Florian DEMANGE1875 - 1938
- Status : Vicaire apostolique
- Identifier : 2388
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Identity
Birth
Death
Episcopal consecration
Other informations
Missions
- Country :
- Korea
- Mission area :
- 1898 - 1938
Biography
[2388] DEMANGE Florian est né le 25 avril 1875 à Saulxures (Bas-Rhin). Il entre au Séminaire des Missions Etrangères en 1895. Il est ordonné prêtre le 26 juin 1898 et part le 3 août suivant pour la Corée. Il étudie le coréen à Séoul. En avril 1899 il est envoyé à Pusan. En 1900 il est nommé professeur au grand séminaire de Yong-san. Il est chargé de lancer le premier journal catholique en coréen. En avril 1911 il est nommé évêque titulaire d'Adras et vicaire apostolique du nouveau diocèse de Taegu. Dès sa prise de fonctions, il entreprend la tournée pastorale de son vicariat. Il bâtit à Taegu un évêché et un grand séminaire. En 1926 il érige une paroisse près de l'évêché et en 1928 une autre à Pisandong. Il meurt le 9 février 1938 à Taegu.
Obituary
Mgr DEMANGE
VICAIRE APOSTOLIQUE DE TAIKOU
Mgr DEMANGE (Florian) né le 25 avril 1875 à Saulxures, diocèse de Strasbourg (Bas-Rhin). Entré tonsuré au Séminaire des Missions-Etrangères le 8 septembre 1895. Prêtre le 26 juin 1898. Parti pour la Corée le 3 août 1898. Vicaire apostolique de Taikou en 1911. Mort à Taikou le 9 février 1938.
Florian J.-B. Demange naquit à Saulxures (Bas-Rhin) le 25 avril 1875, de parents d’une condition modeste mais profondément chrétiens. L’année suivante, dans un inconfortable wagon de troisième classe, qui d’Alsace roulait vers Paris, se trouvait un jeune ménage, dont le mari, âgé de 22 ans, avait en poche un billet d’émigrant pour l’Amérique. Ce dernier encourageait sa jeune femme inquiète sur la santé du bébé qu’elle portait dans ses bras. D’apparence chétive, en effet, le pauvre petit pourrait-il supporter ce long voyage jusque dans l’Illinois où des parents qui les avaient précédés les attendaient ? Tel était l’objet des préoccupations de la maman. Arrivé à Paris, l’enfant tomba malade. Un médecin consulté déclare que si le bébé commence la traversée de l’Atlantique, il ne l’achèvera certainement pas. La Divine Providence, dont les vues sont impénétrables, tenait à conserver cet enfant pour l’exécution de ses desseins. Les parents ne s’embarquèrent pas pour le pays de leur rêve, mais décidèrent de se fixer à Paris. L’air de la capitale ne fut guère favorable à la santé du petit Florian qui dut bientôt retourner au pays natal et rester chez ses grands-parents jusqu’à l’âge de huit ans. Il commença par fréquenter l’école du village, puis de retour à Paris, il est admis à celle des Frères de la paroisse Saint-Louis d’Antin, dont il devint l’un des meilleurs élèves. En 1887 il obtient son certificat d’études primaires et au mois de mai fait sa première communion avec la plus grande piété. A cette époque commence à se manifester en lui le désir d’être prêtre. M. Gayrard, curé de la paroisse, appréciant les qualités du jeune Florian au cœur généreux et à l’intelligence éveillée, sut découvrir les trésors cachés sous cette nature un peu vive et turbulente, il le fit entrer au petit séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet, à Paris.
