Léon DECHAMBOUX1916 - 2001
- Status : Prêtre
- Identifier : 3670
Identity
Birth
Death
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Biography
[3670] DECHAMBOUX Léon est né le 24 décembre 1916 à Villaz (Haute-Savoie).
Ordonné prêtre aux MEP le 29 août 1942, il part le 12 août 1946 pour la mission de Moukden (Chine).
Après avoir commencé l’étude de la langue chinoise, il est nommé vicaire à la cathédrale de Moukden (1949-1952).
Expulsé de Chine, il est affecté à la mission de Fukuoka (Japon).
Il y occupe le poste de Wakamatsu (1954-1968), puis il est envoyé à la maison de communauté de Hachi-Oji (1968-1982), à la paroisse de Kokura en tant que vicaire (1982-1984), et à Tenjin-machi pour y assurer un intérim (1984-1985), avant de regagner la maison commune de Hachi-Oji.
Il meurt le 20 août 2001 à l’hôpital du Kosei-Nenkin.
Obituary
[ 3670 ] DECHAMBOUX Léon, Joseph
Missionnaire
Kirin – Moukden- Fukuoka
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Le 24 décembre 1916, au matin de la vigile de la fête de Noël, et au cours de la Première Guerre mondiale, Léon, Joseph DECHAMBOUX, fils de François , cultivateur et de Bévillard Marie Françoise, son épouse, ménagère, vint au monde à Villaz, une commune de l'arrondissement d'Annecy, dans le département de la Haute-Savoie (74). Le nouveau-né fut baptisé le lendemain, 25 décembre 1916, en l'église paroissiale de Villaz, du diocèse d'Annecy. Quatre enfants, dont trois garçons et une fille, virent le jour en ce foyer d'agriculteur bien chrétien.
Ses études primaires terminées à l'école de son village natal, Léon entama le cursus des programmes de l'enseignement secondaire. Il débuta en classe de septième, en octobre 1926, au Collège St Joseph à Thônes, en Haute Savoie. Il en poursuivit et termina le cycle en ce même établissement, jusqu'à la fin de son année de philosophie, en juillet 1934. Selon le témoignage de son Supérieur du Collège, daté du 17 juillet 1934, "son application au travail a été passable, sa piété exemplaire, son caractère très bon, sa santé impeccable..".
Dans le courant de son année de Philosophie au Collège Saint Joseph de Thônes, M. Léon Dechamboux présenta au Supérieur Général des Missions Étrangères une demande d'admission au séminaire de la Société : …"Je demande donc à votre Excellence de vouloir bien m'admettre à la rentrée de septembre prochain au nombre de ses enfants. Je termine ma première année de philosophie et mon plus grand désir est de me dévouer au service du Bon Dieu dans la Société des Missions Étrangères"… Et il concluait : .."..Daigne votre Excellence me bénir et agréer l'hommage du plus profond respect et l'expression de la vive reconnaissance de celui qui aime déjà à se dire Son enfant soumis et désireux de se former sous sa haute et sage direction.." Ainsi, le 13 septembre 1934, M. Léon Dechamboux se présentait comme "aspirant" missionnaire au séminaire des Missions Étrangères deParis.
Il reçut la tonsure le 21 décembre 1935, puis, l'année suivante, fut appelé sous les drapeaux ; pendant deux ans (1936-1938), le voilà chasseur alpin, section haute montagne au 27 ème B.C.A.à Annecy, fréquentant assidûment le Foyer militaire. Plus tard, au Japon, il aimera évoquer ses longues descentes à ski de la Vallée Blanche. Rendu à la vie civile, il reprit le cours de ses études ecclésiastiques et sa préparation spirituelle à la vie missionnaire.
