Jean DES POMMARE1916 - 2008
- Status : Prêtre
- Identifier : 3743
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Birth
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Biography
[3743] DES POMMARE Jean est né le 15 janvier 1916 à Saint-Martin-Boulogne (Pas-de-Calais).
Ordonné prêtre aux MEP le 16 mars 1946, il part le 5 novembre suivant pour la mission de Anlung (Chine).
Après l’étude du chinois à Kweiyang, il est envoyé à Lanlong (1947). Il est ensuite chargé des postes de Wangwo et de Tsehen (1948-1951).
Expulsé de Chine par les communistes en 1951, il est affecté à la mission de Pondichéry (Inde). Il est chargé de la pastorale à la paroisse Notre-Dame-des-Anges jusqu’en 1961.
De retour en France, il est incardiné au diocèse d’Évreux. Il travaille alors à Ménilles (1961-1981) puis à Évreux (1981-1986). Il se retire ensuite à Croisy-sur-Eure, où il est aumônier des sœurs passionistes.
Il meurt le 6 avril 2008, à Saint-Denis, chez les Petites Sœurs des pauvres.
Obituary
Père Jean des POMMARE.
( 1916 – 2008 )
Jean-Marie Albert des POMMARE de BOURDEMARE est né le 15 janvier 1916 à St Martin les Boulogne, dans le département du Pas de Calais. Ses ancêtres appartenaient à une famille normande, originaire du pays de Caux. Son père, Guillaume des Pommare était inspecteur d’assurances. Sa mère, Marie-Thérèse de Roussel de Préville eut 7 enfants, 5 garçons et 2 filles. Jean est baptisé le 21 janvier dans l’église Saint Martin où ses parents avaient été mariés le 29 avril 1905. Il fait ses études à l’école St Joseph où il reçoit le sacrement de confirmation le 16 juin 1923. Il les continue au petit séminaire de Beaupréau où il obtient le baccalauréat puis demande à rejoindre le séminaire de vocations d’aînés Notre Dame de Lourdes et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Saint Jean les deux Jumeaux, mieux connu sous le nom de Changis, le village de l’autre côté de la Marne, où se trouve une gare SNCF, sans doute pour y parfaire son latin et faire l’année de philosophie universitaire.
Dans une lettre du 30 avril 1934, le supérieur donne son appréciation : « Les notes de français et de philosophie sont plutôt faibles mais celles de latin sont meilleures. Dans l’ensemble nous pensons, mes confrères et moi, que monsieur des Pommare pourra faire un bon missionnaire et nous n’avons pas constaté de défauts sérieux qui s’opposent à son admission ».
Jean sollicite son admission aux Missions Etrangères de Paris en ces termes : « Excellence (Mgr de Guébriant) c’est un de vos enfants qui vient vous demander de bien vouloir l’accepter au nombre des aspirants missionnaire et faire entièrement partie de la grande famille qu’est la Société qui a déjà tant fait pour moi ». Il est admis le 14 septembre 1934, en la fête de la Croix glorieuse.
En 1937-38, il accomplit son service militaire à Evreux, au 7ième régiment de chasseurs. Mobilisé à la déclaration de guerre en 1939, il est fait prisonnier et envoyé en Allemagne. Il sera libéré le 27 janvier 1943. L’aumônier de l’oflag VIII F, l’abbé Denis Marius certifie que : « l’abbé Jean des Pommare, durant son séjour du 17 septembre 1940 au 27 janvier 1943, a toujours donné un exemple à ses camarades et a toujours eu une piété et une conduite digne d’éloges ».
Il reprend ses études. Son curé de la Croix St Leufroy fait aussi son éloge dans une lettre du 25 avril 1944 : « Le jeune homme m’a semblé être bien dans sa vocation et a toujours donné depuis son retour, des marques de grande piété, fréquentant assidûment les sacrements et venant à la messe 2 fois par semaine et y communiant, avant la rentrée d’octobre au séminaire ».
