Marcel GAUCHET1918 - 2005
- Status : Prêtre
- Identifier : 3749
Identity
Birth
Death
Other informations
Biography
[3749] GAUCHET Marcel est né le 27 mars 1918 à Precey (Manche).
Ordonné prêtre aux MEP le 29 juin 1946, il part le 5 novembre suivant pour la mission de Nanning (Chine).
Après avoir consacré quelques mois à l’étude du chinois à Liuchow, il est envoyé à Pinti, où il reste jusqu’à son expulsion de Chine, en 1951.
Il est alors affecté à la mission de Bangkok (Thaïlande).
Il commence par étudier le thaï à Banna pour étudier le thaï, tout en y administrant la chrétienté, puis il est chargé des postes de Santisuk, dans le diocèse de Nakhonsawan (1963-1976), et de Ban-Pang (1976-1978).
De retour en France, il est aumônier d’une maison de retraite à Saint-James, avant de se retirer à Ducey, où il meurt le 22 avril 2005.
Obituary
Nécrologie de
Marcel GAUCHET (1918-2005)
Présentation
Nous l’avions entrevu en 1942 ; nous étions aspirants et lui, il arrivait auréolé du titre de « prisonnier évadé ». Il avait faussé compagnie à ses geôliers allemands et il avait ainsi échappé aux mains d’Hitler. Son seul problème était de retrouver un refuge pour continuer ses études, devenir missionnaire et partir établir le royaume de Dieu là où Il l’enverrait. Je l’ai retrouvé pareillement dix ans plus tard à Bangkok. Il venait d’être expulsé de Chine par la volonté d’un autre dictateur aussi sanglant que le premier, le président Mao tse Tong. Il allait toujours avec constance et simplicité vers le but que Dieu lui avait préparé et qu’il avait choisi : établir le Royaume de Dieu là où l’Eglise l’envoyait.
Marcel Gauchet était un paysan normand solide sur ses jambes, les pieds fermement posés sur la terre qu’il connaissait bien, qu’il aimait et qui serait toujours partie prenante de son apostolat. Il avait des mains larges et puissantes comme des battoirs de lavandière. Elles étaient sans doute plus aptes à tenir le manche d’une charrue que la plume des intellectuels. Un jour qu’il s’essayait au métier de menuisier, un rabot électrique mal intentionné avait tenté de les dégrossir. Ce fut peine perdue, et cet essai eut au moins l’utilité de lui montrer qu’il n’était pas fait pour ce état et que le Seigneur le voulait au milieu des membres du peuple de Dieu. Pour unir toutes ces bonnes qualités, il avait une santé robuste qui lui avait permis d’affronter avec succès les diverses difficultés qu’il devait rencontrer sur sa route : une route toute droite comme celle que l’on prête à Dieu, pleine de chemins de traverse, de sentiers tordus et raccourcis qui rallongent, avant d’atteindre le but ultime fixé par Dieu.
Formation
Marcel n’était pas « untellectuel » pour deux sous. Sans doute avait-il réservé les pensées élevées, trop éloignées de la bonne terre glaise, à son neveu et filleul, le philosophe qui porte les mêmes nom et prénom que lui, car il faut des têtes pensantes pour bâtir le monde et l’Eglise ! Comme chacun sait, il faut étudier pour devenir prêtre. Avec le bon sens qu’il avait et la volonté tenace qui ne lui faisait pas défaut, il s’était astreint, quatre ans durant, à faire ce qu’il n’aimait pas. Il avait étudié le latin et autres sciences dont on ne voit pas au premier coup d’oeil l’utilité pour engraisser les vaches ou les cochons, ou pour faire pousser le blé. A force de volonté et de courage, il était venu à bout de ses premières études sans dévier de son but. Certains prétendaient qu’il était têtu. C’est une erreur ! En bon normand, il savait ce qu’il voulait et prenait les moyens pour atteindre son but, sans ostentation, mais avec opiniâtreté. Il voulait devenir prêtre ; il avait donc fait tout ce qu’il fallait pour y arriver. Il est devenu prêtre, et qui plus est, missionnaire.
Marcel était né le 27 Mars 1918 à Précey dans la Manche, diocèse de Coutances. Son père, un paysan, était Fraçois Gauchet et sa mère, une bonne fermière, était Marie, née Berthelot. Dès le lendemain de sa naissance, il avait été baptisé dans l’église de Précey, sous les prénoms de Marcel, Paul, Lucien. Ce baptême rapide dit assez la foi de sa famille : sans tarder, le nouveau-né est « rené » fils de Dieu. Douze ans plus tard, le 28 Juillet 1930, Marcel fut confirmé à Ducey. Ensuite, après 14 ans passés dans la ferme de ses parents, il s’ouvrait de son désir du sacerdoce à soin curé qui le fit admettre à l’Ecole Apostolique de Saint-Lô, où il resta jusqu’en 1937. A cette date, en accord avec le directeur de l’école qui le recommandait « pour son dévouement et ses qualités morales », il fit sa demande pour être admis au séminaire des Missions Etrangères. Sa demande étant agréée par le Supérieur de la Société, il entra au séminaire de Bièvres en Septembre 1937. Deux ans plus tard, il était appelé sous les drapeaux, en Août 1939.
