Eugène COSTE1842 - 1896
- Status : Prêtre
- Identifier : 0987
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Identity
Birth
Death
Status
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1868 - 1870 (Hong Kong)
- 1872 - 1874 (Hong Kong)
- 1874 - 1875 (Shanghai)
- 1875 - 1885
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1870 - 1872 (Malacca)
- Country :
- Korea
- Mission area :
- 1885 - 1896 (Seoul)
Biography
[0987] COSTE Eugène est né le 17 avril 1842 à Montarnaud (Hérault).
Il entre aux MEP le 10 décembre 1866. Ordonné prêtre le 6 juin 1868, il part le 15 juillet suivant, en qualité de sous-procureur, à Hong Kong (Chine).
De décembre 1870 à juin 1872, il remplace le procureur de Singapour.
En 1872, il retourne à Hong Kong. Deux ans plus tard, il est nommé procureur à Chang-haï.
En septembre 1875, il demande à être agrégé au vicariat apostolique de Corée. Il ne réussit à entrer en Corée qu’en 1885. Il est alors placé à Séoul, dans la paroisse Saimoun-an. De 1887 à 1896, il réside à Tjyong-hyen. Il ouvre une imprimerie et fait bâtir une chapelle.
Il meurt d’un accès de fièvre le 28 février 1896 à Séoul.
Obituary
M. COSTE
PROVICAIRE DE LA MISSION DE CORÉE
Né le 17 avril 1842.
Parti le 15 juillet 1868.
Mort le 28 février 1896.
« La Mission de Corée vient de perdre un de ses plus dignes ouvriers dans la personne du « Bon Père Coste ». Car c’est sous ce nom que notre Provicaire était depuis longtemps connu et familièrement vénéré de tous ses confrères et nombreux amis, tant missionnaires que laïques, en Extrême-Orient. Dieu l’a rappelé à Lui dans la cinquante-quatrième année de son âge, après vingt-huit ans de travaux apostoliques. Aucun missionnaire de Corée n’avait encore fourni aussi longue carrière. Tous, jusqu’ici, avaient été emportés, la plupart à la fleur de l’âge, les autres relativement jeunes, ou par les privations et la maladie, ou par le fer des persécutions. Aussi étions-nous heureux d’espérer que lui, au moins, comme un autre Jean, dont il rappelait le nom et les vertus, resterait longtemps encore au milieu de cette jeune église coréenne, pour la consoler par une belle et verte vieillesse, des deuils répétés qui l’affligent si cruellement depuis quelques années. Le bon Dieu en a disposé autrement : Que sa sainte volonté soit faite et non la nôtre !
« Avec le Père Coste disparaît du milieu de nous une figure vraiment vénérable et sympathique, où tout respirait le calme, la mansuétude, la modestie, la charité et une imperturbable union de l’âme avec Dieu. Maintenant qu’il n’est plus, il semble que la mort ait déposé sur son front une sorte d’auréole, et la douceur de son visage noblement encadré dans une couronne de cheveux blanchis et de barbe grisonnante rappelle volontiers ces belles têtes de moines, où le pinceau des artistes a su mettre tant de paix, de lumière tranquille et de céleste sérénité. C’est que, dans le tableau de cette vie toute sacerdotale il n’y a pour ainsi dire point d’ombre. Qu’on l’examine dans l’ensemble ou dans les détails, on n’y découvre ni tache ni vide ; c’est une suite de jours pleins. Tout y était en ordre et à sa place ; rien de saillant par caractère, rien d’éclatant par modestie, rien de heurté par caprice, rien de négligé par impatience ou par humeur. Il suivait un plan et une méthode en tous ses actes ; la règle et la mesure en tout et toujours. Encore cette mesure n’avait-elle rien d’étroit ; sa règle n’était point rigide, mais douce, à la manière de saint François de Sales, sachant se plier aux circonstances sans blesser ni gêner personne. Telle une eau limpide qui suit son cours et tourne doucement tous les obstacles sans les briser, sans que rien non plus puisse arrêter sa marche ou troubler sa surface ; telle, durant plus d’un quart de siècle, s’est déroulée cette vie de missionnaire dont l’harmonieuse unité ne s’explique que par une vigilance et une victoire continuelles sur la nature avec une effusion spéciale de la grâce de Dieu. Un homme si bien réglé dans toute sa conduite ne pouvait être que la sincérité et la droiture mêmes ; il était surtout la bonté. On aurait pu abuser de sa bienveillance ; la fatiguer ou la trouver en défaut, jamais. Il ne disait que du bien de tout le monde ; des défauts ou des travers d’autrui, il en parlait si peu qu’il ne semblait pas les connaître, en sorte qu’on se demande s’il y eut jamais dans son cœur une goutte de fiel, dans sa bouche une parole d’aigreur et d’amertume contre personne. A ceux qui ont pu suivre de près, et ils sont nombreux, l’ami vénéré que nous pleurons, de dire si ce portrait est embelli ou simplement fidèle. Peut-être trouveraient-ils avec raison qu’il y manque le trait principal ; à savoir ce cachet de perfection, cet air achevé, ce fini qu’il savait imprimer sur toutes ses œuvres, même vulgaires. Faire tout avec ordre, avec soin et de son mieux, rien que pour Dieu, n’est-ce pas en trois mots tout le Père Coste ? Bene omnia fecit.
