à son arrivée à Lytoupa, établit l’apostolat de la prière, puis la communion réparatrice du premier vendredi du mois. Ayant une mule pour voyager, il se rendait ainsi au chevet des malades et des mourants.
Plusieurs événements tragiques vinrent assombrir son ministère ; en 1905, deux élèves de l’École normale se noyèrent dans le fleuve, en 1906, un rebelle tenta de brûler la Mission et de massacrer le Père Perrier. Grâce au mandarin, la révolte fut étouffée mais ces épreuves affectèrent le Père qui, à quarante ans, semblait un vieillard. Sa foi profonde le soutenait, il vouait une grande dévotion à l’Eucharistie et à la Sainte-Vierge et ses relations avec autrui étaient gaies, l’évêque lui confia trois jeunes missionnaires afin de leur apprendre la langue et la vie apostolique.
Bien que robuste, il tomba malade, souffrant de migraines et de dysenterie ; hospitalisé à l’hôpital de Chongqing [Chungking], les médecins diagnostiquèrent une dysenterie chronique. En 1914, au moment de la mobilisation, il souhaitait rentrer en France, les médecins l’y autorisèrent en 1915, à la suite du conseil de révision, pour suivre un traitement qu’il ne pouvait avoir en Chine. Il partit le 8 décembre 1915 pour arriver à Marseille le 8 mars 1916. Il rendit visite à son père et décida de se soigner en Suisse. Arrivé à Lausanne, il fut hospitalisé dans une clinique le 18 mai. Malgré les soins, son état empira et il s’éteignit paisiblement le 7 septembre. Les obsèques eurent lieu à la chapelle de la clinique alors qu’à Lytoupa, les chrétiens se réunirent pour l’office des morts, en présence de toute la communauté.
Obituary
N É C R O L O G E
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1916-1917
Nous insérons ici les NOTICES que nous n’avions pas reçues lors de l’impression des Comptes Rendus précédents.
M. PERRIER
MISSIONNAIRE DU SETCHOAN ORIENTAL
M. PERRIER, (Paul-François-Augustin), né aux Bonchoux ) Saint-Claude, Jura) le 11 octobre 1870. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 17 octobre 1889. Prêtre le 1er juillet 1894. Parti pour le Su-tchuen oriental le 25 août 1894. Mort à Lausanne le 7 septembre 1916.
M. Paul Perrier naquit aux Bonchoux, chef-lieu de canton dans l’ar¬rondissement de Saint-Claude (Jura), le 11 octobre 1870, où sa famille, profondément chrétienne, tient un rang honorable. Un de ses oncles prêtre, dirigeait une paroisse dans le diocèse. Il puisa donc au foyer paternel l’esprit de foi, la piété et la douceur qui devaient le caractériser pendant toute sa vie.
Sa vocation sacerdotale se manifesta de bonne heure, et quoique n’ayant pas d’autre garçon, ses parents le donnèrent avec joie au Sei¬gneur, et l’envoyèrent au petit Séminaire de Nozeroy où, par son application au travail, il donna toute satisfaction à ses maîtres. Puis, se sentant appelé à l’apostolat sur les terres lointaines, il fit taire la voix de la nature, sollicita et obtint son admission au Séminaire des Missions-Etran¬gères et y entra le 17 octobre 1889. La loi du service militaire pour les ecclésiastiques venait d’entrer en vigueur, et notre confrère alla faire son année de caserne à Belfort.. Il reprit ensuite avec joie le chemin de la rue du Bac, où il se montra élève studieux et régulier. Son aménité lui concilia l’affection de tous ses condisciples et lui fit donner le nom familier de « Popol », nom qu il porta sur les rivages du fleuve Bleu et en mission jusqu’à la fin de sa vie.
Ordonné prêtre le 1er juillet 1894, il reçut sa destination pour le Sutchuen Oriental et s’embarqua à Marseille, en compagnie de M. Fleury, destiné à la même mission. Après un voyage mouvementé, il arriva heureusement à Tchongkin, le 9 décembre 1894 et, peu après, Mgr Chouvellon l’envoya s’initier à la langue chinoise et aux coutumes du pays dans une famille de vieux chrétiens, à côté de Pekochou, où se trouve le petit collège de la Mission. Cette famille avait perdu sa ferveur, et M. Perrier fit auprès d’elle un dur apprentissage de la vie apostolique. Heureusement Dieu avait placé près de lui deux bons ouvriers : M. Zeller, supérieur du Probatorium, et M. Landes, curé du district, qui se prirent tous les deux d’une grande affection pour le débutant et lui adoucirent les rigueurs de son isolement. Quelques mois après, il était nommé vicaire de M. Bésombe, au district de Lytoupa, sous-préfecture de Chushien.
