Lucien CATEL1931 - 2005
- Status : Prêtre
- Identifier : 4069
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Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1959 - 1994 (Penang)
Biography
[4069] CATEL Lucien est né le 25 septembre 1931 à Cambrai (Nord).
Ordonné prêtre le 29 juin 1958, il part le 19 mai 1959 pour la mission de Penang.
Il étudie l’anglais à Ipoh et le tamoul à Attur (Inde), puis il est nommé vicaire à Taiping (1961) et à Ipoh (1963), curé de Tapah (1966), vicaire à Penang (1968) puis à Sitiawan. Il est ensuite successivement curé de Butterworth (1968-1974), de Sungai Petani (1975-1981), de Saint-François-Xavier, à Penang (1982-1985), de Saint-Jean-Britto, à Penang (1987), et de Tapah (1988-1993).
En 1994, gravement malade, il se retire à la maison d’accueil de Lauris.
Il meurt le 17 novembre 2005. Il est inhumé dans le cimetière de cette commune.
Obituary
[4069] CATEL Lucien (1931-2005)
Notice nécrologique
L’homme du Nord tel qu’on l’imagine : grand, de belle carrure, le cheveux blonds, les yeux clairs, un amateur et joueur de football, aux idées claires, aux plans précis, allant son chemin sans s’inquiéter des bavures. Ce n’est pas un diplomate et il ne fait pas dans la dentelle. Il va à l’essentiel et les demi-mesures ne sont pas de son goût. Excellent organisateur, il est tonique et sait trouver des talents qu’il associe à son travail pastoral. Le travail ne lui fait pas peur. Lorsqu’il s’agit d’initier un séminariste à l’apostolat paroissial, les formateurs n’hésitent pas : « Envoyons-le chez Catel ! » et d’ajouter en riant : « formation commando ! » Mais ses anciens vicaires sont unanimes à dire combien il a su partager et donner.
Formé par l’Action catholique des années d’après-guerre, il est un inconditionnel de l’approche du cardinal Cadijn : voir – juger – agir. Il part toujours du réel, du quotidien, des possibilités. Pas de rêves ni de théories. Qu’est-ce qu’il est possible de faire, que peut-on espérer ? Il a « quadrillé » sa paroisse, demande à chacun d’utiliser ses talents au maximum, et se veut un pasteur qui rassemble, qui encourage, qui sait dire merci. Il a l’étoffe d’un chef sans pour autant imposer. Il donne des orientations et respecte les choix. Il accueille la vie et sait s’adapter aux besoins. Parlant de ses confrères il dit sans sourciller : « Il faudrait mettre dans la même région ceux qui ne veulent pas changer ; comme ça, les autres, nous aurions les coudées franches ! » Il ne connaît guère les limites de vitesse et sur les routes de terre des plantations de caoutchouc si on est son passager, il vaut mieux s’accrocher. Il sait se déplacer pour aller auprès des plus éloignés ou des « paumés » et son style de vie est des plus simples. Le grand Lulu, comme nous l’appelions, bien vivant et vivifiant.
Bien marqué par son église d’origine, Cambrai. Il est toujours resté un disciple de Monseigneur Guerry et Monseigneur Jenny.
Les années en famille et les études
Lucien est né à Cambrai le 25 septembre 1931. Son père y travaillait comme menuisier, et lui était l’aîné de cinq frères et d’une sœur de quinze ans plus jeunes.
Étudiant d’abord à l’école communale, il obtient un certificat d’études à douze ans et décide de ne pas aller plus loin. Était-ce dû à sa santé (Lucien était chétif, se nourrissait peu et avait bien du mal à prendre forme) ? Un jour Maman appelle le docteur qui donne ses conclusions : « Ne vous en faites pas, madame, votre fils va bien, patientez un peu, Lucien va devenir une armoire à glace », et lui de dire en pleurant : « Non, je ne veux pas devenir une armoire à glace ! » et pourtant le diagnostic était bon.
Le vicaire de la paroisse, d’origine belge, visitant souvent la famille l’invite à joindre les mouvements de jeunes, les Cours Vaillants, et le dirige vers le Petit Séminaire de Solesmes où il rentre en octobre 1944. Il s’y trouve entre autres avec André Christophe, actuellement missionnaire à Singapour – « Lucien, c’est la joie de vivre, pas compliqué, travailleur, méthodique, avec de nombreux amis … quelque peu taquin et chahuteur sans excès. Il réussit bien dans ses études et n’a pas peur de l’effort, parfois un peu rude dans ses gestes, moralement net, je ne me souviens pas de l’avoir entendu dire du mal des autres. Ce n’est pas un garçon qu’on appellerait « pieux » mais il était bien à sa place au séminaire et je ne crois pas qu’il ait jamais eu une hésitation sur son avenir et son futur engagement … en même temps, un redoutable ailier gauche. Il valait mieux l’avoir dans son équipe ! (un prêtre ami).