« Eugène-Jean-Georges Coste naquit le 17 avril 1842 à Montar¬naud, canton d’Aniane, département de l’Hérault, d’une famille honorable de propriétaires, doués des biens de la fortune, riches surtout des dons de la foi. Son père est mort depuis assez longtemps, sa pieuse mère vit encore. Une sœur, veuve elle-même, habite avec elle le village natal, et tient près de la vénérable octogénaire la place des absents. Un oncle paternel, M. Mercellin Coste, notaire à Montpellier, chrétien influent dans la contrée, homme d’œuvres, très lié avec l’évêque du diocèse, paraît dans les lettres du missionnaire avoir été jusqu’à ces dernières années l’homme de confiance et d’affaires, comme le chef et le bras droit de toute la famille. Le village de Montarnaud, dont la maison paternelle de M. Coste occupe le centre, est situé à douze kilomètres environ de Montpellier, dans une riante vallée qu’entoure un cercle de collines plantées de vignes et d’oliviers. Un vieux château perché sur la hauteur domine le village. C’est dans ce cadre pittoresque où s’éveillèrent sans doute ses goûts d’artiste, que grandit, sous l’œil de Dieu et de ses pieux parents, le futur missionnaire ; il en avait gardé jusqu’à la fin le doux souvenir. « Te rappelles-tu, écrit-il à une cousine moins d’un an avant sa mort, « l’époque où de jeunes écoliers, après avoir gambadé le long de la rivière ou sur les « montagnes de Madières, rentraient joyeux sous le toit paternel ? Il me semble voir encore le « grand pont qui joint le Gard à l’Hérault et les roches où personne n’osait monter, excepté les « chèvres qui allaient y brouter les brins d’herbe et les branches des arbres. Je me souviens « surtout de ces scènes charmantes où toute la famille réunie goûtait les douceurs de la plus « cordiale amitié. Après le repas du soir, on me faisait monter sur une table, et là, je débitais « des morceaux appris à l’école. On ne se doutait guère que ces débuts oratoires étaient « comme le prélude du ministère que je devais exercer plus tard. »
« S’en doutait-il déjà lui-même, et est-ce à ce temps de la première enfance qu’il entendit l’appel de Dieu ? Son extrême discrétion n’a pas permis de le savoir. En tout cas, il est certain que sa vocation apostolique remonte au moins à l’époque de son petit séminaire. C’est dans cette chaude atmosphère de Belmont, au diocèse de Rodez, où il fit une bonne partie de ses études, qu’il en développa les germes ; c’est là qu’en compagnie de pieux condisciples, dont plusieurs sont devenus missionnaires comme lui, il entretenait et chauffait son désir de partir pour les Missions. La vénérable mère de M. Coste n’a pas encore oublié l’origine de la vocation de son fils, elle qui, il y a moins de six ans, accusait encore, sans lui garder toutefois rancune. M. Chibaudel — actuellement supérieur du séminaire de Bièvres — « de lui avoir volé, à Belmont, son bien aimé Jean ».
« Au sortir de ses humanités, M. Coste entra au grand séminaire de Montpellier dirigé par MM. les Lazaristes. Il y reçut les premiers ordres. La piété humble et modeste, la simplicité des fils de saint Vincent de Paul, particulièrement de M. Fiat qu’il y eut pour professeur, firent sur lui une impression profonde. Il n’en parlait qu’avec un respect mêlé d’admiration. Peut-être n’est-il pas téméraire d’attribuer à la vertu de leurs leçons et de leurs exemples cet esprit de douceur qui fit depuis de lui un homme si bon. A la fin de 1866, il entra minoré au Séminaire des Missions-Etrangères, fut ordonné prêtre le 6 juin, c’est-à-dire après un séjour de moins de deux ans à la rue du Bac, et le 15 juillet suivant, se refusant la joie d’aller embrasser une dernière fois sa famille, il quittait Paris et la France, et s’embarquait pour l’Extrême-Orient.
