Jean-Baptiste GOUTELLE1821 - 1895
- Status : Prêtre
- Identifier : 0543
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1848 - 1858 (Chongqing [Chungking])
- 1858 - 1895 (Kangding [Tatsienlu])
Biography
[543]. GOUTELLE, Jean-Baptiste, naquit à La Borgia, commune de Saint-Christo-en-Jarret (Loire), le 29 juillet 1821. Il fit ses études au petit séminaire de Saint-Jodard, au séminaire de philosophie à Alix, et entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 5 novembre 1845. Ordonné prêtre le 29 mai 1847, il partit le 16 septembre suivant pour le Se-tchoan. Il débuta à Fou-tcheou en 1850, fonda plusieurs stations, et détermina un certain nombre de conversions. C'est alors que, pour se familiariser avec la langue chinoise, il traduisit en chinois le dictionnaire français de l'académie (900 à 1 000 pages in-4) ; ce travail est resté manuscrit. En 1856, lors de la division du Se-tchoan en plusieurs vicariats, il fit partie du Se-tchoan oriental.
En 1858, il devint missionnaire du Thibet, réussit à se rendre à Ta-tsien-lou et à y faire l'achat d'une maison.
Après le traité de 1860, qui ouvrait, croyait-on, le Thibet à l'évangélisation, il s'installa d'abord à Kiang-ka, ensuite à Bonga, puis à Aben. Retourné à Kiang-ka et chassé par les lamas, il se fixa à Ta-tsien-lou. Nommé provicaire en 1863, il gouverna la mission depuis le départ pour Pékin et la France de Mgr Thomine-Desmazures, jusqu'à l'arrivée de Mgr Chauveau (1863-1864). En 1867, il résigna ses fonctions de provicaire, et s'établit à Bathang, où, après beaucoup de difficultés, il acheta un terrain et construisit un presbytère et un oratoire. Expulsé de nouveau par les lamas en 1873, il y revint l'année suivante, le vice-roi du Se-tchoan ayant ordonné à ses agresseurs de reconstruire la résidence des missionnaires. En 1875, il fonda définitivement la station d'A-ten-tse, et s'y maintint jusqu'en 1887. Chassé encore par les lamas, il essaya vainement, pendant plus de six ans, d'obtenir justice. En 1894, il se rendit à Ouy-sy. Il y mourut le 26 juillet 1895.
C'était un missionnaire de grand zèle et de profonde humilité. En 1878, il écrivait à son nouvel évêque, Mgr Biet, ces paroles que sa vie réalisa : " Vous pouvez être convaincu que je suis tout entier à votre disposition. Envoyez-moi en haut, envoyez-moi en bas, placez-moi à droite, placez-moi à gauche, vous serez obéi aussitôt que vos ordres me seront connus. Je n'ai d'autre volonté que la vôtre. "
Obituary
M. GOUTELLE
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU THIBET
Né le 29 juillet 1821.
Parti le 16 septembre 1847.
Mort le 26 juillet 1895.
Pour la clôture de cet exercice 1894-1895, écrit Mgr Biet, le courrier de Chine nous a apporté une douloureuse nouvelle : M. Jean-Baptiste Goutelle, doyen des missionnaires du Thibet, et l’un des membres les plus âgés de la Société des Missions-Étrangères, est mort de la dysenterie à Ouisy, le 26 juillet dernier. Le vénéré défunt fut assisté dans sa maladie et à ses derniers moments par M. Léard, son com¬pagnon habituel. J’ai hâte de dire que ce saint missionnaire n’a pas cessé, un seul jour, d’être un modèle de la vie sacerdotale et aposto-lique.