Les débuts du latiniste dans cette Maison furent plutôt pénibles. Le jeune étudiant, remarquable par son intelligence et son ardeur au travail, obtenait d’excellentes notes de classe, mais vivacité de son caractère et l’exubérance de son tempérament provoquaient une grande insuffisance dans les notes de conduite, si bien qu’à diverses reprises, le Supérieur, M. Dillenseger, menaça de rendre à ses parents cet élève peu souple aux rigueurs de la discipline et plutôt rebelle aux exigences du règlement. A partir de la quatrième, un changement aussi subit que radical se manifeste dans la conduite de Florian : cet espiègle qui paraissait incorrigible devient à tous points de vue l’un des sujets les plus brillants et les plus exemplaires de sa classe. Voici l’occasion de ce revirement. Un jour de sortie mensuelle, notre séminariste faisait, selon son habitude, partie du peloton des consignés et dut rester à l’école. Il pleuvait et le Préfet de discipline chargé de conduire les captifs en promenade ne savait trop que faire lorsqu’il se rappela qu’il y avait au Séminaire des Missions-Etrangères une cérémonie de départ, il conduisit donc son petit groupe à la rue du Bac. Profondément remué, Florian que le Bon Dieu attendait là, entend lui aussi l’appel à l’apostolat, il y répond de plein cœur et prend la résolution de devenir à partir de ce jour un séminariste modèle, non seulement pour le travail, mais aussi pour la conduite. A la fin de sa rhétorique, il passe avec succès la première partie du baccalauréat ès-lettres et le suffrage des élèves lui décerne le prix d’honneur ; digne couronnement de ses études secondaires.
Au mois d’octobre 1893, Florian Demange s’achemine vers le grand séminaire d’Issy pour y faire sa philosophie et se consacrer plus spécialement à l’étude de sa vocation. A la méditation des sublimes grandeurs et aussi des graves obligations du sacerdoce, l’âme délicate du jeune homme éprouve un moment bien des hésitations à s’engager dans cette voie. Docile aux sages conseils du supérieur d’alors, M. Montagny, et encouragé par ces maîtres consommés dans l’art de la formation cléricale que sont les Prêtres de Saint-Sulpice, M. Demange répond en définitive et irrévocablement à l’appel de Dieu. Aux yeux de tous il apparaît comme le séminariste modèle, pieux sans affectation, très ouvert avec les directeurs, simple et enjoué avec ses condisciples. Travailleur acharné à l’étude, il se préparera de lui-même à subir l’épreuve de la deuxième partie du baccalauréat, qu’il passera d’ailleurs avec succès à la Sorbonne en juillet 1894, ainsi que le baccalauréat de philosophie scolastique, aux Carmes en juin de l’année suivante. Tous ses confrères de cours se rappellent encore le brio avec lequel M. Demange exposa et défendit une thèse sur « l’objectivité des sens externes » dans la séance publique d’argumentation qui eut lieu selon l’usage à la fin de cette année scolaire en présence de toute la communauté, et comment il réfuta fort à propos et toujours victorieusement les objections formulées par les doctes professeurs et l’éminent Recteur de l’Institut catholique, Mgr d’Hulst, qui le félicita chaleureusement de son succès, au milieu des applaudissements répétés de l’assistance entière.
Ce fut des mains du vénéré Cardinal Richard, dans la chapelle de l’ancien séminaire de Saint-Sulpice à Paris, que M. Demange reçut la tonsure, le vendredi 7 juin 1895, et sur la présentation de son directeur de conscience, M. Vala, qu’il fut admis aux Missions-Etrangères de la rue du Bac, par le R. P. Delpech.
Au mois d’août, avant de faire part de cette dernière décision à ses chers parents, M. Demange fit un pèlerinage à la grotte de Massabielle, avec un ami de toujours, pour demander à la Vierge de Lourdes une paternelle bénédiction pour lui-même en même temps que des grâces toutes spéciales en faveur de ceux à qui sa détermination allait imposer de nouveaux et bien durs sacrifices.
Après une année passée au Séminaire de Bièvres, pour y suivre les premiers cours de théologie, M. Demange vint achever sa formation à la carrière apostolique à la rue du Bac. Il remplit les fonctions d’infirmier et en garda toute sa vie un grand intérêt pour le soin des malades. Ordonné prêtre, il reçut sa destination pour la Mission de Corée le 29 juin 1898.
