Jérôme PACHOD1852 - 1898
- Status : Prêtre
- Identifier : 1270
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- India
- Mission area :
- 1876 - 1895 (Pondichéry)
Biography
[1270]. PACHOD, Marie-Jérôme, né à Saint-Bon-Tarentaise, aujourd’hui Courchevel (Savoie) le 20 mai 1852, fit ses études au petit séminaire de Moutiers de 1864 à 1872, et entra laïque au Séminaire des M.-E. le 26 septembre 1872. Ordonné prêtre le 10 octobre 1875, il partit le 2 décembre suivant pour la mission de Pondichéry. Il commença par être préfet des études au collège colonial de cette ville, puis il passa en 1879 à Covilour-Darmaboury, comme vicaire de Thirion.
En 1883, Mgr Laouënan l'envoya au collège de Cuddalore où il déploya une activité et un savoir-faire remarquables. Après y avoir été préfet des études, il y devint professeur d'histoire naturelle. Il fut le directeur d'un grand nombre d'élèves, s'occupa de l'enseignement de la plupart des classes, contribua, dans une large mesure, au développement de ce collège, sans négliger le soin de l'annexe située à Tiroupapalayour.
Revenu en France en 1895 pour cause de maladie, il mourut à l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Paris, le 1er mai 1898, et fut enterré au cimetière Montparnasse. Sa notice nécrologique se termine par ces mots bibliques qui résument bien son caractère vigoureux et son esprit prudent : Erat de semine virorum.
Obituary
M. PACHOD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY.
Né le 28 mai 1852
Parti le 2 décembre 1875
Mort le 1er mai 1898
Marie-Jérôme Pachod naquit à Saint-Bon, dans le diocèse de Moutiers. Ses parents, auxquels Dieu avait donné une certaine aisance et surtout une foi très vive, offrirent au Seigneur leur Ben¬jamin et le consacrèrent à son service. Jérôme fit ses études au petit séminaire de Moutiers. Sa philosophie terminée, il se décida à suivre la voix de Dieu, qui l’appelait à la vie apostolique dans la Société des Missions-Étrangères.
Nous n’avons sur son enfance et sa jeunesse que les rares détails qu’il a bien voulu nous raconter lui-même, pendant les récréations, au collège de Cuddalore. Il aimait à citer un trait que nous rapportons pour montrer l’ardeur et l’enthousiasme patriotique du jeune Pachod. Il avait dix ans quand la Savoie fut annexée à la France. Son père, qui était maire du village, lut en public le décret d’annexion, le dimanche, après la messe paroissiale. La lecture achevée, il invita tous les hommes à lever la main et à crier : Vive la France ! Jérôme, perché sur les murs du cimetière pour mieux voir et mieux entendre, leva la main, lui aussi, et cria de toutes ses forces : Vive la France !
Au petit séminaire, il se mit avec ardeur au travail et s’acquitta soigneusement de ses devoirs d’étudiant. La modestie, qu’il poussait parfois jusqu’à l’exagération, l’empêchait de nous parler de cette époque de sa vie ; mais nous avons trouvé des preuves évidentes de son application à l’étude, au fond de sa malle, où il conservait pré¬cieusement des notes qu’il avait rédigées au collège sur les sciences et la philosophie. En feuilletant ces cahiers d’une calligraphie irrépro¬chable, on constate que les matières sont disposées avec un ordre et une clarté qui ravissent l’œil, et on ne s’étonne plus de l’esprit de méthode, de la simplicité et de la clarté d’enseignement qui distinguè¬rent M. Pachod comme professeur.
