Joseph LAISI1869 - 1906
- Status : Prêtre
- Identifier : 2207
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1896 - 1906 (Hung Hoa)
Biography
[2207]. LAISI, Joseph-Jean-Marie, né à Argentré-du-Plessis (Ille-et-Vilaine) le 12 avril 1869, étudia au petit séminaire de Vitré et au grand séminaire de Rennes. Il fit son service militaire, devint sergent, et entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 9 octobre 1893. Prêtre le 21 septembre 1895, il partit le 18 décembre suivant pour la mission du Haut-Tonkin. Il débuta à Hathach, fut vicaire à Vinh-loc, à Bach-loc, et aumônier militaire à Lao-kay.
En 1899, chargé de fonder un poste dans la région muong, il s'installa à Phuong-lam, où les résultats ne répondirent ni à ses efforts ni à ses souffrances. Tombé malade, il se rendit en 1905 au sanatorium de Béthanie à Hong-kong ; il y resta six mois. Mais, quand il réintégra son poste, son état empira ; le 27 octobre 1906, on dut le faire admettre d'urgence à l'hôpital militaire de Viet-tri ; le 30 du même mois, il passa à l'hôpital de Sontay, où il mourut le surlendemain 1er novembre.
Obituary
M. LAISI
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU HAUT-TONKIN
Né le 12 août 1869
Parti le 18 décembre 1895
Mort le 1er novembre 1906
M. Joseph-Jean-Marie Laisi naquit à Argentré-du-Plessis (Rennes, Ille-et-Vilaine) le 12 août 1869. Sa famille était peu favorisée des biens de la fortune, mais foncièrement chrétienne. Un de ses frères est mort vicaire dans son diocèse ; une de ses sœurs est morte religieuse. Il aimait à évoquer le souvenir de la maison paternelle, où lui et ses frères et sœurs logeaient dans les coins et recoins, tandis que son père, honnête tisserand, gagnait son pain à la sueur de son front.
Joseph fit de bonnes études au petit séminaire de Vitré, ce qui ne veut pas dire qu’il était un esprit universel. Les études littéraires lui plaisaient, mais les mathématiques et les sciences exactes étaient son cauchemar et, toute sa vie, il eut pour ces différentes branches une antipathie qu’il ne cherchait point à dissimuler.
Dès le petit séminaire, son caractère franc et loyal lui créa de solides amitiés. Les relations qu’il entretint jusqu’à sa mort avec plu¬sieurs de ses anciens condisciples et professeurs en sont la preuve.
Entré au grand séminaire de Rennes, il y passa deux ans et y reçut la tonsure ; mais son indépendance naturelle ne s’accommodait guère des exigences de la règle.
L’époque de la conscription arriva. Les supérieurs du jeune clerc voulurent éprouver d’une façon sérieuse la vocation de leur élève. Au lieu de le faire participer au bénéfice de la dispense, dont jouissaient encore les élèves ecclésiastiques, ils voulurent qu’il passât trois années à la caserne. L’épreuve était dure, mais non au-dessus des forces de M. Laisi : la suite l’a montré. Au surplus, la main de Dieu, qu’il faut voir dans tout ce qui arrive, se servit de ce moyen pour détacher notre ami de sa chère Bretagne et l’amener aux Missions-Étrangères. Après avoir gagné les galons de sous-officier à Rennes, il fut transféré à Paris.
Là, il se conduisit non en soldat, mais en véritable séminariste, donnant à tous le bon exemple. Le temps libre que lui laissait le règlement strict de la caserne, il le passait à visiter les églises et les monuments historiques. Parfois, il se rendait au Séminaire des Missions-Étrangères, où se trouvaient quelques-uns de ses anciens condisciples de Vitré et de Rennes. Peu à peu, la grâce parla à son cœur et Dieu lui inspira le désir de se consacrer à l’œuvre des missions, chose à laquelle, avouait-il plus tard, il n’avait jamais songé jusque-là. Son service terminé, il demanda à être admis comme aspirant au Séminaire de la rue du Bac, où il entra le 9 octobre 1893. Gai, affable, d’une piété solide et forte, il se concilia vite les sympathies de ceux avec lesquels il vivait.
Ordonné prêtre le 21 septembre 1895, il reçut sa destination pour la mission du Haut-Tonkin, nouvellement créée, et arriva à Hung-hoa dans les premiers jours du mois de février 1896. Il resta quelques mois à la communauté pour s’initier aux us et coutumes annamites ; puis il fut envoyé à Ha-thach, pour s’y perfectionner dans l’étude de la langue. Au bout d’un an de séjour dans cette paroisse, il exerça les fonctions de vicaire auprès de M. Duhamel, qui dirigeait les nombreuses chrétientés dépendant des deux paroisses de Vinh-loc et de Bach-loc.