Il passe la première partie de son baccalauréat en 1950 et annonce à ses parents son désir d’aller aux Missions étrangères. Il avait rencontré Monseigneur Lemaire à Solesmes. Ceux-ci lui demandent de prendre un temps de réflexion et il fait une première année de philosophie au grand séminaire de Cambrai. Le diocèse exigeait cela des jeunes qui voulaient joindre une société ou un ordre religieux. Il rentre à Bièvres en deuxième année en septembre 1951 et le Père Alazard lui fait passer le bac philosophie.
Il fait son service militaire en Allemagne comme infirmier de novembre 1953 à février 1955 et rentre à la rue du Bac pour la théologie. Il aura un rappel dans l’armée et passera trois mois au Maroc.
Études sans problème, bon joueur de basket et grand chasseur de chats qui envahissaient le jardin. Avec quelques autres ils attrapaient les bestioles et le mercredi les « déportaient » au bois de Boulogne. Il noue une solide amitié avec Gilbert Griffon, un Poitevin, avec qui il sera envoyé et partagera ses années de mission.
C’est le 29 juin 1958 que Monseigneur Lemaire lui impose les mains dans la chapelle de la rue du Bac. Sa famille l’entoure et le 5 juillet, il célèbrera à Cambrai sa messe de Prémices. Il avait reçu sa destination pour Penang (Malaisie) en décembre 1957. Quelques mois en Angleterre chez les Pères de Mill Hill en compagnie de J.J. Troquier, A. Gastambide, J. Draval et avec l’ami Gilbert, ils débarquent à Singapour début juin 1959.
Études de langue et débuts en Malaisie, 1959-1961
Le Père Narbais Saurèguy, ancien de Canton, curé de Batu Gajah dans le diocèse de Penang embarque les deux arrivants et leurs bagages dans sa Fiat 500 et en route pour la Malaisie. Lulu arrive tout juste à loger ses grandes jambes à l’arrière de cette voiture miniature. Arrêt à Kuala Lumpur où Gilbert s’installe à la cathédrale auprès de E. Limat, lui aussi ancien de Canton, et en route pour le Nord. L’évêque, Monseigneur F. Chan, contacté par téléphone lui dit : « Restez donc auprès du Père Narbais et commencez à apprendre le damette cantonais. »
Pas de temps à perdre : Lulu reçoit le nom chinois de Palo-Blanc. Le soleil des tropiques ne l’a pas encore touché et essaie de s’accoutumer aux tons nombreux de ce dialecte du Sud de la Chine. Quelques semaines plus tard, toujours piloté par le vieux Fuck – nom chinois du Père Narbais – il visite le diocèse et rencontre son évêque.
Changement d’épaule, virage à 180° : « Vous allez étudier le Tamoul de manière à servir la communauté indienne. En attendant d’aller en Inde perfectionnez votre anglais à Ipoh ! » C’est clair et net, et pur l’intéressé, pas de problème !
Donc, après quelques mois en Malaisie, c’est le départ pour l’Inde du Sud, où avec l’ami Griffon, il va s‘initier au Tamoul et aux modes de vie des Indiens dans la paroisse d’Attur, auprès du maître incontesté, es langue et es pastorale, le Père Jean Louis Hourmant, un breton qui est alors dans sa soixantaine. Les Pères Ladougue, Moreau, Gauthier, Bretaudeau sont déjà passées par cette école et tous ont gardé un souvenir merveilleux de ce temps d’initiation dans un petit village et ses dessertes mais encore plus de celui qui les a aidés. Pour Lulu il sera là de février 1960 à décembre 1961 et aura à faire face à la difficulté de base des missionnaires : l’étude de la langue !
Lui qui a de si nombreux talents, achoppe sur les langues, l’anglais et le tamoul. Son manque d’oreille musicale en est en partie une des causes, et s’il s’exprime clairement, il n’arrivera jamais à être à l’aise. Il accepte ses limites et se donne à plein selon ses moyens, jamais envieux de ceux qui près de lui peuvent être des superdoués. Il reste lui-même, serein et pratique acceptant cette ascèse – sans complexe – du vrai Lulu !
