Antoine DAVELUY1818 - 1866

[0487] Marie-Nicolas-Antoine DAVELUY, coadjuteur et vicaire apostolique en Corée, martyr, est né le 16 mars 1818 dans la paroisse Saint-Leu, à Amiens (Somme). Il fait ses études au Blamont, succursale de Saint-Acheul, au petit séminaire de Saint-Riquier, aux séminaires d'Issy et de Saint-Sulpice à Paris. Ordonné prêtre le 18 décembre 1841, il est vicaire à Roye pendant un peu plus d'une année et demie.

Sa santé, jusque-là plutôt faible, s'étant améliorée, il réalise le désir qu'il nourrissait depuis plusieurs années, et entre au Séminaire des MEP le 4 octobre 1843. Il en part le 6 février 1844 avec sa destination pour les îles Riu-kiu (Japon).

Corée 1845-1866

Cependant, pendant qu'il attend à Macao l'occasion de s'y rendre, le nouveau vicaire apostolique de la Corée, Mgr Ferréol, de passage à Chang-haï, le demande au P. Libois qui le lui accorde. En 1845, tous les deux s'embarquent pour la Corée ; malgré une forte tempête, ils parviennent à aborder le 12 octobre près du port de Kang-kien-in.

Daveluy part étudier la langue dans une petite chrétienté, et, dès janvier 1846, commence ses courses apostoliques, qu'une persécution contrarie pendant l'été. Deux ans plus tard, il dirige le séminaire. Il reprend ensuite l'administration d'un district ; parallèlement, il prépare avec un soin scrupuleux un dictionnaire chinois-coréen-français, traduit plusieurs ouvrages coréens d'histoire et de chronologie, et révise les livres de religion destinés aux néophytes.

En vertu d'un bref du 13 novembre 1855, Mgr Berneux le choisit en 1857 pour coadjuteur avec future succession, et le 25 mars il le sacre à Séoul évêque d'Acônes. Après le synode, qui suit cette cérémonie, le premier de la mission, il regagne son poste et reprend ses travaux.

En 1859, il achève différents ouvrages pour l'instruction des chrétiens ; il complète les annales des premiers martyrs du pays, et rédige des notes biographiques sur la plupart des confesseurs coréens. La même année, il entreprend un voyage de trois mois pour rechercher et interroger les témoins encore vivants de la persécution de 1801 ; en octobre 1862, il envoie au Séminaire des MEP ses travaux sur l'histoire de la mission. C'est grâce à ces documents, souvent reproduits littéralement, que le P. Dallet a écrit l'Histoire de l'Eglise de Corée qui, en bonne justice, doit en très grande partie, sauf l'introduction, être attribuée au P. Daveluy.

En 1861, il réside dans la province de Kyeng-syang, et, malgré l'hostilité des païens, il y détermine d'assez nombreuses conversions. A cette époque, par suite d'une entente entre l'évêque et les missionnaires, les districts assignés aux ouvriers apostoliques ne portent ni le nom des provinces, ni celui des chrétientés ; on avait donné à chacun un nom des fêtes de la Sainte Vierge. Voici, à ce sujet, les renseignements qui ont pu être obtenus :

Dans la province de Kyeng-keui :
Séoul, district de l'Immaculée-Conception ;
Houg-tjyou (Haut Nai-hpo), district de la Nativité.
Dans la province de Tchyoung-tchyeng :
Partie ouest (Bas Nai-hpo), district de la Visitation ;
Partie nord-est, district de la Présentation.
Centre (Kong-tjyou et environs), district de l'Annonciation ;
Dans la province de Kyeng-syang :
Partie nord-ouest (peut-être), district de l'Assomption ;
Partie ouest (peut-être), district de la Purification.

Au début de l’année 1865, le P. Daveluy travaille dans le Haut Nai-hpo ; au printemps de 1866, il est à Keu-to-ri, lorsque la persécution devient violente ; en vain, il essaie de fuir dans une barque, un vent contraire l'en empêche.

Dénoncé par des traîtres, il est arrêté par des satellites, et pressé par eux d'indiquer la retraite des missionnaires qu'on leur a ordonné de saisir. Le prélat a pour voisin un jeune prêtre, le P.L. Huin. Convaincu qu'il n'existait pour celui-ci aucune chance de fuite, craignant en laissant les recherches se prolonger de compromettre un plus grand nombre de chrétiens, il fait dire au missionnaire de venir le rejoindre ; le P. Huin obéit immédiatement. Un autre missionnaire, le P. Aumaître, informé des événements, va retrouver les captifs. Les trois apôtres sont conduits à Séoul et jetés en prison.

