Joseph LAURENT1852 - 1918
- Status : Prêtre
- Identifier : 1304
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1877 - 1918 (Qui Nhon)
Biography
[1304] Joseph, Pierre, Marie LAURENT naquit le 09 Mai 1852 à COUZON-au-MONT-D'OR, diocèse de Lyon, département du Rhône. Son frère Auguste devint prêtre du diocèse de Lyon et mourut en 1916. Joseph fit ses études secondaires au Petit Séminaire St.Jean, et se dirigea ensuite vers le Grand Séminaire de Lyon où il reçut le diaconat le 19 Décembre 1874.
Le 30 Septembre 1875, il entra diacre au Séminaire des Missions Etrangères, fut ordonné prêtre le 23 Septembre 1876, reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique de Cochinchine Orientale (Quinhon) qu'il partit rejoindre le 30 Novembre suivant.
Arrivé à QUINHON, le 30 Janvier 1877, Mgr. CHARBONNIER le plaça dans les environs du Séminaire de LANG-SONG, pour étudier la langue viêtnamienne, puis l'envoya à XAN-NAM, à dix kms plus loin, pour se perfectionner en langue, et s'exercer au ministère, sous la direction de M.BOSSARD, curé de GOTHI.
En 1879, Il fut nommé professeur au Petit Séminaire de LANG-SONG et y resta jusqu'aux massacres de 1885. Réfugié, ainsi que Mgr. VAN CAMELBEKE, quelques confrères et plusieurs milliers de chrétiens sur la pointe sablonneuse de QUINHON, il s'occupa principalement des européens de la garnison française.
Vers Noël 1887, il arriva à TOURANE où Il succéda, à titre d'aumônier militaire, à M. BARTHELEMY, de la mission de HUE. Ses premières années , dans ce poste furent pénibles, car tout y était provisoire, et les ressources manquaient. Autour du modeste pied-à-terre de son prédécesseur, et de la paillote qui lui servait d'église, il acheta quelques hectares de sable ou de mares à combler et y fixa l'embryon de sa chrétienté viêtnamienne. A la périphérie de TOURANE, non loin de la gare principale actuelle, il bâtit aussi une petite chapelle dédiée à St. François, le pauvre" !.Il éleva une petite chapelle mortuaire sur l'îlot de l'observation, à proximité du vieux cimetière franco-espagnol de 1859.
Il eût le souci de grouper ses chrétiens -deux cents environ- à proximité de l'église centrale.pour développer la vie paroissiale. mais suite à une décision administrative interdisant les paillotes dans le centre urbain de TOURANE, certains d'entre eux s'installèrent sur des terrains plus éloignés.
Son presbytère était ouvert à tous, et chacun y trouvait un accueil charitable et bienveillant. En 1893, en arrière de son église, il construisit un bâtiment servant de crèche, de dispensaire, d'orphelinat, confié aux soins de trois religieuses viêtnamiennes du couvent de TRA-KIEU.
M. LAURENT avait chez lui une petite pharmacie, et le matin il recevait ses malades auxquels il donnait gratuitement des médicaments ; le soir,il visitait l'hôpital militaire, qui, en 1892, grâce à une souscription, et au concours de M. le Médecin-Chef, le Dr. HENRY.avait été doté d'une chapelle convenable ; Il y assurait la messe plusieurs fois en semaine, et binait le dimanche.
En Juillet 1904, M.LAURENT fut nommé à NHATRANG. Il y trouva des chrétiens dix fois plus nombreux et presque tous de vieille souche, et des chrétientés organisées ayant toutes leur église solidement construite..Il s'installa à BINH-CANG, à proximité du couvent des Soeurs viêtnamiennes. Aidé d'un vicaire,il visita fréquemment ses diverses paroisses et annexes.
En Octobre 1905, après avoir consulté le docteur de NHATRANG, il dût prendre cinq mois de repos au sanatorium de Béthanie à HONG-KONG.