Les adieux à la famille, le départ de Paris et le long voyage pour se rendre au pays du Matin Calme se passèrent sans incident. Vers la mi-octobre, M. Demange débarque à Chemulpo et de ce port se dirige vers Séoul pour présenter ses hommages à Mgr Mutel et se mettre à la disposition de son nouveau supérieur. Le jeune missionnaire restera plusieurs mois à l’Evêché afin d’y apprendre les premiers rudiments de la langue coréenne et s’habituer aux us et coutumes de sa nouvelle patrie. Le 23 avril 1899 il est heureux et fier d’écrire à sa famille: « La retraite annuelle des confrères s’est terminée hier et comme conclusion, du moins en ce qui me concerne, Mgr me confie un poste dans la brousse. Je suis envoyé à Fousan. Inutile de vous dire combien je suis enchanté de ma nouvelle destination. N’est-ce pas en effet le bon Dieu qui m’y appelle par la voix de mon évêque ? Il y a, paraît-il, beaucoup à faire dans cette station de fondation récente, et, chose appréciable, j’y aurai les coudées franches.. »
Trois mois après, nouvelle lettre à ses parents : « Me voilà maintenent sinon confortablement, du moins tout à fait installé chez moi et bien habitué à mon nouveau genre de vie... La veille de la Pentecôte, j’ai administré le baptême à quatre catéchumènes, puis la journée tout entière s’est passée au confessionnal. Le matin de la fête j’ai commencé par bénir un mariage dont l’arrangement m’avait causé plus d’un souci. Ah ! si vous aviez vu le beau spectacle dont j’ai joui ce jour-là ! Dès l’aube mon jardin débordait de nombreux chrétiens venus quelques-uns de très loin ; tous étaient en habits bien blancs et l’âme plus blanche encore. Tout ce monde était heureux d’assister à la sainte messe et d’y communier. Puis ce furent les réceptions de groupes divers, des confréries, des congrégations, etc. Comme tous ces braves gens rayonnaient de joie et moi donc, venu de l’autre bout du monde exprès pour eux ! »
Son plus vif désir est d’abord d’agrandir la trop étroite chapelle dont il dispose et de l’aménager de façon convenable pour pouvoir y garder le Très Saint Sacrement. Son ingéniosité en arrive vite à la réalisation, si bien qu’en juillet il peut écrire à Paris : « Joie sur toute la ligne… Le bon Dieu habite maintenant sous mon toit et j’ai le honheur de me rendre souvent près de Lui pour prier, méditer, étudier… La vie m’est ainsi beaucoup plus agréable. J’ignore ce qu’est la tristesse et je chante toujours… »
L’épreuve cependant n’allait pas tarder à venir le visiter. A la suite d’une tournée d’administration dans son vaste district, tournée généralement pénible pour les débutants à cause de la nourriture souvent défectueuse, parfois répugnante, servie au missionnaires et aussi du genre de vie auquel l’ouvrier apostolique est nécessairement astreint dans les misérables paillotes coréennes, M. Demange ressentit les premières atteintes d’un mal d’estomac qui dégénéra en entérite chronique avec accès de fièvre intermittente.
Malgré ces misères, le jeune missionnaire n’en continuait pas moins à organiser vaillamment et à développer joyeusement les œuvres naissantes de Fusan, à fonder aussi de nouveaux oratoires, à s’acquitter des devoirs du saint ministère auprès des néophytes de jour en jour plus nombreux, à approcher la masse païenne pour la gagner peu à peu à notre sainte religion ; en un mot à se dépenser tout entier pour autrui tout en s’astreignant à suivre rigoureusement lui-même un règlement dont on retrouve les détails dans sa correspondance.