M. J.-B. Goutelle naquit à La Borgia, sur la paroisse de Saint-Christo en-Jarret (diocèse de Lyon), en 1821, d’une famille d’excellents chré¬tiens. C’est dans son village natal, chez M. Moussé, vicaire de Saint-¬Christo, et plus tard chez M. Ville, instituteur de la paroisse, qu’il fit ses premières études ; c’est là aussi qu’il se lia d’amitié avec Jean-Louis Bonnard, le futur martyr du Tonkin, et avec Pierre Fayolle, qui mourut en odeur de sainteté au Séminaire des Missions-Étrangères, quel¬que temps après sa première messe. Ces trois enfants prédestinés, qui, on peut le dire, n’ont jamais connu les étourderies de l’enfance, avaient les mêmes aspirations, la même piété, le même désir de tout sacrifier pour se donner à Dieu et à la conversion des païens. Leur amitié fut cimentée par le contrat de s’entraider, toute leur vie, en récitant chaque jour, l’un pour les deux autres, le Memorare et le Sub tuum, et par la promesse que le premier qui irait au ciel veillerait à la sanctification des deux qui resteraient sur la terre. Après avoir fait leurs études secondaires au séminaire de Saint-Jodard, qui a fourni tant de vaillants et saints missionnaires, les trois amis se retrouvent, en 1846, au séminaire de la rue du Bac. En 1847, à la Trinité, M. Goutelle, le plus âgé des trois, est ordonné prêtre et reçoit sa destination pour le Su-tchuen. Le 16 septembre, il s’embarque pour la Chine avec 6 con¬frères parmi lesquels se trouve M. Thomine des Mazures, ancien vicaire général de Bayeux, destiné lui aussi au Su-tchuen, et qui devait être plus tard le premier vicaire apostolique du Thibet. M. Goutelle eut d’abord de grandes difficultés pour apprendre le chinois, mais, loin de se décourager, il redoubla d’énergie et implora le secours de Dieu par des neuvaines de messes réitérées, jusqu’à ce qu’il pût parler couramment. Sa foi et son courage furent amplement récom¬pensés, car il devint un des missionnaires les plus habiles à parler le chinois, et, plus tard, profitant des loisirs que lui créait son expul¬sion du Thibet, il eut le courage de traduire en chinois le Diction¬naire de l’Académie (ouvrage de 900 à 1.000 pages in 4º), qui rend les plus grands services aux jeunes missionnaires et même aux anciens.
Pendant dix ans, M. Goutelle se dévoua avec un zèle admirable au soin des chrétiens qui lui étaient confiés, il obtint aussi de nom¬breuses conversions parmi les païens, et fonda plusieurs stations nou¬velles ; il n’est pas oublié au Su-tchuen, et ses vieux chrétiens par¬lent encore avec vénération de leur ancien Père spirituel « Kou-té-eul » (nom chinois du missionnaire). En 1857, lorsque son compagnon de départ, Mgr Thomine des Mazures, fut nommé vicaire apostolique du Thibet, M. Goutelle l’accompagna pour partager ses périls et ses labeurs. Avant le traité de paix, Mgr Thomine l’envoya en éclaireur à Ta-tsien-lou, afin de sonder les dispositions de la population, et se fixer, si la chose était possible, dans cette ville thibétaine. Déguisé en marchand chinois, parlant parfaitement la langue du céleste Empire, il réussit à acheter, en dehors des remparts, une auberge qui est maintenant la résidence épiscopale. Quand il eut pris possession de cette maison en y plaçant un locataire chrétien, il retourna à Ta-lin-pin, pour rendre compte à son évêque du succès de sa mission. Après le traité de paix de 1860 qui ouvrait le Thibet à l’Evangélisation, les missionnaires réunis à Ta-lin-pin, MM. Goutelle, Fage, Desgodins, Durand et Alexandre Biet, ayant à leur tête Mgr Thomine, formèrent la première caravane qui devait pénétrer dans le royaume de Lhassa. Ta-tsien-lou fut la première étape de ce long voyage. Là, les