Mais le 3 septembre 1939 éclata la seconde guerre mondiale ; touché par l'ordre de mobilisation, il rejoignit son unité. Ce fut pour lui le temps de la "drôle de guerre" et de divers exercices militaires. Il lui arrivait parfois d'exprimer sa vive envie de revenir en ces lieux d'entraînement ; ainsi, à l'occasion d'un congé en France, il s'en ouvrit un jour, à l'un de ses confrères, missionnaire au Japon, qui fut son ami de toujours et qui nous confie : .." La guerre l'envoya au refuge Albert Ier, au pied de l'Aiguille du Tour, non loin de Chamonix. Il désirait vivement retourner au village du Tour pour revoir les alpages, les sentiers et la petite auberge où les militaires descendaient boire un verre. En 1998, au cours d'un périple dans cette région, nous y sommes allés. Les pistes de ski et les remonte-pentes avaient détérioré les alpages, et la petite auberge, cédant à la poussée des nouveaux chalets, n'était plus là. Léon fut déçu. Une brume tenace voilait l'Aiguille du Tour et son chalet d'où Léon avait surveillé la frontière franco-italienne. A 75 ans, il gravissait encore nos montagnes du même pas régulier et pacifiant des Savoyards…"
L'armistice du 22 juin 1940 le rendit à la vie civile ; il put continuer sa formation ecclésiastique. Diacre le 20 décembre 1941, il fut ordonné prêtre le 29 août 1942, au séminaire des Missions Étrangères ; il reçut alors sa destination pour le service de la mission de Kirin, (Jilin) en Mandchourie septentrionale, et fut agrégé à la Société des Missions Étrangères, le 15 septembre 1942. La guerre empêchant pour un temps tout départ en mission, il prit un ministère pastoral en France. Le 8 mai 1945, mettait un terme en Europe, au second conflit mondial ; dès lors, on pouvait envisager pour les jeunes missionnaires, un proche départ en mission. Ainsi, M. Guy Marchand, destiné à la mission de Moukden (Shenyang), MM. Léon Grosjean et Léon Dechamboux quittèrent Paris, le 12 août 1946, pour rejoindre leur mission respective, en Mandchourie .
En Extrême Orient, le 8 août 1945, deux jours après l'éclatement de la bombe atomique sur Hiroshima, L'URSS déclara la guerre au Japon ; aussitôt, de plusieurs côtés, les troupes soviétiques envahirent la Mandchourie et la Mongolie Extérieure. Le 15 août 1945, elles s'emparaient de Moukden (Shenyang); ce même jour, le Japon capitulait, et le Mandchoukouo s'effondrait. Le Japon battu, le gouvernement nationaliste chinois essaya de reprendre le contrôle de la Chine ; il se réinstalla à Nankin qui retrouva son rang de capitale. A la fin de l'année 1945, les troupes nationalistes chinoises avaient réoccupé progressivement la Mandchourie; elles firent leur entrée à Moukden, le 13 mars 1946. Quant aux forces russes, au printemps de 1946, elles avaient évacué le pays.
Mais, depuis plusieurs années, des troupes communistes chinoises se trouvaient cantonnées dans plusieurs districts de la Chine du Nord. Lors de l'agression japonaise contre la Chine, pour faire front contre l'ennemi commun, une trêve avait été conclue entre nationalistes et communistes. La victoire commune contre le Japon ayant été acquise en 1945, en Mandchourie, la brouille ne tarda pas à se mettre entre eux. Les troupes soviétiques ayant évacué Chang-chun, la capitale, le 14 avril 1946, les troupes communistes entraient dans cette ville, le 17 avril 1946, après trois jours de siège. La guerre civile entre forces chinoises communistes d'une part et nationalistes d'autre part, allait recommencer de plus belle, avec son cortège de destructions, de désordre, d'insécurité et de souffrances. Finalement, en mai 1946, le fleuve Soungari, coupait en deux la mission de Kirin (Jilin) :: au nord, une zone communiste, au sud, une zone gouvernementale. Mais cette situation restait provisoire, compliquée et combien fragile, pour faire respecter un certain "modus vivendi", malgré les efforts d'une commission tripartite, composée d'un représentant Américain, d'un Chinois nationaliste, et d'un Chinois communiste.
En attendant que cet état de choses se clarifie et se stabilise, les cinq jeunes missionnaires destinés à la Mandchourie, MM. Pascarel, Cornic, Marchand, Dechamboux et Grosjean furent dirigés sur Pékin où ils commencèrent l'étude de la langue chinoise, à l'école de langue, installée en cette ville et dirigée par les Pères Franciscains. Après avoir suivi, durant huit mois, les cours de langue, dans cette cité du beau langage, ces jeunes missionnaires gagnèrent la Mandchourie. Le 16 juillet 1947, ils furent accueillis à Moukden par M. André Vérineux, supérieur de la mission et vicaire capitulaire de l'Archidiocèse, après le décès d'abord de Mgr. Jean-Marie Blois, survenu le 18 mai 1946, à Moukden, et ensuite celui de M. Jean Beaulieu, pro vicaire, le 1er décembre 1946. Le 11 avril 1946, le pape Pie XII avait promulgué l'établissement de la hiérarchie épiscopale en Chine.