Deux ans après son retour de HONG-KONG, il fut déchargé d'une partie de son district ; Séjourant plus régulièrement au centre, le couvent des soeurs profita largement de sa présence tant au temporel qu'au spirituel. En 1912, un typhon détruisit l'église de BINH-CANG, et endommagea celles des autres chrétientés. Les habitations des chrétiens furent aussi touchées. Il sollicita la charité des chrétiens, de ceux de Saigon principalement, et dans trois ou quatre ans, tout était réparé.
Doué d'une puissante énergie, d'un zèle débordant, avec des idées bien arrêtées en matière d'apostolat, M. LAURENT ne ménageait pas ses conseils. Il pratiquait la vertu de pauvreté, au grand désespoir de ses religieuses qui lui reprochaient de porter soutanes et habits par trop défraichis. Dans un petit compartiment des dépendances du presbytère, à BINH-CANG, il entretenait un nécessiteux malade abandonné de tous. Sous une apparence austère et sévère, toute douleur excitait sa compassion, et son dévouement. Il gardait une profonde affection pour sa famille, sans penser à un retour possible au pays natal.
En 1917, ses forces déclinèrent rapidement. En Janvier 1918, après une semaine de repos à PHAN-RANG, il prit la décision de se rendre à SAIGON. Le Docteur eût l'espoir de prolonger son existence, mais en réalité le mal s'aggravait chaque jour. M. ARTIF, procureur à SAIGON, raconte :
".... Notre confrère ne convint jamais du danger qui le menaçait, il recevait la sainte communion à peu près chaque jour, et il consentit à recevoir l'exrême-onction, persuadé qu'on se trompait sur son état. L'illusion persista les derniers jours, alors qu'il n'avait plus aucune force. Jeudi 28 Février,le dénouement se produisit comme il était prévu, rapide et sans agonie. A cinq heures de l'après-midi, sans une plainte, sans une parole, le malade se tourna légèrement sur son lit....et ce fut le dernier soupir. Hier, vendredi, à quatre heures et demie du soir, les confrères voisins étaient réunis à la chapelle du séminaire que remplissaient les élèves. Après l'Office et l'Absoute donnée par M. SOULLARD, le corps du défunt fut transporté au cimetière d'ADRAN.."
M.ARTIF conclut cette lettre en faisant remarquer que c'est un missionnaire de Cochinchine Orientale qui occupe jusqu'à cette date (1918), la première tombe de chacune des rangées du cimetière des missionnaires à SAIGON
." Semblable à tous nos morts,son humble monument commencera, dans le cimetière, la cinquième rangée de l'ouest à l'est. La fosse était creusée depuis longtemps ; selon la tradition, elle attendait son hôte venu de Cochinchine Orientale. L'hôte est venu comme étaient venus MM. HERRENGT, en 1863,CHAMBOST, en 1886,FOURMOND, en 1901, BRUYERE, en 1912."
Obituary
M. LAURENT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE EN COCHINCHINE ORIENTALE
M. LAURENT, (Joseph-Pierre-Marie), né à Couzon au Mont d’Or (Lyon, Rhône), le 9 mai 1852. Entré diacre au Séminaire des Missions-Étrangères le 30 septembre 1876. Parti pour la Cochinchine orientale le 30 novembre 1876. Mort à Saïgon le 28 février 1918.
Joseph Laurent naquit à Couzon le 9 mai 1852, d’une famille profondément chrétienne. Son frère Auguste le suivit de près au Petit Séminaire Saint-Jean, puis au Grand Séminaire de Lyon où il fut ordonné prêtre. Il resta dans le diocèse ; mais jusqu’à sa mort en 1910, il entretint avec son frère une correspondance suivie, fraternelle et sacerdotale, qui les aida puissamment à devenir de saints prêtres de Jésus-Christ.
Joseph Laurent, entré diacre au Séminaire de Paris en septembre 1875, fut ordonné prêtre en septembre 1876 ; destiné à la mission de Cochinchine orientale, il arriva à Quinhon le 30 janvier 1877.