Jean est ordonné diacre en décembre 1945 et prêtre le 16 mars 1946. Il reçoit son affectation pour la mission d’Anlong en Chine. Cette promotion compte 24 partants. Le départ de Marseille a lieu le mardi 5 novembre sur un vieux bateau « le Maréchal Joffre » en 4ième classe « complètement en avant, vous descendez presque en bas, 2,3 étages, enfin notre home. Pas de hublots car nous sommes sous la ligne de flottaison, nous sommes complètement dans la pointe…….quatre couchettes superposées, au dessus de moi 2 personnes et en dessous, une couchette vide…..A 17h 3O précises, nous nous éloignons avec grâce et lenteur et au bout de quelques centaines de mètres, le remorqueur nous lâche, persuadé que le Maréchal est assez fort pour voguer seul. Puis 2 coups d’adieu poussés par les sirènes et adieu Marseille, adieu la France et tant d’ objets chers».
Jean raconte toutes les péripéties de ce voyage dans un journal de bord. Parmi les passagers, principalement des militaires, il y a une trentaine de prêtres. Nuit infernale sur la Méditerranée, l’avant du bateau sortait de 16 mètres de la ligne de flottaison ! Après des escales à Djibouti, Colombo, Singapore, les voyageurs sont à Saigon le 29 novembre et le 11 décembre à Hongkong où Jean apprend le décès de sa tante Elisabeth.
CHINE (1946- 1951)
Dès le 14 décembre, c’est le départ pour Canton puis Kweiang « le premier contact avec la vraie Chine….. je m’attendais à tout mais cependant le premier réflexe fut un haut le coeur. Il en fut de même pour mes autres confrères ». Ils partent avant le Nouvel An chinois, le 20 janvier, temps où les pirates redoublent leurs exploits. « Premier soir, arrêt devant une auberge ; pour des Européens on avait choisi le mieux. Que devaient être les autres ? Genre de paillotes en bambous, divisées en petites cellules avec bas flancs en papier ; à l’extrémité, dans une stalle semblable à la nôtre, plus solide : une douzaine de cochons et à côté, ce qu’on pourrait appeler des cabinets, peu, très peu compliqués car en Chine on fait facilement ça en public…..on y passa cependant une bonne nuit, réveillé de temps à autre par de bruyantes bagarres de rats ».
Ils arrivent enfin à l’évêché d’Anlong puis après une huitaine de jours, commencent l’école de langue prés du petit séminaire. « Les premiers contacts ne m’enchantent guère mais tous nous avons la même répugnance. La grosse difficulté réside dans les caractères à retenir, caractères qui se traduisent en lettres françaises et auxquelles on ajoute un ton haut, bas, montant, descendant ». Une trentaine de petits Chinois essayent de comprendre leurs phrases ! « J’en fais sept heures par jour et même la nuit en dormant : de quoi devenir fou ou du moins perdre mes derniers cheveux ! ».
Une vie spartiate à 1.300 mètres, sur des montagnes déboisées où règnent brouillard et humidité pendant 5 mois d’hiver. Régulièrement Jean écrit à ses parents, partageant avec eux ses découvertes « C’est sans doute pour un coolie que je passe aux yeux des Chinois quand ils apprennent que j’ai été 7 ans soldat. Ici soldat signifie pauvre paysan devenu brigand et finissant déserteur ». Il subit les méfaits de l’acclimatation (maux d’estomac, coliques).
« La plupart des missionnaires ont connu cela ; ça dure 3 ou 4 mois quelquefois. Notre évêque en est affligé depuis son arrivée. Seule sa rentrée en France pour la guerre de 1914 lui a réussi et dés son retour ça a recommencé !....Les moustiques attaquent dur en ce moment bien qu’il ne fasse pas terriblement chaud. C’est d’une humidité incroyable. Tout moisit, bréviaire, habits, chaussures ».