À leur retour par Singapour, j’ai partagé leur premier repas. Pour eux qui avaient vécu dans un pays sans alcool, que la bière semblait bonne ! Ce soir il ne fallait pas leur en promettre. Une « canette » de bière et l’homme du Nord se sentait vivre !
Les premières années de ministère, 1961-1967
Équipé pour les langues, dès Noël 1961, le voilà à Taïping – la grande paix – ville coquette avec le record de pluie de Malaisie à quelques soixante-dix kilomètres au sud de Penang. Son curé, Pierre Gauthier, originaire du Puy en Velay, âgé alors de trente-cinq ans est un « costaud » pour l’apostolat dans la communauté indienne. Il a déjà huit ans d’expérience, est passé dans des postes difficiles, dépasse 1,80m et fait plus de 100kg. Lulu et lui en imposent et le travail ne leur fait pas peur : la paroisse d’abord avec plusieurs milliers de chrétiens, des communautés éparpillées dans les plantations de caoutchouc qu’ils essaient de visiter une fois par mois, une école paroissiale, un orphelinat, la catéchèse au couvent et à l’école des Frères, tout en essayant de lancer des groupes d’Action catholique et de préparer les homélies du dimanche en anglais et en tamoul ! et n’oublions pas le troisième homme, un « costaud » aussi, plus petit mais corpulent, à la barbe fleurie et à la voix puissante, un Alsacien, Henri Vetter-Hienrich, qui passera dix ans à Taïping, vicaire ou curé selon les besoins. L’équipe de Saint-Louis au service de quelque 5000 chrétiens. Le charisme de Lulu, liturgie et Bible ont de quoi s’employer. Fait assez rare, on compte des conversions d’Hindous ! en 1963, on signale 45 baptêmes d‘adultes.
Mais dès juin 1963 ? changement pour la paroisse indienne de Notre-Dame de Lourdes à Ipoh, quarante kilomètres plus au sud, troisième ville de Malaisie, alors capitale mondiale de la production d’étain. Quelques six mille chrétiens confiés au soin du Père A. Rigottier, un ancien du diocèse de Salem en Inde, pasteur plein de zèle et de bonté, un maître en langue (culture tamoule) – « le Père Rigottier et le Père Catel dont une équipe très dynamique qui a su donner un esprit missionnaire remarquable aux organisations paroissiales de laïcs – En 1964, cette paroisse a compté 89 baptêmes d’adultes, un record ! » La JOC et la JEC s’y développent et c’est le début du Concile dont les deux confrères sont des fervents.
Sept mois comme curé de la petite ville de Tapah, quarante-cinq kilomètres plus au sud, au pied de la chaine de montagnes qui va du nord au sud de la Malaisie centrale et il est temps pour Lulu de prendre un congé en famille, un bon congé de dix mois.
Le curé : Butterworth, Sitiawan, Sungei Patani, 1968-1981
À son retour de congé, il fait bouche-trou pour quelques mois à Penang et à Sitiawan et en juin 1968, il est curé de Butterworth, ville en plein développement où il succède au Père Belleville qui lui laisse une église et un presbytère tout neuf. Il remue la paroisse, il faut faire passer le Concile ! « Après dix-huit mois, il va vers le sud-est, pasteur de Sitiawan, petit ville très marquée par les méthodistes, à quelques kilomètres de l’Océan Indien. Il y passe cinq ans jusqu’à son deuxième congé en avril 1974. Au-delà de son travail paroissial, il est membre du sénat des prêtres, représentant des confrères au conseil régional des Missions étrangères. Il a de nombreuses idées en tête et les met en application avec une rigoureuse logique des gars du Nord. Il voudrait dès que possible recenser tous ses paroissiens et ainsi servir de modèle à d’autres paroisses ». Bible : liturgie pour former les laïcs dans la ligne du Concile et selon les méthodes de la JEC et de la JOC. Il reste fidèle à ses choix de départ, mais commence à y ajouter l’animation de petits groupes qui deviendront des communautés de base. Il sait se faire aider par les laïcs auxquels il donne formation et initiative, et par des religieuses qui s’investissent au-delà de leurs écoles dans l’apostolat paroissial.
Deuxième congé d’avril 1974 à février 1975
Il part alors pour le Nord, dans l’État de Kedah, à cinquante kilomètres de Penang : Sungei Patani, petite ville avec un bon noyau de chrétiens indiens et beaucoup de groupuscules dans des plantations. Il y a du terrain à couvrir. Il sait se faire aider par les confrères du Collège pour la liturgie dominicale et c’est sans doute dans ces années-là, 1975-1981 qu’il donne son maximum – sans doute plus qu’il ne faudrait, il va s’user vite !
