Gérard MAUVIEL1923 - 2006
- Status : Prêtre
- Identifier : 3797
Identity
Birth
Death
Status
Other informations
Missions
- Country :
- India
- Mission area :
- 1947 - 2006 (Pondichéry)
Biography
[3797] MAUVIEL Gérard est né le 15 février 1923 à Tinchebray (Orne).
Ordonné prêtre le 29 juin 1947, il part le 24 décembre suivant pour la mission de Salem (Inde).
Il étudie la langue à Shevapet puis est nommé assistant à l'école industrielle de Salem en 1950. L’année suivante, il est aumônier à Yercaud. Il est ensuite successivement curé de Namakkal (1951-1954), assistant du supérieur au petit séminaire de Salem (1955-1957), assistant à l’orphelinat Sainte-Thérèse de Salem (1957-1960), aumônier à Madras (1960-1961), curé d'Agraharam (1961-1980). A partir de 1980, il est directeur d’Assisi Institute à Kabrayanhilli.
De 1980 à 1990 il est supérieur régional des MEP. En 1996, des problèmes de santé l’obligent à se ménager et l’évêque de Salem lui donne un assistant. Il doit alors se reposer fréquemment à Coimbatore.
Il meurt le 22 novembre 2006 à Salem.
Obituary
Gérard MAUVIEL
(1923 -2006)
Chaque année, Gérard Mauviel envoyait une chronique à ses amis et bienfaiteurs, qui s’intitulait : « Rayon de soleil ». Voici des extraits de l’une d’elle : « Voici un nouveau rayon de soleil. Puisse-t-il vous apporter un peu de lumière et de joie ! J’ai eu 80 ans en février dernier (15.02.2003). Pouvoir servir encore et peut-être mourir à la tâche, quelle grâce ! Maurice Chevalier avait célébré ses 80 ans par un livre humoristique intitulé « Mes 80 berges ».Je ne puis imiter son humour ni sa gouaille. Je n’ai pas son talent mais je chante encore le « Magnificat » et glorifie le Seigneur de m’avoir appelé à servir les petits. Je ne l’ai pas fait comme la bienheureuse Mère Teresa, loin de là, mais j’ai travaillé pour l’éducation d’enfants pauvres. J’ai suivi en cela les traces de mes parents, instituteurs libres, qui travaillèrent toute leur vie pour la même cause. Je leur dois ce charisme. A eux d’abord un grand merci ».
JEUNESSE : 1923 – 1947.
Gérard, Joseph Octave Mauviel était né à Tinchebray (Orne) le 15 février 1923, son père, Léon Mauviel en 1881 à St Lô (Manche) et sa mère Vitaline Fourmont en 1879 à Gorron (Mayenne). Ses parents s’étaient mariés à Paris, à la mairie du 5ème arrondissement le 9 août 1906 et le mariage religieux avait été béni en l’église Notre Dame de St Lô le 13 août. De cette union devaient naître 9 enfants (4 garçons et 5 filles) André était l’aîné et Gérard le plus jeune de I6 ans ; leurs frères, Raymond et Roger étaient morts à la naissance, l’un en 1916, l’autre en 1917,victimes de la misère, lors de la 1ère guerre mondiale. Gérard devait être chétif car le certificat de baptême mentionne qu’il a été ondoyé le 16 février mais que le supplément des cérémonies n’a pas eu lieu dans l’église de Tinchebray (diocèse de Sées). A cause de leur profession, ses parents ont ensuite déménagé à Ernée (Mayenne), puis à Tiercé, chef-lieu de canton du Maine et Loire. Après ses études primaires à l’école libre de Tiercé en 1935, Gérard entre au collège Urbain Mongazon à Angers. Le 11 mai 1935, il avait reçu le sacrement de confirmation à Tiercé des mains de Mgr Costes, le coadjuteur de l’Evêque d’Angers. Sur l’origine de sa vocation sacerdotale, Gérard n’a guère écrit ou parlé ; sa mère meurt le 16 octobre 1938 et son père se remarie l’année suivante. En 1940 , il entre au Grand séminaire de Tours dont le supérieur est le chanoine Louis Baudiment , docteur es lettres, auteur de la vie de Mgr Pallu, un des fondateurs des Missions Etrangères de Paris. Parlait-il souvent de lui à ses séminaristes ?