En se rendant au séminaire des Missions-Étrangères, M. Pachod eut à subir une dernière et bien délicate tentation : il faillit rester dans le monde. Il passait à Lyon pour dire adieu à ses frères qui y avaient établi une maison de commerce. En les voyant à l’œuvre, Jérôme sentit en lui un désir quasi irrésistible de se joindre à eux. De leur côté, ses frères auraient voulu l’inviter à rester, mais ils n’osèrent pas le faire. M. Pachod nous l’a avoué plus tard, il se trouvait dans une telle disposition d’esprit, qu’un seul mot de la part de ses frères l’au¬rait gagné. Dieu qui avait ses desseins sur cette âme d’élite, ne permit pas que ce mot fût dit, et le jeune Pachod prit le chemin du séminaire des Missions-Étrangères. Là, il se donna tout entier à Dieu et à sa vocation, sans jeter un seul regard de regret sur le monde qu’il venait de quitter. Quand il nous racontait cet incident de jeunesse, qui a été véritablement le turning-point de sa vie, nous ne pouvions nous empêcher de remarquer qu’au point de vue humain, ses frères firent une véritable perte. A le voir à l’œuvre dans les achats et les ventes, qui nécessairement s’imposent au missionnaire, et exi¬gent de lui beaucoup de prudence et de savoir-faire, on devinait qu’il était né « marchand » et que s’il avait été lancé dans le commerce, il aurait certainement fait fortune. Il a préféré renoncer aux biens de ce monde et venir faire fortune dans l’Inde, non pas avec l’or et les pier¬reries de Golconde, tant vantés par l’imagination des romanciers, mais avec des biens infiniment supérieurs, les mérites d’une vie apostolique, peut-être la plus méritoire de toutes, celle de missionnaire-professeur.
En effet, que dire de la vie intérieure de notre cher confrère depuis le moment où il se donna à Dieu en entrant au séminaire des Missions-Étrangères jusqu’au moment où il rendit son âme à Dieu ? Un des traits caractéristiques de sa belle âme fut une piété simple et vive, unie à un sentiment profond du devoir et un grand respect pour la règle. Que de fois nous l’avons entendu se plaindre de ce que son travail absor¬bant ne lui permettait pas de consacrer à ses exercices de piété tout le temps qu’il aurait désiré ! Il soupirait après une année de repos,
non pas pour se reposer, à proprement parler, mais pour s’occuper de son âme et « réparer le temps perdu », comme il disait. Aussi nous écrivait-il l’année dernière de Montbeton : « Que je suis heureux d’avoir finalement trouvé un peu de loisir pour faire une bonne méditation ! » Et une autre fois : « Je viens de faire ma retraite en compagnie de M. Delpech, supérieur du séminaire de Paris, qui est venu passer quelques jours au milieu de nous. Quelle bonne retraite ! C’est bien la meilleure que j’aie faite de ma vie ! » Elle devait être la dernière pour lui ; car nous ne pensons pas que ses souffrances qui s’aggravaient de jour en jour, lui aient permis d’en faire une autre aussi sérieuse avant sa mort. Nous aurions encore beaucoup à dire sur ce chapitre ; car nous avons connu intimement cet homme dont la vie fut si obscure aux yeux du monde, et si précieuse aux yeux de Dieu. S’il est vrai de dire : « tel séminariste, tel prêtre, » il sera encore plus vrai de dire : tel qu’a été sous nos yeux le missionnaire-professeur, tel dut être aussi l’aspirant-missionnaire au séminaire de Paris, avec la ferveur, la pureté, l’amour du devoir, le zèle, la gaîté et l’enthousiasme juvénile qui distinguent les séminaristes de la rue du Bac, et qui ravissent les yeux de ceux qui les voient pour la première fois.
M. Pachod quitta le séminaire en 1875 pour se rendre à Pondichéry où ses supérieurs l’avaient envoyé. Sa vertu, ou plutôt son bon sens lui faisait voir toutes les Missions du même œil ; mais dès qu’il eut reçu sa destination pour Pondichéry, Pondichéry à ses yeux fut la plus belle et la plus désirable de toutes les Missions de la Société. A son arrivée, Mgr Laouënan le nomma préfet d’études au collège colonial. Plus d’un nouveau missionnaire aurait dit : « Je ne me suis pas fait missionnaire pour ce genre de travail ; » mais M. Pachod sut se plier non seulement extérieurement, mais de toute son âme à la volonté de son supérieur, et il se mit à la tâche avec autant de dévouement et de zèle qu’il l’eût fait dans un district de Mission.