« Je me sens missionnaire principalement dans mon travail avec les gens des plantations, écrivait-il alors. Nous essayons d’y former des petites communautés qui prennent en main leurs besoins et pourraient devenir les animateurs de leurs plantations pour affronter les problèmes variés auxquels se heurte l’ensemble, peut-être sommes-nous trop optimistes. Pour atteindre ce but, nous essayons de former des leaders avec des sessions de 24 heures préparées et organisées par « l’équipe » (catéchèses, prêtres et une religieuse). Ensuite il répète la session dans leurs groupes respectifs ».
Et c’est le un troisième congé d’avril à novembre 1981 dont il a bien besoin et pendant lequel il regarde ce que fait l’église de France.
Penang : curé et animateur d’un programme de renouveau : 1982-1990
Et voilà Lulu dans l’île de Penang : les grands espaces lui manquent ! Curé de Saint-François-Xavier, la vieille paroisse indienne fondée en 1857 où il succède au très aimé et apprécié Monseigneur Aloysius, un Pondichérien d’origine, vicaire général, membre honoraire de notre Société, mais avant tout un pasteur, un sage et un ami. Sa maison est ouverte et accueillante et les prêtres aiment s’y retrouver. Avec du doigté et des égards car Monseigneur Aloysius se retire sur place, le nouveau pasteur réveille la communauté et s’occupe aussi de l’autre paroisse tamoule, Saint Jean Britto qui avait été « chouchoutée » pendant des années par le Père A. Rigottier. Systématique comme toujours, il regarde et réfléchit : il y a quatre paroisses en ville mais il y a eu un exode des familles vers la périphérie. Combien de chrétiens restent-ils au centre ? juste un noyau ! ça en étonne beaucoup, mais les chiffres sont là – Lulu propose alors d’unir les « quatre clochers » en une seule paroisse ; voilà qui prend tout le monde par surprise, ça réagit, mais il faut se rendre à l’évidence : 800 chrétiens au centre et le plan Catel est adopté cahin-caha, lui reste ferme sur ses positions.
Bientôt il verra plus grand. Des plans de renouveau paroissial et de pastorale diocésaine sont proposés par les Philippines, les États-Unis et divers mouvements : le monde meilleur, la nouvelle image de la paroisse, etc… l’ami Lucien est preneur à condition de les adapter, de les incarner selon les besoins de l’église locale. Petit à petit, il élabore et essaie ici et là une approche à la « Penang » qui s’appellera R.P.P. : renouveau pastoral des paroisses. Des religieuses, des laïcs, apportent leur coopération avec enthousiasme tandis que d’autres traînent les pieds, inchangés et inchangeables. L’évêque donne tout son appui et Lulu est détaché à plein temps pour promouvoir le projet, logeant de 1988 à 1990 à Notre-Dame des Douleurs, la paroisse de tradition chinoise où réside le curé des « quatre clochers ». Il se déplace, anime des sessions et accuse une certaine fatigue. De plus, il tient à faire l’expérience personnelle du plan dont il est l’avocat et en janvier 1990 devient curé de Tapah, paroisse centenaire dans une petite ville au centre de la Malaisie où le Père P. Audian et le Père Belleville ont aussi été pasteurs. En novembre 2006, lors de la réunion annuelle des prêtres à Penang on s’inspirait encore du plan Catel !
Les dernières années en Malaisie : 1990-1993
Tapah : il a déjà animé cette communauté en 1966 et s’occupe bientôt à rendre l’église plus accueillante et mieux adaptée à la liturgie, il refait et décore avec goût le sanctuaire. C’est en décembre 1990, le jour après Noël qu’il a une première alerte cardiaque vite contrôlée. Il visite régulièrement les familles indiennes travaillant sur la montagne dans les plantations de thé et prend alors quelques jours de détente à la Maison de Cameron Highlands toujours bien accueilli par le Père Tavennec.
Un dernier congé en France en 1992 alors qu’il souffre de mauvaise digestion, du moins, pense-t-on. Retour à Tapah, mais après quelques mois, il doit se mettre au vert auprès du Père Gauthier à Telok Intan et quitte définitivement la Malaisie le 20 décembre 1993 avec plus de trente-quatre ans de présence. Il se sent vidé, et c’est l’ami Gilbert Griffon qui le ramène, il n’a que soixante-quatre ans et déjà, il oublie beaucoup.