Le 9 juillet 1942 Gérard fait sa demande d’admission aux Missions Etrangères, d’une belle écriture qu’il gardera jusqu’à ses derniers jours : « Monsieur le Supérieur, Depuis longtemps déjà, je me suis senti porté vers les Missions. J’ai hésité parfois, reculé même, mais la Providence a voulu que ce fut pour mieux sauter ; aujourd’hui je viens à vous, je veux être des vôtres…j’ai terminé ma philosophie et je pense commencer mes études théologiques chez vous, si vous m’acceptez. Je n’ai pas l’intention de faire mon apologie, ni ma critique… » Quelques jours après, le Supérieur du Grand séminaire de Tours envoie une lettre fort élogieuse à propos du futur aspirant. « Cette présentation, je vous la fais très volontiers. D’abord à cause de mon attachement si ancien et si grand à votre Société, puis parce que Mr Mauviel est un excellent séminariste et sera, je crois, une excellente recrue……fils de parents très chrétiens (le père est instituteur libre, la mère est décédée) il est entré au séminaire en 1940…. Il a étudié mûrement sa vocation. Son directeur l’approuve ; son père y consent ». Il y joint les notes des 2 années passées, ajoutant que Gérard est pieux, discipliné, travailleur et bon organiste ! Il est admis par le père Paul Destombes et entre à la rue du Bac le 1er octobre 1942, sous le numéro 3797. Son parcours d’études théologiques est interrompu par un an de service militaire (1945-46). Ordonné diacre en mars 1947, il reçoit l’ordination sacerdotale le 29 juin et sa destination pour la mission de Salem, en Inde. Deux autres confrères, les pères Becker et Jaunet reçoivent aussi leurs destinations pour l’Inde, parmi les 28 nouveaux prêtres. Gérard s’embarque le 24 décembre 1947 et arrive dans son pays d’adoption le I6 janvier suivant.
VIE MISSIONNAIRE : 1948 – 1961.
Il est accueilli par le père Jean-Louis Hourmant, curé de la cathédrale de Salem, prés du marché de Shevapet ; c’est un missionnaire chevronné, un apôtre qui parle parfaitement la langue tamoule. Gérard devient son vicaire, tout en étudiant la langue de janvier 1948 à juillet 1950. Le chroniqueur de la mission de Salem, écrit en septembre 1948 : « Le premier événement à noter est l’étonnement que causa notre benjamin, le dimanche 9 mai, en pleine cathédrale : sans même avoir averti son professeur de tamoul présent dans l’assistance, le père quitte l’autel avant le Credo et donne pendant un petit quart d’heure son premier sermon, pas mal tourné d’ailleurs. Les enfants, au premier rang, un peu surpris, ne cherchèrent pas trop à comprendre mais le reste de l’assistance émerveillée, suivit tout sans difficultés » ! Tout n’est pas aussi facile ; au début d’août, deux jeunes Pères européens attendaient sur le bord de la route l’autobus qui devait les ramener à Salem. Un officier de police passant en vélo les aperçoit : il s’arrête, vient droit à eux et leur demande leurs papiers. Un groupe de curieux s’attroupe vite pour assister à la scène : une chose que les officiers de police avaient bien le droit de faire mais qu’on n’avait jamais vue avant le 15 août 1947, jour de l’Indépendance.