Tout en gardant l'espoir de pouvoir rejoindre la mission de Kirin, et tout en continuant l'étude du chinois, M. Léon Dechamboux devint, en attendant, vicaire à la cathédrale de Moukden. Il fut aussi un professeur d'anglais très apprécié dans l'école secondaire de l'archidiocèse de Moukden laquelle venait de rouvrir ses portes en cette ville avec environ 300 élèves.
Dans un bref compte-rendu de 1948, décrivant l'état de la Mission de Kirin (Jilin), on peut lire : …"En avril 1948, la vague rouge avait complètement submergé son vaste diocèse (celui de Mgr. Gaspais). La plupart des postes ont été dévastés, des chrétientés littéralement saccagées, des résidences expropriées, des églises désaffectées, les écoles licenciées, immeubles et biens confisqués, partout, pour ainsi dire le ravage et la ruine…"
Par un décret de la S.C. de la Propagande, en date du 14 juillet 1949, Rome démembra l'archidiocèse de Moukden qu'elle confia au clergé chinois avec, à sa tête, son Exc. Mgr. Ignatius P'I Shushi, et en même temps, créa le nouveau diocèse de Yingkow, ville et port de mer, dont Mgr. André Vérineux était nommé le premier évêque. Malgré ses nombreuses démarches auprès du nouveau pouvoir en place, ce dernier n'obtint jamais l'autorisation de gagner son diocèse. A cette date, M. Grosjean était vicaire à la cathédrale de Moukden et M. Dechamboux curé de Leoa-Yang.
En 1951, toutes les démarches étant restées infructueuses, il était donc impossible pour l'évêque et ses missionnaires de se rendre dans leur nouveau diocèse. Retenus par les autorités communistes, dans la ville archiépiscopale de Moukden où Mgr. Ignatius Pi et une dizaine de prêtres chinois étaient déjà prisonniers, ils furent enfin expulsés après détention et jugement par conseil de guerre. Ne seraient ils pas des "espions" ? Ainsi le 22 octobre 1951, arrivaient à Hong-Kong : Mgr. Vérineux, et MM. Peckels, Pérès, Pascarel, Dechamboux et Cornic.
M. Léon Dechamboux venait de passer cinq années en Chine, des années fort enrichissantes. .."De son séjour chinois, rapporte un de ses confrères du Japon qui fut son ami, il conservera une chose précieuse : son goût pour les "caractères" chinois. Souvent, je lui ai envié le don qu'il avait de tracer un beau "caractère" . C'est ainsi que 5 ans de Chine le préparèrent à 50 ans de Japon.." A la fin d'un bon repas, il lui arrivait de raconter quelques anecdotes, souvenirs de ses premières années de mission en Mandchourie. Ce même confrère ami nous en livre une parmi d'autres :…" Le charbon abondait en Mandchourie, pourtant l'hiver il faisait très froid dans les chambres. Chaque missionnaire avait droit, le matin, à quelques pelletées d'anthracite. En quelques heures, elles partaient en fumée. Malgré ses origines savoyardes, Léon n'aimait pas le froid. Mais il ne se laissait jamais prendre de court. Du matin au soir, s'échappait de la cheminée de son bureau un mystérieux filet de fumée noire. Le procureur qui n'était pas aveugle, questionna Léon : " Votre cheminée fume à longueur de journée, où trouvez vous tout ce charbon ? " Réponse innocente de l'accusé : "Comment ? Ma cheminée fume ? C'est curieux ! Mais je vais me renseigner, attendez ! " Longtemps après, Léon nous avoua la vérité : "J'avais un bon copain parmi les "boys" de l'évêché, grâce à lui, et à quelques petites pièces…, mon poêle était toujours bien garni" . Déjà, tout Léon était là en germe…"
A présent une nouvelle tranche de sa vie commençait. Après un temps de repos à Hongkong, MM. Léon Dechamboux et Jean Pascarel reçurent une nouvelle destination : le Japon pour le service du diocèse de Fukuoka, au Kitakyushu. Partis ensemble de Hongkong, le 13 janvier 1952, tous deux furent accueillis au Kitakyushu par M.François Drouet, Supérieur local et responsable de la maison de la communauté Mep, construite à Hachiôji, au centre du vicariat forain confié aux Missions Étrangères. Sous la direction du Supérieur, ils se mirent donc à l'étude de la langue japonaise. Ils trouvèrent là des jeunes confrères, étudiants en langue ; puis, des missionnaires expulsés de Chine par le nouveau régime politique les y rejoignirent. Dans cette maison, tout le monde s'appliquait à l'étude du japonais, mais les confrères "chinois" avaient l'avantage de connaître les caractères chinois, ce qui les favorisait dans l'étude de la langue nippone .