Mgr Charbonnier le plaça dans les environs du Séminaire de Lang-song pour étudier les premiers éléments de la langue, puis à Xannam, à dix kilomètres plus loin, pour se perfectionner en annamite et s’exercer au ministère sous la direction de M. Bossard, curé de Gothi. En 1879, il fut nommé professeur au Petit Séminaire de Lang-song et y resta jusqu’aux massacres de 1885. Réfugié alors, ainsi que son évêque Mgr Van Camelbecque, quelques confrères et plusieurs milliers de chrétiens sur la pointe sablonneuse de Quinhon, il se dépensa sans compter, pendant deux longues années, au soulagement des multiples besoins de ce troupeau, non sans pasteurs, mais sans pâturages. Il s’occupait tout spécialement des européens de la garnison française, et c’est de là que date cette vocation d’aumônier militaire qui a si bien rempli la majeure partie de sa vie apostolique.
Nommé à Tourane, M. Laurent y arriva vers Noël 1887 ; il y succédait, à titre d’aumônier militaire, à M. Barthélemy de la mission de Hué. Ses premières années dans ce nouveau poste furent pénibles et laborieuses ; tout y était provisoire et, pour le transformer selon ses désirs, les ressources manquaient. Sage autant que prudent, il se cantonna dans cette situation médiane qui permet de vivre encore un peu sur le passé, tout en accumulant des matériaux pour l’avenir, comptant beaucoup sur ses successeurs pour les mettre définitivement en œuvre.
Autour du modeste pied-à-terre de son prédécesseur et de l’humble paillote qui lui servait d’église, le Père acheta donc quelques hectares de sable ou de mares à combler, y fixa l’embryon de sa chrétienté annamite composé d’éléments très variés et s’installa lui-même dans un solide provisoire qui, faute de mieux, dure encore depuis trente ans. Il voulut même étendre son rayon d’action à la périphérie de Tourane, il bâtit donc au nord de la pointe, non loin de l’emplacement actuel de la gare principale, la petite chapelle de « Saint-François le pauvre », comme l’appelaient les Annamites, non sans penser à leur bon curé.
D’autre part il éleva une petite chapelle mortuaire sur l’îlot dit de l’observation, à proximité du vieux cimetière franco-espagnol de 1859, et une humble paillote sur la plage. Mais de ces fondations de fortune, pour lesquelles notre confrère n’engagea du reste jamais des fonds considérables, rien de stable n’est resté.
Finalement le Père jugea plus pratique de grouper ses chrétiens annamites, autant que possible dans les environs de l’église actuelle. Bien des dangers se trouvaient ainsi écartés ; puis, grâce aux pressantes exhortations du pasteur, fervent apôtre de la communion très fréquente, les assistants à la messe quotidienne devinrent moins rares. M. Laurent était heureux de voir enfin la vie chrétienne de ses paroissiens se développer progressivement, et leur nombre approcher de la deuxième centaine, quand un ordre de l’administration interdisant les maisons couvertes en paillotes dans tout le centre urbain de Tourane, provoqua la dispersion des chrétiens dans des terrains plus éloignés.
Le presbytère de Tourane était bien réellement la maison de tous : humbles et pauvres surtout, tant Européens qu’Annamites, y trouvaient toujours un charitable et bienveillant accueil. Il s’ingéniait à les recommander, les protéger, et à leur procurer quelque moyen d’existence, aucune infirmité, aucune misère ne le laissant insensible. Dès 1893, il avait construit en arrière de la chapelle un bâtiment, trop étroit malheureusement, qui servait selon les besoins d’hôpital, d’infirmerie, de crèche, d’orphelinat. Trois religieuses annamites du couvent de Trakien desservaient cet établissement, dont les anges seuls connurent tous les bienfaisants résultats obtenus de 1893 à 1894.