« Enfin ma journée, dit-il textuellement, a pu s’organiser. Mon réveil sonne tous les jours à 4 heures du matin, mais deux fois sur trois je ne l’entends pas et ne me réveille qu’à 5 heures. Ensuite vient le temps de la méditation, de la messe et de quelques exercices de piété. Après le petit déjeuner, je fais une courte promenade autour de la résidence et assigne à chacun son travail pour la journée. Deux heures d’étude des langues chinoise et japonaise, une heure consacrée à l’Ecriture Sainte et à la théologie, le bréviaire et quelque autre occupation me prennent tout le reste du temps jusqu’à midi. Après déjeuner, travail au jardin pendant une heure, puis récitation du bréviaire, une heure de coréen, une heure d’anglais, une demi-heure de théologie, autant pour la lecture spirituelle et ma visite au Saint-Sacrement, en dehors des affaires courantes à traiter suivant les jours ou les circonstances, etc. »
Trop tôt hélas ! la fatigue ressentie à la suite d’un labeur opiniâtre, jointe aux effets du mal tenace qui l’affaiblissait peu à peu et le minait insensiblement, contraignirent 1 ardent missionnaire à aller chercher à Séoul un repos bien mérité et devenu nécessaire. Sur l’avis des médecins, Mgr Mutel jugea alors prudent de garder M. Demange près de lui. Déchargé de l’administration de son district, le voilà désormais professeur au séminaire de Ryongsan, en remplacement de M. Chargebœuf, rappelé par le Conseil de Paris en qualité de Directeur au séminaire de la rue du Bac. L’enseignement du latin et de la théologie lui est d’abord confié. Après quelques mois, sa santé redevenue meilleure lui permet d’ajouter à ses occupations la charge d’économe de l’établissement. Sa nature généreuse lui fait un devoir d’apporter un soin minutieux et un dévouement sans bornes à l’accomplissement de ses nouvelles et délicates fonctions. Ses confrères l’apprécient, les élèves l’estiment et sous son heureuse influence la maison prend un regain de jeunesse et d’entrain. Désireux de ne pas perdre contact avec la vie missionnaire, il va, pendant les vacances, tantôt dans un district, tantôt dans un autre, exercer le saint ministère et apporter une aide efficace à quelque Père fatigué. Sa seule distraction est de faire un peu de photographie.
L’année 1906 voit éclore les débuts de la presse indigène en Corée. Mgr Mutel prévoyant tout le bénéfice que l’apostolat missionnaire pourrait tirer de ce genre de propagande, demande à M. Demange de fonder un journal catholique en langue coréenne. Notre confrère accepte avec empressement. Sous son énergique et judicieuse impulsion la nouvelle publication est bien accueilie partout et par tous, chrétiens et païens. Par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son directeur, ce journal devra plus tard subir un changement et se transformer en revue périodique qui encore maintenant assure la liaison entre les différentes Missions de la Péninsule.
C’est dans son modeste bureau de journaliste qu’en 1911 M. Demange apprend son élévation à l’Episcopat et sa nomination de premier Vicaire Apostolique de Taikou, Mission récemment créée par la S. C. de la Propagande, sur la généreuse initiative du Vicaire Apostolique de Séoul lui-même et d’accord avec le Conseil de Paris.
Le nouvel élu n’a que 36 ans. La tâche qui lui est confiée par le Saint-Siège s’annonce écrasante, mais le jeune évêque n’est pas homme à se laisser vaincre par les difficultés. Il prend pour devise cette sentence qu’il réalisera pleinement : « Confide et labora ». Confiance en Dieu d’abord, en soi-même ensuite. Par un travail acharné, persévérant, parfaitement ordonné, Mgr Demange arrivera à surmonter tous les obstacles qui viendront s’opposer à la réalisation de ses vastes projets. Le sacre eut lieu le 11 juin dans la cathédrale de Séoul en présence de plusieus évêques, de nombreux missionnaires, des consuls résidents, des autorités civiles et au milieu d’une affluence de peuple considérable. Quelques jours après, le nouveau Pontife se rend à Taikou où la communauté chrétienne lui réserve un accueil des plus solennels. La nouvelle ville épiscopale possédait alors une chapelle et un presbytère construit par M. Achille Robert. L’évêque loue près de là une maison coréenne où il s’installe provisoirement. Prévoyant que l’année suivante les missionnaires du nouveau Vicariat devront se réunir autour de lui pour la retraite, il entreprend, sans plus tarder, la construction d’une bâtisse légère qui servira de Procure et pourra loger les retraitants. Avec les années cette maison sera soumise à des affectations diverses ; transformée en salle de réunion pour la jeunesse catholique, elle deviendra ensuite chapelle annexe de la cathédrale jusqu’au jour où, menaçant ruine, elle sera démolie afin que les matériaux encore utilisables servent à la construction définitive d’une église dans la banlieue de Taikou.
La première fois que Monseigneur pontifie dans sa modeste cathédrale, il fait le vœu d’édifier à proximité de l’église une grotte de Lourdes dès que la Sainte Vierge lui aura accordé la grâce de voir ses entreprises menées à bonne fin. Sa prière a été exaucée et la promesse fidèlement tenue. Tous les visiteurs qui passent à Taikou peuvent admirer, en effet, cette magnifique reproduction de la grotte de Massabielle avec cette inscription bien en évidence : « Ex voto Immaculatae Conceptioni » et encadrée de deux dates, d’un côté 1911, celle du vœu, et de l’autre 1918, celle de son heureux accomplissement. A l’époque où en France les grands pèlerinages se succèdent sans interruption à Lourdes pour chanter les gloires de Marie Immaculée, Mgr Demange se plaisait à célébrer une fois par semaine le saint sacrifice de la messe dans cette grotte devant une belle assistance de chrétiens recueillis.