En janvier 1953, tout en continuant l'étude de la langue, M.Léon Dechamboux planta sa tente à Kokura, le temps d'un stage ; quelques mois plus tard, les deux jeunes anciens de Mandchourie, lui-même et M. Jean Pascarel, son socius, se fixèrent à Wakamatsu, un port qui depuis toujours a commercé avec la Corée. Au bout d'une année environ, son compagnon et ami partit à Tokyo pour y continuer ses études linguistiques.
En mai 1954, M. Léon Dechamboux était heureux de présenter à son évêque Mgr Dominique Senyemon .Fukahori, 76 néophytes qu'il avait préparés à la Confirmation. Le 5 août 1954, il avait la joie de conduire à Wakamatsu, Mgr. Charles Lemaire, Supérieur Général des Missions Étrangères en visite au Nord Kyushu. Il lui expliqua quel était son travail pastoral dans sa paroisse, lui faisant visiter son presbytère, son église, son école de couture et son jardin d'enfants qu'il venait d'agrandir. Il assurait un cours de catéchisme à l'intention des enseignants et des mamans qui lui confiaient leurs enfants. Il voyait déjà en rêve le jour où il pourrait avoir un nouveau jardin d'enfant amplifié avec une église uniquement consacrée au culte et non plus partagée avec les travaux de l'école de couture.
Une dizaine d'années avaient passé depuis son premier départ en mission. Remettant sa paroisse entre les mains de M. René Roullier, son confère de Yahata, et procureur de la mission, M. Léon Dechamboux prit son premier congé régulier en France où il arriva le 14 février 1957. Il reprit le chemin du Japon le 8 août 1957, et retrouva son poste de Wakamatsu.
Mr. François Drouet avait mené à bonne fin deux mandats successifs de trois ans chacun comme supérieur local de la communauté missionnaire de Kitakyushu. Le 3 mai 1958, M. Léon Dechamboux, prenait la succession de ce dernier, tout en restant curé de Wakamatsu. Débutant dans ses nouvelles fonctions, il était heureux d'annoncer à ses confrères, que le Supérieur Général venait d'affecter au diocèse de Fukuoka deux jeunes missionnaires : MM. André Bertrand et Julien Gayard. Il eût la joie de les accueillir le 16 août 1959. Son premier mandat achevé, il fut reconduit dans cette fonction, le 4 mai 1961.
Supérieur local, il était attentif aux joies, aux difficultés et aux besoins matériels et spirituels de chacun de ses confrères. On se retrouvait pour les réunions du lundi, "entre nous", retraites du mois avec un programme soigneusement établi. M.Léon Dechamboux se tenait plus particulièrement à l'écoute des jeunes missionnaires, nouvellement entrés dans le ministère pastoral. L'un de ces derniers témoigne : .." A cette époque, je faisais mes débuts, comme vicaire dans une paroisse voisine . Chacun sait qu'à la sortie de l'école de langue, les premières années sont souvent difficiles. D'un lundi à l'autre, je peinais à rester seul en compagnie du même curé, orateur brillant et grand baptiseur. Léon le sentait et me répétait que sa porte m'était toujours ouverte. J'en profitais. Le mercredi soir, à l'heure du repas, j'allais bavarder avec lui, le temps de boire un verre de bière. Il ne sut jamais combien cette' bière hebdomadaire, bue ensemble, m'a aidé à doubler le cap des premières années. Je ne suis certainement pas le seul à lui devoir ce précieux secours…"
A Wakamatsu, en 1960, M. Léon Dechamboux venait enfin de réaliser l'un de ses projets qui lui tenait tant à cœur .: refaire à neuf son centre paroissial. Celui-ci se composait d'une belle église uniquement destinée au culte divin, d'une école de couture et d'une école enfantine qui formait un bloc complètement séparé Ces nouvelles bâtisses avaient été reconstruites à quelques centaines de mètres de leur ancien emplacement destiné à devenir une route. La première tranche des travaux était enfin achevée, et la facture réglée. Le 17 décembre 1960, Mgr. Dominique Senyemon Fukahori vint bénir ces nouveaux locaux . Monsieur le Maire, qui était un ancien condisciple de Mgr. l'Évêque à l'Université, et avait apporté une aide précieuse au Père pour l'arrangement des affaires, assistait à la cérémonie de bénédiction et à la fête d'inauguration comme hôte d'honneur.