mission¬naires s’installèrent ouvertement dans la maison achetée en secret, l’année précédente, par M. Goutelle. M. A. Biet fut chargé de l’occuper comme procure de la mission, et la caravane continua sa route en avant, à travers les montagnes. Après un mois de marche, on arriva à Kiang-ka capitale de la province du Kham. Mgr Thomine laissa, dans cette ville, MM. Goutelle, Fage et Durand, tandis qu’il continuait sa route sur Lhassa avec MM. Renou et Desgodins ; mais bientôt les lamas de Lhassa, aidés des mandarins chinois soudoyés par eux, pro¬testèrent contre l’exécution de l’édit impérial et tramèrent l’expulsion des étrangers du Thibet. Le Tiguié, gouverneur de Kiang-ka et de la province du Kham, interdit aux missionnaires l’eau et le feu, espérant les réduire par la famine. M. Goutelle et ses compagnons tinrent bon. Malgré la défense de leur vendre des vivres, défense qui fut rigou-reusement observée par les Thibétains, les soldats chinois se laissè¬rent tenter par l’appât du lucre ; quelques sacs de farine d’avoine et des viandes desséchées furent achetées, pendant la nuit, au camp chinois, et permirent aux missionnaires de ne pas mourir de faim. Cependant la surveillance devint bientôt si étroite qu’il leur fut impossible de se procurer des vivres. Ils écrivirent alors à Mgr Tho¬mine qui avait été arrêté lui-même, à Tchamouto, sur la route de Lhassa : Mgr Thomine rendit le mandarin chinois responsable de la mort qui attendait ses missionnaires ; celui-ci effrayé força le gou¬verneur thibétain à se relâcher de sa sévérité en leur permettant d’acheter des provisions pour quelques jours. M. Goutelle, rendant compte à son Evêque du bon résultat obtenu par son intervention, lui écrivit ces lignes qui dénotent si bien son état d’âme : « Monseigneur, « nous vous sommes tous trois très reconnaissants des démarches que vous avez faites, à « plusieurs reprises, auprès du colonel chinois Tchong pour nous sauver et nous empêcher de « mourir de faim. Cependant, pour ma part, permettez-moi de vous le dire franchement, « j’aurais presque raison de me plaindre, car vous me faites un tort immense. Ah ! si vous « demandiez à Dieu, et si vous obteniez pour moi la grâce du martyre, je serais bien plus « heureux, car ma mort, en pareille circonstance, serait beaucoup plus utile à la reli¬gion et au « salut des âmes que ma vie. A vrai dire, je ne sais pas à quoi je pourrais être bon sinon à « courber ma tête sous le sabre du persécuteur. Il est probable que cet insigne honneur ne « m’arrivera pas encore cette fois, mais, pardonnez-moi cette ambition, je n’y renonce pas « tout à fait. Dans toutes ces contrariétés, ce qu’il y a de consolant pour moi, c’est de penser « que je commence à être missionnaire. Au milieu des petites humiliations que nous venons « de subir je méditais avec bonheur cette parole de la Sainte Ecri¬ture : Ibant apostoli « gaudentes conspectu consilii. Oh ! qu’il est doux de souffrir pour le nom de Notre-Seigneur « Jésus-Christ ! Aussi sommes-nous bien décidés à ne point quitter le poste, et à mourir plutôt « sur le champ de bataille. Veuillez demander à Dieu de nous affermir dans cette résolution et « de nous soutenir au milieu du combat. » Voilà bien les sentiments et le langage qui con¬viennent à un ami du martyr Jean-Louis Bonnard.
M. Goutelle fut ensuite envoyé à Bonga et lorsque les villages du Tsarong se convertirent en masse, il fut chargé d’évangéliser le village d’Aken, situé à 30 kilomètres de Bonga, et dont tous les habitants, hommes libres et esclaves, s’étaient déclarés chrétiens. Il passa là des jours heureux, donnent libre cours à son zèle pour la prédication et l’enseignement du catéchisme.