L’année suivante, on l’envoya comme titulaire du district de Tchenkiaouan, à huit lieues au nord dans la même sous-préfecture ; et, du¬rant les quatre années qu’il resta dans ce poste, il s’acquitta avec conscience de tous les devoirs de sa charge.
Tout à coup, en 1898, la persécution du Iumantse se déchaîna ; un vulgaire mineur se mit à la tête d’une bande de malfaiteurs et sous l’œil indifférent des autorités, détruisit les chrétientés les plus prospères de notre Mission. Après avoir pris comme otage M. Fleury, les bandits massacrèrent un prêtre indigène et de nombreux chrétiens, pillèrent et incendièrent les résidences des missionnaires. La haine de l’étranger et des chrétiens atteignait à son paroxysme, la terreur fut grande. M. Perrier et son voisin de Ouangkiaouan, M. Mann, songèrent un instant à organiser la résistance en cas de danger ; on fit donc venir des forgerons pour fabriquer des armes et les chrétiens s’exercèrent à combattre. Heureusement le mouvement prit fin et tout rentra dans l’ordre.
Il y avait alors à Loeultin, dans les montagnes, un noyau de néophytes qui donnaient grande espérance ; mais devant les rumeurs menaçantes, ils vacillaient dans la foi et parlaient d’apostasier. M. Perrier ne savait comment conjurer ce malheur. Il eut alors l’idée de s’adresser à saint Antoine de Padoue, lui promettant de le choisir comme patron de la station et d’y ériger sa statue si ses néophytes persévéreraient. Chose merveilleuse, non seulement les néophytes tinrent bon, mais encore les conversions se multiplièrent au point de former, quelques années après, un florissant district, M. Théodore Cacauld, aidé du P. Mée, prêtre indigène, y construisit en 1908, un spacieux oratoire qu’il ne manqua pas de dédier à saint Antoine de Padoue. Et le mouvement des conversions ne s’est pas arrêté ; chaque année Loeultin enregistre près de 200 baptêmes d’adultes. Toi qui bois de l’eau, dit un proverbe chinois, n’oublie pas la source. M. Perrier a semé, ses successeurs recueillent la moisson.
En 1900, sur l’ordre de son évêque, M. Perrier quittait Tchenkiaouan pour retourner comme titulaire à Lytoupa, où, quatre ans auparavant, il avait fait ses premières armes comme vicaire. Il devait y rester jusqu’en 1915, date de son départ pour la France.
Pendant ce long espace de temps, il allait donner la mesure de son zèle et faire de Lytoupa le premier district de Chushien et un des plus beaux fleurons de notre Mission. C’est là qu’il bataillera contre les païens et les protestants, et réussira à augmenter son troupeau d’une manière considérable. C’est là aussi qu’il sera attaqué et terrassé par la maladie, et il n’en partira que pour aller mourir sur une terre étrangère.
Lytoupa doit son nom à une grande et fertile plaine formée par des terrains d’alluvion ; la résidence des missionnaires se trouve sur le bord du fleuve, à deux lieues environ de la ville sous-préfecture. Les chrétiens de cette station sont des descendants de quelques familles qui embrassèrent la religion à la fin du XVIIIe siècle et qui eurent, à travers les âges, à essuyer diverses persécutions et à souffrir pour la foi. Ce sont des chrétiens d’une forte trempe et d’une fidélité à toute épreuve, aimant à se faire respecter des païens, rendant facilement. souvent avec usure les coups pour les coups, ne craignant pas les procès, cherchant leur existence les uns sur le lopin de terre hérité des ancêtres, les autres sur les barques, tous actifs débrouillards.