Bon nombre de missionnaires ont une petite pharmacie contenant les remèdes d’usage courant pour les Annamites de leur entourage ; celle de M. Laurent était plus complète et, sur une étagère placée au coin d’une petite pièce mal éclairée, voisinaient des flacons de toutes tailles, de toutes formes et de toutes couleurs. Quelques-uns étaient d’aspect vénérable et le Père y tenait beaucoup ; sa confiance en l’effi¬cacité de certaines formules augmentait, semble-t-il, en raison de leur ancienneté et aussi de leur amertume. Mais ce qui valait mieux, M. Laurent avait beaucoup profité de ses nombreux entretiens avec les majors qui se succédaient à l’ambulance, aussi la confiance des Annamites, chrétiens et bouddhistes, en ses remèdes, toujours distribués gratuitement, était-elle parfaitement justifiée. Entre autres recettes efficaces, il en avait une pour guérir les fumeurs d’opium. Certaine autre potion, sans rivale assurait-il, contre la fièvre paludéenne, attirait nos plaisanteries ; composée d’ingrédients infiniment amers, cette mixture devait être prise en plusieurs fois ; mais, dès la première cuillerée les malades s’avouaient radicalement guéris.
C’était surtout dans la matinée que M. Laurent recevait ses clients, parfois nombreux ; le soir, il consacrait une bonne partie de son temps à nos soldats dont à l’époque, une compagnie au moins, séjournait à Tourane. Sauf empêchement majeur, il visitait chaque jour l’hôpital militaire, où la présence du prêtre était plus désirée, mieux comprise et, en cas de danger de mort, plus religieusement utile qu’aujourd’hui, hélas ! Les officiers voyaient d’un très bon œil les soldats se réunir fréquemment par dizaine au presbytère, où ils trouvaient livres et jeux pour se récréer. Si l’un d’eux souffrait du « cafard » ses camarades en avertissaient discrètement le Père qui venait causer avec lui et dissipait bien vite ses idées noires. Souvent ces réunions se clôturaient par la répétition de quelques cantiques pour les dimanches et fêtes et l’aumônier ainsi que ses grands enfants y mettaient toute leur âme et toute leur voix. Les dimensions de la petite chapelle se prêtaient peu à de tels chœurs qui couvraient les sons du petit harmonium, mais que c’était beau ! Et combien plus salutaire que tous les cinémas actuels, où les Chinois débitent à nos soldats d’horribles breuvages !
Grâce à une souscription qui se couvrit de presque toutes les signatures touranaises, grâce aussi, au concours du médecin-chef, le docteur Henry, l’hôpital avait été doté en 1892 d’une chapelle très convenable qu’un petit clocher signalait d’assez loin. Outre quelques messes dans la semaine pour le service des religieuses de l’hôpital, le Père y binait chaque dimanche matin et y donnait le soir un salut du Saint-Sacrement. Plusieurs compatriotes des environs en faisaient de préférence leur petite paroisse française. Tous ces détails sont hélas ! aujourd’hui, du domaine de l’histoire ancienne, le vent glacial de la laïcisation a désolé ce petit coin du vieux Tourane. Mais quand le bon Dieu fut mis à la porte de sa chapelle, le prêtre de sa sacristie, et quand les Sœurs furent renvoyées de leur infirmerie, M. Laurent occupait depuis plus d’un an un de nos meilleurs districts du sud.
En juillet 1904, il avait été nommé à Nhatrang. Il lui en coûta évidemment de quitter Tourane, où il s’était habitué à un minimum de consolations spirituelles, mais, dans son nouveau poste, il trouvait des chrétiens dix fois plus nombreux et presque tous de vieille souche. Les chrétientés bien organisées avaient toutes leur église solidement construite. Installé à Binhcang, à proximité du couvent des Sœurs indigènes, le Père eut vite organisé son nouveau genre de vie. Quoique aidé d’un vicaire, il ne se dispensait pas de visiter lui-même fréquemment les différentes paroisses où, à peine arrivé, il se tenait à la disposition des pénitents. Là comme à Tourane, mais avec plus de succès, il mettait continuellement en pratique le conseil de l’apôtre. Insta opportune importune. Si l’apathie des Annamites du sud exerçait un peu sa patience, rien ne lassait son zèle dévorant. D’année en année, le nombre des confessions et communions augmenta rapidement.
Longtemps il passa tour à tour, dans les deux principaux groupes de chrétiens, deux dimanches de chaque mois. Puis quand, au cours de la semaine, il visitait les annexes moins importantes, il avait soin d’annoncer à l’avance que tel jour serait employé à confesser les enfants et les jeunes gens, objet de tous ses soins ; tel autre jour réservé aux grandes personnes, etc. Dans ses instructions toujours très simples et généralement courtes, il revenait souvent sur les deux dévotions essentielles : le Sacré-Cœur et la très Sainte Vierge.