Cependant la persécution continuait à Kiang-ka. M. Renou, qui tenait tête à l’orage, épuisé par les travaux et les privations, sentant ses foroes faiblir, appela auprès de lui M. Goutelle pour le seconder. Ce dernier n’hésita pas à entreprendre de suite un périlleux voyage de douze journées, en pays hostile, par des sentiers irréguliers, étroits et bordés de précipices. La divine Providence permit qu’il arrivât à temps, à Kiang-ka, pour soigner M. Renou dans sa dernière maladie, et l’assister au moment de sa mort, qui arriva le 18 octobre 1863. Pendant que M. Goutelle donnait à son confrère mourant les suprêmes consolations de la religion, les lamas brisaient à coups de hache les portes et fenêtres de la maison des missionnaires, insultant ainsi à son agonie le fondateur de la mission du Thibet. M. Fage alla bientôt remplacer M. Renou et tenir compagnie à M. Goutelle, à Kiang-ka ; mais les lamas, voyant que leurs tracasseries et la défense de vendre des vivres aux deux missionnaires ne parvenait pas à vaincre leur résistance, eurent recours à la violence et les chassèrent du royaume de Lhassa. M. Fage s’arrêta à Bathang, capitale de la principauté Thibétaine de ce nom, et M. Goutelle continua sa route jusqu’à Tchen-tou, capitale du Su-tchuen, pour protester auprès du vice-roi contre la violence injuste qu’il venait de subir. Ses récla¬mations restèrent sans effet, et il s’installa à Ta-tsien-lou, d’où il gou¬verna la mission du Thibet avec les pouvoirs de provicaire et même de supérieur, après l’expulsion de Mgr Thomine. En 1867, Mgr Chau¬veau, deuxième vicaire apostolique du Thibet, lui permit de résigner ses fonctions de provicaire et de retourner à l’intérieur des pays Thibétains. Ne pouvant triompher de l’hostilité des lamas et des mandarins chinois qui s’opposaient à son retour à Kiang-ka, sous pré¬texte que sa vie y serait en danger, il se fixa à Bathang avec M. Fage. Les deux apôtres firent de vains efforts pour acheter une maison et furent contraints de se loger chez des païens jusqu’en 1870, époque du tremblement de terre qui détruisit la ville de Bathang. Alors ils vécurent sous la tente, et M. Goutelle profita du désarroi général et de la pénurie d’argent pour acheter du roitelet thibétain un terrain sur lequel il se hâta de construire résidence et chapelle. Les lamas de Bathang ne laissèrent pas longtemps les missionnaires pai¬sibles possesseurs de leur maison. En 1873, ils achetèrent le silence des roitelets en brûlant les titres qui établissaient leurs dettes envers la lamaserie, ils achetèrent de même la complicité du colonel chinois Ma-tchen-pin, en lui offrant une idole en or massif et 300 ballots de thé, et assurés dès lors de ne rencontrer aucune opposition, ils décrétèrent la destruction de la mission. Une escouade de jeunes lamas envahit la résidente à la tombée de la nuit, saisit de force MM. Goutelle et Carreau, et les conduisit chez le colonel, soi-disant pour les mettre à l’abri d’un coup de main, pendant que plusieurs bandes armées se ruaient sur 1a mission, pillant et détruisant tout. Les missionnaires furent expulsés, pendant la nuit, et conduits sous escorte, comme des malfaiteurs, en dehors du territoire de Bathang. Mgr Chauveau porta plainte au vice-roi du Su-tchuen, Tin-kong-pao, qui, indigné de la duplicité des lamas et de la vénalité du colonel, ordonna la reconstruction des maisons détruites aux frais de la lamaserie. En 1874, M. Goutelle prit possession des nouvelles constructions.
Envoyé à Atentse, en 1875, pour y fonder une station, il habita longtemps la maison d’un païen. A force de patience et de ténacité, il finit par acheter un terrain sur lequel il bâtit successivement une chapelle, une résidence pour le missionnaire, une pharmacie et une école, Il venait de prendre pied dans cette ville impor¬tante, malgré la lamaserie composée de 500 lamas, lorsque nous arriva la douloureuse nouvelle de la mort de Mgr Chauveau. M. Goutelle écrivit à celui qui fut élu pour lui succéder une lettre que je n’hésite pas à transcrire ici, car elle fera connaître, mieux que tous les raisonnements, les vertus éminentes de cette âme sacerdotale. Il ne faut pas oublier que celui qui écrit cette lettre compte dix-sept ans de travaux apostoliques de plus que l’élu, et qu’il a été son supérieur pendant plusieurs années.
« Atentse, 15 novembre 1878.