« L’ensemble de ses talents et de ses qualités, l’aménité de son caractère, les goûts d’ordre, de régularité, de travail, qui le distinguaient dès lors, l’avaient désigné au choix de ses supérieurs pour l’important service des procures de la Société. Le jeune missionnaire fit taire ses préférences personnelles et avec cette bonne grâce qui double le mérite de l’obéissance et qu’il savait mettre à tout, il s’adonna de tout son cœur aux devoirs de sa charge, d’autant plus méritoire qu’elle est généralement moins enviée. C’est ainsi que nous le rencontrons, dans un espace de huit années, d’abord sous-procu¬reur à Hong-kong, faisant ses premières armes sous la direction de Mgr Osouf ; puis à Singapore où, à partir de 1870, il remplace pendant deux ans M. Patriat occupé à la fondation du Sanatorium ; de nouveau à Hong-kong, vers 1872, ou il essaie ses talents d’architecte et emprunte aux habiles constructeurs de Béthanie ce goût de l’art gothique, qu’il gardera toujours, un peu exclusif peut-être. Enfin, en 1874, il est nommé procureur à Chang-hay, malgré les résistances de son humilité, et finit par trouver dans ce poste le chemin de la Corée.
« Ce qu’il fut dans ces situations diverses, les témoignages d’estime de ses Supérieurs et du Conseil de Paris, les amitiés profondes et durables qu’il sut inspirer, les regrets surtout qui accueillirent son départ de la procure, le disent assez. On ne se défendait pas d’aimer un homme si affable, si prévenant, toujours prêt à rendre service et qui mettait tout son bonheur à faire plaisir. Sa tenue toujours digne imposait le respect ; sa franche bonhomie donnait confiance ; son humeur toujours égale, sérieuse sans rudesse et joviale sans légèreté, plaisait à tous. Il entendait fort bien la plaisanterie, la rendait même au besoin avec usure, mais le trait qu’il savait aiguiser et enfoncer finement, ne blessait jamais, parce qu’il était toujours cha¬ritable. On ne craignait de lui que ses terribles crayons. Encore les victimes de ses caricatures d’alors se plaignaient-elles de ses malices en des termes plus propres à exciter sa verve que son repentir. « Ah, vraiment, lui écrit l’une d’elles, vous avez un joli compte à régler pour tant « de méfaits. Qu’en dites-vous ? notre cher Père Coste. Vous dites tout naturellement dans la « profondeur de votre simplicité, qu’il ne saurait être question de vous, et que ceux qui ont à « se débrouiller avec ces affreux crayons se débrouillent. » — « Bien sûr, vous serez pendu « pour vos peintures, lui écrit un autre, d’abord j’ai toujours pensé que vous finiriez mal. « Sérieusement, croyez-moi, mon ami, car enfin je vous aime encore un peu, « convertissez.vous : il en est peut-être temps encore. » Et lui-même annonçant à un de ses meilleurs amis sa prochaine sortie de la procure, fait spirituellement allusion à « ses horribles pinceaux », et félicite un certain « Papa Malakoff » d’être désormais délivré de « son affreux persécuteur » avec une pointe de gaieté qu’on est heureux de retrouver dans toute sa correspondance comme dans toute sa vie. Cette note enjouée est loin d’étonner d’ailleurs dans une si sainte âme ; car s’il savait que la piété est utile à tout, il n’ignorait pas non plus que la joie de l’esprit, qui est un fruit de l’Esprit-Saint, doit être sa compagne chez un missionnaire : Ibant gaudentes. C’est pourquoi il sait se montrer joyeux, même à une époque où, se croyant appelé à suivre une autre voie, la vie de procure lui pèse.