Il restait encore le presbytère à construire; c'était la seconde tranche des travaux prévue pour plus tard. Mais le dimanche 15 janvier 1961, au commencement de l'après-midi, des enfants qui jouaient devant l'église vinrent prévenir la Père que de la fumée sortait par la toiture. Celui-ci se précipita dans son église : elle brûlait à l'intérieur des murs. Il ne lui restait plus qu'à appeler les pompiers.
Le chroniqueur de la Mission raconte :…".Cet hiver bat un record du nombre d'incendies : aux jours les plus froids on en a compté une moyenne de un par heure dans notre préfecture de Fukuoka. .Il faut d'ailleurs reconnaître que la bâtisse style japonais appelle le sinistre. Extérieurement, nos maisons semblent construites en béton, en fait les murs se composent de deux légères parois de pisé enduites de ciment pour le dehors et de plâtre pour le dedans, montées sur une armature de bois et de bambou et séparées par un espace vide, véritable cheminée d'appel d'air. A la moindre étincelle tout flambe du bas en haut en un instant.
Les pompiers arrivèrent donc ;. déjà le tiers du bâtiment était endommagé, le plafond tombé, les tuiles éclatées. Les torrents d'eau des puissantes pompes éteignirent le feu tout en détériorant le reste. Pendant que les décombres fumaient encore, le curé eut à subir les formalités d'usage ; d'abord l'enquête de la police, il fallut donner de longues explications sur la cause présumée du sinistre, probablement l'encensoir qui avait servi au salut du Saint Sacrement. La séance dura deux heures, ensuite les voisins vinrent apporter leurs condoléances accompagnées de petits cadeaux destinés à faire passer les idées noires. Dans la suite, le sinistré devra rendre la politesse en allant présenter ses excuses pour le trouble causé dans le quartier.
Quand tout cela prit fin, le Père de nouveau en campement dans son école maternelle sentit ses yeux s'emplir de larmes, puis vite, le courage revint ; entrepreneur et charpentiers ont repris le travail et le curé devra faire de nouveau la quête…" Les ruines furent bien vite relevées, car le 21 mars 1961, Mgr.Dominique Senyemon Fukahori bénissait une seconde fois l'église de Wakamatsu restaurée après l'incendie du 15 janvier précédent..
En 1961, les demandes d'admission de bambins au jardin d'enfant de Wakamatsu affluèrent si nombreuses que M. Léon Dechamboux se vit obligé de construire et d'ouvrir une nouvelle classe et d'acquérir un "microbus" pour le ramassage et le retour à domicile de ses élèves des quartiers éloignés. Au dire de l'un de ses confrères qui était son ami : ..."Il conduisait lui-même l'autocar du Jardin d'enfants. Certes, il aimait beaucoup tenir le volant, mais surtout cela lui permettait de connaître les parents qui venaient aux points de ramassage. Son sourire et sa bonne humeur le rendirent célèbre dans tout Wakamatsu.."
En 1962, décision gouvernementale fut prise de réunir les cinq villes du Nord Kyushu: Moji, Kokura, Wakamatsu, Yahata et Tobata devenues arrondissements, en une seule ville dénommée Kita-Kyushu. Ensemble urbain surtout industriel, celle-ci, avec plus d'un million d'habitants devenait la septième ville du Japon. Elle constituait la partie essentielle du district forain où travaillaient les confrères ; au centre de ce secteur, à Hachiôji, était déjà établie la maison locale de la communauté missionnaire.
En 1964, arrivé au terme de son second mandat de Supérieur Local, M. Léon Dechamboux passa le relais à M.Claude Bastid, curé de Tobata. Quant à lui, à Wakamatsu, il était toujours très pris par son travail pastoral, ses catéchumènes, la mise en application des orientations conciliaires, surtout au plan de la liturgie, le jardin d'enfants, l'école maternelle, l'école de couture, la formation des enseignants, des catéchistes, son groupe d'étudiants dont l'effectif était en augmentation et quelques autres activités inter paroissiales. Il savait l'importance apostolique des jardins d'enfants. Grâce à eux en effet, l'Eglise Catholique était connue dans les milieux non chrétiens du Japon.