C’était, dans l’Inde, l’époque de la grande famine et de nombreuses conversions. M. Bricaud, alors professeur au collège colonial, brûlait du désir de se lancer dans ce vaste champ de misères, de souffrances, mais aussi de grâces extraordinaires de Dieu. M. Pachod, auquel il en parla souvent, finit par avoir pitié de lui et se rendit chez Monsei¬gneur pour s’offrir à faire la classe de M. Bricaud, tout en continuant à surveiller son étude. Mgr Laouënan, malgré son besoin pressant d’ouvriers apostoliques, refusa d’abord l’offre généreuse de M. Pachod. « Dans un pays chaud, disait Monseigneur, il est impossible d’imposer à une même personne la charge de professeur et celle de surveillant ; vous y succomberiez. » Mais M. Pachod insista tellement que Monsei¬gneur finit par consentir, et M. Bricaud s’élança au cœur du pays ra¬vagé par la famine. Là, il se mit à courir, à travailler, à prêcher, à convertir, à batailler avec les protestants et les païens, et il bataille encore en ce moment, toujours dans le même poste et avec le même entrain. Pendant ce temps, M. Pachod faisait la classe et surveillait l’étude ; il était bien fatigué parfois ; cependant sa santé robuste résista à la fatigue du double travail qu’il s’était imposé. « Une seule fois, disait-il, je tombai malade de la fièvre ; mais ce fut bien vite passé. »
Bientôt, lui aussi, devait être appelé au ministère actif dans un dis¬trict voisin de celui de M. Bricaud. En effet, la Mission abandonna pour quelques années le collège colonial, et M. Pachod fut envoyé à Covi¬lour-Darmapoury comme assistant de M. Thirion.
M. Thirion avait été longtemps l’apôtre de ce pays, « témoin de ses trente ans de fidèles et loyaux services », comme il aimait à le répéter avant de mourir. Il avait passé par toutes les horreurs de la famine, et quand elle fut terminée, les difficultés d’administration devinrent encore plus grandes ; car il fallait refaire les chrétientés ruinées et délaissées et surtout conserver et former les nouveaux chrétiens. C’est pour l’aider dans ce travail pénible et délicat que M. Pachod lui fut donné.
Ces deux hommes se comprirent, et une sainte amitié les lia jusqu’à la mort. M. Thirion, lui aussi, dans sa jeunesse, avait travaillé à Pon¬dichéry et avec beaucoup de succès, car il était aimé de la population européenne et créole. Mais dès qu’il fut placé à la tête du district de Darmapoury, il renonça à tout ce que l’Anglais appelle le comfort of life, et, dans sa nouvelle habitation comme dans son ameublement, sa cuisine, sa nourriture, on ne retrouva plus le moindre vestige du confortable européen. Aussi il fallait entendre M. Pachod dépeindre l’horreur qui le saisit, quand, à son arrivée à Darmapoury, M. Thirion lui ouvrit la porte de ce qui devait être sa chambre. Mais bientôt il s’habitua à son nouveau milieu ; bien vite, trop vite peut-être pour sa santé, il se fit le digne disciple d’un tel maître, selon le précepte de l’apôtre, qu’il faut se faire tout à tous, tout à toute personne, à toute circonstance, à tout travail.
Pendant que M. Thirion était occupé au chef-lieu, M. Pachod allait plusieurs fois par an visiter les villages chrétiens du district. Il aimait beaucoup ce travail, malgré la fatigue et les privations qu’il lui imposait. Quand plus tard il en parlait, il ne tarissait pas, et, malgré son attachement sincère pour le collège de Cuddalore, il éprou¬vait toujours un certain regret d’avoir quitté Darmapoury et les chré¬tiens des villages.