Bientôt après, le poste d’aumônier militaire, à Laokay, étant devenu vacant, Mgr Ramond désigna M. Laisi pour l’occuper. Ses allures militaires lui gagnèrent immédiatement les sympathies de la population européenne et, tout en dirigeant les quelques chrétiens indigènes, émigrés dans ces régions, il fit beaucoup de bien aux soldats français.
Sur ces entrefaites, Mgr Ramond résolut de tenter l’évangélisation des tribus qui peuplent les montagnes du Haut-Tonkin, et M. Laisi fut choisi pour fonder un poste dans la région muong de la rivière Noire. Toujours prêt à marcher de l’avant, il partit et arriva à Hoa-binh, chef-lieu de la province muong, au mois de juillet 1899.
L’accueil qu’il reçut des autorités, tant françaises qu’indigènes, fut loin d’être enthousiaste. Le nouveau venu ne pouvait être qu’un gêneur. Aussi, ce fut pour lui tantôt la guerre sourde, tantôt la lutte ouverte. Il eut beaucoup de peine à faire l’acquisition d’un terrain, qui lui fut enfin cédé à des conditions absolument draconiennes. En attendant qu’il pût se construire une maison, il s’installa, vaille que vaille, dans une petite paillote du marché de Phuong-lam. Après une année de séjour en ce pauvre réduit, il put inaugurer sa résidence de Phuong-lam.
Quelques mois à peine s’étaient écoulés, que notre confrère trouva une occasion favorable pour prendre pied dans un petit village des environs de Phuong-lam, où plusieurs familles manifestaient l’inten¬tion d’embrasser la religion chrétienne. Le mobile qui les guidait, n’était pas très surnaturel, comme il arrive souvent, mais l’essentiel pour M. Laisi était de vaincre l’hostilité qu’il avait rencontrée dès le premier jour, de battre en brèche la néfaste influence des « quan-lang », chefs de tribu, véritables maîtres et seigneurs du pays. Chez les Muongs, le régime féodal existe encore, et il constitue le plus grand obstacle à l’évangélisation.
Notre confrère s’installa provisoirement dans une famille de catéchumènes. On lui avait abandonné une travée de la maison, où il trouvait juste la place nécessaire pour étendre sa natte et placer quelques planches qui lui servaient d’autel. C’était la vie apostolique, vie de pauvreté, de dénuement et de mortifications journalières. Le soir seulement, après les travaux des champs, le missionnaire pouvait instruire ses catéchumènes, et, naturellement, leur instruction n’allait pas vite.
D’autre part, le roitelet du pays, qui avait juré de ne pas laisser notre confrère habiter dans son fief, lui suscitait mille tracasseries. Un jour, le catéchiste du missionnaire fut arrêté par les séides du « quan-lang », et interné dans la prison de la résidence, d’où on ne put le faire sortir qu’après deux mois de démarches fastidieuses. La cause de cet affront fut une plainte déposée par un sorcier, que le catéchiste avait empêché de pratiquer ses maléfices et ses incantations dans une famille de nouveaux convertis.
Un autre jour, M. Laisi trouva clouée sur sa porte, au moyen d’un poignard, une croix fabriquée avec des feuilles d’aréquier. A côté de la croix était collée une lettre de menaces, enjoignant au missionnaire d’avoir à déguerpir au plus vite, s’il ne voulait point s’exposer à se voir ainsi fixer la croix sur le cœur. Inutile de dire que notre confrère ne tint aucun compte de l’avertissement, et continua, comme par le passé, à s’occuper de l’instruction de ses ouailles.
Alors ses ennemis résolurent de frapper un grand coup. N’osant pas s’attaquer directement à lui, ils assassinèrent son domestique, dont le corps mutilé fut jeté au fleuve et retrouvé à une vingtaine de kilomètres plus bas. Les meurtriers ne furent même pas sérieusement recherchés, malgré les vives instances du missionnaire auprès des autorités françaises. Un tel déni de justice de la part des représentants de la France affecta péniblement M. Laisi, qui connut alors les heures de lassitude et de découragement. Ajoutez à cela que la plupart des catéchumènes, fatigués des vexations qu’ils avaient à subir, se retiraient les uns après les autres, remettant à des jours meilleurs l’achèvement de leur instruction.