En 1966, dans le Nord Kyushu, la récession amorcée depuis trois ou quatre ans, continuait. Les grandes usines de Kitakyushu n'embauchaient plus. Elles opèraient des réductions de personnel. Décision avait été prise de ne pas moderniser la vieille fonderie de Yahata où travaillaient 35.000 personnes, mais de fonder deux nouvelles usines ;l'une à Osaka, l'autre en banlieue de Tokyo. Des petites entreprises faisaient faillite. Il s'ensuivit donc un exode des jeunes principalement vers les régions où les salaires étaient meilleurs, et où semblait assurée la sécurité de l'emploi. Naturellement, cet exode affectait un certain nombre de paroisses du diocèse, et entraînait le déplacement de travailleurs chrétiens., Ainsi, à Wakamatsu, M. Léon Duchamboux constatait cette année là, le départ d'une vingtaine de chrétiens. Bien que sa paroisse ne comptât alors que 343 fidèles, il intensifia son action pastorale auprès de ses dix catéchumènes, ainsi que dans le domaine scolaire, et les groupes d'étudiants.
En 1969, à sa charge curiale, il ajouta celle de procureur du district forain, succédant à M. René Roullier malade qui exerçait cette fonction avec grande compétence, depuis la fin de la guerre. L'évènement le plus marquant en 1970, fut la nomination à l'évêché de Fukuoka de Mgr. Pierre Hirata, originaire de la préfecture de Fukuoka, et premier évêque du diocèse de Oîta. Il prenait la succession de Mgr. Dominique Senyemon Fukahori démissionnaire en raison de son âge. La première tâche du nouvel évêque fut de mettre en place des structures diocésaines conformes aux décisions et orientations du Concile Vatican II. Sans tarder un Conseil Presbytéral de 17 membres vit le jour. Les MEP y furent représentés par leur supérieur local et par son assistant, M. Léon Dechamboux, élu par tous les confrères du district forain.
Après avoir confié en interim sa paroisse à M. Michel Renou, encore étudiant en langue à Tokyo, M. Léon Dechamboux prit quelques semaines de congé en France où il arriva le 1er juillet 1970. Le 7 septembre 1970 il repartait au Japon, retrouvait Wakmatsu et sa communauté de 378 chrétiens, Tout à tous, il s'adonnait de nouveau à ses multiples activités : travail pastoral, chauffeur d'autobus, directeur de jardins d'enfant, prédicateur, animateur spirituel de différents groupes de jeunes, procureur du district forain, conseiller du responsable du groupe missionnaire, membre du Conseil presbytéral et du Conseil épiscopal, puis vice-régional…Longue énumération de responsabilités ! Tout cela n'était sans doute pas sans lui donner quelques soucis, en plus, il devait aussi surveiller sa santé, -mais il savait faire face !
Le 20 décembre 1975, M. Emilien Milcent ayant démissionné de sa charge de Supérieur Régional du Japon, il revint à M. Léon Dechamboux, vice-supérieur régional d'organiser des élections pour le choix d'un nouveau Régional. Le Supérieur élu fut M. Jean-Paul Bayzelon et M. Léon Dechamboux son deuxième conseiller régional. Puis, après quelques semaines de repos en France, en juillet-août 1976, ce dernier, était nommé, à son retour au Japon, responsable du groupe missionnaire du Kitakyushu. Il succédait à M. François Toqueboeuf dont le mandat se terminait le 15 décembre 1976.