Dès le mois de Septembre commençat la « drôle de guerre » qu’il fit comme les autres soldats. Rejoint par l’armée des envahisseurs, il fut fait prisonnier près d’Orléans le 17 Juin. Ce nouvel état ne lui convenait pas. Aussi arrivé à Pittiviers, il emprunta un vélo, sans doute abandonné, et fit sa première évasion. Bientôt repris, il fut dirigé vers Alençon, et dut partir pour l’Allemagne, jusqu’à Trêves. A la suite d’une dispute avec un gardien, il fut frappé d’un coup de crosse. Le fusil était-il de mauvaise qualité ou le dos de Marcel de qualité supérieure, Marcel ne l’a jamais su. Mais la crosse n’a pas résisté et le soldat fut envoyé sur le front russe. C’est ce que lui dirent les amis de Marcel. Quant à lui, il s’évada une nouvelle fois à pied, mais fut repris quelques jours plus tard. Cet échec n’avait fait que renforcer sa volonté de s’évader ! Vers le mois de Mars, nouvel essai, nouvel échec : cellule et menace de camp disciplinaire. Mais, comme il le dit lui-même, le vers rongeur de la cavale le reprit. Cette fois-ci fut la bonne. Il faut dire qu’il prépara soigneusement cette nouvelle cavale. Il fit des provosisions ; sa mère lui envoya une carte et il se fit une boussole avec une lame de rasoir aiguisée, un oeillet de soulier et une boite d’alumettes. Marchant la nuit à travers champs, se cachant le jour, il parvint jusqu’au Luxembourg en compagnie d’un co-détenu, aussi dégoûté que lui des geôles nazies. De là, aidé par de nombreuses personnes, il parvint jusqu’à la zone libre. Allerté par le P. Destombes, Mgr. Salliège le reçut dans son séminaire jusqu’à la libération.
Missionnaire en Chine
En Septembre 1944, il put enfin rejoindre la rue du Bac et poursuivre sa formation jusqu’à la prêtrise. Il fut ordonné en Juin 1946 en même temps qu’une vingtaine de confrères. Le soir même, le Supérieur lui donna sa destination pour le Chine : dans le Kwangsi, à Nanning, une mission très éprouvée par la guerre sino-japonaise. Mgr. Albouy s’efforçait de reconstruire ce que bombardements, batailles et autres malheurs avaient détruit. Pendant cette guerre, la mission catholique avait été d’un grand secours pour la population, un petit peuple de paysans. Aussi, depuis la paix retrouvée, un mouvement de conversions débutait qu’il fallait accueillir et entretenir. Le P. Gauchet partit le 5 novembre et fut envoyé au centre le plus actif de ce mouvement, à Liu Chow. Il rejoignait le P. Madéore, coordinateur du travail apostolique dans ce district, les P. Bacon, Kérouanton, Leblanc, Peyrat et deux prêtres chinois. Des religieuses chinoises tenaient des dispensaires, et enseignaient le catéchisme et les prières dans de petites écoles. De nombreux catéchistes, formés par le P. Madéore, parcouraient les villages qui demandaient à connaître l’Evangile. Ils enseignaient la manière de prier et de vivre la foi aux catéchumènes. Marcel commença à étudier non seulement la langue mais aussi les coutumes chinoises, différentes de celles qu’il avait connu dans sa Normandie natale. Il ne lui fut pas trop difficile de s’adapter à ces coutumes ; mais il était plus difficile d’apprendre la langue, le Chinois de Liu Chow étant bien éloigné du français de Normandie ! Mais ses origines paysannes l’ont aidé à vivre dans une milieu paysan chinois.