En 1950, le père Mauviel est nommé assistant à l’école industrielle, toute proche de l’évêché : « non seulement il parle tamoul et anglais avec aisance mais c’est lui le cerveau moteur de l’école ». En 1951, il monte à Yercaud comme aumônier des sœurs de St Joseph de Cluny mais surtout pour y perfectionner sa connaissance de la langue anglaise ; en mai 1951 il est nommé curé de Namakkal où il restera deux ans et demi. Ce coin de la mission a jadis été évangélisé par Mgr Henri Prunier, le 1er évêque du nouveau diocèse de Salem (1930). Gérard s’occupe bien de ces nouveaux chrétiens, rayonnant dans les villages grâces à la moto qu’il a achetée. Dans les 10 villages alentour, il s’attache à les former selon une méthode qui lui est propre : le dimanche il choisit de rester au centre, insistant auprès des chrétiens pour qu’ils y viennent participer à la messe. Malgré les distances ( 3 à 15 Kms) il a la joie de voir peu à peu les familles répondre à son désir ; les enfants du catéchisme donnent l’exemple à leurs parents…Pour la nuit de Noël, Gérard organise un ramassage par camion : plus de 300 chrétiens peuvent participer à la fête. Il travaille de concert avec le père Félix Revel son voisin mais ses forces physiques ne sont pas à la hauteur de son zèle. En janvier 1954, il doit prendre du repos pendant 18 mois. Mgr Selvanather le nomme professeur de latin au petit séminaire pour le ménager. Rapidement, il devient vice supérieur, préfet de discipline, sans oublier l’art d’enseigner le chant grégorien aux élèves. La maladie ne l’empêche pas de participer à la retraite pour les confrères des Missions Etrangères, car la coutume était de participer à celle donnée pour le clergé du diocèse. En juin 1957, dans la valse des changements, il devient aumônier de l’orphelinat attaché à l’école industrielle. Il doit veiller sur 200 garçons et sur l’hôte de l’orphelinat, Mgr Prunier, paralysé et refaire la façade des bâtiments. Fatigué, il prend son 1er congé en France, en avril 1958, en compagnie du père Frédéric Schoeser et rentre en Inde en février suivant. Cependant sa santé laisse toujours à désirer ; avec la permission de ses supérieurs, Gérard est détaché à Madras (mont St Thomas) en juin 1960 comme aumônier du couvent des Franciscaines Missionnaires de Marie.
AGRAHARAM (1961- 1980)
A son retour il est nommé à Agraharam dans le district d’Attur où il restera 19 ans. En 1967, il succède au père Jacques Gravier comme supérieur local, avant de devenir vice régional de l’Inde en 1976. Dynamique, bon organisateur Gérard se soucie du bien-être de ses paroissiens (1164 catholiques). Avec l’aide du Gouvernement Indien et celle de l’organisation « Misereor », il ouvre une école secondaire et crée une coopérative de fabrication de cordes, pour donner du travail à tout le monde, Chrétiens ou non. Il est aidé par les Salésiennes Missionnaires de Marie, en charge des écoles primaires et d’un dispensaire pour les lépreux.
A ses temps libres, il ne refuse pas d’aider comme infirmier pour les soins ordinaires. Il est aussi la cheville ouvrière de la commission diocésaine pour l’évangélisation, créée en octobre 1966 ; elle se réunit chaque mois pour réfléchir, écouter un conférencier missionnaire ou un confrère Indien. Un Brahme converti, Mr Rao, est ainsi invité à parler des obstacles à la conversion. Ces conférences provoquent des discussions et créent un climat favorable à l’action missionnaire. Du reste, les confrères « mep » sont rassemblés depuis plusieurs années dans le triangle Salem-Attur-Rasipuram, ce qui leur permet de se rencontrer plus souvent et d’échanger leurs expériences. Comme supérieur local, Gérard favorise les bonnes relations entre l’Evêque et le groupe à l’occasion des nominations à un nouveau poste, des départs en congé ou en cas de maladie ; il s’efforce de mettre de l’huile dans les rouages.
A Agraharam, la participation des laïques n’est pas oubliée : selon le même chroniqueur « une armée de légionnaires de Marie l’aide dans toutes les activités de la paroisse. Il n’y a pas des conversions en masse mais il a la joie de baptiser des adultes ».