Pendant cette incarcération, le vicaire apostolique, le P. Berneux, qui lui aussi a été arrêté, est condamné, et décapité le 8 mars. De ce fait,le P. Daveluy devient vicaire apostolique de la Corée.

Lorsqu'il comparait devant ses juges, il peut, grâce à sa connaissance approfondie de la langue coréenne, faire plusieurs longues apologies du christianisme. Pour cette raison peut-être, mais surtout à cause de sa dignité de grand-maître de la religion, il subit plus fréquemment et plus rudement que ses compagnons la bastonnade sur les jambes, les coups de planche, et la poncture avec les bâtons aiguisés. Enfin, le tribunal porte contre les trois prisonniers une sentence de mort.

Cependant, le roi est malade, et des sorciers nombreux, réunis au palais, font pour le guérir des cérémonies superstitieuses ; de plus, il doit bientôt célébrer son mariage. On craint que le supplice des Européens ne nuise à l'effet des sortilèges, et qu'une effusion de sang humain dans la capitale ne soit d'un fâcheux augure pour les noces royales. C'est pourquoi, le régent prescrit d'aller décapiter les condamnés dans la presqu'île de Syou-yeng, à vingt-cinq lieues au sud de Séoul.

L'évêque et ses prêtres sont conduits à cheval à l'endroit désigné. Leur coeur surabondait de joie, et, au grand étonnement des satellites et des curieux, ils adressent à Dieu de ferventes actions de grâces, en chantant des psaumes et des cantiques. Le Jeudi-Saint, 29 mars, ils arrivent assez près de Syou-yeng. Mgr Daveluy entend les satellites qui, causant entre eux, se promettent de retarder l'immolation des confesseurs, pour aller les montrer à la ville voisine.

Alors, touché d'un vif désir de mourir le jour anniversaire de la mort du Sauveur, il les interrompt : « Non », s'écria-t-il, « ce que vous dites-là est impossible. Vous irez demain, droit au lieu de l'exécution, car c'est demain que nous devons mourir ". Le prisonnier est obéi, et le lendemain, Vendredi-Saint, 30 mars 1866, lui et ses compagnons parviennent à Syou-yeng.

Le mandarin qui préside à leur supplice enjoint aux martyrs de se prosterner devant lui. C'est l'usage, en Corée, que les condamnés saluent ceux qui les font mourir. Mgr Daveluy répond qu'il saluera à la manière française, et il refuse de se mettre à genoux. Une poussée brutale le jette la face contre terre.

Un autre incident horrible marque la mort du saint évêque, qui est décapité le premier. L'exécuteur n'avait pas fixé le prix de sa sanglante besogne. Après avoir frappé le condamné d'un premier coup de sabre qui lui entaille profondément la nuque, il s'arrête et refuse de continuer, si on ne lui promet une forte somme. L'avarice du mandarin résiste à ces prétentions. Il fallut réunir les employés de la préfecture pour prendre une décision. La discussion dure longtemps, la victime se débattait à terre dans les convulsions de l'agonie ; enfin le marché est conclu, et deux nouveaux coups de sabre délivrent l'âme du témoin de Jésus-Christ.

Les corps des martyrs, ensevelis dans le sable au lieu même de l'exécution par des païens du voisinage, sont recueillis par des chrétiens au mois de juin suivant, et inhumés dans le district de Hong-san, à trois lieues de la côte. Transférés ailleurs par suite de circonstances diverses, ils sont exhumés au mois de mars 1882 par ordre du provicaire, le P. Blanc, et au mois de novembre suivant, envoyés à Nagasaki (Japon), afin d'y être à l'abri de toute profanation.
On les rapporte en Corée lorsqu'il n'y a plus à craindre de persécution, et, depuis l'année 1900, ils reposent dans la cathédrale de Séoul.

Mgr Daveluy était un travailleur opiniâtre ; il se distinguait aussi par son esprit de renoncement et de mortification, autant que par sa persévérance. Malheureusement, il était scrupuleux. Son important dictionnaire et la plupart des écrits qu'il n'avait pas envoyés au Séminaire des MEP ont été détruits pendant la persécution.