Une retraite active de douze ans : décembre 1993-novembre 2005
Sa famille vient le rencontrer à Paris et avant Noël, il est déjà à Montbeton tant il a besoin de repos. Plusieurs séjours en cliniques et de nombreux examens médicaux éliminent les craintes de cancer et comme il se sent mieux, il choisit de résider à Lauris. Ce sera sa maison jusqu’à son décès.
Avec son sens de la réalité il prend la mesure de ce qu’il peut faire et accepte qu’il ait besoin de repos. Les diagnostics ne sont pas concluants, à part celui qui décèle un cœur très fatigué. Pour un temps il a un appétit boulimique et doit même se lever pour manger au milieu de la nuit. Il conduit encore mais a besoin de quelqu’un pour lire les panneaux et le diriger. Il aide ici et là dans les paroisses, seconde un peu son ami Clément Montagne, un autre Nordiste, la Madeleine, alors curé de Lauris, anime un groupe biblique et dans la maison rend de nombreux services. Il a une présence tonique ce qui est précieux en milieu de personnes âgées ou malade. Il se déplace encore une ou deux fois par an au risque parfois de s’égarer, il perd la mémoire des lieux, des visages, mais les visites lui font grand plaisir. « Viens me voir plus souvent, me disait-il, lors d’un passage en Provence, avec toi, je me rappelle ! » Son ami, l’archevêque de Kuala Lumpur va le voir plusieurs fois et il apprécie les conversations téléphoniques : « Rappelle-moi ! »
Les séjours à l’hôpital se font plus fréquents, son cœur est vraiment à bout et il nous quitte le 17 novembre 2005. Ses amis font célébrer des messes dans ses anciennes paroisses et les prêtres de Penang le portent dans la prière, les membres de sa famille sont à Lauris pour ses obsèques le 21 novembre et le Père Jean Lhours qui le connaissait bien au séminaire et en Malaisie donne l’Homélie.
Lucien : de l’Incarnation
Voilà un nom qui lui conviendrait s’il était religieux mais qui décrit aussi la manière dont il a vécu à plein ce charisme fondamental du missionnaire : « être enraciné » dans le peuple que le Seigneur nous donne, partager leur culture, leurs traditions, leur langue, leur vie de tous les jours, « être avec » sans prendre pour autant sa propre identité, de manière à rester un don pour les autres. Et Lulu a été cela en Malaisie et à Lauris – missionnaire à part entière jusqu’au bout.
Enraciné dans sa famille et dans son église de Cambrai dont il reste très proche. Il était le frère aîné et habitué à vivre seul, son indépendance de vue et de mouvement pouvait créer des tensions dans la famille au cours de ses congés. Quand il avait quelque chose dans la tête, il ne l’avait pas ailleurs écrit son frère. Nous avons à faire à un chef d’orchestre et non à un homme d’orchestre. Sa présence était largement positive. Il n’était pas avare des nombreux services que nous lui avons fait exécuter et ne rechignait jamais à tous les types de tâches. Il se dépensait sans compter « fils de charpentier, il appréciait tout ce qui était bois et meubles, il s’émerveillait de la beauté et de la qualité des bois tropicaux et sut les utiliser pour décorer et réparer les diverses églises où il est passé. La quinzaine religieuse de Cambrai le tenait au courant de ce qui se passait dans l’église de France et était souvent pour lui une source d’inspiration. Pendant ses congés, il s’insérait dans la vie du diocèse : « Il y a un rassemblement diocésain, j’y serais ; à la joie de se retrouver ».
Lulu, c’est chez lui qu’on peut être soi-même – « chez les Pères des Missions Étrangères, habitués à une vie individuelle et parfois individualiste, la fraternité est une grande tradition. Pour un confrère de passage, Lulu savait tout laisser et se faire présent. Même là, il avait encore sa marque : « jamais je ne l’ai entendu dire du mal de quelqu’un. Il savait à l’occasion s’opposer, mais sans dire de mal (Père J. Lhours) ». Et sa sœur remarque : « À Lauris, lors de ses obsèques, nous avons été stupéfaits de voir à quel point il était considéré, et du travail qu’il avait accompli. Je fus très surprise du vide qu’il laisse autour de lui ».