« Monseigneur,
« C’est avec une bien grande joie que j’ai appris votre élection, votre nomination, votre « acceptation et votre sacre prochain. J’ai récité quatre Te Deum pour cela. La volonté de « Dieu était évidente : vous ne pouviez pas refuser sans aller contre cette volonté divine... La « charge que vous avez acceptée est certainement lourde, et je vous suis reconnaissant de ne « l’avoir pas refusée. Elle n’est point au-dessus de vos forces, parce que Dieu n’appelle jamais « personne à un emploi quelconque sans lui donner les grâces qui lui sont nécessaires pour le « bien remplir. Vous pouvez être certain qu’il ne manquera pas de bénir votre obéissance et « votre soumission si promptes à ses desseins éternels... C’est une preuve bien consolante que « sa miséricorde infinie ne nous abandonne point et ne nous veut que du bien. Qu’il en soit « donc mille fois béni ! Ce qui doit surtout vous consoler, vous rendre le sacrifice moins « pénible, et vous encourager dans la voie où vous êtes entré, c’est que vos confrères seront « heureux de travailler sous votre paternelle direction. Oui, vous êtes devenu notre père et « nous sommes devenus vos enfants. J’espère donc qu’il n’y aura entre nous qu’un cœur et « qu’une âme, qu’affection et dévouement, qu’entente et bienveillance, que douceur et « obéissance, et qu’émulation et encouragement pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. « Quant à moi, Monseigneur, je commence à devenir vieux, comme vous savez, il est plus que « probable que je ne suis pas loin du terme de ma carrière. Je ne pourrai donc vous rendre que « de courts et faibles ser¬vices ; mais au moins ce ne sera pas la bonne volonté qui me man¬« quera. Vous pouvez être convaincu que je suis tout entier à votre disposition. Envoyez-moi « en haut, envoyez-moi en bas, placez-moi à droite, placez-moi à gauche, vous serez obéi « aussitôt que vos ordres me seront connus. Je n’ai pas d’autre volonté que la vôtre. La « grande grâce que je demande à Dieu, c’est d’avoir jusqu’au dernier soupir, pour mon « supérieur, tout le respect, tout l’amour, toute la soumission et tout le dévouement qui lui « sont dus. Je ne vois en lui que Dieu dont il tient la place pour me diriger. Jusqu’à l’heure « qu’il est, ma conscience ne me reproche point d’avoir failli à l’obéissance, et j’espère, Dieu « aidant, n’y faillir jamais. Je ne doute pas que mes confrères n’aient les mêmes sentiments « que moi, ils en auront peut-être de meilleurs encore. Je suis bien sans contredit le dernier de « tous. Ils sont plus vertueux, plus capables et plus zélés que moi. Il n’y a qu’une chose en « laquelle je ne veux pas leur céder, c’est en bonne volonté. Ménagez votre santé ; je sais « qu’elle n’est pas des plus florissantes, mais avec quelques précautions et des soins elle peut « durer longtemps. C’est ce que je désire, c’est ce que je demande à Dieu dans toutes mes « prières. Puissé-je être exaucé. Fiat ! Fiat ! Oui, Monseigneur, ad multos annos, pour la « gloire de Dieu, pour le salut des Thibétains et en même temps pour notre consolation ! C’est « dans ces sentiments, Monseigneur, que je suis et veux être jusqu’au dernier moment. »
« Signé : J. B. GOUTELLE, m. ap. »
M. Goutelle eut d’abord pour compagnon, à Atentse, M. Léard, qui fit auprès de lui ses premières armes avant d’aller occuper le poste de Siao-ouysy ; puis M. Genestier, qui supporta avec lui la der¬nière persécution. Le gouvernement de Lhassa, toujours inquiet, toujours jaloux de nos moindres succès, ordonna, en 1887, aux monastères bouddhiques des frontières, de détruire toutes nos stations thibétaines. La lamaserie d’Atentse, imitant en cela celle de Bathang, ne se fit pas prier. Cette fois encore, les mandarins chinois, payés par les lamas, livrèrent les missionnaires. Pour la troisième fois, M. Goutelle, chassé par la force, vit sa station in¬cendiée et ses effets pillés. Il fut abandonné ensuite sur la route avec son compagnon, par une pluie battante, n’ayant pour toute fortune que son bréviaire et les habits dont il était vêtu. Le voilà, après 40 ans de mission, dénué de tout, couchant dehors comme un mendiant, mais la joie de ceux qui souffrent pour Jésus-Christ ne le quitte pas un instant. Il confie les chrétiens d’Atentse à M. Genestier et part pour Ta-li-fou, afin de demander justice aux mandarins supé¬rieurs.