« Après de longues et cruelles incertitudes, il finit par se résoudre à prier ses supérieurs de le relever d’une charge dont la délivrance elle-même lui sera une occasion de durs sacrifices. « Il est donc bien vrai, écrivait-il à ce sujet à M. Osouf, maintenant archevêque de Tokio, qu’il « y a de rudes émotions quelquefois dans la vie. Nous en avons eu, et nous en avons chacun « notre part. Donc, encore une séparation. A force d’en subir, il semble que le cœur devrait « s’y faire, et cependant il ne peut s’y habituer. C’est que le cœur ne peut se départir de « certaines affections, et celle qui m’attache à vous est de celles qui sont impérissables ; ni les « distances qui vont s’accroître entre nous, ni les froids de la Corée ne seront capables de « l’amoindrir. » Puis après ce cri du cœur, et comme pour en cacher la blessure, une réflexion enjouée : « Je me revois toujours dans le bon vieux temps à Hong-kong avec Papa Osouf et le « beau Narcisse, devisant sur les constructions de Béthanie. Quel trio, n’est-ce pas ? Qui « aurait dit que bientôt nous serions aux deux bouts du monde ? M. de Béthanie reste, il est « vrai, au milieu, comme trait d’union. Il est fait pour aller au ciel en voiture, lui, quoiqu’il « n’ait pas gagné le prix des courses. Il est tout maussade et presque impertinent avec moi, il « voudrait me faire regretter d’aller en Corée, ce vestibule du Paradis pour les missionnaires « qui y vont à pied. »
« C’était bien en effet le plus pur esprit apostolique, le seul et unique amour de la croix qui inclinaient le cœur de M. Coste vers la Corée, et lui faisaient désirer cette mission persécutée. La lettre par laquelle, en date du 25 septembre 1875, il demandait à MM. les Directeurs du Séminaire de Paris, d’y être agrégé, peint trop bien l’état de son âme pour n’être pas citée en partie.
« Dans notre Société, disait-il, tous les postes sont bons, tous concourent à la conversion « des gentils, qui est notre but, nous sommes tous solidaires ; les mérites des uns rejaillissent « sur les autres... Je sais cela ; j’en suis convaincu, et cependant je ne suis pas parvenu à faire « taire une voix intérieure qui me dit : Va, prêche la parole de Dieu. Longtemps j’ai repoussé « cette suggestion comme une embûche dressée par l’ennemi du bien pour me faire perdre la « tranquillité de l’âme. J’ai médité, j’ai consulté, j’ai prié. La même voix se fait toujours « entendre. Si elle m’invitait à une vie plus molle, plus commode, je la regarderais comme « une tentation ; mais elle me pousse vers les privations, vers les souffrances, vers la croix. « Elle peut être la voix de Dieu ; or la voix de Dieu n’est jamais à mépriser, lors même qu’elle « conseille seulement. » Puis, après avoir essayé par des raisons tirées de sa prétendue inaptitude aux affaires, d’incliner la volonté des supérieurs à lui accorder sa demande : « Vous « me trouverez peut-être, continuait-il, bien téméraire de vouloir pour ainsi dire usurper « l’héritage des apôtres et des martyrs, bien présomptueux d’assumer une responsabilité « redoutable. Assurément, si je ne considérais que mon indignité et ma faiblesse, je me « garderais bien de faire cette démarche. Mais saint Paul nous apprend que d’un vase « d’ignominie Dieu peut faire un vase d’élection. Il n’y a rien en moi dont je puisse me « glorifier ; mais j’attends tout de Celui qui me fortifie, de Celui qui est l’auteur des bonnes « pensées et des saintes entreprises. En cédant à l’attrait irrésistible qui me pousse, je crois « obéir à sa voix. Aussi je vous conjure de n’être pas insensibles à une demande que je vous « fais après mûres délibérations et pour laquelle je n’attendais qu’une circonstance favorable. « A force de prières et de larmes, saint Boniface obtint de ses supérieurs d’aller prêcher la foi « aux Germains. Laissez-vous toucher également par les supplications de quelqu’un à qui il « manque sans doute d’être saint, mais qui a la volonté de le devenir. Par une longue série de « sacrifices accompagnés d’abnégation et de patience, je suis parvenu jusqu’au seuil des « Missions, je n’ai qu’un pas à faire pour y entrer, et ce pas dépend de vous. Je pense que « vous lèverez le seul obstacle qui me reste, que vous m’aplanirez la voie. »
« Touché d’un langage si élevé et si sincère, le Conseil de Paris se rendit au désir de M. Coste, et dans une lettre du 29 novembre 1875, lui accorda la permission demandée, malgré le regret de le perdre pour la procure, et en le remerciant du dévouement qu’il avait montré au service de la Société et des Missions. La lettre finissait en lui souhaitant de pouvoir entrer bientôt en Corée.
« Ce vœu, hélas ! ne devait pas se réaliser de si tôt, et le nouveau missionnaire montera, près de dix ans, la garde aux abords de sa mission avant de pouvoir entrer dans la terre promise.