A partir de 1962, pour Noël, il envoie à ses amis et bienfaiteurs une lettre, un « Rayon de soleil » où il raconte la vie en Inde, la vie de sa paroisse ; en voici quelques extraits :
Noël 1965 : « l’année scolaire qui débute ici en juin, commença à cloche-pied en raison de la maladie du directeur (méningite tuberculeuse).
En attendant, je dus prendre la direction de l’école avec l’appui du plus qualifié des maîtres laïques. Cette situation devait durer deux mois ; elle dure encore et durera jusqu’en mai prochain. Un autre prêtre Indien prendra alors la charge du père Aroul. La responsabilité de l’école continuera à m’incomber, la responsabilité matérielle surtout. Or, les bâtiments actuels, en terre, sont provisoires. Il faut bâtir en ‘dur’. C’est un ordre de l’Etat. Dieu sait ce que « bâtir » veut dire par ce temps de guerre. Le coût des matériaux, de la main d’œuvre, c’est l’escalade. Il faudrait commencer de suite, faire vite, c’est ce que me répète le maire du pays, un Hindou qui est un ami sûr et désintéressé. Mais avec quoi, Seigneur ?
Noël 1974 : « pas de mousson, pas de riz ! C’est l’équation que vient de faire M. Karunanidi, le Premier ministre de Madras. Il annonce le rationnement ; en fait, les pauvres et même les salariés le pratiquent déjà. Qui peut acheter du riz à 300 roupies le sac (90 Kg) ? Les coolies avec leur salaire de 4 roupies par jour, les femmes avec 2 roupies ? Ils se contentent de blé noir à 160 roupies ou de millet à 120. Faute de quoi, ils grignotent du manioc ; enfin ceux qui n’ont rien, mendient comme jamais ils n’ont fait. Que faire d’autre quand il n’y a ni travail ni argent ? Le spectre de la famine a fait son apparition ; le présent est déjà dur ; l’avenir risque d’être intolérable ».
KALRAYAN HILLS (1980 – 2006)
Malgré une malheureuse chute qui l’avait immobilisé en 1973, Gérard était prêt à rester à Agraharam ou à quitter cette paroisse. Mgr Michel Duraisamy, depuis sa venue comme nouvel Evêque en 1974 désirait qu’un effort d’évangélisation soit entrepris à une cinquantaine de Kms à l’est, sur les montagnes qui dominent la plaine d’Attur. Au 19ième siècle, plusieurs missionnaires « mep » s’y étaient aventurés mais la fièvre des montagnes les avait décimés ; le ravage avait été tel que Mgr Godelle de Pondichéry avait interdit à ses prêtres de résider sur ces « montagnes de la mort ». En juin 1980, Gérard écoute volontiers l’appel de Mgr Duraisamy d’évangéliser les tribus qui les habitent. Quatre religieuses acceptent aussi d’aider cette population pauvre et délaissée. Ainsi est fondé « Assisi Institute » en souvenir de St François.
Trop beau peut-être mais le père Rossignol, supérieur régional de l’Inde, avait été nommé Vicaire Général des Missions Etrangères pendant la dernière assemblée. Il fallait le remplacer : le choix des 41 confrères se porta sur le nom de Gérard, lors du dépouillement des votes le 3 octobre ; jusqu’alors le supérieur régional résidait à Bangalore ; l’idée d’abandonner les montagnards chagrinait Gérard. L’opinion des confrères était partagée mais l’Evêque penchait pour qu’il réside aux « Kalrayan Hills » avec un vicaire pour l’aider. Finalement pendant 10 ans, Gérard partagera son ministère entre Bangalore et les montagnards, au prix de beaucoup de déplacements et de fatigues : rendre visite aux confrères français et indiens, surtout les malades, sans négliger ses chers paroissiens. Il est aussi invité à prêcher des retraites ; c’est ainsi que fin octobre 1984, il prêche aux paroissiens de Notre Dame des Anges à Pondichéry.