La vie de Jean ressemble un peu à sa vie de prisonnier en Allemagne mais le moral a bien des points pour se raccrocher : le sacerdoce, des confrères épatants, un confort et une propreté grandement supérieurs sans parler de la nourriture.
« Mon sermon de l’Epiphanie est au point maintenant ; j’ai tenu à le composer entièrement sans bouquin. Je potasse aussi le catéchisme entre temps pour être apte à confesser le plus tôt possible…. ».
Il achète un cheval nommé « Embusqué ». Un jeune homme Dioï s’occupe à le soigner ; il se débrouille bien en chinois : « Avec lui je fais de longues conversations ; le dictionnaire, des gestes et ma pauvre science font qu’on arrive à se comprendre. Aussitôt que l’on commence à parler avec les païens, leur première question est : « Est-ce que vous aimez la Chine » ? Ils ont dans l’idée que les Blancs sont des oppresseurs venus manger leur riz ou faire du commerce ».
Son ami, le père Alain Van Gaver, est arrivé dans la mission au mois d’août 1947. « L’étude de cette langue est pénible et on voit arriver la fin du stage avec un peu d’anxiété. Se lancer dans la bagarre avec un si léger bagage me laisse rêveur. C’est pourtant là et non dans les livres qu’on apprend à parler. Monseigneur Carlo qui a l’habitude des difficultés des jeunes trouve que je me débrouille suffisamment pour aller en poste ; il est probable qu’il ne tardera pas à m’y envoyer ».
En janvier 1848, il est nommé à Wang-Moû comme vicaire du père Jean-Baptiste Malo, un Nantais un peu bourru et peu causeur. Il lui faut apprendre une autre langue, parlée par les tribus Dioî. Le mercredi de Pâques, en compagnie du père Nénot, il se met en route pour son poste, une étape de 53 Kms jusqu’à Toi-Hen. « J’organisais mon temps de la sorte : 2 heures à cheval, une heure à pied. Au bout de quelques kilomètres, la conversation avec mes gens avait épuisé toute ma matière cérébrale ; je me mis à deviser avec le Bon Dieu qui lui, au moins, comprend ma langue maternelle. Méditation, rosaire, enfin tout un programme du haut de ma bête, devaient me faire paraître le temps moins long. Ajoutez à cela l’étude de mon vocabulaire chinois et mon mal était pris en patience. Des bêtes, combien j’en avais ? Trois je crois et autant d’hommes plus mon cheval dont je m’occupais moi-même. Cette route je l’avais faite en jeep un jour avec un Américain perdu dans notre brousse. Une heure et demie avait suffi. Là un minimum de 10 heures était requis ».
Wang-Moû est une petite ville, bâtie dans une boucle d’une rivière qui, à la saison des pluies, arrache tout sur son passage. Les brigands sont les maîtres de la région et, en 10 ans, l’ont brûlé en partie, deux fois. Ces bandes semi communistes ‘hors-la-loi’ trouvent refuge dans les montagnes de 3 provinces proches d’Anlong, les inondent de prospectus et d’inscriptions genre : « Nous venons délivrer le peuple de la servitude, abolir les taxes, permettre de cultiver l’opium ». Les quelques dizaines de soldats du mandarin, représentant le gouvernement, sont incapables de les arrêter. Pourchassés, ils se cachent dans les montagnes puis reviennent en force. Ils occupent le presbytère et chassent le père Malo qui est recueilli par un brave païen pendant 8 mois ; d’autres lui tirent la barbe et le menace de mort car ils le considèrent comme un espion ! Le père Jean vient tenir compagnie à son curé, l’aide à tenir le coup dans ces épreuves. La chronique du diocèse pour l’année 1948-49 signale que la mission n’est pas encore soumise au régime communiste mais qu’elle a beaucoup souffert des incursions des brigands.