A l’automne de l’année 1911, l’évêque entreprend sa première visite pastorale. A cette époque le chemin de fer traversait déjà la Corée de part en part, mais nombre de chrétientés se trouvaient plus ou moins éloignées de la ligne Fousan-Séoul ; et, avant de l’atteindre, il fallait nécessairement faire le trajet à pied ou à cheval. Mgr Demange s’accommodait facilement des désagréments causés quelquefois par ces voyages à travers la brousse coréenne. De retour chez lui il aimait à raconter, et toujours avec humour, les moindres incidents qui avaient pu lui arriver en cours de route. Actuellement les moyens de communications se sont telllement améliorés et perfectionnés, en Corée comme ailleurs, qu’en 1936 Monseigneur put faire, pour la première fois, sa tournée pastorale en automobile.
Au printemps de 1912 eut lieu la première retraite commune des missionnaires de Taikou. S. Excellence la prêcha lui-même comme il nous prêchera toutes les suivantes, à peu d’exceptions près. Avec quel soin il préparait tous ses sermons et conférences ! Ses prêtres en gardent et en garderont longtemps le plus vivace souvenir. Il s’adressait à la fois à la raison et au cœur de ses auditeurs. Un de ses thèmes favoris était de nous rappeler sans cesse et toujours d’une façon variée cette pensée, que le bon Dieu doit en justice accorder le bonheur éternel à ceux qui ont tout quitté pour travailler à son service pour la raison bien simple qu’Il l’a promis expressément : « Omnis qui reliquerit domum… propter nomen meum, centuplum accipiet et vitam aeternam possidebit ». A plusieurs reprises Mgr Demange accepta d’apporter le réconfort de son entraînante parole aux confrères des Missions voisines. C’est ainsi qu’à Séoul, Osaka, Kirin, Fukuoka, etc., ils eurent l’avantage d’entendre ses conseils pratiques basés sur une expérience vécue de la vie apostolique. Généralemment, après avoir bien exhorté ses missionnaires, S. Excellence se retirait dans un lieu de son choix pour s’y recueillir dans la prière et la méditation et y prendre pour lui-même un regain de forces spirituelles.
L’évêque ne pouvait toujours demeurer dans la pauvre maison coréenne louée à son arrivée à Taikou et il lui fallait nécessairement songer à la construction d’un évêché. La divine Providence vint à son aide d’une façon aussi délicate qu’inespérée. Un néophyte lui offrit un vaste terrain près de la ville et les fidèles de toute la Mission ouvrirent une souscription qui permit de commencer bientôt les travaux suivant les plans dressés par l’expert M. Poisnel. L’entreprise fut confiée à une équipe d’ouvriers chinois spécialisés en la matière et exécutée avec une rapidité telle, qu’en 1913, au retour d’une visite pastorale Monseigneur put s’installer dans sa nouvelle demeure.
Par ailleurs l’église paroissiale ne pouvait plus contenir les chrétiens devenus de jour en jour plus nombreux. Des travaux d’agrandissement s’imposaient. Elle fut agrandie et l’évêque, dont une des charges est d’instruire son peuple, ne manqua pas, tant que sa santé le lui permit, de venir y prêcher tous les dimanches la parole de Dieu.