En octobre 1983, il participe au Conseil plénier des Missions Etrangères à Bièvres. Cela lui permet de visiter ses bienfaiteurs et de les solliciter pour ses travaux. Le 8 décembre, il est de retour dans sa patrie d’adoption ; pendant son absence, un ami Indien, ancien fonctionnaire, Mr A.James s’était occupé de la maison à Bangalore ; les religieuses aux Kalrayan lui avaient écrit ; elles s’inquiétaient de sa santé comme les habitants des montagnes qui trouvaient son absence bien longue : « J’ai grande envie de les revoir, de continuer à vivre au milieu d’eux et de leur donner le sentiment qu’ils ne sont pas seuls dans la vie misérable qui est la leur »
Chaque mois, Gérard monte sur les montagnes pour IO, I5 jours, 3 semaines aussi longtemps que ses responsabilités de Supérieur régional le lui permettent. C’est un trajet de 270 Kms depuis Bangalore, sur des routes difficiles. Avec joie, il se joint aux 5 religieuses pour visiter à pied les villages. La confiance grandit au fil des jours parmi les habitants. Gérard se pose souvent la question : « De quoi vivent-ils ? Comment pouvons-nous les aider à sortir de la misère ? »
Dans « Le rayon de soleil » annuel, il raconte non seulement la vie de ses paroissiens mais les événements politiques en Inde, la vie de l’Eglise. Il n’oublie jamais de remercier ses bienfaiteurs, ainsi en 1987 Mme Tarit qui expédiait la lettre à plus de 400 personnes. Sans cette aide, le missionnaire serait paralysé !
Noël 1988 : « en janvier, nous avons eu la visite de neuf prêtres du diocèse de Toulouse dont Michel Dagras, professeur à la Catho.
Leur désir était de rencontrer l’Inde profonde, villages, paroisses rurales, chrétiens et non chrétiens. Ils furent comblé… Je veux parler des résultats des fréquentes visites des six religieuses. Pas nombreux certes mais prometteurs :
--- des parents nous demandent l’accueil de leurs enfants dans des écoles privées de la plaine. Ils réalisent que sans éducation, l’avenir de leurs enfants est compromis--- ils veulent des écoles tenues par des religieuses car les écoles publiques ont presque toujours des résultats lamentables
---des femmes de plus en plus nombreuses nous confient leurs difficultés. C’est le plus souvent l’harassement par le mari qui pratique la polygamie, qui néglige sa femme légitime, qui délaisse sa progéniture, qui boit et tabasse la femme qui le rabroue, qui l’abandonne sans se soucier des charges familiales
---des jeunes filles, tentées par le suicide, demandent des raisons de vivre, elles sont données en mariage juste après la puberté, sinon avant, sans être consultées, contre leur gré souvent. Quand on est rien et qu’on n’a rien, où se réfugier sinon dans le suicide ?
---des malades, des infirmes nous demandent des médicaments, des soins…..nous avons toujours une petite pharmacie avec nous. Nous leur en donnons et c’est vite la queue car ils se trouvent tous, soudainement, une maladie !
--- des gens à la foi très simple mais qui ne fait pas sourire, nous demandant de prier sur eux. Ils croient en Dieu comme tous les montagnards mais notre présence parmi eux les amène à poser des questions sur ce que nous sommes, sur les motifs de notre action. Nous répondons simplement et franchement à leurs questions et laissons le Seigneur faire le reste
Nous n’employons pas les moyens lourds (creusement de puits, installation de pompes, construction de maisons). Ils sont hors de portée. Nous nous contentons de donner une assiette de riz à celui qui a faim, un verre d’eau à celui qui a soif, une chemise à celui qui a froid et de visiter ceux que la société ignore »
En 1990, Gérard laisse la charge de supérieur régional à un confrère plus jeune, Camille Cornu ; il peut davantage se consacrer à l’apostolat sur les montagnes. La communauté des religieuses comptait des sœurs de différentes congrégations, venant sous contrat pour une durée limitée. Un vrai casse-tête !