« Mgr Ridel reçut avec une joie bien vive ce nouveau membre de sa petite famille apostolique, et, dans une lettre du 18 mars 1876, remerciait la Providence de ce secours inattendu qui devait lui être précieux. Quelques mois plus tard, après plusieurs tentatives infructueuses, il avait la consolation d’introduire deux missionnaires, MM. Blanc et Deguette, sur le sol coréen privé depuis dix ans d’apôtres. M. Coste, à l’automne de la même année, alla prendre leur place en Mandchourie, et passa l’hiver suivant à Notre-Dame des Neiges en compagnie du pieux évêque et de M. Richard. Il arrivait bien à son heure. Mgr Ridel était occupé à mettre la dernière main au dictionnaire coréen-français composé par lui et ses mis- sionnaires durant les loisirs forcés de l’exil ; il confia le travail de collation et le soin de l’impression de cet important ouvrage à M. Coste. Il ne pouvait faire un meilleur choix. L’année 1877 se passa pour M. Coste à la copie du dictionnaire et à l’étude du coréen dont la connaissance lui devenait indispensable pour mener à bien l’entreprise. Dès que ses pièces furent prêtes, il se disposa à quitter la Mandchourie pour aller chercher au Japon les moyens matériels de l’exécuter. Le village de Tcha-kéou ne possédait en effet rien de ce qu’il fallait pour imprimer un volumineux ouvrage, à plus forte raison pour fondre des caractères typographiques qui n’existaient pas.
« On était au commencement de mars 1878. Mgr Ridel, rentré en Corée depuis quelques mois seulement, venait d’être découvert dans un faubourg de Séoul, et incarcéré à la capitale. Ce malheur n’arrêta pas M. Coste qui d’ailleurs ne l’apprit que plus tard. Deux voies s’offraient à lui ; celle d’Ing-tse où abordait une ligne de bateaux à vapeur faisant le service de Chang-hay, mais le fleuve était encore barré et le port bloqué par les glaces ; celle du petit port de Tsouang-heu à une journée de Notre-Dame des Neiges, où l’on trouvait des barques de commerce et de pêche, et qui avait été jusqu’alors le point de départ de toutes les expéditions apostoliques pour la Corée. C’est cette dernière que choisit M. Coste pour gagner du temps. Trois jours suffisaient en temps ordinaire pour traverser le détroit jusqu’à Chefoo. A cause des vents contraires, le voyage dura près de trois semaines, pendant lesquelles il fallut faire connaissance avec la mer, et, faute de provisions, avec la pauvre tasse de millet des matelots chinois. Quand le Père arriva à Chefoo, le deuxième ou troisième steamer venant d’Ing-tse était en partance pour Chang-hay ; il s’y embarqua et passa de là au Japon.
« Ce pays avait dès 1875, conclu un traité et entamé des relations avec le « royaume ermite ». Ses navires et ses marchands commençaient à y aborder, et on pressentait déjà que les missionnaires pourraient trouver bientôt de ce côté une voie de pénétration plus facile en Corée, M. Coste s’établit donc à Yokohama. Il se trouvait presque chez lui, à deux pas du bon Mgr Osouf, l’ami du cœur, sous le toit hospitalier de M. Midon et à portée d’une imprimerie française. C’était tout ce qu’il pouvait désirer. Il se mit de suite à l’œuvre. Par ses soins, d’après ses dessins et sous sa direction, furent créés les premiers types de caractères mobiles en langue coréenne, et c’est à lui en somme que revient l’honneur de leur diffusion, puisque tous ceux en usage depuis lors dans les imprimeries japonaises et autres, ne sont guère que la reproduction du triple modèle qu’il adopta pour ses matrices. L’alphabet coréen se composant de vingt-cinq lettres, il semble aisé à première vue de composer une fonte de caractères complète ; mais il n’en va pas ainsi pratiquement. Le coréen ne s’écrit pas par lettres séparées, mais par groupes syllabiques qui dans l’écriture paraissent former autant de lettres distinctes, d’où il suit qu’une fonte entière compte plus de 1.400 de ces groupes. Il y avait donc autant de caractères à faire graver et à faire fondre avant de songer à l’impression d’un livre, et ce n’était pas une mince besogne. Le Dictionnaire coréen-français parut en 1880. La valeur de cet ouvrage est connue, sa correction typographique est aussi parfaite que possible. L’année suivante, furent publiés la Grammaire coréenne et un Manuel de prières en quatre volumes, à l’usage des chrétiens indigènes.