Pénétré de l’esprit de la Société des Missions-Etrangères et fidèle à ses traditions, Mgr Demange avait particulièrement à cœur la formation et le développement du clergé indigène. Il y avait déjà bien travaillé à Séoul. A Taikou, il y apporta toute sa sollicitude de père et le meilleur de son âme d’apôtre. Son ambition, fort légitime d’ailleurs, était de fonder près de l’évêché un séminaire qui, dans son installation et par le programme des études, ne le cédât en rien aux séminaires de France. Toujours confiant en la Providence, il se mit courageusement à l’œuvre et, en dépit de difficultés qui, humainement parlant, semblaient insurmontables, il parvint à atteindre effectivement le but désiré. Une partie des bâtisses sortait à peine de terre que la déclaration de guerre de 1914 vient cruellement arracher le pasteur à son cher troupeau. Atteint par le décret de mobilisation, Mgr Demange, sur ordre des autorités militaires, se rend à Simonoseki où il doit s’embarquer à bord de « L’Amazone » pour regagner la France, en quatrième classe, avec plusieurs autres missionnaires rappelés comme lui sous les drapeaux. A l’escale de Hongkong un télégramme de Tôkyô lui enjoint de revenir aussitôt en Corée pour y reprendre la direction de sa Mission. Monseigneur regagne son poste plus ou moins soucieux de l’avenir.
En octobre suivant s’effectue cependant la première rentrée au séminaire : 57 jeunes lévites se présentent. Monseigneur aimait souvent à dire qu’il serait au comble de la joie s’il pouvait former cent prêtres indigènes avant de mourir. Le bon Dieu ne lui a pas accordé ici-bas cette satisfaction vu qu’il n’en a ordonné que quanrante-trois, ce qui est un beau chiffre. Toutefois, il nous quitte au moment où les études réorganisées sur un plan nouveau permettront d’augmenter désormais le nombre des ordinations et de voir son magnifique rêve s’accomplir d’ici quelques lustres.
Le séminaire, une fois en marche, grâce à certaines générosités, la fondation d’un couvent de religieuses de Saint-Paul de Chartres est décidé. Deux sœurs françaises et trois coréennes ne tardent pas à en prendre possession et à y installer un orphelinat de la Sainte-Enfance, puis un dispensaire et d’autres œuvres de bienfaisance. Ces derniers temps l’ouverture d’un noviciat et d’une maison de formation pour religieuses institutrices est même envisagée, mais déjà atteint du mal qui doit l’emporter, Monseigneur n’aura pas la joie d’en voir l’achèvement sur cette terre.
En 1920, Mgr Demange se rend à Rome pour sa visite « ad limina ». Il emmène avec lui deux clercs avec l’intention de les laisser au Séminaire de la Propagande. L’essai ne fut pas heureux : l’un mourut subitement au cours de ses études et l’autre, vaincu par la tuberculose, dut renoncer à prendre ses grades et de retour à Taikou, ne survécut que de quelques mois à son infortuné compagnon.
De Rome, Monseigneur revint par l’Amérique, afin d’y quêter au profit de ses œuvres. A peine rentré en Corée il dut partir de nouveau, cette fois à Hongkong, pour l’Assemblée générale où il exerce les fonctions de secrétaire et joue un rôle des plus actifs.
Revenu dans sa Mission, l’intrépide Evêque bâtit l’autre partie du séminaire encore inachevé ; ce qui lui permettra de recevoir un plus grand nombre d’élèves. Il installe également une maison de campagne dans un site charmant à une lieue de Taikou. Les séminaristes s’y rendront chaque semaine pour y prendre leurs ébats et un peu de bon air. En outre, il organise l’œuvre des Catéchistes, précieux auxiliaires du clergé pour la propagation de l’Evangile dans les milieux païens.
En 1923, Taikou fête solennellement le jubilé sacerdotal de son vénéré Vicaire Apostolique, qui deux ans après retourne en France et à Rome pour assister aux splendides solennités de la béatification des Martyrs Coréens et aussi visiter l’exposition missionnaire du Vatican au succès de laquelle lui-même a voulu contribuer pour une large part.
A peine rentré, il construit la chapelle du couvent des religieuses de Saint-Paul, dédiée à Sainte Thérèse de Lisieux, envers qui il professe une dévotion toute particulière.
Une si grande activité, jointe à mille soucis, devait avoir raison de son robuste tempérament. Terrassé en 1928 par une maladie grave, Monseigneur se voit dans la dure nécessité d’aller consulter des spécialistes à Shanghai. Ces médecins le pressent de continuer sa route vers la France où deux années de repos complet et de soins appropriés parviennent enfin à réduire sa tension artérielle et à rétablir sa santé, mais dorénavant il sera contraint de suivre un régime sévère et de prendre beaucoup de ménagements qui freineront son inépuisable besoin de se dépenser.