Mais le Père était mal entraîné à cette vie intense et, en octobre 1905, après avoir consulté le docteur de Nhatrang, il dut prendre cinq mois de repos au sanatorium de Béthanie. « Ma prétendue maladie, écrivait-il à son retour, n’était que de l’inanition par la faute du médecin, bien intentionné d’ailleurs ; je n’ai pas eu de peine à recouvrer une excellente santé. » M. Laurent s’est peint très fidèlement dans cette phrase ; d’après lui, l’expérience personnelle remplaçait avantageusement les systèmes des médecins. Doué d’une puissante énergie, que renforçait son zèle, il avait également des idées bien arrêtées, bien particulières en matière d’apostolat. A ses voisins et confrères, aux jeunes surtout, il ne ménageait pas les conseils et les admonestations fraternelles ; peut-être oubliait-il un peu que la perfection n’est pas de ce monde et que plusieurs chemins également sûrs peuvent conduire au même but. Il exposait du reste avec la même liberté, mais toujours respectueusement à ses Supérieurs son avis, et tout cela avec une bonne intention si évidente que personne ne s’en formalisait outre mesure.
Deux ans après son retour de Hongkong, M. Laurent fut déchargé d’une partie de son district ; il put alors séjourner plus régulièrement au centre, où le couvent indigène profita largement de sa présence tant au temporel qu’au spirituel. Toutes ses ressources servirent à la reconstruction des bâtiments, qu’il rendit très confortables.
En 1912, cruelle épreuve : un typhon détruisit l’église de Binhcang et endommagea fortement celles des autres chrétientés. Pour comble de malheur, les habitations des chrétiens furent renversées en grande partie. La charité du pasteur ne se borna pas à des paroles de consolations, il obtint quelques secours de la Mission, puis sollicita et reçut de divers côtés surtout, des fidèles de Saïgon, de quoi réparer toutes les ruines en trois ou quatre ans.
Plus que jamais il pratiqua sa vertu de prédilection, la sainte pauvreté, au grand désespoir de ses religieuses qui lui reprochaient de porter soutanes et habits par trop défraîchis. — « Les saints agissaient ainsi répondait-il ; en cela au moins, il est si facile de les imiter. » Plus d’une fois, la couleur et la forme bizarre de son vieux chapeau provoquèrent les réflexions des passants, sur la route mandarine ; le Père souriait et continuait tranquillement son chemin… quand il ne s’arrêtait pas pour causer très aimablement. Il se plaisait à glisser ainsi, à l’occasion, quelques bons conseils aux jeunes gens païens qu’il rencontrait. Les miséreux et les infirmes l’intéressaient tout particulièrement. Dans un petit compartiment des dépendances du presbytère à Binhcang, il entretenait en permanence et par principe, comme porte-bonheur à sa maison, au moins un malade absolument impotent et abandonné de tous. La place, souvent vacante par suite de décès, était immédiatement occupée par le plus nécessiteux des postulants.
Les douleurs morales excitaient sa compassion autant que les douleurs physiques. Or, certains Annamites excellant à se poser en victime, même quand ils ont tort, notre confrère eut à cause de son bon cœur de décevantes surprises, et les leçons de faits lui profitèrent bien peu. Animé d’un grand esprit de foi, il n’attendait que de Dieu seul la récompense de son inaltérable dévouement.
Souvent il parut exigeant et sévère à l’égard de ses ouailles et de ses confrères mais il le fut d’abord envers lui-même et tout particulièrement pour conserver intacte le suave parfum de la chasteté sacerdotale. Sa vigilance attentive ne négligeait aucune des précautions conseillées par les Saints pour sauvegarder cette vertu délicate non seulement aux regards de Dieu, mais aussi dans l’estime des hommes. De là un cer¬tain cachet d’austérité que les gens du monde, plus encore que nous retrouvaient toujours, même au cours de ses plus joyeuses conversations.