C’est ainsi qu’une religieuse très dynamique, Alangaram, est envoyée par sa Supérieure générale à Bologne (Italie) pour s’occuper d’aveugles. Que de lettres et de voyages pour trouver d’autres religieuses ! Gérard ne se décourage jamais.
Grâce à des dons, il peut faire l’acquisition d’une jeep pour la visite régulière des villages. Un jeune handicapé, Kaliappan, marchait à quatre pattes, un vrai déchet humain ; en 1984, Gérard l’avait envoyé à Trichinopoly, pour être opéré et pour étudier. Six ans plus tard, il entre dans une école technique : il est devenu un homme libre, malgré ses béquilles. La même année, 85 garçons et filles des montagnes étudient dans diverses écoles privées ; leurs parents illettrés sont impuissants face à la corruption et à la négligence dans les écoles publiques. Leurs doléances, même en haut lieu, restent lettre morte. C’est un scandaleux aspect du système des castes.
En 1991, Gérard prend son 4ième congé en France, non sans soucis .En Inde, il faut des papiers pour sortir, pour y revenir et y rester. Des mois d’attente et ces ’fameux’ papiers n’arrivent que peu avant son envol ! A cause des vacances d’été, il lui est impossible de rencontrer tous ses bienfaiteurs mais dans le « Rayon de soleil » il promet de visiter d’abord ceux qu’il n’a pu revoir, lors de son prochain congé !
A contre coeur, ayant touché du doigt l’état lamentable des écoles existantes, il ouvre en juin 1993 une école primaire avec 2 instituteurs qui acceptent un maigre salaire mensuel de 800 roupies. Il n’a pas les ressources pour donner plus. De plus, il faut que les parents fournissent livres et ardoises, sans oublier le repas de leurs enfants. Ils sont cependant une quarantaine dés l’ouverture de l’école. Bientôt il faut construire de nouvelles classes, un bâtiment de 33 mètres sur 15. Pour éviter un nouveau chantier dans trois ou quatre ans, on y ajoute un étage qui servira de chapelle, pour la fête de Noël. Gérard prévoit un internat car les villages sont éloignés d’Assisi Institute’. Un véritable engrenage si l’on veut donner une chance aux enfants pauvres. Pour faire face aux dépenses, inutile de compter sur une aide de l’Etat. Gérard hait les « pots de vin » qui sont une plaie en Inde à tous les échelons. Face aux difficultés financières et administratives, il ne peut compter que sur la divine Providence. Son 5ème congé en France, de juillet à octobre 1994, le libère d’une partie de ses soucis financiers ; il en profite pour visiter ses anciennes paroissiennes d’Agraharam, devenues religieuses et servant la Mission, en Angleterre, en Italie (Bologne, Sicile) Allemagne, Hollande ! « En guidant ces filles pendant leur jeunesse, j’avais donc travaillé pour nos vieilles chrétientés d’Europe. Mystérieux plan de la Providence »
« Le rayon de soleil » de 1995 évoque les martyrs des intégristes hindous (Sr Rani Maria, Père Brito, Pères Lawrence Kujur et Joseph Dungdung) parmi bien d’autres. L’ambition des extrémistes est de débarrasser l’Inde, des Musulmans et des Chrétiens pour unifier le pays sous leur bannière. L’ère des martyres continue.
En 1996, Gérard évoque ses soucis à propos de l’école qui a maintenant 525 élèves ; un second véhicule serait bienvenu pour le ramassage scolaire dans 15 villages. Il faut accroître le nombre des professeurs venus de la plaine, les loger, obtenir l’approbation officielle de l’école. « J’y crois, sans quoi, je ne me casserais pas pour elle ». En 50 ans, ce sera sa quatrième fondation scolaire ! Il commence aussi, sur la demande de son Evêque, à bâtir une église toute en pierres. « Kalrayan » oblige puisque le nom du lieu signifie « pierre » en langues tamoule et télégou ! Très fatigué, il ne reprend sa plume qu’à Noël 99. Après 2 ans d’attente, son permis de séjour est renouvelé jusqu’en juin 2000 : « je ferai une demande de prolongation. J’espère qu’elle sera accordée ; avec le nouveau régime (B.J.P) il y a cependant un point d’interrogation »
L’an 2000, le 4 mars est un jour de joie : bénédiction de l’église St François, de l’école secondaire à Kalrayan, inauguration d’une école primaire à 20 Kms de là.