Le 7 juillet, les pères Malo et des Pommare eurent tout juste le temps de quitter leur résidence, sous une pluie diluvienne ; pour comble d’infortune, les torrents et rivières débordés les obligèrent à passer deux nuits sur la montagne. Ce ne fut que le troisième jour d’une marche très pénible qu’ils parvinrent chez leur voisin, le père Tsin. De retour à Wang-Moû après la reprise de la ville par l’armée régulière, ils trouvèrent leur personnel en pleurs : eux aussi avaient tout perdu, l’église, la résidence et le couvent complètement vides, armoires et malles éventrées et les murs percés de meurtrières.
Toutes ces épreuves n’empêchent pas curé et vicaire de travailler en équipe : l’Ancien son gros bâton à la main parcourt les quelques 80 villages chrétiens, le Jeune organise les œuvres ; il voudrait agrandir le dispensaire, construire un externat pour les étudiants ; chez lui c’est le va et vient de la jeunesse mais aussi des professeurs.
Cependant dans une lettre à sa sœur en date du 22 juillet 1948, Jean avoue : « Pour le moment, je suis pauvre comme Job ; à part le fumier et les ulcères, je crois que je n’ai pas grand-chose à lui envier. Les communistes sont passés et ils ont tout emporté. Seuls les livres ne les intéressent pas, encore m’en ont-ils déchiqueté quelques-uns. Je ne puis même pas remettre la main sur mon gros missel bien que chez nous, ils aient emporté pour des millions car on ne trouve pas beaucoup de choses européennes ici. Ce qui me reste serait plus vite énoncé que ce qu’ils ont emporté. L’épreuve est dure, j’essaie le plus possible de l’accepter mais par moments c’est plus fort que moi ; aide-moi de tes prières. Souvent des pillages ont eu lieu dans la mission mais pas à ce point, car ils sont restés 8 jours sur place, découpant aube et ornements, emportant tout ce qui pouvait se revendre. Nous dûmes fuir malgré ma répugnance mais les gens haut placés nous le recommandaient. Lle drapeau rouge flotta 8 jours sur notre maison. Merci de vous apitoyer sur mon sort. C’est une tuile de plus que je n’ai pas su encore bien accepter. On vient de me donner un blouson américain, un chandail, le pays n’étant pas très froid, me voici paré. On est du reste appelé à y passer tous tant que les communistes n’auront pas fini de conquérir le pays, après on avisera »
Toutes ces tribulations n’empêchent pas le père Jean de s’occuper des jeunes ; il informe ses parents et amis dans une lettre intitulée ‘Le Ripuaire’ que les communistes gagnent considérablement dans le nord et massacrent tout ce qui est religieux. Notre pays est trop pauvre et mal famé pour qu’ils s’y attardent, s’ils viennent un jour. Ils y sont déjà venus il y a une dizaine d’années ; tout le monde avait fui devant eux……que Maman ne s’en fasse pas pour ces nouveaux chrétiens, c’est pain quotidien ici. Il vaut mieux être mauvais chrétien que pas chrétien du tout car la grâce est toujours là en veilleuse et capable de retour à un moment quelconque de la vie ».
Le 21 juin 1949, Mgr Carlo la rassure car les lettres n’arrivent pas régulièrement : « Chère Madame, le père des Pommare a déjà fait beaucoup de bien à Wang-Moû surtout parmi la jeunesse des écoles….encore une fois, soyez sans inquiétude. Je suis en Chine depuis 1905. J’ai vu pas mal de situations difficiles, quasi désespérées. En Chine, c’est lorsqu’on croit tout perdu que tout s’arrange ».
En septembre, Jean a la grande joie de baptiser un jeune garçon qu’il avait spécialement confié à la prière de ses parents. Il lui donne le nom de Paul : « c’était le nom de mon jeune frère et il avait été touché de la vie de ce grand saint que je lui avais nommé lors de nos nombreux entretiens. Je comprends, m’a dit-il dit depuis pourquoi le Père est venu jusqu’à Wang-Moû, pourquoi il soigne les malades, pourquoi il n’a pas de famille et pourquoi il nous aime tous comme si nous étions ses frères ».