Sa longue expérience et sa haute personnalité lui attribueront une part prépondérante dans les délibérations du Concile régional qui tint ses sessions en 1931 à Séoul. Il y fut rédigé un catéchisme commun et composé un directoire unique pour toutes les Missions de Corée dont l’approbation est aussitôt officiellement confirmée par la S. C. de la Propagande.
Peu après, le gouvernement de la République, appréciant les signalés services rendus à la cause française par le vaillant missionnaire, lui décerna la croix de chevalier de la Légion d’honneur. L’amiral Esteva, alors commandant en chef de nos forces navales en Extrême-Orient, manifesta le désir de venir lui-même épingler cette décoration sur la poitrine de l’Evêque de Taikou, mais au dernier moment, retenu par son service, il dépêcha l’aviso Tahure, avec ordre au capitaine de mouiller l’ancre dans le port de Chemulpo et de remettre solennellement au nouveau chevalier la croix de la Légion d’honneur.
L’action bienfaisante et l’influence civilisatrice du Ministre de Jésus-Christ attirèrent également sur lui l’attention du gouvernement général de Corée qui, à l’occasion du 25e anniversaire de son établissement dans le pays, s’honora en offrant à l’Evêque français trois magnifiques coupes d’argent come gage d’estime et de reconnaissance.
En 1936, la ville de Taikou, que Mgr Demange vient de doter d’une nouvelle église, célèbre avec joie le jubilé épiscopal de son Pasteur et Père. Le Souverain Pontife Pie XI, glorieusement régnant, est heureux de saisir cette occasion pour élever l’Evêque titulaire d’Adras à la dignité d’Assistant au Trône Pontifical.
Un événement considérable allait, en 1937, procurer à Mgr Demange un immense plaisir, digne couronnement de ses durs travaux et de ses patients efforts. D’accord avec Rome et le Conseil de Paris, il cède avec le plus profond désintéressement une partie de sa Mission au clergé indigène formé par lui, avec, à sa tête, un Préfet Apostolique coréen désigné par la S. C. de la Propagande. Simultanément, il octroie une autre partie de son Vicariat aux missionnaires irlandais de Saint-Colomban, venus depuis quelques années se former à son école aux particularités de la vie apostolique.
A partir de cette date, la santé de notre vénérable Evêque décline visiblement. La consécration d’une chapelle le fatigue extrêmement. Il tient cependant à faire encore comme d’ordinaire sa tournnée d’administration d’automne dans l’espoir que ce déplacement lui donnera, disait-il, un coup de fouet salutaire. Il rentre chez lui littéralement épuisé. Consulté, le médecin lui propose de retourner en France, mais S. Excellence se sentant mortellement atteint, s’y refuse catégoriquement. La maladie, une cirrhose du foie, épuise de plus en plus le peu de forces qui lui restent. En janvier 1938, nous nous attendions d’un jour à l’autre au dénouement fatal. Son Provicaire s’offre à lui administrer les derniers sacrements : il les reçoit en pleine connaissance et avec une piété touchante. Dès lors il ne pense plus qu’à se préparer à bien mourir. Il réunit dans sa chambre le clergé présent à Taikou, fait ses adieux à chacun de ses prêtres, sans oublier les absents, et recommande vivement à tous de garder toujours au fond du cœur l’esprit de charité et de discipline, vertus sans lesquelles nos Missions seraient bien vite en péril. Le 9 février S. Excellence s’éteint doucement sous les yeux de M. Mousset très ému et agenouillé au pied de son lit.
Missionnaires et chrétiens tinrent à honneur de faire à leur vénéré Vicaire Apostolique des funérailles dignes de lui. Les Evêques et Supérieurs des Missions voisines, les autorités locales, un grand nombre de missionnaires et de prêtres indigènes, accourus des endroits les plus éloignés de la Corée, vinrent rendre les derniers devoirs au regretté défunt pendant que des télégrammes de sympathie et de nombreux témoignages de condoléances arrivaient de toutes parts. Ses restes reposent maintenant dans le petit cimetière préparé par lui pour le personnel de la Mission, tout près de la croix de granit sur le socle de laquelle sont gravées ces paroles d’espérance : « Tunc apparebit signum Filii Hominis in coelo ».