CALVAIRE (2000 – 2006)
« En voulant retenir une moto roulant sans frein sur une pente, je tombai à la renverse et m’abîmai deux vertèbres. Pour remède, je dus m’aliter .Cela dura 4 mois. Accueilli dans une famille indienne (à Somanur puis à Coimbatore) je fus soigné avec amour. Les visites médicales révélèrent un cancer de la peau à la main droite, un début de cancer à la vessie et un anévrisme à l’aorte abdominale. Les 4 mois suivants grâces à l’habileté du personnel hospitalier, au dévouement de mes amis, les vertèbres se remirent en place, ma main droite fut opérée, la rumeur à la vessie enlevée. L’anévrisme a été opéré à l’hôpital St Michel à Paris. Bref, je suis tenté de dire comme St Augustin : « O chute bienheureuse, qui m’a valu d’être sauvé de bien des malheurs »
Le 5 juin 2001, il est de retour en Inde ; à l’aéroport de Coimbatore, il est accueilli par les religieuses de Kalrayan, par ses dévouées Mala et Shanti et leurs familles. Ces 2 orphelines et leur sœur ont été jadis recueillies et éduquées par Gérard ; jusqu’à sa mort elles continueront à s’occuper de lui, sans ménager leur argent et leur peine.
Depuis 1999, Mgr Singaroyan est Evêque de Salem et il souhaite le retour du fondateur d’Assisi sur les Kalrayans. En septembre, Gérard a la joie d’y recevoir le père Jean-Baptiste Etcharren, son Supérieur Général, qui y admire le travail réalisé depuis 20 ans ; un 3ème couvent est en construction dans le site merveilleux de Kalakambadi, pour 3 religieuses de Ste Anne (Madras). A 7 Kms d’Assisi ? sont installées 6 autres religieuses de Marie Immaculée. Au centre 4 sœurs de la Présentation (Coimbatore) assurent la bonne marche de l’école secondaire (650 élèves) et du dispensaire. Un diacre permanent, Asirvatham s’occupe des constructions. Loin sont les tracas et soucis des débuts en 1980 !
La lettre de Noël 2002 signale que la porte de l’église, en bois de tek, a disparu une nuit de février. D’autres vols suivent : riz, linge d’autel, motocyclette. La police locale semble indifférente mais miracle, la porte de l’église est enfin retrouvée en septembre à 30 Kms, cachée sous des sacs de riz. Jour de liesse, le 6 octobre, la porte a repris sa place, pour la fête paroissiale de St François.
L’auteur du « Rayon de soleil » pense être en bonne forme, malgré 3 ou 4 accrocs : crise de glycémie, petite crise cardiaque, maux d’oreille. Il pense que l’étroite chambre dont il s’est contenté pendant des années ne convient pas pour le curé qui lui succédera : un vrai presbytère sort de terre. Une autre lettre à ses amis en date du 10 novembre 2004 leur dit : « Je sors de l’hôpital……mon médecin cancérologue m’a demandé de repasser des examens….des plaques noires dans le dos ont cependant faire craindre un développement du cancer de la peau ; le médecin conseilla de les enlever, ce qui fut fait. Serais-je bon encore pour une décennie ? En avril et août, j’ai subi l’opération de la cataracte pour les 2 yeux mais la rétine étant malade, je n’ai qu’une vue partielle……..mon activité missionnaire a été réduite en 2004 ; la maladie en a été la cause. »
Le 15 septembre 2005, Mgr Singaroyan célèbre les 25 ans de présence sur les Kalrayan ; le père Jothi, assistant de Gérard, a tout bien arrangé : grand’ messe pontificale, discours, danses, guirlandes, repas pour tous. Un dernier rayon de soleil, car dés le lendemain, Gérard est de retour à Coimbatore, avec une admission immédiate à l’hôpital Ramakrishna, pour insuffisance cardiaque : « Je ne me tracasse pas mais j’ai quand même des soucis ; l’un d’eux est financier ; pour aider des étudiants dans leurs études, j’ai fait des dettes avec l’espoir de rembourser sans tarder. Espoir déçu ! L’insuffisance cardiaque est probablement née de l’insuffisance financière, le remède ? Avec vous peut-être ! »
Au mois de mai 2006, Gérard demande à être remplacé à Assisi à cause de son état de santé. Mgr Singa royan nomme un successeur, le père M.S Martin, ancien professeur au séminaire de Bangalore. Bien sûr, Gérard pourrait prendre sa retraite à l’évêché de Salem mais ses amis de Coimbatore, Shanti et son mari lui proposent l’hospitalité ; leur maison n’est pas loin de l’hôpital ; Gérard accepte cette proposition avec reconnaissance et joie ; il en parle dans le dernier « rayon de soleil » préparé pour Noël 2006.