Pendant cette belle carrière de quarante ans d’apostolat, notre confrère ne s’arrêta jamais, que je sache à l’idée d’un retour au pays natal, bien qu’une correspondance très assidue témoigne de sa profonde affection pour les siens. Grâce à quelques ménagements, sa santé très ordinaire lui permit de fournir une bonne somme de travail dans les postes de Tourane et Nhatrang et c’est seulement en 1917, que ses forces déclinèrent rapidement. En janvier 1918, après une semaine de séjour à Phanrang sans amélioration sensible, il reconnut la nécessité d’un nouveau séjour à la clinique et se rendit à Saïgon sans se douter qu’il ne reverrait pas son district de Nhatrang. Moins de deux mois après, nous recevions, après une série de télégrammes ne laissant plus aucun espoir, la lettre suivante de notre dévoué procureur, M. Artif.
« Dès son arrivée ici, M. Laurent parut à tous dangereusement malade, bien que le docteur eût l’espoir de prolonger son existence. Il y employa sa science et son dévouement, mais le résultat ne fut pas ce qu’il escomptait. Le malade se disait mieux, en réalité le mal s’aggravait chaque jour, remèdes et nourriture ne servaient à rien, vu que rien n’était assimilé.
« Notre confrère ne convint jamais du danger qui le menaçait, il recevait la sainte communion à peu près chaque jour et il consentit à recevoir l’extrême-onction, persuadé qu’on se trompait sur son état. L’illusion persista les derniers jours alors qu’il n’avait plus aucune force. Jeudi, 28 février, le dénouement se produisit comme il était prévu, rapide et sans agonie. A cinq heures de l’après-midi, sans une plainte, sans une parole, le malade se tourna légèrement sur son lit, les traits s’altérèrent, les yeux se fixèrent, la bouche s’entrouvrit, et ce fut le dernier soupir.
« Hier vendredi, à quatre heures et demie du soir, les confrères voisins étaient réunis à la chapelle du séminaire que remplissaient les élèves. Après l’office et l’absoute donnée par M. Soullard, le corps du défunt fut transporté au cimetière d’Adran.
« Quand il descendit dans la tombe, les ténèbres allaient nous envahir ; mais pour lui le jour n’avait plus de déclin. Dans la lumière du Christ, il contemplait ce qu’il avait cru, espéré, aimé. Semblable à ceux de tous nos morts, son humble monument commencera, dans le cimetière, la cinquième rangée de l’ouest à l’est. La fosse était creusée depuis longtemps ; selon la tradition, elle attendait son hôte venu de Cochinchine Orientale (1). L’hôte est venu, comme étaient venus MM. Herrangt en 1863, Chambost en 1886, Fourmond en 1902, Bruyère en 1912.
« Les chrétiens de Nhatrang n’ont pas la consolation d’aller prier sur la tombe de leur père bien aimé, mais tous, Français et Annamites, qui l’ont eu comme pasteur, gardent le souvenir du saint prêtre et zélé missionnaire que fut le P. Joseph Laurent. »
(1) Cette phrase de M. Artif souligne un détail en effet assez curieux : sans parler de Mgr Charbonnier, Vicaire Apostolique de notre mission, qui repose auprès de Mgr d’Adran à l’intérieur du monument, c’est un missionnaire de Cochinchine Orientale qui occupe jusqu’ici la première tombe de chacune des lignes du cimetière des missionnaires à Saïgon : 1re ligne M. Herrangt ; 2e ligne M. Chambost ; 3 ligne M. Fourmond ; 4e ligne M. Bruyère ; 5e ligne M. Laurent.
References
[1304] LAURENT Joseph (1852-1918)
Références biographiques
CR décembre 1876 p. 46. 1886 p. 199. 1890 p. 128. 1891 p. 158. 1892 p. 181. 1894 p. 211. 1895 p. 216. 1896 p. 202. 203. 1897 p. 165. 1898 p. 167. 1899 p. 189. 1900 p. 157. 405. 1901 p. 158. 1903 p. 177. 1905 p. 160. 1907 p. 410. 1910 p. 179. 1914 p. 89. 1918 p. 77. 78. 80. 198. 1919 p. 144. 168.
Février 1994