Philippe MEISSONNIER1909 - 1986
- Status : Prêtre
- Identifier : 3532
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1935 - 1945 (Penang)
- 1949 - 1986 (Malacca)
Biography
[3532] MEISSONNIER Philippe, est né le 1er février 1909 à Versailles (Yvelines). Il fait ses études secondaires au Petit Séminaire de Granchamp (1920-28). Il étudie au Grand Séminaire de Versailles de 1928 à 1934. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1934. Il entre au Séminaire des Missions Étrangères le 14 septembre 1934. Après son année de probation, il part le 15 septembre 1935 pour le Collège Général de Penang. Il y sera professeur de philosophie scolastique et puis de droit canonique, matière qu'il réussit à rendre intéressante. Pendant la guerre, il rejoint un groupe de catholiques eurasiens de Singapore au camp de Bahau, non loin de Seremban (1943-45). Après un congé courant 1945, il va être nommé professeur de droit canonique à la Rue de Bac, en 1946. Il y enseigne trois ans et obtient une licence en Droit canonique à l'Institut Catholique de Paris (1947).
Fin 1949, le Père Meissonnier est à Singapore où Mgr. Olçomendy lui demande de relancer le journal catholique le Malayan Catholic leader", qui plus tard sera pris en charge par les Jésuites. À Singapore, le Père Meissonnier va travailler 37 années; un ministère varié mais toujours animé par le même désir : amener des non-chrétiens au baptême : éditeur de journal, aumônier d'université, bâtisseur d'église, curé de la cathédrale (1960-64). Un long congé est le bienvenu : 1964-65. À son retour, le Père réside à l'archevêché et se donne à plein à la catéchèse des adultes. Il est aussi un conseiller canonique qu'on aime écouter, membre du tribunal de mariage, coordinateur des sessions de préparation pour fiancés... Et deux fois par an, il va jusqu'à l'Île Christmas, en territoire australien, s'occuper des Singaporiens et Malaisiens des mines de phosphate. Il baptise les enfants, régularise les mariages, visite les familles et les malades.
Avec l'âge, le Père se replie un peu sur lui-même, s'effraie des "bavures" de l'après-concile et ressent la chute des vocations, et les départs d'anciens baptisés, élèves ou dirigés. Après un congé en 1984, il se retire à Béthanie, la maison des prêtres âgés et handicapés tenue par les Petites Soeurs des Pauvres. C'est au cours d'une de ses nombreuses hospitalisations qu'il meurt presque soudainement le 24 novembre 1986. Ses obsèques furent présidées par l'archevêque, entouré de près de 70 prêtres.
Obituary
Le Père Philippe MEISSONNIER
Missionnaire au Collège de PENANG et à SINGAPOUR
1909 - 1986
MEISSONNIER Philippe
Né le 1er février 1909 à Versailles
Entré aux Missions Étrangères le 14 septembre 1934
Parti pour le Collège général de Penang le 15 septembre 1935
Affecté à Singapour en 1949
Décédé à Singapour le 24 novembre 1986
Voir carte nº 10
« Je le connais, je l’ai baptisé. »
Au masculin ou féminin, au singulier ou pluriel, cette phrase était comme l’indicatif du P. Meissonnier. Ce qui faisait dire dans un sourire à un avocat, lui-même ancien catéchumène du Père : « Pour le P. Meissonnier il y a deux catégories de gens, ceux qu’il a baptisés et les autres ! » Sous l’affectueuse ironie cela résume parfaitement ce qui fut l’unique vision, l’unique inspiration, l’unique axe de sa vie : l’annonce de l’Évangile aux non-chrétiens et leur baptême. Il continuait d’ailleurs à les suivre, et ils lui restaient fidèles. Après son décès, peu avant Noël, des dizaines de cartes et lettres arrivaient encore à son nom, de tous les continents, même de coins perdus comme le Lesotho ou le Vanuatu.