En dehors de cette station, le district comprend plusieurs autres postes disséminés un peu partout et composés de chrétiens pauvres pour la plupart et cultivant la terre,
M. Perrier avait reçu en partage une nature très avenante, on le trouvait toujours souriant, calme, affable ; une fois de plus allait s’accomplir l’oracle de la divine sagesse. Mansueti autem hœreditabunt terram et defectabuntur in multitudine pacis.
L’année de son arrivée à Lytoupa fut marquée par la fameuse révolte des Boxeurs ; on tremblait de voir les païens se ruer sur les chrétiens selon leur habitude séculaire, mais la Providence ne le permit pas. Le vice-roi du Sutchuen, plus sage que beaucoup d’autres, sut main¬tenir les esprits turbulents et la bourrasque passa sans nuire à notre Mission. La répression des Boxeurs valut aux missionnaires un peu de liberté et de considération : les prétoires prirent en considération leurs requêtes et l’on vit s’établir entre les mandarins et les prédicateurs de l’Evangile des relations de politesse et de courtoisie. Les populations ne pouvaient manquer de remarquer ce revirement ; aussi de nombreux païens affluèrent-ils aux oratoires demandant à embrasser la religion chrétienne. Sans doute leurs motifs n’étaient pas désintéressés, M. Perrier ne l’ignorait pas, mais il pensait que Dieu, après les avoir attirés par l’appât d’un secours matériel, saurait les retenir dans ses filets. Voilà pourquoi il prit beaucoup de peine à les aider dans leurs procès.
Il avait reçu de Dieu une grande prudence avant de se mettre en avant, il se défiait de lui-même et demandait conseil à ses chrétiens les plus expérimentés. Grâce à ses précautions, il put se rendre le témoignage que, dans les fréquentes visites qu’il fit aux mandarins et dans les nombreuses lettres qu’il leur écrivit pour aider ses catéchumènes, il agit toujours selon la justice.
Il eut encore et surtout à lutter contre les protestants ; nombreux furent les tracas et les misères qu’ils lui occasionnèrent ; une fois, ils massacrèrent un de ses chrétiens et il fallut soutenir un long procès pour obtenir réparation. Enfin, grâce à sa patience inaltérable et à sa ténacité, il sortit victorieux de toutes ces difficultés : il acquit même dans la contrée un renom de lutteur redoutable, les protestants n’osèrent plus se mesurer avec lui et leur influence finit par tomber tout à fait.
Quand les mandarins redevinrent indifférents ou hostiles, les conversions n’en continuèrent pas moins, mais plus lentement. Six ou sept nouveaux postes furent fondés et organisés sur de solides bases. La ville sous-préfecture, si longtemps réfractaire à l’action de l’Evangile, vit se former une grosse station de néophytes zélés : un grand marché fut pourvu, malgré l’opposition des notables, d’une pharmacie et d’un prédicateur.
M. Perrier comprenait bien que sans instruction religieuse, les nouveaux convertis retourneraient infailliblement au paganisme. Comme de nombreuses vierges indigènes se trouvaient dans son district, il envoya les unes dans les familles de catéchumènes pour enseigner la doctrine à domicile, les autres comme institutrices dans ses stations de vieux chrétiens. Les écoles furent sa grande préoccupation.
Dès son arrivée à Lytoupa, pour donner à l’Eglise des hommes doctes et instruits, capables de réfuter les arguments des païens et des hérétiques, il fonda, avec l’agrément de l’évêque, sa grande école pour les classiques chinois, dont le succès fut complet et qui, plus tard, reçut l’estampille officielle du gouvernement. Outre cette école, il en eut une autre pour les livres chrétiens et pour les catéchismes de persévérance. L’oratoire ressemblait à une ruche animée ; à toute heure du jour, on y entendait la voix des enfants chantant leurs leçons.
Considérant combien les vierges chrétiennes étaient exposées dans leurs familles au milieu des païens, il résolut de les réunir et de leur donner une instruction religieuse plus soignée. Les commencements furent laborieux, toutefois l’école prospéra ; par de sages règlements, il arriva à en faire une communauté fidèle.
Pour faire vivre tant d’œuvres, il fallait de grosses sommes et ce n’était pas le moindre souci de M. Perrier. Le district manquant de ressources, il dut s’ingénier pour en trouver, car son petit viatique, ses honoraires de messes disparaissaient dans le gouffre. Ses voisins se cotisèrent quelque temps pour l’aider et sur la fin de sa vie, un confrère généreux lui donna une somme considérable. Il réussit ainsi à former plusieurs sociétés et à en rétablir d’autres. Mais malgré ses efforts et son habileté, il n’arriva jamais, ce qui ne saurait surprendre, à équi-librer son budget.