Une lettre de mars 1951 parle de ses soucis : « Je suis toujours dans la brousse. Nous avons vu les communistes venir jusqu’ici et y rester deux jours. C’est sans cesse la frousse plus souvent de nuit que de jour. A chaque alerte, c’est l’exode de toute la population et nous faisons de même. Un panier sur le dos avec le peu qui nous reste et à pied, car mon deuxième cheval est aux mains des brigands. Nous grimpons la montagne en pleine nuit, sur des routes larges comme deux mains. Vivons d’espoir depuis quelques mois jusqu’au jour où l’on verra qu’il n’y a plus moyen de tenir ».
La persécution est commencée ; une lettre du 7 juillet l’évoque : « L’archevêque de Kweiang vient de passer en jugement populaire. Matinée à genoux sur des briques pillées. Il s’est évanoui. C’est la persécution sous les dehors d’impôts à verser……tout ministère nous est devenu impossible. Le père Van Gaver pour je ne sais quelle incartade en a pour 5 ans de taule…….nous sommes réduits à zéro partout ».
Après un jugement sommaire, les pères Nénot, Malo et des Pommare franchissent la frontière à Kaolong (Hongkong) le 4 décembre à 15 h 30. « Enfin sorti de leurs pattes…..j’ai quitté Wang-Moû, le dernier jour d’octobre, fête du Christ-Roi. Le matin au petit jour, malgré les sentinelles qui nous gardaient, tous nos chrétiens sont venus se confesser et communier. Il n’en manquait pas un….tous ces derniers jours malgré les affronts que nous reçûmes et qu’ils reçurent, ils s’étaient montrés si attachés à nous ! Pas un Judas parmi eux, malgré les offres réitérées des rouges. Quelle consolation pour nous….je vous demande, en remerciant le Bon Dieu de m’avoir délivré, de ne pas les oublier dans vos prières »
INDE (1951-1961)
A Hongkong, Jean choisit comme nouvelle mission Pondichéry : « pour ma part, le père Destombes m’a offert 3 endroits, Hanoi, Dalat et Pondichéry ; si j’avais choisi le Japon, je l’aurai obtenu mais il me fallait apprendre une nouvelle langue avec des caractères que je connais déjà, mais ayant d’autres sons et quelquefois d’autres sens. Aussi je préfère du tout à fait nouveau ». Le 9 janvier 1952, il s’embarque pour Colombo sur le « Vivaldi » un bateau italien. De là, il prend le train pour le plus important des comptoirs français en Inde.
Monseigneur Colas le nomme vicaire à Notre Dame des Anges, la paroisse française où il remplace le père Henri Saussard. Depuis 25 ans, le curé en est le père Abel Hougard, très apprécié pour sa bonté et sa générosité à l’égard des pauvres. Cette paroisse personnelle pour les Français et les Indiens parlant le français était devenue territoriale avec des institutions françaises (lycées, collèges, écoles des sœurs de St Joseph de Cluny). Outre le climat chaud et humide, c’est un grand changement pour le vicaire qui s’y habitue peu à peu ; il s’occupe des scouts, des jécistes, des âmes vaillantes en collaboration avec les religieuses. Il y a aussi le cinéma paroissial, la salle Jeanne d’Arc où les jeunes pratiquent le théâtre. En 1953, Jean organise une retraite pascale avec l’aide des pères Auffret, Richard et Roland, eux aussi rescapés de Chine. En 1955 il prend son unique congé en France, l’air du pays natal dut lui sembler bon après toutes ses épreuves. Le 11 avril 1956 de retour par avion, il reprend sa place prés des jeunes : deux anciens scouts, Arsène Annasamy et Urbain Sainte Rose deviendront prêtres dans la compagnie de Jésus.