Né au sein d’une famille nombreuse animée d’une vie chrétienne intense – un oncle paternel prêtre, un frère prêtre et un autre frère missionnaire au Mexique chez les Frères des Écoles Chrétiennes – Philippe Meissonnier bénéficie dès ses jeunes années du renouveau chrétien que le diocèse de Versailles connaît sous l’épiscopat de Mgr Gibier. « La source de sa vocation c’est sa famille et l’éducation reçue à l’école des Frères. Philippe avait une conscience délicate. À onze ans, il entre au petit séminaire de Grandchamp qui jouxte l’évêché, et où notre famille assistait aux Vêpres chaque dimanche. En 1934 il est ordonné prêtre et sa vocation missionnaire se manifeste. Il entre aux Missions Étrangères. »
Professeur au Collège général de Penang
Après un an au séminaire de la rue du Bac, l’abbé Meissonnier reçoit sa destination : Collège général de Penang. Quelles furent ses réactions ? Il ne semble guère les avoir manifestées. Mais pour un jeune missionnaire, être nommé professeur de grand séminaire, et ce à vie, n’était guère le choix souhaité. Pourtant ce Collège de Penang réalisait, dans le droit fil de l’inspiration de nos fondateurs, la formation du clergé séculier pour les vicariats apostoliques où travaillait la Société. Vers cette époque, le Collège général servait la Malaisie, la Thaïlande, la Birmanie, tout en continuant de recevoir quelques élèves d’autres pays : des séminaristes de Kontum, du Laos ou de Chine.
Le corps professoral se composait alors de sept ou huit Pères, tous MEP, jeunes pour la plupart. Plusieurs docteurs des universités romaines, les PP. Monjean, Rouhan, Lobez ; d’autres étaient des sages et des doctes, comme les PP. Piffaut, Paroissin, Meissonnier, et deux anciens s’occupaient plus particulièrement de l’intendance : les PP. Michel et Dénarié. L’effectif des séminaristes évoluait entre 80 et 100 selon les années. Le latin était non seulement la langue des cours, mais la langue de tous et pour tout, un latin à la fois classique et pratique. En 1962 encore, le P. Lobez expliquait en un latin limpide et académique aux séminaristes thaïs comment pulvériser l’insecticide sur les jeunes plants de cocotiers ! « Philippe fut bien étonné, écrit son frère André, d’être accueilli par un discours en latin classique ! » Ce latin fut, au moins au début, une des difficultés du jeune professeur. Certains de ses élèves se répètent encore quelques expressions devenues légendaires qui trahissaient le français qu’elles essayaient de traduire. Pendant quelques années Philippe enseigne, comme il arrivait souvent aux jeunes professeurs, la philosophie scolastique, et il le fait avec succès bien qu’il lui en coûte beaucoup. Mais assez rapidement il accède à une matière où il va exceller : le droit canonique qu’il a le don de rendre intéressant. Il l’entoure de commentaires savoureux et l’illustre d’expériences vécues. Verdict unanime de ses élèves : ses classes étaient branchées sur la vie. Et ils ajoutent avec malice : « une demi-heure d’histoires et un quart d’heure de droit canon ! »
Professeur de grand séminaire, le P. Meissonnier n’est pas un homme de bureau ou de bibliothèque. Il apprend l’anglais, le malais de la vie courante, et multiplie les contacts avec l’extérieur. Ses dons de conseiller spirituel s’affirment dès ce moment-là. De nombreuses personnes s’adressent à lui. Il va volontiers en paroisse durant les weeks-ends et les vacances. Il explore le pays. Des années après il parlait encore de ses voyages dans la jungle à dos d’éléphant entre Kroh et Grik. Il profite des plages de Penang et aime nager jusqu’à l’îlot rocheux de Pulau Tikus (l’île des rats) qui avait donné son nom au faubourg où se situait le Collège. Il visite aussi d’autres pays pour y découvrir les conditions de vie et les problèmes de l’Église, afin d’être mieux à même de comprendre et former les futurs prêtres.