Pour donner des âmes à Dieu, son zèle ne connaissait pas de bornes ; il recommandait à ses catéchistes l’assistance aux païens mourants, et obtenait ainsi chaque année, bon nombre de baptêmes d’adultes. Lui-même avait recueilli à l’oratoire quelques vieux païens impotents qu’il faisait instruire ; il lui arriva aussi bien des fois de ramasser sur la route de pauvres voyageurs malades qu’il soignait et à qui il procurait une fin chrétienne. Cette œuvre lui plaisait, il aurait voulu fonder un hospice, mais où trouver les sommes nécessaires.
M. Dangy avait doté Lytoupa d’une grande église en bois. M. Perrier l’agrandit et, pour cacher la charpente, il établit un plafond très propre et d’un joli effet. Il fit aussi sculpter deux grandes châsses pour contenir les reliques du Bienheureux Thaddée Lieou martyrisé à Chushien. Les chrétiens qui supportèrent ces frais de réparation, devinrent très fiers de leur église.
Enfin après mille difficultés dont triompha sa persévérante énergie, M. Perrier réussit à acquérir à Chushien, un magnifique emplacement à côté de l’endroit où, cent ans avant, le Bienheureux Thaddée Lieou avait été étranglé pour la foi,
Sa résidence à Lytoupa ressemblait à la salle d’un tribunal de justice. Chrétiens, néophytes, catéchumènes y venaient presque chaque jour expliquer, devant leur curé transformé en juge de paix, leurs moindres querelles ou affaires. Quelquefois les séances devenaient orageuses, mais M. Perrier toujours en possession de lui-même et le visage souriant, calmait les esprits et finalement imposait ses décisions, marquées au coin de la justice et de la charité : Diriget mansuetos in judicio, docebit mites vias suas. (Psalm. 24.) Que de journées il a passées à apaiser les différends ; ce ministère ingrat, fatigant, il l’aimait parce qu’il lui procurait un moyen de faire du bien aux âmes ; il ne renvoya jamais personne avec des paroles amères C’est par ce dévoue¬ment inlassable qu’il pénétra dans le cœur des ses chrétiens et devint pour eux un Père aimé. D’ailleurs sa mansuétude n’excluait pas la fermeté et il savait à l’occasion, faire respecter ses décisions.
Les chefs du pays, les notables, connaissant son esprit de justice et de conciliation, vinrent souvent s’entendre avec lui pour les affaires entre païens et chrétiens, et M. Perrier sachant le prix de leur concours, ne négligeait rien pour les bien traiter.
M. Perrier pensait si bien à la sanctification des âmes au milieu de ses multiples occupations que, dès son arrivée à Lytoupa, il établit l’apostolat de la prière et plus tard il y ajouta la communion répara¬trice du premier vendredi du mois. Il préparait avec soin ses sermons, mais sa voix ne prêtait pas à l’éloquence ; il attendait son monde au confessionnal et là, il prenait sa revanche. Même en temps de presse, il procédait lentement, travaillait avec conscience et ne renvoyait ses pénitents qu’après avoir fouillé leur âme jusqu’en ses derniers replis.
Dans l’assistance aux malades, son zèle débordait : au premier appel, il se rendait à leur chevet malgré la pluie, la chaleur, les occupations, fatigues ou ténèbres. Souvent il passait la nuit à les consoler, à les instruire, à les préparer au grand passage. Il n’hésitait jamais à multi-plier ses visites afin de ne pas manquer le moment suprême et pour accourir plus promptement il avait une mule. Aussi tous ses malades mouraient-ils avec les secours de la religion.
En 1904 la province fut affligée, à l’époque de la plantation du riz, d’une terrible sécheresse ; c’était la famine en perspective. M. Perrier obtint de l’évêque la permission d’exposer le Saint-Sacrement pendant neuf jours consécutifs, et de le porter en procession jusqu’à l’une de ses stations la plus rapprochée. Tout se passa dans le plus grand calme et la procession était à peine de retour à l’oratoire, qu’une pluie diluvienne tombait, grâce à laquelle les rizières purent être plantées. Alors que la région souffrait de la famine, Lytoupa ne connut pas la misère. Encouragé par ce succès, tous les ans à la Fête-Dieu, M. Perrier renou¬vela sa procession pour le plus grand avantage de la religion.