Après s’être occupé du spirituel pendant la journée, le soir, à la suite de son maigre souper qui consistait en quelques cuillerées de riz, il assemblait autour de lui ses chrétiens, et la conversation roulait d’ordi¬naire sur leurs travaux, leurs champs, leurs familles. Il leur parlait aussi de son pays, de sa chère Savoie, de Paris et de ses monuments. Quelquefois c’étaient des conférences scientifiques sur les inventions modernes : la lumière électrique, le téléphone, le phonographe, qui porterait le sermon du grand souâmi de Darmapoury jusqu’au dernier village du district, etc, etc. Ces entretiens familiers se continuaient au clair de la lune jusque bien avant dans la nuit, et souvent le pauvre Père était obligé de faire partir de force ses auditeurs, pour pouvoir prendre quelque repos. Quoiqu’il eût cinq à six mille chrétiens à administrer, il ne négligeait pas la conversion des païens. Un jour, il baptisait un paria et lui, disait que dorénavant il était entré dans la caste des rois et des empereurs. « Le pauvre paria prit si bien à la lettre mes paroles, dit M. Pachod, que le lendemain je fus obligé d’en rabattre. »
Au milieu de ces travaux et de ces fatigues, le Père souffrait d’un manque complet d’appétit, qui mina peu à peu sa robuste constitution. C’est alors qu’il contracta le germe de la maladie de reins qui devait le mener au tombeau. Ses douleurs de reins furent encore aggravées par une chute de cheval. Après un ou deux mois d’absence, la monture du Père, qui évidemment soupirait après son écurie, prenait le mors aux dents à l’approche du chef-lieu et faisait une course effrénée jusqu’au presbytère, suivie et excitée par tous les gamins du village, heureux de revoir leur petit Père. C’est dans une de ces occasions que le che¬val jeta le Père par terre et continua tout seul sa route, laissant son maître couché sur le bord de l’étang.
Il ne s’était pas fait grand mal, mais ses reins durent en souffrir ; car bientôt il fut obligé de rentrer à Pondichéry pour consulter le méde¬cin sur son état. On ne lui trouva point de maladie, une grande fai¬blesse seulement ; un peu de soins et de repos l’auraient vite remis. Pour lui créer quelques distractions, Mgr Laouënan le nomma préfet d’études au collège anglais de Cuddalore, qui alors n’avait qu’une cinquantaine d’internes. Cette nomination fit dire malicieusement à un de ses anciens collègues du collège colonial, qu’autrefois il avait été pro¬fesseur de silence en français, et que maintenant il était professeur de silence en anglais.
Il ne devait rester que six mois à Cuddalore, juste le temps de se remettre, et ensuite retourner dans son district. Mais lorsque M. Tar¬bès, qui avait été longtemps tout seul chargé de cet établissement, connut la valeur de son collègue, il ne voulut plus le laisser partir, et il insista tant auprès de Monseigneur, qu’il finit par le garder. C’est alors que M. Pachod commença le travail qui devait illustrer sa vie de missionnaire. Si le collège de Cuddalore s’est acquis une place distinguée parmi les établissements du même genre dans la présidence de Madras, si surtout il est devenu, au point de vue chrétien, un des premiers établissements de l’Église des Indes, comme l’a dit publiquement Mgr Zaleski, on le doit en très grande partie à M. Pachod, qui a été, pendant douze ans, l’âme, la cheville ouvrière de tout le travail qui doit se faire dans le collège chrétien en mission.
Dès que M. Pachod eut reçu sa nomination définitive, il se mit sérieusement à l’étude de l’anglais qu’il sut bientôt écrire et parler avec facilité. Ensuite il étudia les matières de classe pour pouvoir enseigner lui-même et diriger l’enseignement des professeurs laïques. Sa spécialité fut le cours des sciences naturelles. Quel soin il mettait à préparer ses classes, et surtout les expériences dont il prévoyait tous les détails, ne laissant jamais rien au hasard ; souvent il répétait deux, trois fois, les expériences tout seul avant de les faire devant les élèves, pour être sûr du succès. On ne saurait croire quelle somme de patience, de labeur et de fatigues ce travail représente dans un pays chaud, où les laboratoires de sciences sont de vrais purgatoires ; et dire que plusieurs années durant, il eut jusqu’à six heures de classe par jour ! Outre cela, il dirigeait l’enseignement de la plupart des classes, distribuant le travail aux professeurs laïques, leur donnant des conseils sur la manière d’enseigner, de tenir une classe, encourageant les élèves, assistant à la récitation des leçons, examinant les devoirs, etc. De plus il lithographiait pour l’usage des élèves, les sujets de composition et d’examen, de manière à en fournir une copie à chacun. Là aussi on ne saurait croire quel surcroît de travail le pauvre Père s’imposait. Pendant que ses confrères prenaient leurs récréations ou faisaient la sieste, lui, il lithogra¬phiait.