Après quelques années, c’est la guerre. Penang n’accueille plus de séminaristes. Lors de l’invasion japonaise, le Collège se scinde en deux groupes, l’un va à Balik Pulau, l’autre à Matang Tinggi. Les cours cessent et Philippe Meissonnier va rejoindre un groupe de catholiques de Singapour – il s’agit surtout d’Eurasiens – regroupés par les Japonais dans un camp, à Bahau, non loin de Seremban. Là il passe deux années en compagnie de ces gens, de Mgr Devals, du P. de Rozario et de quelques religieuses. Conditions difficiles et régime plus que frugal. Il noue là de solides et durables amitiés.
Trois ans rue du Bac
En 1945, la Malaisie est libérée, mais le Collège n’a plus guère d’élèves. Le Père prend son congé en France. En 1946, il est nommé professeur de droit canon à la rue du Bac ; son rappel à Paris fut le fait du P. Destombes qui l’estimait. Il y enseignera durant trois ans, tout en se perfectionnant par des cours qu’il prend à l’Institut catholique. Là encore ses classes réjouissent et éclairent ses élèves, son droit canon est anecdotique et vivant. Pourtant la vie du séminaire lui pèse : il a un style bien personnel. Bien vite il brûle du désir de retrouver l’action apostolique en Malaisie, et aussi l’indépendance nécessaire à son esprit. Sa délicatesse même l’empêchait de se détendre dans un débat contradictoire. Il préférait quitter la place.
Aumônier puis bâtisseur
Fin 1949, le P. Meissonnier est à Singapour. Mgr Olçomendy, qui le connaît bien, lui demande de relancer le journal catholique, le « Malayan Catholic Leader ». Ce sera le début de trente-sept ans de ministère dans l’île, autour de sa cathédrale et de l’archevêché, ministère qui étonne par sa diversité, mais qui pourtant reste animé par le même désir : amener des non-chrétiens au baptême.
Après quelques années, le journal catholique est pris en charge par les Jésuites. L’évêque demande alors à Philippe de créer l’aumônerie de l’université. Il y restera jusqu’en 1957, insistant pour qu’un plus jeune, le P. Itçaïna, prenne la relève, et pourtant il n’a alors que 48 ans ! Partout il en a été et en sera de même. Le P. Meissonnier ne s’accroche pas, il passe la main même si cela lui coûte. Lui qui n’a aucune expérience dans cette ligne, il accepte de bâtir une église : Saint-François-Xavier. Il choisit pour le projet un jeune architecte récemment revenu d’Europe. Chez ses nombreux anciens étudiants et les habitants du quartier il forme des équipes bien rôdées qui l’aident à visiter les familles et ramasser les fonds nécessaires. L’église, première d’une série bâtie par le même architecte (ce qui prouve la qualité du choix initial), s’achève en fin 59. Son bâtisseur n’a point voulu en devenir le curé ; le P. Challet prend donc la paroisse. Le jour de la bénédiction, le P. Meissonnier est en vacances à l’autre bout de la Malaisie, et bientôt il rentre en France pour son congé. « Pas de monument à ma gloire, mon Père ! » dira-t-il. Mais vingt-cinq ans plus tard, ses paroissiens qui se souviennent, l’applaudiront lors du jubilé d’argent de l’église.
Curé de la cathédrale
Rentré de congé en février 1960, il est nommé curé de la cathédrale, poste qu’il accepte sans enthousiasme. Le catéchisme au couvent et à l’école des Frères, et surtout de nombreux catéchumènes adultes, prennent beaucoup de son temps, car le Père fait très attention aux personnes. Plutôt cosmopolite la paroisse est davantage un lieu de culte qu’une communauté. Entre autres vicaires nous y rencontrons les PP. Charbonnier et Ladougne. C’est l’époque du concile, bien des choses changent. La situation politique à Singapour est aussi en pleine évolution : autonomie interne accordée par le pouvoir colonial, puis intégration au sein de la Grande Malaisie, indépendance enfin avec un gouvernement qui passe par des périodes mouvementées et des temps d’épuration, dans un système économique de type capitaliste. Tourbillons dont les retombées sont lourdes à porter. Le P. Meissonnier est heureux de prendre un congé prolongé en 1964.