Après quelques mois d’étude, il fallait faire vite car les catéchumènes arrivaient et le P. Gauchet fut envoyé à Piuthi où il y avait un dispensaire de religieuses chinoises et des catéchistes. Mais le travail apostolique fut bientôt ralenti et même arrêté par l’armée de Mao tse Tong venu « délivrer » des gens qui ne demandaient aucune libération du style proposé par les communistes. Le 27 Mai 1950, ceux-ci voulurent tout de suite chasser l’étranger. Mais toute la population réclama qu’on laisse le père où il était et où il soignait les personnes, sans distinction de religion ni d’état. Marcel ne connaissait pas la lutte des classes. Il dirigeait l’asile de la Sainte Enfance, une petite école et un dispensaire avec l’aide des religieuses chinoises. Il avait en charge environ 500 chrétiens dispersés dans 15 villages. Cela dura une petite année, puis malgré « la volonté du peuple », il fut expulsé vers Hongkong le 27 Octobre 1951, en compagnie des pères Leblanc, Jubin, et Gorissen. Le 24 Novembre, il prenait le bateau pour Bangkok avec les P. Rondeau, Langer et Jubin. A l’âge de 33 ans, Marcel avait déjà changé plusieurs fois de direction, mais pas de but. Le Seigneur traçait la route et notre P. Gauchet se remit au travail sur une autre terre où l’on parlait deux langues différentes qu’il fallait apprendre, où les coutumes étaient différentes, où l’apostolat ne ressembait guère à celui, très missionnaire de Liu Chow.
En Thaïlande
L’Eglise de Thaïlande où arrivait le P. Gauchet avait des caractéristiques bien particulières. La première qui peut bien surprendre est que les chrétiens de Thaïlande ne sont pas des Thaïs de race. Les chrétientés étaient des villages ou des quartiers peuplés de Chinois pour une part, et de Vietnamiens d’autre part. Ces derniers sont des descendants des anamites qui ont fui les persécutions au XIX° siècle. Prières et catéchisme se faisaient dans l’une des deux langues : soit le Chinois Teo Chiew soit le Vietnamien. Une autre caractéristique de l’Eglise de Thaïlande, étonnante pour un missionnaire venant de Nanning : elle n’était pas tournée vers l’apostolat auprès des Thaïs Bouddhistes. Notre père Gauchet dut faire avec. Il fut envoyé aux chinois, comme son compagnon de voyage, le P. Langer, tandis que le P. Jubin allait vers les paroisses vietnamiennes.
Marcel Gauchet et le P. Langer partirent apprendre le Thaï à Ban Na chez le P. Perrin, un linguiste distingué qui parlait le Thaï comme un enfant du pays. Et conversait avec les Chinois en deux dialectes différents. Leur curé les envoya à Nong Ri, une desserte de Ban Na, au milieu des rizières. Mais en fait les chrétiens de Ban Na étaient des chinois originaires de Nong Ri qui avaient quitté les rizières de Nong Ri pour faire des affaires en ville, à Ban Na. Après quelques mois d’étude, le P. Langer partit pour Bangkok, mais Marcel resta sur place, vicaire du P. Perrin qui le détacha à Nong Ri. Suite à un accident de moto, le P. Perrin dut rentrer en France pour se soigner et Marcel devint curé.
Comme il était aussi zélé que généreux, les supérieurs lui confièrent la formation de plusieurs jeunes missionnaires. Ils contribuèrent à l’aménagement de son église : vitraux et panneaux d’affichage. L’évêque de Bangkok lui confia aussi de jeunes prêtres pour les former durant leur année de probation. Ce fut l’occasion pour Marcel de se faire des amis parmi les prêtres Thaïs. Ils lui restèrent fidèles, même après qu’il eut quitté la Thaïlande.
Durant la seconde guerre mondiale, le pays avait connu la persécution. S’il y eut des martyrs et des confesseurs de la foi, il y eut aussi une dispersion des communautés chrétiennes. Dans la période après guerre, les missionnaires, avec l’aide de la Légion de Marie, se mirent à la recherche des brebis égarées. Le P. Gauchet a aussi participé à ce travail.
Le soin des âmes n’était pas son seul travail. Il y avait un patrimoine et des rizières à gérer. Ancien fermier lui-même, il s’employa aussi à ce travail, montant une ferme douée d’un tracteur et de ce qu’il faut pour l’élevage. Comme le poste de Nong Ri était coupé de la grand’route, il fit aussi des chemins et même un pont. Il se découvra aussi des dons de sourciers et fit creuser des puits pour l’alimentation en eau, ce qui contribua à le faire accepter non seulement chez les chrétiens mais aussi auprès des Bouddhistes. Et ceci se révéla utile pour lui lorsqu’il voulut construire des églises dans chacun des deux postes. N’ayant que peu d’argent personnel, il prit son bâton de pélerin pour aller à la rencontre des nombreuses personnes dont il s’était fait des amis. Il organisa aussi des fêtes dans le style des kermesses qu’il avait connues en Normandie, avec lotteries et jeux, pas toujours conformes à la loi. Ayant une fois invité le sous-préfet à l’une de ces fêtes, celui-ci dut le pénaliser pour ces activités non conformes à la loi. Mais les gras paroissiens de Ban Na l’aidèrent à payer les amendes imposées.