« Cette tâche importante, ou, comme il le disait lui-même en riant, cette série d’épreuves heureusement terminée, rien ne retenait plus M. Coste à Yokohama. A l’automne de 1881, Mgr Ridel était en train de visiter le Japon pour nouer, si possible, de ce côté des communi-cations plus faciles avec sa Mission toujours isolée. Nagasaki lui parut être le point favorable à l’établissement d’une sorte de procure au service de la Corée. Il y appela M. Coste qui accepta ce poste avec sa bonne grâce ordinaire. Ce nouveau stage aux portes de sa mission devait durer quatre ans ; il en fit le sacrifice ; du reste l’accueil si aimable de Mgr Petitjean et de tous ses missionnaires ne contribua pas peu à lui en adoucir l’amertume. A Nagasaki, M. Coste reprit son métier d’imprimeur, et forma quelques chrétiens coréens à ce genre de travail Plusieurs ouvrages de religion furent publiés, et cet apostolat par le livre qu’il exerça jusqu’à la fin de sa vie, consolait le bon Père de ne pouvoir aller prêcher la parole de vérité aux païens.
« Cependant la Corée sortait peu à peu de son isolement séculaire, et, si les barrières qui en fermaient si strictement l’entrée aux missionnaires ne tombaient pas encore tout d’une pièce, il s’y ouvrait avec le temps des brèches suffisantes pour laisser passer, chaque année, un ou deux prêtres catholiques. Enfin, à force de guetter l’heure de la Providence, M. Coste vit s’ouvrir devant lui, à la fin de 1885, la porte de la terre promise.
« Déguisé en laïque, raconte-t-il lui-même, je m’embarquai sur un vapeur japonais qui, à « la faveur des traités de commerce, avait déjà transporté plusieurs Européens en Corée. Les « commerçants trafiquaient et circulaient librement, mais les missionnaires étaient toujours « astreints à l’incognito le plus absolu. Quand j’arrivai à Séoul, il faisait encore jour ; je dus « attendre que le soleil se fût caché derrière l’horizon et profitai du crépuscule et du calme de « la nuit tombante pour me glisser furtivement dans la résidence de Mgr Blanc. Et encore là, « dans nos pauvres maisons coréennes, que de précautions ne fallait-il pas prendre pour éviter « d’être découverts ! La porte qui s’ouvrait, le porteur d’eau qui entrait, c’en était assez pour « jeter l’alarme ; vite on se réfugiait dans le réduit qui nous servait de chambre, afin de se « soustraire aux regards compromettants. Le ministère des âmes s’exerçait surtout la nuit, et si « une extrême-onction à donner nous obligeait à sortir pendant le jour, il fallait s’abriter sous « le costume de deuil : costume providentiel alors pour nous, puisqu’il a l’avantage de voiler « jusqu’au visage de la personne qui le porte et de la rendre inabordable en signe de tristesse. « Notre réclusion commença à s’adoucir en 1886, et en 1887, quand le traité français fut « ratifié, nous pûmes enfin respirer le grand air, et la soutane fit sa première apparition dans « les murs de la capitale. Cette date marque la résurrection de notre chère église de Corée, « sortant peu à peu de son tombeau, comme l’église de Rome sortait des catacombes. »
« A l’époque de son entrée en Corée, M. Coste avait déjà quarante-trois ans ; c’était un âge trop avancé pour qu’il pût songer à exercer le ministère en province ; sa santé n’aurait pas résisté au régime de privations qui était alors l’apanage quotidien du missionnaire vivant, sans adoucissement possible, de la vie purement indigène. Il possédait, d’ailleurs, une somme de connaissances et d’aptitudes spéciales qui devaient rendre sa présence à Séoul très utile, sinon nécessaire. Mgr Blanc qui venait de succéder à Mgr Ridel, mort en France, tint donc à le garder près de lui pour profiter de ses services, et en fit son Provicaire dès 1886.