À l’archevêché : catéchiste et conseiller
À son retour, en juillet 1965, il s’installe à l’archevêché et se donne à plein à ce qui est vraiment son charisme : la catéchèse des adultes. Il prépare beaucoup d’entre eux individuellement, et fait effort pour s’ajuster à l’horaire difficile de certains. Plus que jamais il est le conseiller canonique écouté de l’archevêque et de bien des prêtres. Membre du tribunal des mariages, coordinateur des sessions de préparation pour fiancés. Deux fois par an il séjourne deux ou trois semaines dans l’île de Christmas, de l’autre côté de Sumatra, territoire australien dont la population (mines de phosphate) se compose surtout de Singaporiens et de Malaisiens. Il aime se retrouver parmi eux, baptise les enfants, régularise les mariages, visite les familles, les malades. C’est pour lui à la fois un service pastoral et une détente. Comme toujours les gens s’attachent à lui, car ils se sentent acceptés et aimés. En Malaisie également le Père garde le contact avec ses anciens étudiants d’université.
À tout cela il ajoute les confessions dans plusieurs congrégations religieuses, la direction spirituelle de plusieurs groupes de Légion de Marie et celle du Tiers-Ordre du Carmel.
Mgr Olçomendy le consulte volontiers. Le Père a son franc parler et ne cache pas plus ses opinions que ses sympathies, ses approbations que ses critiques. Les années passent. Son ancien élève, Mgr Yong devient le chef de l’archidiocèse. Le P. Meissonnier continue de résider auprès de lui. Mais avec l’âge, Philippe qui était très ouvert, et se tenait sans cesse « à jour » se replie un peu. Il s’effraie des « bavures » inévitables de l’après-concile et des ombres de pessimisme le gagnent. Il ressent douloureusement la chute des vocations sacerdotales et religieuses, surtout si des départs concernent ses anciens baptisés, élèves ou dirigés. Par plus d’un aspect l’« aggiornamento » lui semble dangereux. Il prend ses distances. Il vieillit, le nombre des catéchumènes diminue et il se sent moins « accepté » comme catéchiste des jeunes. Il tourne un peu à vide, a plusieurs accrocs de santé. Il part en congé en 1984, l’année de son jubilé d’or sacerdotal.
La retraite
Va-t-il revenir ou rester définitivement en France ? Sans aucun doute il a physiquement faibli, et son esprit tout en restant clair a perdu de sa vivacité. Les mois de repos à Montbeton lui font du bien. Il dort mieux, regagne des forces et d’ailleurs.. comment se réhabituer à l’hexagone ? Il désire donc revenir. Mgr Yong accepte qu’il prenne sa retraite à Béthanie – maison pour les prêtres âgés et handicapés dans l’enclos des Petites Sœurs des Pauvres, tout à côté de l’hôpital catholique. Là il retrouve les PP. Berthold et Teng, deux vieux amis et compagnons d’apostolat. Il s’y installe début 85, mais il devient très vite clair que l’inactivité lui pèse. Malgré les visites de confrères et amis il se sent isolé, les journées paraissent longues. Il essaie encore de rendre service, mais sa santé se détériore, il maigrit et parfois semble se désintéresser de ce qui se passe autour de lui. Cependant il suffit d’une visite pour lui redonner quelque vitalité. Il aime assister à la réunion hebdomadaire des confrères, mais sa maigreur et son affaiblissement progressifs nous inquiètent. Ses visites à l’hôpital se multiplient et c’est presque soudainement qu’il nous quitte, le 24 novembre 1986, après quelques heures seulement d’hospitalisation.