Début novembre Gérard fait un dernier voyage à Bangalore pour des fiançailles dans une famille amie. Il en profite aussi rencontrer le père Cornu et alléger ses soucis financiers ; le 16, il est de retour à Coimbatore pour les funérailles du père Albert Selvaraj dont la sœur cadette religieuse Amélie est à Assisi. Dans son agenda, la dernière entrée en date du 17 novembre est à propos de son état de santé qui laisse à désirer mais…
Le 21, Gérard est en route pour les Kalrayan, pour y récupérer quelques affaires ; à Valapadi, il se sent mal et il est emmené à l’hôpital Ste Marie à Salem ; les docteurs après consultation de son chirurgien de Coimbatore conseillent une dialyse : Gérard s’affaiblit de plus en plus et expire vers minuit 45, probablement à cause d’une rupture d’anévrisme car son corps devint tout bleu.
Les obsèques eurent lieu à l’évêché de Salem le 23 novembre, en présence de Mgr Singaroyan et de la plupart des prêtres du diocèse ; tous ses confrères des Missions Etrangères y étaient, même le père Jean Nouet malgré son âge et ses infirmités. Une délégation des sœurs des Missions Etrangères était venue du lointain Pondichéry sans oublier ses anciens paroissiens d’Agraharam et des Kalrayan, ni ses fidèles amis de Coimbatore qui l’avaient aidé dans sa longue maladie. Son corps repose désormais au cimetière de la Mission, à quelques pas de l’évêché.
« Souvenez-vous de ceux qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Considérez l’issue de leur vie, imitez leur foi ». Cette phrase de la lettre aux Hébreux résume bien la vie de Gérard Mauviel : héritier de la foi de ses parents, il l’a pratiquée pendant sa longue vie. Fidèle à la tradition des Missions, il a partagé sa foi à Namakkal, Agraharam mais surtout dans les villages des Kalrayan. « Comme le Bon Pasteur, il connaissait très vite toutes les familles chrétiennes et les autres. Il mettait son point d’honneur à apprendre leurs noms ; il se faisait un devoir de visiter chaque famille, peu importe la distance », comme le disait, le père R. Xavier dans son homélie, le jour des funérailles. Homme de prière, Gérard ne négligeait jamais sa rencontre avec Dieu. Il était soucieux des plus pauvres, de leur vie matérielle, sans oublier leurs âmes ; il a apporté aide et réconfort à des milliers de personnes. Il avait un profond respect des pauvres, se battant pour leurs droits. Il n’hésitait jamais à rencontrer les autorités publiques pour que justice leur soit rendue. Dés le début de sa vie missionnaire, il a compris que l’éducation des enfants était la clef de leur promotion économique et sociale, une lampe dans la nuit de l’ignorance et de la misère. Malgré une santé fragile, par sa persévérance, il a été le père des pauvres : un exemple à suivre « celui qui sème dans les larmes, moissonnera dans la joie ».
R.Lefèvre