En 1958 le père Antoine Mirande succède au père Hougard comme curé ; après 30 ans comme professeur aux séminaires de Pondichéry et Bangalore, il est un peu embarrassé. Jean le déroute par son dynamisme et l’aide de son mieux ; en 1959, il organise un pèlerinage au sanctuaire marial de Konankuppam pour les paroissiens ; c’est un succès. Pendant 10 ans, Jean s’est dévoué sans compter mais la situation a changé : la population parlant français a diminué et celle parlant anglais a augmenté. La paroisse est devenue bilingue et son vicaire ne s’y sent plus à l’aise. Le 25 mai, Jean arrive en France.
FRANCE ( 1961 -2008)
La plus grande partie de sa vie se déroule désormais dans le diocèse d’Evreux où il obtient son incarnation. Une partie de sa famille habite dans le département de l’ Eure.
De 1961 à 1981, Jean est curé de la paroisse de Ménilles. Dans ses loisirs il fait des recherches de généalogie sur ses ancêtres. En 1980 il publie un livre intitulé « Généalogie de la famille des Pommare de Bourdemare ». A partir de 1981 il réside à Evreux comme prêtre habitué de la cathédrale ; dans une lettre de novembre 1995, il fait écho des problèmes du diocèse : « Moi, si porté à avoir l’esprit frondeur, à qui l’obéissance pèse tant, je n’avais pas besoin de l’exemple Gaillot. Cependant un peu militaire sur les bords, j’ai toujours respecté le chef tant qu’il ne me déçoit pas. M.E.P, je le suis quand même par la prière ainsi que par l’intérêt très profond que j’ai pour la Chine ».
Invité à Coetquidan, par un petit neveu qui, après deux ans, y recevait ses épaulettes d’or et son grade de sous lieutenant, Jean écrivait : « Bien que d’une famille traditionnellement militaire, je ne suis pas un foudre de guerre ni un fayot et pourtant je suis profondément édifié d’avoir rencontré des jeunes qui ont quelque chose dans le ventre et qui croient à ce qu’ils font ».
En 1986, il se retire à Croisy sur Eure où, depuis 25 ans, il était aumônier des Moniales Passionistes. Opéré pour une prothèse de la hanche, Jean s’y rétablit rapidement, après une rééducation à La Musse, prés du château de la famille Guérin où était décédé Louis Martin, le père de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus.
Sa plus grande grâce a été son pèlerinage en Chine, accompagné de son neveu Bernard, en mai 1992. Dans le récit « Retour à Wang-Moû, 41 ans après », Jean alias le père Po, raconte qu’il avait mis comme condition essentielle, de pouvoir visiter ce territoire interdit, hors des itinéraires touristiques. Miracle, la maison de la Chine à Paris accorda le laissez-passer avec un ange gardien, une charmante interprète chinoise pour les accompagner : « Me présentant à elle, je lui dis qui je suis, qui je fus ; elle n’entend rien aux termes chrétiens, tels que Dieu, église, chrétiens, père, mission ; elle finit quand même par deviner plus ou moins : pour elle ; j’étais un phénomène. Elle me demande : qui voulez- vous rencontrer ? Des gens que j’ai connus il y a 41 ans. Avez-vous des noms ? Un seul : Tou Jou Pang ». Deux femmes âgées d’environ la cinquantaine, viennent rencontrer le prêtre européen. Jean découvre avec joie que l’une d’elles est Siao Boa qui signifie « petite fleur ». Elle lui saisit la main et se met à pleurer ; l’autre un peu plus âgée était aussi une des orphelines. « Elle se lança dans un discours extraordinaire dont je crois comprendre que chrétiennes, elles voudraient qu’on se rassemble pour prier ». Hélas cela n’est pas permis ; le lendemain, Jean offre de très bonne heure, seul dans sa chambre, l’Eucharistie avec une hostie et un peu de vin qu’il avait apportés. « Malheureusement il n’était pas question d’en faire profiter les chrétiens ; pour eux, ma prière se fit ardente ». Ce matin-là se présente un homme d’environ soixante ans ; c’était bien Tou Jou Pang puisqu’il se rappelait aussi le père Malo. « J’eus à peine le temps de lui montrer la joie que j’éprouvais en le revoyant : il nous quitta pour aller à son travail ». Une photographe du gouvernement immortalise la scène : « ainsi il m’a fallu venir à Wang-Moû pour devenir un homme célèbre, avec escorte et photographe attaché à son service ». Le soir Tou You Pan est de retour et évoque son passé, en toute quiétude. Il laisse son adresse à son bienfaiteur qui lui dit : « Ton souvenir reste gravé dans ma mémoire et dans mon coeur comme celui qui a tant fait pour l’Eglise ; dans ton coeur, garde le Seigneur Je n’ai ni le temps ni les mots suffisants pour en dire davantage ». Ce voyage lui a apporté une très grande joie surtout qu’après quelques semaines Chen Hong la précieuse guide lui envoyait une lettre avec des dizaines de photos.