Et les visites commencèrent. Un adieu, une prière. Des gens de toutes conditions : fonctionnaires de haut rang, directeurs de banques, enseignants, cadres, mais aussi ouvrières d’usine, employés de bureau, de maison, tous ceux qu’il avait préparés au baptême, aidés dans leurs difficultés financières, encouragés et suivis dans leurs études, placés dans des institutions catholiques, visités à l’hôpital, guidés et pardonnés. Aux obsèques la cathédrale était pleine de « son peuple » et de religieux ou religieuses, car il était un prédicateur de retraites demandé. L’archevêque présidait, entouré de près de soixante-dix prêtres : le P. Meissonnier avait été de longues années directeur spirituel au séminaire préparatoire de Singapour. L’homélie fut donné par le P. de Rozario, son ancien élève et ami, de surplus son compagnon des dernières années à la cathédrale et à l’archevêché. Le Seigneur avait accédé au désir du P. Philippe Meissonnier : mourir au milieu de son peuple. Il l’avait autour de son cercueil, recevant de lui l’ultime signe de son attachement.
Et maintenant allons plus loin. Au-delà des dates et des services rendus, quels traits rendaient le P. Meissonnier à la fois spécial et attachant, parfois aussi déroutant ?
Confrère hors cadre
Quelque chose, souvent indéfinissable, surprenait toujours en lui. Quelqu’un disait : « Avec le P. Meissonnier, il faut toujours compter sur deux dièses à la clé. »
Homme intelligent, d’un intelligence intuitive, il sent et devine les choses. Souvent il apparaît ainsi plus perspicace que beaucoup d’autres.
Il a son franc-parler, dit clairement ce qu’il pense, étonne par là les autorités qui s’entendent dire des opinions que d’autres préfèrent garder pour eux. A un nonce apostolique qui déplorait le manque de vitalité de certains chefs de diocèses, il rétorque : « Mais n’est-ce point le nonce qui fait nommer les évêques ? » Dans ses rapports avec les dirigeants politiques, il s’exprime librement, nullement impressionné quand on lui dit de se taire. On lui retire même à un moment son laissez-passer de visiteur des prisons parce que certaines de ses observations n’ont pas été acceptées. Quelques mois plus tard il reprend cet apostolat, sans en devenir pour autant silencieux.
Très personnel dans ses jugements et manières de voir, il est très au courant de ce qui se passe dans l’Église, et dans la vie quotidienne, ce qui lui permet de baser son opinion sur les faits. Parmi les livres qu’il lisait les dernières années de sa vie figurait un ouvrage sur la théologie de la libération. Il est à l’aise dans toutes les situations, fidèle à son intuition première : l’annonce de l’Évangile. Souvent il se trouve mêlé à des problèmes qui en feraient hésiter plus d’un. Mais il fonce, il passe là où beaucoup échoueraient. Ceux qui le connaissent disent : « Lui seul pouvait s’en sortir ! ».
Il a l’humour pince-sans-rire, même à ses propres dépens. Lors d’un congé en France, il lui est demandé de remplacer pour un dimanche l’aumônier de l’Élysée. Cela ne l’intimide pas, mais il désire des précisions. Devra-t-il donner une homélie ? Si oui, à qui l’adresser ? au Président et son épouse, ou plutôt au personnel ? La réponse arrive, claire et taquine à la fois : « Dites au bon Père, qu’en général l’Évangile me suffit ! » Il s’agissait bien sûr du Général ! Et le P. Meissonnier souriait en racontant cet incident qui visiblement l’amusait beaucoup.