L’épreuve était dure, mais le missionnaire, grâce à son esprit de foi et à sa dévotion toute filiale envers la très sainte Vierge, finit par se résigner à la volonté de Dieu. Il profita des loisirs forcés que lui créait la situation, pour se livrer à des études sérieuses et chasser ainsi l’ennui qui menaçait d’envahir son âme. Il trouvait, en outre, un adoucissement à son chagrin dans la correspondance suivie qu’il entretint toujours avec ses parents et ses amis de France. Toutes les aumônes qu’il recevait passaient entre les mains de ses néophytes. On dit que plusieurs abusèrent de sa générosité, mais qu’importe ? Il eut du moins la consolation de gagner le cœur de quelques-uns de ces pauvres Muongs, au milieu desquels le retenait son zèle pour le salut des âmes.
Il essaya encore de s’établir dans un autre village, mais sans succès. L’heure de la conversion des Muongs n’avait pas encore sonné. C’est alors que notre confrère accepta d’aller ouvrir un autre sillon au sein d’une peuplade de langue différente, qui n’avait jamais été évangélisée. Les difficultés d’une nouvelle installation à créer et d’un nouveau dialecte à apprendre ne rebutèrent pas son zèle. « Dieu récompense les efforts et non pas le succès », disait-il. Et il partit joyeux, mais atteint bientôt d’une diarrhée opiniâtre, il fut envoyé par le vicaire apostolique au sanatorium de Hong-kong, où six mois de repos absolu le remirent sur pied.
Il nous revint au mois de mai 1906, robuste et gai comme auparavant. Hélas ! la guérison n’était qu’apparente. A peine eut-il regagné son poste, que la maladie reparut avec des symptômes plus graves. Un séjour à l’ambulance de Tuyen-quang n’amena aucune améliora-tion. Le 27 octobre, il monta en chaloupe, avec l’intention de se rendre à Sontay, où il y a un hôpital tenu par les Sœurs de Saint-Paul de Chartres, mais son état de faiblesse était tel, qu’on dut le faire admettre d’urgence à l’hôpital militaire de Viet-tri. Le confrère le plus rapproché, M. Hue, fut prévenu et se rendit en toute hâte auprès du malade, qui demanda immédiatement à se confesser. La confession terminée, M. Laisi embrassa M. Hue en disant : « Maintenant, à la volonté de Dieu ! »
Grâce aux soins du docteur, un mieux relatif se produisit et, le 30 octobre, le malade put descendre à Sontay. L’amélioration ne dura pas, car la diarrhée avait dégénéré en dysenterie infectieuse. Comme on lui proposait l’extrême-onction : « J’y pensais moi-même, dit-il, et c’est le seul remède qui puisse me guérir. » Il répondit aux prières avec une foi très vive et reçut l’indulgence plénière.
La nuit du 31 octobre au 1er novembre fut mauvaise. Vers 1 heure du matin, des hoquets ininterrompus firent comprendre que la mort approchait : « Il me semble qu’un séjour en « Bretagne m’aurait rendu pour quinze ans de vie, mais mieux vaut encore « la Bretagne du « ciel ». Il continua de prier à demi-voix par intervalles : « Que vous êtes bon, ô mon Dieu, de « m’ôter toute souffrance au moment de la mort ! » — « Marie, ma bonne Mère, faites que je « ne meure pas en état de péché. » Puis, se tournant vers le confrère qui le veillait : « C’est ma « mère qui m’a appris cette prière quand j’étais enfant ; jamais je ne me suis couché sans la « réciter. »
A 2 heures, le malade fit un signe de croix sur son front, sur sa bouche et sur son cœur, enlaça son chapelet autour de ses doigts et s’allongea sur son lit, comme pour rectifier la position avant de paraître devant Dieu. Il répondit aux prières de la recommandation de l’âme, dicta ses dernières volontés, pria le confrère présent de demander pardon, en son nom, à son évêque et à ses confrères, et offrit sa vie pour la mission du Haut-Tonkin, spécialement pour les sauvages qu’il avait tant aimés. Après avoir récité le Miserere, le Magnificat, le Nunc dimittis et la prière de Notre Saint-Père le Pape Pie X, il éprouva une deuxième et troisième crise. A 6 heures du matin, le jour de la Toussaint, notre cher confrère rendait son âme à Dieu, au moment où la sainte Église chantait : Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos.
Cinq missionnaires étaient présents à ses funérailles, qui eurent lieu le jour des Morts, au milieu d’un grand concours de fidèles européens et annamites. Après la cérémonie à l’église, nous le conduisîmes au petit cimetière des missionnaires, où il dort son dernier sommeil en attendant la bienheureuse résurrection.
References
[2207] LAISI Joseph (1869-1906)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1898, p. 156 ; 1900, p. 152 ; 1901, p. 149. - M. C., xxxii, 1900, p. 98 ; xxxv, 1903, La mission de Phuong-lam, p. 181.
Notice nécrologique. - C.-R., 1906, p. 394.
Portrait. - M. C., xxxv, 1903, p. 182.