Le 28 mars 1996, le père Jean célèbre ses noces d’or sacerdotales chez les sœurs de St Joseph de Cluny à Paris, entouré de sa famille et de nombreux amis de Pondichéry ; le père J.P Morel rappelle dans son homélie : « Missionnaire vous avez été, en Chine, en Inde, en France, pendant votre vie active et maintenant semi active, par la présence, le coeur, la prière, par le sacrifice, par l’intérêt porté aux gens rencontrés, et vous l’êtes toujours, en même temps que très attaché à la Société à laquelle vous appartenez. Vous étiez parti avec l’espoir de passer votre vie au service de l’Eglise, en Asie. Les événements vous ont contraint à revenir au pays. Nous avons bien du mal à comprendre la croissance du Royaume de Dieu sur terre mais le grain semé là-bas a grandi. Fécondé par votre sacrifice, il a poussé malgré les épines et un jour verra la moisson ».
En septembre 2001, Jean se retire chez les Petites Sœurs des pauvres à Saint Denis. Une canne à la main, depuis son opération à la hanche, il arpente les couloirs de « Ma maison » et rend visite aux pensionnaires. Ses neveux et nièces viennent souvent le voir. Dans les veillées récréatives, il est même sollicité comme acteur et mémorise son rôle. Visiblement il est heureux malgré la perte visuelle de son œil droit. Sa dernière grande joie a été la célébration de ses 60 ans de sacerdoce en mars 2006.
Il célèbre une Messe chaque jour pour une partie du personnel et des résidents.
Lorsqu’il le fait dans sa chambre, Anne Marie, une vietnamienne, française, célibataire, tertiaire de saint François lui sert d’enfant de chœur.
Mais sa vue l’abandonne peu à peu. Il s’offre un lecteur Lyris, système perfectionné de lecture automatique pour continuer à se tenir au courant de l’actualité. Toujours friand des nouvelles de la Société MEP, il en profite pour lire les ouvrages publiés à l’occasion du jubilé des 350 ans.
Jusqu’au bout il se sera déplacé seul et se sera bien plu chez les Petites Sœurs des Pauvres à Saint Denis
Mais tant va la cruche à l’eau… Victime d’une hémorragie nasale interne qui lui coûta beaucoup de sang et provoqua une sévère chute de tension, malgré les soins appropriés donnés à la clinique de l’Estrées à Stainsil s’est éteint comme une mèche sans huile dans l’après midi du dimanche 06 avril, à 16 h 25 exactement, à Saint Denis, chez les Petites Sœurs des Pauvres où il avait choisi de se retirer le 1er octobre 2001.
Vu le nombre de neveux et nièces venus des quatre coins de l’hexagone attendus à ses obsèques et l’exiguïté de la chapelle des Petites Sœurs à Saint Denis, il fut décidé de célébrer ses funérailles à la rue du Bac.