En janvier 1978, M. Léon Déchamboux remettait entre les mains de M. Michel Bonnet, sa paroisse de Wakamatsu, pour prendre en charge pastorale la communauté chrétienne de Hachiôji. Il fixa sa résidence à la maison locale Mep toute proche. Il la restaura et la réorganisa complètement. L'un de ses confrères qui était son ami nous donne le témoignage suivant : .." Que dire des 25 ans vécus après son départ de Wakamatsu ? Il résida principalement à la maison locale Mep de Yahata. Il en était l'âme et en faisait le charme. Le nombre de confrères qui apprécièrent son accueil chaleureux ne peut pas se compter. Il était toujours prêt à conduire ses visiteurs –souvent en un temps record- à Nagasaki, au Mont Asso, aux îles d'Amakusa, sur les pas de nos anciens confrères. Lorsqu'il commença à peiner pour conduire lui-même sa voiture, il passait volontiers le volant ou il la prêtait tout bonnement…"
A ce sujet, le chroniqueur du groupe missionnaire écrit dans "Les Echos de la Rue du Bac", en janvier 1979 : …" Depuis l'arrivée de ce dernier [ M.Léon Dechamboux] sur le terrain, la maison {locale Mep] connaît une animation qui fait l'heureuse surprise de tous les visiteurs. Nos anciens missionnaires à la retraite s'y trouvent rassemblés en une communauté joyeuse et débordante de vie spirituelle. Deux frères de Taizé sont venus récemment la visiter. Elle est composée tout d'abord de nos deux grands habitués : le P. Drouet, 91 ans et le P. Bonnecaze, 85 ans auxquels vient de d'adjoindre le P. Jules Bertrand, 81 ans…..Pour en revenir à notre maison MEP, signalons qu'un autre octogénaire est venu se joindre au groupe. Il s'agit de Mgr.Fukahori, 85 ans, ancien évêque de Fukuoka, qui, pour une période indéterminée se trouve parmi nous. Certes, il n'est pas membre de notre Société, mais c'est un honneur et une joie pour nous tous de pouvoir bénéficier de sa présence, car c'est un fils spirituel de notre chère Société…"
Son mandat de Responsable du groupe du Kita-Kyushu expirant en décembre 1979, M. Léon Dechamboux passa le relais à M. André Bertrand qui entra en fonction le 15 décembre 1979. Quant à lui, il allait faire équipe à Kokura-Centre, avec M. Claude Bastid et deux prêtres japonais. .." La seule chose qu'il lui [M.Léon Dechamboux] soit impossible de faire, nous rapporte le chroniqueur du groupe, c'est de refuser un service. Toujours directeur de l'école maternelle de Wakamatsu, il est détaché à la paroisse de Kokura où Il collabore à la préparation des mariages et à leur célébration ainsi qu'à diverses activités comme les réunions de quartier, les funérailles etc.. De plus aumônier depuis le longues années des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, il ne chôme pas….Il est souvent sollicité de droite et de gauche pour piloter à travers le Japon et parfois même à l'étranger des personnes de différentes nationalités…" Ainsi, le vit on, un jour, débarquer en Nouvelle Calédonie, à la tête d'un groupe de jeunes japonais. Ces derniers venaient visiter le territoire, particulièrement la région de Canala et Thio, où avant la seconde guerre mondiale, étaient implantés certains de leurs aïeux venus travailler dans les mines de nickel de cette région. Un ossuaire imposant de travailleurs japonais et asiatiques se trouve dans le cimetière communal de Thio. Dans ce territoire d'Outre-Mer, plusieurs immigrés japonais y avaient fondé une famille que la guerre avait disloquée ; mais des contacts s'étaient renoués entre la descendance calédonienne et les "cousins" du Japon. M. Léon Dechamboux servait parfois d'interprète traducteur pour les échanges épistolaires.
En avril 1985, cédant sa place à un jeune prêtre japonais, il quittait la paroisse de Kokura, et était nommé curé de Tenjin, une petite paroisse proche de Yahata, et située tout près de la sortie de l'autoroute. Tout en assurant la direction du jardin d'enfants, un catéchiste l'aidait aussi pour le travail pastoral, ce qui lui laissait quelque temps libre pour mettre son dévouement au service des confrères du groupe ou de passage.
En avril 1986, il rejoignait la maison commune Mep à Hachiôji dont il fut nommé responsable et animateur. Économe local du groupe missionnaire, il y établit sa résidence tout en assurant le service pastoral de la "communauté quasi-paroissiale" du lieu, et la direction du jardin d'enfants qui y était attaché. En 1990, Mgr. Hirata était atteint par la limite d'âge. Mgr. Matsunaga Hisajiro lui succéda à la tête du diocèse de Fukuoka. Le nouvel évêque procéda à un regroupement de paroisses. C'est ainsi que, à Pâques 1995, la quasi-paroisse de Hachiôji fut supprimée ; les fidèles furent invités à rejoindre une des paroisses voisines de leur choix. Tout en gardant ses fonctions ordinaires à la maison locale Mep ainsi que la direction du jardin d'enfants de Hachiôji, M. Léon Dechamboux, toujours prêt à rendre service, à "dépanner un confrère", y ajouta celles d'aumônier et de confesseur de plusieurs couvents de religieuses. Au cours de l'année 1995, la maison locale Mep ouverte à tous, en vue de favoriser rencontres et relations entre prêtres, fut profondément restaurée et modernisée. A cette date, trois confrères y logeaient en permanence.