« La conclusion du traité franco-coréen, en donnant aux missionnaires français le droit de posséder, de bâtir et de résider à la capitale et dans certains ports, ainsi que de voyager librement et à découvert dans tout le pays, inaugurait pour la religion catholique une ère nouvelle. Elle imposait aussi des devoirs nouveaux. Tant que l’église de Corée avait été forcée par la persécution de vivre dans l’ombre, il n’avait été question ni besoin d’établisse-ments communs qui eussent signalé et compromis tout à la fois son existence ; en prenant place au soleil, elle ne pouvait plus se passer d’un coin de terre pour s’abriter et de tous les autres moyens matériels, indispensables au développement d’une société visible. Églises, oratoires, résidences pour l’évêque et les missionnaires, séminaires, procure, écoles, orphelinats, tout lui manquait, mais tout lui devenait nécessaire et était à créer en même temps. Sous la direction des deux évêques dont il seconda toujours si fidèlement les vues et le zèle, M. Coste fut pendant dix ans, on peut le dire, la cheville ouvrière de toutes ces constructions importantes. Il installa d’abord l’imprimerie qui, dans cet intervalle, a pourvu la Mission d’une trentaine de livres de religion en langue indigène, dont quelques-uns avec éditions successives de plusieurs milliers d’exemplaires. Après l’achat de la propriété de Tyong-hen, arrachée pour ainsi dire de vive force au pouvoir ombrageux et défiant d’alors, il s’occupa activement d’aplanir l’emplacement de la nouvelle église de Séoul. En 1887, une colline fut presque rasée pour élargir le plateau ; en 1888, une chapelle provisoire construite et ouverte au culte ; l’année d’après, la résidence épiscopale était presque terminée, et non loin de l’évêché, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres étaient dotées d’un établissement assez vaste pour y loger un noviciat de religieuses indigènes et un orphelinat qui compte bientôt près de deux cents enfants. Le Séminaire de Ryong-san sortait de terre en 1891, à une lieue de la capitale, et une gracieuse église, dédiée à saint Joseph, la première élevée en Corée, couronnait la hauteur de Yak-hyen, dans le faubourg populeux qui s’étend en dehors de la porte du Sud. Chemulpo possédait presque en même temps sa résidence pour le missionnaire, sans parler de la maison des Sœurs et de l’église presque achevée qui sont venues s’y ajouter depuis. Mgr Mutel, au printemps de 1892, avait la joie de pouvoir poser et bénir à Séoul la première pierre de sa cathédrale qui restera l’œuvre maîtresse de M. Coste. C’est un monument de style gothique, à trois nefs, en forme de croix latine, d’un goût sobre et pur. Long de 65 mètres, large de 20, il pourra contenir près de trois mille fidèles. Une élégante claire-voie décore la nef principale dans toute sa longueur. Lorsque la croix qui doit couronner la flèche du clocher, portera à plus de 40 mètres, dans les airs, le signe sacré de la Rédemption, on peut dire que cette église ne sera pas le moindre ornement de la capitale et donnera à toute cette population païenne une haute idée du Dieu des chrétiens. Pourquoi faut-il que le regretté défunt n’ait pas eu le temps d’achever ce bel ouvrage, où il avait mis tout son talent et tout son cœur ?
« Nous laissons là l’architecte, enlevé trop vite à son œuvre, pour suivre ses autres travaux. Le mort de Mgr Blanc, décédé le 21 février 1890, mettait M. Coste, en sa qualité de Provicaire, à la tête de la Mission jusqu’à l’élection d’un nouvel évêque. Le veuvage de l’église de Corée dura près d’un an, année de sacrifices pour le digne supérieur, car il ne cessa de soupirer après le jour où il serait délivré d’une charge dont s’effrayait sa modestie. Il aimait peu, d’ailleurs, l’exercice de l’autorité ; on sentait qu’il avait plus de peine à commander qu’à se faire obéir. Une crainte, excessive peut-être, de responsabilité personnelle dont il ne se départit jamais, un peu par caractère, certainement aussi par délicatesse de conscience, le portait à se défier de ses lumières outre mesure et à trop s’appuyer sur autrui. Mais ce défaut, si c’en était un, devenait presque une qualité dans une administration provisoire, en lui faisant suivre avec une prudente réserve la ligne de conduite tracée par le Vicaire apostolique dont il continuait l’autorité, et éviter les écarts d’initiative inopportune qui sont l’écueil principal de toute gestion intérimaire.
« Enfin, l’arrivée de Mgr Mutel, en mettant fin au veuvage de l’église coréenne, vint décharger M. Coste « du fardeau de la responsabilité qui causait se préoccupation », et le rendre tout entier à ses bâtisses et à son Œuvre de la Sainte-Enfance ; car, depuis l’entrée des Sœurs de Saint-Paul de Chartres en Corée (1888), il avait été désigné pour leur servir d’aumônier. Les Sœurs n’avaient pas seulement le soin d’un nombreux orphelinat, elles trouvèrent vite à Séoul les éléments d’un noviciat prospère. Pour soutenir et diriger ces âmes dans le chemin de la perfection, pour réussir dans un ministère si élevé et souvent délicat, M Coste avait toutes les qualités désirables : la maturité, la prudence, la piété, la discrétion ; il avait surtout la sainteté. Il pouvait prêcher toutes les vertus religieuses avec autant de fruit que d’autorité, parce qu’il les pratiquait lui-même à un degré éminent. On a retrouvé après sa mort quelques brouillons de lettres, trop rares, il est vrai, écrites par lui dans ces dernières années, soit à sa famille, soit à des âmes affligées, soit à des personnes entrées en religion. Ce peu d’écrits suffit à montrer l’élévation de sa doctrine, la beauté des sentiments dont son âme était pénétrée. Son détachement absolu, son mépris des choses de la terre, son union à Dieu, sa charité y éclatent à chaque page. A une cousine qui venait d’entrer chez les Bénédictines de Solesmes, et qu’il félicite de cette vocation privilégiée, il donne des conseils de la perfection la plus haute ; il lui peint le bonheur de l’immolation complète, les douceurs de la vie contemplative, la soif du sacrifice avec des couleurs si vraies et si vives qu’on sent un cœur uniquement épris des biens éternels, une âme qui déborde de joie d’être à Dieu, et qui nage pour ainsi dire en pleines eaux dans les pures régions de l’amour divin.