Elles eurent lieu le vendredi 11 avril à 10 h 30, présidées par le père Etcharren, Supérieur général. Une douzaine de confrères y participaient dont plusieurs membres du Conseil permanent. Le père Roland Lefevre lu l’évangile et fit l’homélie. Le délégué présenta brièvement la longue vie missionnaire du père Jean, comme l’appelaient les paroissiens du diocèse d’Evreux où il a travaillé une quarantaine d’années. La chapelle étaient effectivement bien garnie : une soixantaine de membres de sa famille, tous gens de foi, des amis et des sœurs de Ma Maison de Saint Denis, une représentation de la communauté tamoule de Paris et d’anciens de Pondichéry. Animer les chants fut un plaisir.
La Sœur Gertrude, supérieure de cette communauté de contemplatives, avait écrit à l’occasion de son départ :
Le père des Pommare était à Ménilles quand notre communauté s’est installée à Croisy, en 1976. Il nous a tout de suite manifesté une grande bienveillance, avec beaucoup de gestes de délicatesse et d’attention.
En 1988, il a commencé à venir célébrer la Messe chez nous, presque tous les jours, avec une fidélité et un dévouement admirables. Et cela jusqu’en 2001, quand il s’est retiré chez les Petites Sœurs des Pauvres, à Saint Denis.
Nous gardons de lui le souvenir d’un prêtre tout donné au Seigneur et à l’Eglise, très attaché à la Société des Missions Etrangères de Paris dont il nous parlait souvent avec beaucoup d’amour et d’enthousiasme. Nous aimions entendre ses souvenirs de la vie en mission que son talent de conteur rendait très vivants et dans lesquels vibrait son coeur.
A l’issue de la Messe, il fut acheminé à Autheuil Authouillet, village situé à une quinzaine de Kms au nord-est d’Evreux où l’attendait le chancelier de l’évêché, qui procéda à l’inhumation dans le caveau de ses parents où il repose.
Mise à part cette cécité avancée, malgré ses 92 ans il avait conservé toute sa lucidité. Il a été entouré, jusqu’à son dernier souffle, de la sollicitude toute évangélique des Petites Sœurs.
Lors de ses noces d’or, le Père Jean disait de lui-même : J’ai été un prêtre, un missionnaire et un témoin heureux – et ça se voyait. Et, de l’épreuve de sept années de service militaire avant son ordination, il disait : Ou bien on acquiert l’esprit d’obéissance au chef, ou bien on y affine son esprit frondeur. Les deux ont toujours cohabité pacifiquement en moi.
Et le 29 novembre 95, il écrivait à son supérieur de l’époque, le père Rossignol qui l’avait visité :
Moi, si porté à avoir l’esprit frondeur et à qui l’obéissance pèse tant, j’ai cependant toujours respecté le chef tant qu’il ne me déçoit pas, parce que je suis resté un peu militaire sur les bords. MEP je suis, MEP je resterai, toujours par la prière mais aussi par l’intérêt très profond que j’ai pour la Chine.
Je l’ai connu et fréquenté pendant 25 ans dans la diaspora. Je pense ne pas me tromper en disant qu’il fut un bon serviteur de Jésus, de l’Eglise, de la mission, de l’évangile.
De Jésus : sa vie d’intimité avec le Seigneur n’a pas connu d’éclipse. L’Eucharistie et la prière du bréviaire ont été son Pain quotidien. De l’Eglise : il l’a toujours servie dans l’obéissance. Son sens de l’Eglise était remarquable. Il n’a pas été ébranlé par les inconséquences et les turbulences de la crise postconciliaire. De la mission : éloigné de ses deux champs d’apostolat en Asie, il a conservé et entretenu son esprit missionnaire, par une prière assidue, et en se tenant régulièrement au courant de ce qui s’y passait. De l’évangile : car assidu à la Lectio divina, la Parole de Dieu a toujours été l’étoile de sa vie.
Jean Pierre Morel et Roland Lefèvre