Il avait en outre la charge de la bibliothèque et de la boutique du collège, où il distribuait des livres de lecture et des fournitures de classe à près de mille élèves, soit au collège, soit à l’école annexe. Une ou deux fois la semaine, il visitait cette dernière école située à deux milles du collège pour y faire parmi les professeurs et les élèves, le même travail qu’à Cuddalore.
Et cependant un travail si absorbant n’absorbait que la moitié de l’homme. L’éducation des élèves, tant chrétiens que païens, lui tenait à cœur autant que leur instruction. La classe terminée à 5 heures du soir, il se rendait en récréation au milieu des élèves, surtout dans la division des grands, pour organiser et animer leurs jeux. Il savait exciter parmi eux un entrain extraordinaire ; nous avons assisté à des parties magnifiques qu’il dirigeait lui-même. Qui-conque comprend l’importance du jeu dans une maison d’éducation, comprendra aussi le bien que M. Pachod devait faire aux enfants par sa présence au milieu d’eux, aux heures de récréation. Il rentrait ensuite dans sa chambre et commençait à confesser. Il avait la con¬fiance d’un grand nombre d’enfants. A certains jours de la semaine, sa porte était littéralement assiégée. Il se plaignait bien un peu que le seul moment libre de la journée fût ainsi pris par le redoutable ministère qui s’exerce au saint Tribunal ; néanmoins il s’y donnait de tout cœur, et bien souvent, lorsque nous étions déjà réunis pour le souper, nous ne pouvions nous empêcher d’admirer la sage lenteur avec laquelle il entendait les pénitents, qui, à cette heure avancée, étaient nombreux encore devant sa porte.
M. Pachod, par son dévouement de chaque jour, avait gagné l’affec¬tion de tous nos enfants chrétiens. Il y a quelques jours, nous rece¬vions une lettre d’un ancien élève de Cuddalore, qui, après avoir passé ses examens, occupe une place importante dans le district civil de Tanjore : « Au moment de me rendre à mon office, écrit-il, j’ai reçu votre carte postale m’annonçant la mort de M. Pachod ; en apprenant cette triste nouvelle, je n’ai pu m’empêcher de pleurer tout le long du chemin. M. Pachod a été mon père spirituel pendant plus de dix ans. En rentrant chez moi, j’allai trouver le Père de la paroisse et lui demandai une messe pour le vénéré défunt. » Nous avons reçu de tous les côtés de ces témoignages d’affection, de regrets et de reconnaissance, surtout de la part des anciens élèves employés autour de nous à Cuddalore.
M. Pachod sut se faire aimer aussi des enfants païens, et il est souverainement regrettable que ses devoirs de professeur, de directeur des études et de père spirituel des élèves chrétiens ne lui aient pas permis de s’occuper plus sérieusement des enfants païens. Il est également regrettable que cette situation ne se soit pas encore modifiée pour ses successeurs. A moins d’être plus nombreux, nous n’aurons jamais le loisir voulu pour nous consacrer avec suite, et, partant avec succès, à la conversion de ces enfants, et cependant il semble bien que c’est là un de nos principaux devoirs.
Quand nous demandions à M. Pachod ce que nous avions à faire dans les conditions actuelles pour convertir les élèves païens, il nous disait : « En attendant que vous puissiez mieux faire, prêchez-leur par votre vie. » Et sous ce rapport, M. Pachod nous a donné l’exemple ; le spectacle de sa vie toute de dévouement a dû être pour les élèves païens une prédication plus éloquente que tous les dis¬cours, les raisonnements et les discussions religieuses.