Pour moi, comme pour tous ceux qui l’ont connu, il était un homme droit : son OUI était OUI, son NON était NON. Homme de conviction capable de les défendre avec énergie, il restait ouvert au dialogue. Un homme honnête qui ne savait pas tricher ni avec lui-même, ni avec les autres. Si Lulu rayonnait de quelque chose qui le rendait si aimable et qui m’a souvent édifié, c’était avant tout son humilité. D’où la tenait-il ? Un don de Dieu sans doute, mais un don certainement cultivé dans son éducation familiale et toujours nourri par son ouverture aux autres et sa soif d’apprendre et de comprendre (Père Lhours) ».
Oui le grand Lulu n’a jamais fait d’ombre à personne. Il n’était pas de ceux qui écrasent. Resté très humain, il savait partager un repas. Il avait un appétit « dévorant » et raconter une histoire. Aussi un soir à Sungei Patani, nous disait-il alors que sur sa chaise longue dans la véranda il lisait une revue liturgique, un insecte va se loger dans son oreille – très désagréable – avec un cure dent il essaie de déloger l’intrus, mais la bête à bon Dieu ainsi chatouillée s’avance plus avant et gratte le tympan « un bruit épouvantable » que faire ? Il est plus de dix heures, pas de docteur sous la main « réfléchissons… j’essaie ! ». Il éteint toutes les lumières et dirige les rayons de sa lampe de poche sur son oreille. Doucement l’envahisseur se retourne et revient à l’air libre. Ouf ! Fier de sa réussite, il la partage avec ses amis qui en prennent bien note au cas où … !
À un ami de l’année qu’il rencontre à Londres, il dira : « Allons au Pub boire une Lager, y a qu’ça de bon ici » avec son solide accent cambrésien ! Il est l’homme de confiance de ses évêques et de ses supérieurs. On peut ne pas être d’accord avec ses idées, mais on le respecte il se donne à plein et plus que ses opinions, c’est sa foi qu’il partage. « Il a été jusqu’au bout de ses forces en Malaisie. Il a accompli sa mission, il aurait voulu en faire encore plus « son Frère » Oui Lulu qu’on aime avoir pour ami.
On pouvait compter sur lui. Il n’avait pas d’élans mystiques ni d’attitudes pieuses : sa spiritualité c’était la ligne traditionnelle de l’église : la Liturgie, l’Eucharistie, la Bible, le Bréviaire souvent récité devant le Saint Sacrement. Les dévotions, il n’y était pas porté, et les statues, il n’en voulait pas de trop ce qui allait parfois contre les désirs et habitudes de ses paroissiens à la piété plutôt démonstrative « avec le Concile, allons à l’essentiel ! » Aussi un jour trouva-t-il ce billet où un paroissien demandait : « Seigneur, protégez-nous d’un curé qui détruit les statues », ce que Lulu n’a jamais fait. Avec un grand rire, il disait : « je les déménage seulement pour être centré sur l’Eucharistie ».
Sa foi s’exprimait dans la priorité qu’il donnait aux pauvres, aux paumés, aux non éduqués et ils étaient nombreux dans les communautés d’origine indienne – ouvriers de plantations qui saignent les hévéas, au travail dès quatre heures du matin, manœuvres pour la réfection de routes, les terrassements, le nettoyage des égouts ; il aide pour l’éducation des enfants et essaie de diminuer les abus des contremaîtres. Et tout en grognant, il est généreux.
Sa confiance et son espérance, il l’a montré surtout dans les années de maladie. Lui « l’armoire à glace » contraint à la retraite à soixante-quatre ans ! et c’est avec élégance qu’il a accepté ses limites, évitant d’être une charge pour les autres mais surtout vivant à plein ce qui lui était encore possible. Il se réjouissait de ce que les confrères de son âge pouvaient encore faire : il se considérait toujours partie prenante de l’église de Penang avec son nom dans le Directoire du diocèse : « Catel, à la retraite en France ». Il priait pour nous tous missionnaire jusqu’au bout ».
Lucien Catel le sillon bien droit et profond où la graine prend racine et porte des fruits nombreux, des fruits qui reste. EN AVANT TOUTE, LULU !
Remerciements
La famille de Lucien remercie le Père Arrow des Missions étrangères de Paris, d’avoir accepté de rédiger ces quelques pages à la mémoire de Lucien.
Il fut aidé dans son travail par celles et ceux de France ou de Malaisie qui ont transmis documents et souvenirs inscrits à jamais dans leur cœur.
Michel, un de ses nombreux amis a bien voulu se charger de la présentation. Quel plus bel hommage pouvions-nous rendre à celui qui fut « le bon et serviteur fidèle » du Seigneur et de l’Église de Malaisie.