Pendant 6 ans et plus, il n’a cessé de réclamer cette justice, sou¬vent promise, mais jamais accordée. Enfin en 1894, le vice-roi de Yun-nan, pressé par le gouvernement de Pékin, annonça qu’il allait envoyer un délégué à Atentse, et que M. Goutelle devrait l’accompa-gner. Ce dernier, quoique malade, entreprit avec M. Léard, le long et pénible voyage de Ta-li-fou à Ouysy ; le délégué chinois s’aboucha avec les lamas persécuteurs, reçut d’eux de l’argent, et, sans discuter le procès avec M. Goutelle, repartit en faisant à son supérieur un faux rapport pour innocenter les lamas et déclarer que les plaintes de notre confrère étaient sans fondement. M. Goutelle, persécuté et calomnié, n’eut plus la force de retourner à Ta-li-fou ; ses jambes étaient enflées et ses forces physiques l’abandonnaient. En mars dernier, il écrivit encore une lettre dans laquelle il dévoilait les mensonges et les fourberies du délégué chinois envoyé pour lui rendre justice. Ce fut sa dernière lettre : « Faites connaître, disait-il, à la « Légation française, que le rapport du vice-roi envoyé à Pékin est un tissu de mensonges. Il « est faux que le pont de Tsekou ait été rétabli. Il est faux que Tsekou soit en paix, puisque le « maire Atchong maudit en face les missionnaires et les chrétiens, que le peuple de Patong « les pille, que les lamas de Hongpou viennent battre les néophytes jusque chez eux. Il est « faux que les mission¬naires n’aient pas été chassés et exilés, à Yetche, avec leurs 300 « chrétiens. Il est faux qu’à Tsekou il n’y ait pas eu de maisons in¬cendiées et pillées. Il est « faux qu’à Atentse ma maison et ma chapelle n’aient pas été brûlées, puisque MM. Couroux « et Bourdonnec, chassés de Yerkalo, ont été témoins de l’incendie. Il est faux que mes « constructions d’Atentse soient tombées de vétusté sans qu’il y ait de la faute des lamas, « puisque les constructions étaient toutes neuves et que les lamas les ont incendiées au grand « jour, sans se cacher. Il est faux que j’aie confié moi-même mes caisses à un chef thibétain, « puisqu’on m’a chassé par la violence. Il est faux que rien n’ait été détérioré dans ma « résidence, puisque les lamas ont fait un feu de joie de plusieurs de nos caisses et des effets « qu’elles contenaient. Par leurs audacieux mensonges, ces mandarins chinois nieraient qu’il « fait jour en plein soleil. Dévoilez ces mensonges auprès de notre Ministre à Pékin. » Telle « est la dernière lettre de notre vénéré confrère. La dysenterie vint bientôt augmenter sa « faiblesse et mettre sa vie en danger. M. Léard lui prodiguait ses soins et ne le quittait point. « Il eut la suprême consolation de mourir à Ouysy, sur le territoire de la Mission du Thibet, « muni des Sacrements, en faisant à Dieu, avec confiance et joie, le sacrifice d’une vie « héroïque, dépensée tout entière pour sa gloire et le salut des âmes.
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References
[0543] GOUTELLE Jean-Baptiste (1821-1895)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1874 (déc.), pp. 10, 12 ; 1875, p. 15 ; 1878, p. 62 ; 1879, p. 27 ; 1881, p. 36 ; 1882, p. 34 ; 1884, p. 56 ; 1885, p. 52 ; 1886, p. 51 ; 1887, p. 86 ; 1889, p. 86 ; 1893, p. 122 ; 1896, p. 118.
A. P. F., xxvi, 1854, p. 372 ; xxxvi, 1864, Mort de M. Renou, p. 327 ; xxxvii, 1865, p. 436. - A. S.-E., xvii, 1865, p. 19. - M. C., iv, 1871-72, p. 562 ; xiv, 1882, p. 221 ; xxvii, 1895, pp. 552, 563. - A. M.-E., 1910, p. 269. - Sem. rel. Lyon, 1896, 1er sem., p. 42.
Hist. gén. Soc. M.-E., Tab. alph. - Hist. miss. Thibet, Tab. alph. - Les Bx de la Soc. M.-E., p. 14. - Les miss. franç. au Thibet, p. 23.
Notice nécrologique. - C.-R., 1880, p. 109.
Bibliographie:
GOUTELLE Jean-Baptiste (1821-1895)
[Dictionnaire français-chinois] / J. -B. Goutelle. - [185-]. - [1.000] p. ; 4°.
Traduction manuscrite du Dictionnaire de lAcadémie.