Tauler dit que la vie sacerdotale a trois périodes : la période de l’amour, la période du travail et la période de la souffrance. Ces trois périodes sont nettement dessinées dans la vie de M. Pachod. Nous avons décrit l’amour de l’aspirant-missionnaire, le travail du missionnaire-professeur, il nous reste à ajouter quelques mots sur les souffrances qui couronnèrent cette belle vie sacerdotale et apostolique. En effet, le travail finit par miner la santé de M. Pachod. Il ne s’était d’ailleurs jamais complètement rétabli depuis qu’il avait été obligé de quitter Darmapoury. Pendant la saison des grandes chaleurs, ses maux de reins le reprenaient et lui causaient de vives douleurs, mais un mois de séjour sur les montagnes, à l’époque des vacances, semblait lui rendre toute sa vigueur. Un jour, il tomba, ce fut juste avant les vacances, et il ne se releva plus. Il se soutint encore pendant un an par la seule énergie de sa volonté ; mais c’était peine de le voir se traîner en quelque sorte à son travail qu’il voulait faire malgré tout. Finalement, le médecin lui ordonna de retourner en France ; il était trop tard ! Ni le climat de France, ni l’air pur des montagnes de la Savoie ne purent refaire sa santé délabrée.
Néanmoins, pendant la première année de son séjour, un mieux sensible s’était fait sentir, et le cher Père caressait l’espoir de revenir bientôt au milieu de nous. Mais cet espoir fut vite déçu ; deux ou trois rechutes très graves lui firent comprendre qu’il ne guérirait pas. A partir de ce moment, ses lettres furent empreintes d’un pressen¬timent de sa fin prochaine. Nous regrettons de n’avoir pas gardé toutes ces lettres pour en citer de nombreux extraits. Elles étaient remplies de sentiments admirables de résignation à la volonté de Dieu, de piété et d’humilité : « L’état de ma santé, écrivait-il au commencement de l’année dernière, est bien triste ; je me débats dans un dédale inextricable de complications nouvelles. La première m’a laissé une douleur intense au côté droit ; la seconde menace de me rendre poitrinaire, et la troisième, la fièvre, domine tout cela, de manière à me rendre impossible tout travail. A la garde de Dieu ! » Un jour, M. Thirion me dit : « Mon apostolat désormais ne peut plus être que celui de la souffrance ; je crois que je puis en dire autant aujourd’hui. » Et une autre fois : « Pourquoi toujours entretenir parmi les professeurs et les élèves l’espoir de mon retour prochain ? Je ne pourrai plus retourner ; du reste, je n’ai jamais eu les talents voulus pour rendre des services sérieux au collège. » C’est ainsi que M. Pachod restait fidèle jusqu’au bout à la pratique de la parole de l’Imitation qui a été en quelque sorte la devise de sa vie : Ama nesceri et pro nihilo reputari.
Nous aussi nous regrettons de n’avoir pas les talents nécessaires pour raconter la vie, les vertus et les travaux de notre confrère. On pourrait écrire tout un livre dont la lecture serait bien édifiante et surtout bien pratique pour nos aspirants-missionnaires. Car sans ces vertus dont M. Pachod nous a laissé de si beaux exemples, sans cette humilité, cette énergie persévérante dans le travail, ce dévouement prêt à se donner tout entier à toute œuvre de mission, le zèle le plus enthousiaste n’est qu’un zèle éphémère et ne produit presque point de fruits. Aussi le bon Dieu semble avoir reconduit M. Pachod au Séminaire, vers la fin de sa carrière, pour le montrer à la jeunesse apostolique avant de l’appeler à la récompense éternelle.
M. Verdure qui nous a été envoyé pour remplacer M. Pachod, l’a assisté dans ses derniers moments et a reçu ses dernières instructions. Il nous dit que lorsque M. Pachod lui parlait de son cher collège, il se tournait du côté du mur cacher ses larmes. Ces larmes versées par le missionnaire mourant sont bien touchantes et prouvent une fois de plus que le véritable apôtre sait se dé¬vouer partout en mission, même quand il faut professer dans un col¬lège.
Après cette dernière marque de sympathie et de regrets pour l’œuvre à laquelle il avait sacrifié sa santé et sa vie, M. Pachod expira doucement dans la nuit du 1er mai 1898. « Erat de semine virorum. »
J.-B. FAHRER
Missionnaire apostolique.
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References
[1270] PACHOD Marie (1852-1898)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1888, p. 181.
Les miss. de Tarentaise, p. 28.
Notice nécrologique. - C.-R., 1898, p. 308.