Pendant ses 27 années d’épiscopat, Mgr Demange a accompli incontestablement une tâche considérable. Il créa de toutes pièces le Vicariat de Taikou et lui donna une impulsion telle que deux nouvelles Missions s’en détachèrent, dont l’une suffisamment outillée pour passer sous la direction du clergé indigène. La présente notice a essayé de faire ressortir brièvement son œuvre de fondateur ; mais nous devons signaler qu’il fut en même temps un organisateur hors de pair. Grâce à son action prudente et vigilante, le nombre des chrétiens s’éleva de 25 à 49.000, les prêtres indigènes de 4 à 43, les séminaristes de 6 à 118, les religieuses professes de 0 à 37, etc. Bref, à sa mort, il laisse une Mission florissante, en pleine prospérité.
Pour mener à bonne fin ces entreprises aussi nombreuses que variées, il est bien naturel de se demander à quelles sources ce chef dans toute la force du terme, et qui demeurera une des grandes figures de notre Société, a tiré le secret de sa force invincible. La seule et vraie raison en est qu’il fut un homme d’esprit vraiment surnaturel et animé d’une volonté de fer. N’importe quelle affaire, si épineuse fût-elle, recevait de lui une solution nette et claire. La crainte des responsabilités ne l’a jamais reculer d’un pas dans les décisions à prendre. Evêque, sa journée était réglée comme celle d’un simple séminariste : une heure précise était fixée pour chaque chose ; les instants où il avait à traiter une affaire compliquée étaient strictement limités ; de même le temps consacré à ses exercices de piété, à l’étude des sciences sacrées, à ses rares loisirs était parfaitement prévu. Au premier janvier, son ordo interfolié comportait déjà le programme de toute l’année, noté jour par jour, jusque dans les plus petits détails. Aussi, à la date marquée, ne manquait-il pas de faire la visite projetée, d’envoyer la pièce requise, etc., etc. Souvent il disait : « J’ai une excellente mémoire sur le papier. »
Depuis son arrivée en Corée, Mgr Demange n’a jamais omis d’envoyer régulièrement, deux fois par mois, une longue lettre à sa famille. Dans son bureau, tout était étiqueté, numéroté, parfaitement en ordre et la clef de tout son système de classement consistait en un petit fichier toujours à la portée de sa main. Cette précision dans les détails lui permit d’entreprendre, par dosage, si je puis m’exprimer ainsi, des travaux de longue haleine, tels que la rédaction du directoire des Missions de Corée, les plans de ses sermons pour le clergé, etc. Il sut faire accepter sa volonté par ses subordonnées, bien qu’il eût pour principe de maintenir son autorité intacte et qu’il ne souffrît jamais qu’elle fût contestée. Il n’admettait pas qu’on discutât ses ordres, mais réussit par ailleurs à maintenir le bon esprit chez tous ses collaborateurs. Il aimait à inviter à sa table tous ses missionnaires et recevait régulièrement, le jeudi et le dimanche, les confrères des environs. Le repas achevé, Monseigneur aimait à raconter simplement, surtout aux nouveaux venus, les anecdotes dont il avait en réserve un stock inépuisable. On se réunissait également autour de lui à l’occasion de la fête des missionnaires de la ville. Il ne manquait pas non plus de la souhaiter, par une lettre des plus paternelles à ses prêtres éloignés du centre. Sa sollicitude se montrait particulièrement grande à l’égard des missionnaires malades et pour eux, jamais la question « dépenses » ne fut mise en cause, même lorsqu’il s’agissait de soins extraordinaires ou dispendieux à donner pour leur soulagement. Egalement prêt à faire plaisir à tous, il tempérait ainsi par son affabilité ce que son autorité pouvait avoir de rigide.
Indépendamment de cette force de volonté, le bon Dieu l’avait doté d’une belle et grande intelligence. Il a su faire abondamment fructifier les talents que lui avait confiés le divin Maître. Aussi a-t-il dû entendre à la porte du Paradis les paroles accueillantes que le Souverain Juge réserve au serviteur fidèle et méritant : « Euge serve bone et fidelis, intra in gaudium Domini tui. »
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References
[2388] DEMANGE Florian (1875-1938)
Références bio-bibliographiques
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