A quelques dizaines de kilomètres de Ban Na, il y a la ville de Saraburi, chef-lieu de province. Le père alla rendre visite à aux chrétiens du lieu qui l’emmenèrent au village de Kheng Khoi. Dans ce village, il y avait eu une église et une école fondées par le P. Prodhomme lorsqu’il préparait son voyage vers le Laos. Mais durant la guerre et la période de persécultion, comme il n’y avait ni prêtre ni religieuses pour s’occuper de ces terrains d’Eglise, de nombreuses personnes les avaient accaparés. Une partie des terrains avaient été pris par le chemin de fer, d’autres par des particuliers peu enclins à les rendre. Mais ces terrains restaient cependant propriété de l’Eglise. Lorsqu’il fut question de diviser la mission de Bangkok, Marcel Gauchet fut chargé de trouver une terrain pour construire une église à Saraburi. Il acheta donc un terrain qui devint propriété de l’Eglise catholique de Bangkok, en passant un accord entre les chemins de fer et l’Eglise de Bangkok, avec l’aval du département des biens fonciers.
Après avoir mené à bien cette dernière entreprise, le P. Gauchet changea de nouveau de route, en 1968. Il quittait le diocèse de Bangkok pour aller au diocèse de Nakorn Sawan nouvellement fondé, dont son ami, le P. Michel Langer devenait l’évêque. Il fut chargé du poste de Santisuk, un village chrétien en formation avec des habitants venus de la région d’Ubon dans le Nord-Est. C’était des paysans d’origine laotienne. La plupart des maisons étaient en bambou et feuilles de chaume. Le prédecesseur du P. Gauchet, le P. Larqué, avait déjà construit une chapelle et une résidence paroissiale pour le curé et les religieuses. Il avait même ouvert une école. Marcel s’y sentit à l’aise, en retrouvant un milieu paysan familier. Ayant un camion et un tracteur, il construisit une route qui permit de désenclaver le village, perdu dans la forêt. Et il pouvait ainsi rendre visite aux familles vivant dans des localités voisines. Le village se développa et devint une municipalité avec un maire élu à sa tête. Mais un incident affecta beaucoup le P. Gauchet. Le fondateur du village, adjoint au maire, a été assassiné dans la maison, sans qu’on sache vraiment pourquoi, alors qu’il était un homme honnête.
Tout ce travail de défricheur et tous les drames qui eurent lieu avant d’établir convenablement le village fatiguèrent beaucoup Marcel Gauchet. En 1976, Mgr. Langer lui offrit de changer de poste. Il laissa donc la quasi brousse pour venir à Ban Peng, dans la province de Singhburi. Il y resta à peine 3 ans. Il eut des difficultés de langues : le Chinois, le Teo Chiew, le Thaï, le Lao et maintenant de nouveau le Thaï ; tout cela se mélangeait ! Un différend mal réglé avec un paroissien qui voulait empiéter sur le terrain de l’école, la santé qui commençait à faiblir lui semblèrent des signes !
Retour en France
En 1978, il prit un congé en France et décida de rester dans sa Normandie natale. Il devient aumonier à Saint Denis de Beuron, pis émigra vers Ducey. Mais ce grand voyageur devant l’Eternel ne pouvait rester en place ! Chaque année, il se remettait en route pour aller visiter ses anciens paroissiens de Thaïlande. Certains se mettaient à son service pour l’emmener de maison en maison, de poste en poste, partout où il avait des amis. On ne les comptaient plus. Son âme de voyageur le ramena même jusqu’en Chine d’où il avait été expulsé dans les premières années de sa vie missionnaire. C’est en 1988 qu’il retrouva ainsi ses premières amours. Huit ans plus tard, il alla rendre visite à Jean-Paul II qui avait invité les prêtres ordonnés en 1946, à fêter avec lui leur jubilé. Ce petit voyage n’empêcha pas la grande fête de son jubilé d’or dans son village natal.
A Pâques 2005, il avait invité ses amis à fêter son anniversaire, mais un pancréas récalcitrant ne lui permit pas de les recevoir ! Il était arrivé là où le Seigneur lui avait fixé un dernier rendez-vous. Le P. Lamoureux qui l’assistait ce 22 Avril 2005 avait remarqué que juste après son décès, son visage retrouva une grande sérénité. Pouvait-il en être autrement ? Il avait parcouru des chemins aux carrefours et aux changements de direction nombreux, le sourire aux lèvres, la bonté et la générosité toujours à l’oeuvre. Il pouvait partir plein de sérénité là où le Seigneur et de nombreux amis l’attendaient.
Jean Jacquemin