« M. Coste puisait cette piété ardente et tendre dans une prière assidue. Rien qu’à le voir dire son bréviaire, réciter son chapelet, prier devant le Saint-Sacrement, on se sentait soi-même plus recueilli. Mais c’est dans la célébration du Saint-Sacrifice que paraissait surtout sa ferveur. Des laïques même en avaient été plus d’une fois frappés, et l’un deux, un Français, qui a laissé au Japon une réputation de juriste distingué, exprimait l’opinion de tous, un jour qu’il disait, à la table de Mgr Petitjean : « Quand je me trouvais le dimanche à Yokohama, j’aimais à entendre de préférence la messe de l’abbé Coste ; elle ne me paraissait jamais trop longue. » Sous une forme discrète, c’est un éloge de grand prix.
On ne peut dire que, sur la fin de sa vie, la piété du cher M. Coste ait jeté un plus vif éclat. L’éclat, il le fuyait par vertu, comme certaines plantes délicates fuient par nature la trop grande lumière. Le caractère spécial de sa piété a été, au contraire, de paraître toujours peu, de rester constamment la même, solide, soutenue, modeste, d’une parfaite égalité. Pourtant, depuis les noces d’argent de sa prêtrise qui furent une fête pour toute la Mission en 1893, il paraissait, le soir, prolonger sa prière plus avant que de coutume. Il s’était fait comme une règle de réciter chaque jour en entier les quinze dizaines du Rosaire, voulant sans doute montrer par là qu’il mettait cette nouvelle période de sa vie sacerdotale sous la protection spéciale de la très sainte Vierge, à laquelle il avait depuis l’enfance une dévotion toute particulière.
« Hélas ! elle ne devait pas durer longtemps cette vie si pleine, et contre toute attente, le bon Dieu se préparait à couronner son serviteur. Rien cependant n’annonçait chez lui une fin prochaine ; quoique toujours prêt à mourir, lui-même ne s’y attendait pas de sitôt. Dans une lettre datée du 13 février dernier, la dernière probablement qu’il ait écrite, il annonçait ainsi à sa sœur l’envoi d’une photographie longuement désirée : « Tu auras peut-être de la peine à « reconnaître les traits d’autrefois. Pourtant, grâce à Dieu, ma santé est toujours florissante. « Malgré les ans, ma tête chauve et ma barbe grisonnante, on prétend que je ne vieillis pas. » C’était vrai : depuis quelques années on lui trouvait même une mine réjouie, et les confrères lui promettaient volontiers encore vingt ans d’existence. La régularité d’habitudes et le régime de vie exemplaire qu’il suivait
References
[0987] COSTE Eugène (1842-1896)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1874 (déc.), p. 36 ; 1876, p. 42 ; 1881, pp. 13, 15 ; 1883, p. 77 ; 1886, p. 16 ; 1887, p. 26 ; 1889, p. 24 ; 1890, pp. 8, 310 ; 1891, pp. 25, 251 ; 1892, p. 272 ; 1894, p. 37 ; 1895, p. 44. - M. C., ii, 1869, p. 313 ; Ib., M. Delavay et les pirates, p. 332 ; xviii, 1886, Une fête en Corée, pp. 449, 461, 474. - A. M.-E., 1910, p. 211. - Sem. rel. Montpellier, 1869, Journal de voyage, pp. 32, 46, 54, 65.
Notice nécrologique. - C.-R., 1896, p. 361.
Biographie. - Notice nécrologique sur le Père Coste, missionnaire apostolique, provicaire de la mission de Corée, né le 17 avril 1842, parti le 15 juillet 1868, mort le 28 février 1896 [par M. Poisnel miss. apost.]. - Imprimerie Gustave Firmin et Montane, Montpellier, 1896, in-8, pp. 32.