Il peut même trouver des solutions cocasses qui font les délices de ses confrères. Vers les années 80, il passait quelques jours chez un prêtre de ses amis qui, un soir n’arrivait pas à se libérer d’un groupe d’importuns qui s’acharnaient à le faire changer d’avis. À dix heures du soir, après trois heures d’absurde palabre, le P. Meissonnier, exaspéré et désireux d’aider le curé, fait son apparition dans le bureau vêtu d’un sarong et d’un tricot de peau, titubant et gémissant : « Je suis très malade, menez-moi à l’hôpital ! » Du coup plusieurs déguerpissent. Comme il voit que ça réussit, le malade s’effondre à terre : « Je vais mourir. » Débandade générale. Notre agonisant se relève et conclut : « Enfin on est tranquille, allons-y pour un bon whisky... »
Hors cadre, il l’est aussi, car il ne se trouve rattaché à aucune paroisse, ou plutôt Singapour est sa paroisse. Bien que ne sachant pas conduire, il va d’un bout de l’île à l’autre : autobus, taxi, sans compter le fréquent quasi auto-stop en sautant dans la voiture d’un confrère ou ami qui accepte de faire un détour pour le mener à sa destination. Ses multiples visites lui font garder le contact, trouver de nouveaux catéchumènes et déranger peu ou prou des pastorales paroissiales par des baptêmes préparés hors d’elle, ou des mariages pour lesquels lui seul a pu obtenir dispense. Mais ceux qui bénéficient de son zèle lui vouent une grande reconnaissance, et ses confrères bien souvent admettent que dans ces cas lui seul pouvait réussir de par son approche originale.
Fidèle à ses amitiés
Tout au long des années, Philippe Meissonnier restera très attaché à sa famille. Il en parle volontiers, et à chaque congé ne manque jamais d’aller à Cuba ou à Mexico passer quelques semaines avec son frère religieux. C’est avec tous les siens, sœurs, frères, neveux, nièces qu’il célèbre son jubilé d’or sacerdotal. Après son décès une messe à la crypte de la rue du Bac les réunit tous dans la prière. « Malgré la distance qui nous séparait toute la famille était très attachée à Philippe. Je correspondais régulièrement avec lui », écrit sa sœur.
La Société des Missions Étrangères lui est aussi très chère. Par tempérament et formation, il n’était pas l’homme du travail en équipe, il n’était pas non plus avare de critique, mais il se tenait très au courant de la vie à Paris et dans les missions. Il y connaissait de nombreux confrères ; dans la Région il aimait les visiter chez eux, plus spécialement attentif aux isolés. En voyages de congé il visitait toujours des amis ou anciens élèves dans d’autres pays. Sur la fin de sa vie il demandait souvent : « Comment va la Société ? ». L’absence de vocations pendant un temps l’attrista beaucoup. À la rue du Bac il aimait séjourner longuement et causer avec les confrères ou passagers.
Son carnet d’adresses lui sert continuellement. Il écrit beaucoup et téléphone souvent à ses anciens baptisés. Il reçoit un courrier considérable. Noël, en particulier, lui apporte cartes ou lettres. Il répond toujours, c’est pour lui une façon de continuer ce qu’il a commencé avec la préparation au baptême : la formation de la foi. Car il se veut non seulement un ami, mais un prêtre aussi. À Kuala Lumpur, à Penang, à Hong Kong, en Amérique, en Angleterre, en Australie, ailleurs encore, il a toujours des amis qui l’attendent et apprécient sa visite. Vivre ainsi proche de tant de personnes est sans doute très prenant, mais trop lourd avec l’âge. Sur la fin de sa vie il voudra encore les aider et souffrira de ne plus le pouvoir.
Qui sait et aime parler de Dieu
Épancher ses états d’âme et dévoiler sa vie spirituelle n’est pas le genre du P. Meissonnier. Il reste fidèle à la messe, au bréviaire, au chapelet que, dans sa retraite, il récite avec un confrère malade. La lecture et l’étude de l’Écriture Sainte tiennent une place importante dans sa vie, et ses catéchumènes reçoivent une formation biblique soignée. La célébration du sacrement de pénitence s’inscrit tout à fait dans sa ligne, il s’inquiète de voir moins de chrétiens se confesser. Il aide les autres à prier, prie volontiers avec les malades. Dans les dernières années, son apostolat comme aumônier du Tiers Ordre carmélitain lui tient particulièrement à cœur. Dans sa retraite il relit les livres de méditation de sa jeunesse ; tous les jours il passe de longs moments à la chapelle. Et il termine tout entretien avec ses visiteurs par un clair « que le Seigneur vous bénisse ! ». Pour lui c’est vraiment ce qu’il a de meilleur à offrir.