L'âge limitait progressivement les capacités de M.Léon Duchamboux. En 1998, il céda la direction du jardin d'enfants, mais continua les partages d'Évangile avec les enseignantes, ainsi que la catéchèse à quelques adultes, et la célébration de la messe quotidienne pour les Religieuses de l'école Meiji. Peu avant d'être hospitalisé, en 2001, il passa les comptes à son successeur. Mais à présent laissons la parole à l'un de ses confrères qui fut son ami, et qui témoigne : …" Mais la fin approchait. Il la pressentait. Comme il ne connaissait pas l'extrême pointe Nord du Japon au Hokkaido, il voulait y aller. L'été 2000, Aymeric de Salvert s'offrit spontanément à le guider. Bien sûr, son inévitable compagnon, Claude Bastid, le suivit. Il avait pu apercevoir les côtes de Sakhaline et même, disait-il, de la Sibérie. Ce fut son dernier voyage. Il en projetait d'autres, sous d'autres cieux, en 2001. Malheureusement , sa santé ne suivit pas.
Premier séjour à l'hôpital, au mois de janvier [2001], pour des examens. Il ne perdait pas l'espoir de se rétablir et gardait un appétit assez robuste pour apprécier pain et fromage français, arrosés du champagne que deux confrères de Kobé lui apportèrent. Il sortit heureux de l'hôpital. Ce ne fut qu'un bref répit. L'eau continuait de s'accumuler dans les tissus organiques et il grossissait. Au mois d'avril [2001], deuxième hospitalisation. Léon prévut que c'était la dernière. Elle fut douloureuse. Entre temps, son frère Émile mourut. Je le lui annonçai. Léon me dit simplement : "Il est libéré, lui ! " Il demanda qu'on tourne son lit face à la fenêtre de façon qu'il puisse voir le ciel et la montagne. Jour après jour, ses forces et sa vitalité l'abandonnaient. Tous les jours, nous allions le voir, l'après-midi. Quelques paroles échangées en souriant ; des silences ; deux ou trois biscuits accompagnés de fromage ou de pâté, avec un peu de Chablis ou trois gouttes de whisky. La communication devenait difficile. Quand la lucidité revenait, c'était toujours pour nous dire : "Ça va bien, pas de problème."
Le 19 août [2001], j'allais le voir vers quatre heures de l'après-midi. Il dormait, les yeux grand ouverts sur la montagne. Sa conscience revenant, je lui dis : " Léon, tu boiras bien un petit verre de Chablis ? " Il hésita quelques instants, puis accepta. Nos verres s'entrechoquèrent. Ce fut la dernière fois. A six heures, je le quittai. De nouveau, ses grands yeux bleus étaient ouverts sur la montagne colorée par le soleil couchant. Je ne pensais pas que, le lendemain, se lèverait pour lui le soleil éternel. Louis Bellion fut appelé à son chevet pendant la nuit. Ils échangèrent encore quelques mots. Le matin à 9 heures, nous recueillîmes son dernier soupir … Léon, Arvi !.."
Ainsi, le 20 Août 2001, M. Léon Dechamboux s'éteignait à l'h'ôpital de Kurosaki. Ses obsèques furent célébrées en l'église paroissiale de Kokura.
Et pour conclure, voici un ultime témoignage : "Celui que nous appelions tous "Léon" a rejoint la maison du Père. Nous avions joyeusement fêté ses 84 ans, à la Noël de l'an 2000, pensant bien rééditer la même fête en 2001. Le Seigneur lui préparait une plus belle fête. Il lui donna la grâce de vivre, dans la souffrance, les huit premiers mois du troisième millénaire, mais le matin du 20 août, Il jugea que l'heure était venue de mettre un terme à plusieurs mois d'une douloureuse hospitalisation.. Dire que Léon nous a quittés ? Non, car sa présence au sein du Père le rend plus proche de nous. Sa bonté, non pas légendaire, tant elle était réelle et de tous les instants, continue d'agir avec encore plus d'intensité…..
…Sa bienveillance et son optimisme inébranlable lui avaient acquis d'innombrables amis. J'ai relu l'opuscule que la paroisse de Wakamatsu a rédigé pour perpétuer son souvenir. Plus de vingt témoignages ont été collectés : l'unanimité est impressionnante. Léon savait accueillir, c'était son charisme. Toujours optimiste, toujours de bonne humeur et disponible. "Pas de problème ! Tout ira bien ! ", c'était son expression favorite. Qui ne l'a pas entendue, et n'en a pas été réconforté ? Ses amis se pressèrent à l'église de Kokura lors de ses funérailles. Chacun lui offrit, avec émotion, une dernière fleur blanche, selon la coutume, fleur du souvenir, de la reconnaissance…"
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Novembre 2005-