Plusieurs épreuves gâtèrent le bonheur de M. Perrier. En 1904, une main malveillante tenta d’empoisonner les filles de son école ; heureu¬sement, par une grâce spéciale, on s’aperçut à temps de la tentative, et l’on put enrayer l’effet du poison.
Une autre fois, deux élèves de son Ecole Normale se noyèrent dans le fleuve en se baignant. En 1906, un agitateur, chef de lanternes rouges, ayant réuni des partisans dans le but avoué de brûler l’oratoire et de massacrer M. Perrier avec ses chrétiens, l’épouvante fut immense à Lytoupa, mais sur les instances réitérées de M. Perrier, le mandarin envoya des soldats contre les révoltés et ceux-ci furent dispersés après un combat sanglant. Dans ces épreuves et bien d’autres, M. Perrier restait calme et ne s’inquiétait pas des misères de cette vie. Toutefois, ces misères il les ressentait vivement et, s’il fit taire sa nature, il ne put empêcher ses cheveux de blanchir ; à quarante ans, on l’aurait pris pour un vieillard.
Il se soutenait, au milieu de tant de travaux et d’épreuves, par une solide piété et une fidélité scrupuleuse à ses exercices spirituels. Après avoir prié longuement dans la nuit et fait son chemin de Croix, il prenait souvent son repos sur une chaise, ses domestiques en ont témoigné. Le matin il se levait sans bruit, avant le jour, et allait méditer devant le Saint-Sacrement ; il y retournait dans la soirée et n’entreprenait jamais d’affaire, ni ne prenait de détermination, sans demander conseil au Sacré-Cœur. Il travailla sans relâche à la sanctification de son âme, comme le témoignent les notes qu’après sa mort on découvrit dans plusieurs de ses livres ; dans ses dernières années, il s’était affilié au Tiers-Ordre de Saint-François et dès lors il activa le soin de sa perfection. C’était un plaisir et une édification de le voir à l’autel célébrer la sainte messe, sa dévotion envers la divine victime rejaillissait sur sa figure et sa contenance. A cette piété il joignait la pratique d’une rigoureuse mortification. Les mercredis, vendredis, samedis, il observait fidèlement le jeûne et l’abstinence, d’abord pour honorer la Sainte Vierge, puis pour donner l’exemple à ses chrétiens.
Ces pratiques de piété et de mortification, il les cachait aux yeux de ses confrères ; dans les réunions, à la retraite, on le cherchait pour son aimable gaîté, ses réparties pleines d’à-propos, sa manière pittoresque de raconter ses gestes. Volontiers il devenait boute-en-train : y allait de sa chanson. La candeur de son âme se reflétait sur ses traits, sa parfaite discrétion lui avait gagné tous les cœurs, et chacun pouvait se croire son ami intime. Jamais on n’entendit sortir de sa bouche une parole contre la charité.
Quand on allait le voir à Lytoupa, il recevait ses visiteurs les bras ouverts, avec la plus franche cordialité, les plus délicates prévenances. Ses confrères voisins aimaient à se délasser auprès de lui et à lui soumettre leurs affaires de district. L’évêque lui confia successivement pour les guider dans l’étude de la langue et les former à la vie apostolique trois jeunes missionnaires ; et il s’acquitta de cette mission avec tant de tact et de charité, que ses élèves gardèrent toujours de lui un sou¬venir ému.
M. Perrier vécut dans une pauvreté touchante, il se contentait d’une robe en toile de coton et, dans les grandes circonstances, quand il allait rendre visite aux mandarins, il mettait sa douillette. Malgré ses charges écrasantes, il trouvait encore le moyen d’aider ses chrétiens plus pauvres que lui ; il ne renvoya jamais personne les mains vides et accompagna toujours son aumône d’un sourire et d’une bonne parole.