Faut-il en dire davantage sur notre confrère. Il n’aimerait pas : « Le silence, mon Père ! ».
Écoutons plutôt ce que l’un de nous, qui l’a bien connu, a eu la déli¬catesse d’écrire en apprenant sa mort : « Le Père Meissonnier a été, au travers de ses changements remuants un vrai et grand missionnaire. De sa famille et de son éducation à Versailles il avait hérité une foi monolithique et une droiture de conscience absolue. Très humble, rien ni personne ne pouvait intimider sa confiance en la divine Providence : il ne calculait aucun risque, il fonçait tranquillement. Il en riait lui-même après coup, en rougissant légèrement de sa sainte audace, lorsqu’on le lui représentait. Ses jugements globaux, rapides et tranchants procédaient d’une sûreté intuitive singulière, souvent vérifiée par la suite. Par son ouverture d’esprit universelle il se trouva toujours en première ligne des initia¬tives intellectuelles ou pratiques. Malgré une certaine difficulté au maniement des langues, faute d’oreille, son dynamisme foncier ne fut jamais affecté. Il ne parlait pas le tamoul ni un quelconque dialecte chinois, sa connaissance du malais resta au niveau de l’usage commun ; cependant il pénétra dans toutes les communautés et tous les milieux. Ses divers ministères lui furent suggérés par les circonstances avec une inclination marquée vers le conseil et le soutien de jeunes fonctionnaires et étudiants. C’est pendant la guerre qu’il commença à pérégriner du nord au sud de la Mission, immunisé contre la peur commune de l’occupant japonais. À Bahau il fit front activement. Ce n’était pas un broussard, mais il avait le goût ethnographique et le don des contacts avec les autorités locales. Il ouvrait les voies de façon déconcertante, tout comme il battait notre savant P. Piffaut au jeu de dames en dépit de toutes les règles mathématiques !
Tant que je vivrai, je garderai du P. Meissonnier la mémoire d’un confrère de haute élévation spirituelle et d’un admirable rayonnement moral ».
Michel ARRO
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References
[3532]MEISSONNIER Philippe (1909-1986)
Références bibliographiques
AME 1935 p. 237 + photo. CR 1935 p. 241. 1936 p. 226. 1948 p. 110. 1949 p. 148. 1950 p. 100. 1951 p. 89. 1954 p. 66. 1955 p. 57. 1957 p. 65. 1958 p. 62. 1961 p. 70. 1962 p. 84. 1963 p. 21. 1964 p. 60. 1965 p. 118. 1966 p. 161. 162. 1969 p. 127. 128. 1974-76 p. 173. AG1980-81 p. 183. 1980-82 p. 175. 1985 p. 195. BME 1934 p. 511. 1936 p. 683. 827. 1936 p. 750. 756. 1949 p. 727. 1952 p. 411. 1954 p. 683. 684. 1955 p. 57. 267. 368. 936. 1958 p. 267. 817. 822. 828. 1959 p. 268. 278. 431. 451. 656. 1960 p. 264. EPI 1963 p. 869. ECM 1947 p. 5. 42. 68. 99. HIR N° 164 p. 2. 191. EC1 N° 289. 318. 321. 446. 456. 472. 473. 654. 661. 672. 746. 756. EC2 N° 17 p. 90. 25 p. 348. 43/C2. 69/C2. 83 p. 105. 109/C2. 113/C2. 177 p. 626. 180 p. 60. 186/C2. 190 p. 321. 190/C2. 213/C2. MEM 1986 p. 91-100.