Il était doué d’une robuste constitution, mais en 1900, il fut gravement malade et ne dut son salut qu’au dévouement de MM. Marin et Caron, ses voisins de district. Il perdit ses cheveux, et la maladie reparut chaque année au printemps, sous formes d’attaques plus ou moins violentes et de migraines. A ces misères, la dysenterie s’ajouta et les remèdes chinois dont il se contenta tout d’abord, ne l’enrayèrent nullement. Alors quand son état s’aggrava, après la retraite, de 1909, il entra à l’hôpital catholique de Tchongkin. Au bout de trois mois, se croyant suffisamment rétabli, il regagna son district; mais comme il lui était impossible d’y suivre le régime indispensable et comme, d’autre part, il ne ralentissait pas son travail, la maladie reparut et lui enleva toutes ses forces. En 1911, il dut retourner à l’hôpital ; le docteur le reconnut atteint d’une entérite chronique, et lui fit suivre un traitement énergique pendant huit mois.
Son retour à Lytoupa fut un vrai triomphe. Ses chrétiens vinrent à sa rencontre de tous les coins du district, pleurant et riant de joie, et même les notables païens du marché lui souhaitèrent la bienvenue selon l’étiquette chinoise. Très touché par tant d’affection, il se remit au travail avec une nouvelle ardeur, mais la maladie reprit son œuvre. En 1914, au moment de la mobilisation, il voulut partir pour la France afin de se rendre utile au front, mais on l’en empêcha. En 1915, on l’appela de nouveau pour passer un conseil de révision, mais, quand il arriva à Tchongkin en novembre, il était méconnaissable, et les médecins décidèrent enfin qu’il retournerait en France pour renter une guérison devenue impossible en Chine. Toujours obéissant, le 8 décembre il quitta pour ne plus la revoir, sa chère mission où il avait tant travaillé et il s’embarqua le 10 janvier 1916. Arrivé à Marseille le 8 mars, il prit un repos nécessaire après ce long voyage compliqué par la guerre maritime, et se rendit à Paris, où il eut le bonheur de revoir ses confrères de mission mobilisés. Il fut résolu qu’il irait se soigner en Suisse. Après bien des démanches, des retards, des contretemps de toute sorte, après avoir été bloqué par les neiges dans son pays natal, où il était allé voir son père, il arriva à Lausanne et le 18 mai il entrait dans une clinique.
Là il reçut des soins dévoués et éclairés. Mais son organisme anémié ne pouvait plus réagir contre la maladie qui le minait. Averti de la gravité de son état, il pria un de ses anciens condisciples de la rue du Bac, que Dieu amena à son chevet, le P. Iffly, d’écrire après sa mort à son évêque Mgr Chouvellon « pour le remercier de toutes ses bontés envers lui, pour lui demander pardon de toutes les peines qu’il lui avait causées, ainsi qu’aux confrères ». Puis sa faiblesse augmentant, on lui donna les derniers sacrements et, après avoir assisté tant de mourants, il reçut à sa dernière heure, la récompense de son inépuisable dévouement : il s’éteignit doucement, comme un prédestiné le 7 septembre, veille de la Nativité de la Sainte Vierge. Son ami le P. Iflly lui ferma les yeux. Ses obsèques furent célébrées dans la chapelle de la clinique en présence de son père et de son beau-frère et d’une nombreuse assistance.
Pendant ce temps, ses chrétiens de Lytoupa faisaient violence au ciel pour obtenir sa guérison, quand la triste nouvelle leur arriva. On n’entendit que pleurs et lamentations. On se serait cru au milieu d’une famille privée d’un père aimé ! Pendant neuf jours consécutifs ils se réunirent à l’oratoire pour réciter l’office des morts ; puis, en présence de tous les prêtres indigènes de la sous-préfecture, eut lieu un service funèbre. Enfin ils se cotisèrent pour lui faire célébrer des messes. A. défaut des restes de leur pasteur du moins garderont-ils comme un précieux héritage le souvenir de ses vertus : Non recedet memoria ejus et momen ejus requiretur de generatione in generationem. (Eccl., XXXIX, 13.)
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References
[2101] PERRIER Paul (1870-1916)
Références biographiques.
An.ME.94P196 /10P272-273. -C.R.94 P304 /00P83 /01P95 /04P100 /06P81/08P84 /09P8992/10P88/10P8 8/11P77/12P99/13P111 /14P47 /16P65-,262+ /19P36 /121-21P185. B.ME.24P593